UNIVERSCOMICS #23 DE MAI 2022 : LA MAGIE DES COMICS



UniversComics Le Mag' #23
Le webmensuel comics BD gratuit
Mai 2022. 84 pages.
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#Lire en ligne :
LA MAGIE DES COMICS
Sommaire :
* Dossier la magie dans les comics de super-héros
* Conseils de lecture : histoire(s) de magie!
* #AnthonyHuard analyse 15 épisodes brillants de la Sorcière Rouge et vous livre ses secrets.
* #DoctorStrange, origines et fin, retour sur cette œuvre avec #AlexandreChierchia
* #Valentina de #GuidoCrepax star des fumetti, dans une intégrale magnifique chez Dargaud. On vous explique, dossier spécial.
* Le cahier critique, les sorties du mois d'avril, avec un tour chez des éditeurs comme Panini Comics France Urban Comics Delirium Éditions Delcourt 404 Comics et chez Disney+ pour #MoonKnight
* Preview. Il arrive, le voici, le second tome de #Copra de #MichelFiffe chez #Delirium
* Preview double dose, avec le nouvel artbook de #BenjaminCarret "Dark side of the book 8"
* Le meilleur de la Bd avec le podcast Le Bulleur
* Le portfolio nouvelle formule. L'artiste du mois de mai est Ash Rush, on part à sa découverte.
* Les sorties VF du mois de mai, notre sélection.
Cover de #JinWookLee et élaboration graphique du Mighty #BenjaminCarret
#DoctorStrange est au cinéma, profitez-en.
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VALENTINA : PREMIER TOME D'UNE INTÉGRALE MAGNIFIQUE CHEZ DARGAUD


Si vous recherchez au moins deux raisons évidentes pour avoir d'emblée l'envie irrésistible d'investir dans cette intégrale de Valentina en 12 volumes, il suffit de dire les choses suivantes : tout d'abord, pour la première fois, voici venir une publication en couleurs, entièrement supervisée par la Fondation Crepax, ce qui permet de jeter un regard nouveau sur des histoires qui ont marqué le neuvième art, dès la fin des années soixante. Ensuite, la qualité de l'édition de Dargaud, absolument irréprochable, avec tout un attirail de bonus, de commentaires, d'analyses, qui rendent ces volumes absolument précieux. Un travail de recherche, d'adaptation, de classement, de tout premier ordre. C'est donc avec un plaisir indéniable que nous avons entre les mains le premier tome de l'intégrale, là où Valentina commence à vivre ses aventures, dans un premier temps dans le rôle d'un personnage secondaire d'une série qui n'est pas censée être la sienne. Valentina n'est qu'une jeune photographe longiforme et attrayante, et en apparence seulement, ingénue. Sa plastique remarquable est calquée sur celle de l'actrice Louise Brooks (Loulou, c'est elle) mais aussi sur l'épouse de Guido Crepax, l'artiste vénitien. Une coupe à la garçonne avec de jolies franges, une tendance à l'onirisme débridée qui débouche la plupart du temps sur des songes érotiques, une attention à la mode de l'époque, avec de fréquentes incursions dans le sado masochisme, voici venir une héroïne hors norme, ou tout du moins qui bouscule les codes. Dans un premier temps, Valentina est donc la petite amie d'un certain Rembrandt, critique d'art dont les réceptions sont truffées de poseurs qui devisent sur tous les domaines possibles. Mais l'intellectuel cache un homme d'action, un justicier à super pouvoirs (et oui!) du nom de Neutron. Son regard est capable d'hypnotiser ses adversaires, de les figer, sans qu'ils en soient conscients. Mieux encore, il peut exercer à distance, à travers des miroirs ou des écrans, et ses dons fonctionnent aussi sur des objets mécaniques, comme un moteur d'hélicoptère. Neutron que nous retrouvons en Italie, au Grand prix de Monza, avec pour mission de sauver un célèbre pilote de formule 1 victime des machinations d'un homme d'affaires véreux, qui manipule son épouse, une splendide créature habituée à empocher l'héritage une fois devenue veuve. 




Il faut être exigeant et fin connaisseur pour pouvoir aimer le travail de Guido Crepax, ce qui fait son charme, sa pertinence. Son gros point fort, c'est sa capacité à innover, à truffer ses planches de très nombreux points de repères culturels et historiques, qui en font des objets d'art qui doivent être relus et observés attentivement pour être pleinement appréciés. Parfois, c'est juste la dynamique de l'action, comme la première rencontre de Rembrandt et de Valentina, quand cette dernière apparaît à travers l'emploi de gros plans sur différentes parties de son visage, comme pour souligner le coup de foudre imminent; d'autres fois, ce sont des reconstitutions de batailles historiques ou de moments importants de l'histoire (comme ici avec la Russie Impériale), ou tout simplement l'insertion de personnages réels dans la scène, appartenant au milieu artistique, qui permettent de pleinement appréhender le travail de l'artiste. Si la première aventure présente dans cette intégrale reste d'une facture assez classique, la seconde explose les codes du genre et se révèle être à la fois un délire onirique et un récit hautement raffiné. Valentina se perd dans des souterrains et elle est enlevée par un peuple mystérieux, qui n'est pas sans rappeler celui de l'Homme Taupe par exemple, chez Marvel, ou bien encore le célèbre Voyage au centre de la terre de Jules Verne. Neutron vient alors à sa rescousse, et le couple (libre, faut-il insister sur ce point ?) lutte farouchement pour échapper à ses ravisseurs, en compagnie d'un troisième larron. Tous ensemble, ils s'enfoncent d'avantage dans les tréfonds de la Terre, et au bénéfice d'un tremblement de terre inattendu, ils finissent par remonter et déboucher en Russie, chez les "Soviets", dans une maisonnée où les habitants vivent en ignorant les conséquence de la révolution bolchévique. Valentina passe le plus clair de son temps entre songe et réalité, elle s'évanouit, s'égare dans les méandres de sa pensée, devient l'objet de séquences érotiques au parfum de souffre, dans lesquelles s'alternent fouets, cuissardes, chaînes, bondage, sévices raffinés (qui semblent toutefois déboucher sur le plaisir). Mais jamais la vulgarité se s'impose, c'est toujours, au contraire, une recherche continuelle de l'esthétique et du symbolisme qui sont au centre des préoccupations de Crepax, qui innove avec des planches qui sans rodomontades, participent à une relecture de la bande dessinée érotique. Un modus operandi qui dans un premier temps sera répudié par les mouvements féministes, avant d'être définitivement adoubé. Le tout est publié dans un ouvrage de très grande et belle facture, rappelons-le, que ce soit le grammage du papier, les couleurs (quelle belle surprise inédite) ou le contenu extra, qui offre des clés de lecture pertinentes et bienvenues. Ce premier tome est disponible, et dans le même temps le second est lui aussi en librairie (sur douze). Totalement indispensable. 



On parle aussi de Valentina (dossier six pages) dans : 


STRANGE ADVENTURES : SUPER-HÉROS EN DISGRÂCE


 Adam Strange n'est pas seulement un super-héros, membre de la Justice League, c'est aussi un héros de guerre. Pas pour notre planète mais pour Rann, une lointaine civilisation perdue aux confins de l'espace, sur laquelle il est régulièrement téléporté, par la grâce des rayons Zeta. Là-bas, c'est une gloire planétaire, reconnue de tous. Il a épousé la fille du souverain local, la magnifique Alanna, avec laquelle il a eu une petite fille, Aleea. Cette dernière semble malheureusement disparue lors du grand conflit qui opposa les habitants de Rann à la race d'envahisseurs des Pikkts. Ces ennemis terrifiants ont finalement été défaits et c'est Adam Strange qui a mené la bataille. Aujourd'hui, il semblerait qu'ils menacent également la Terre! Du côté de la belle planète bleue, les choses suivent leur cours. Adam Strange est parmi nous, pour la promotion de sa biographie "Strange Adventures" dans laquelle ses exploits sont présentés au public, qui par ailleurs s'arrache l'ouvrage dans toutes les les librairies où des signing sessions sont organisées. Des lecteurs qui viennent témoigner à quel point ils sont touchés, ou admiratifs, sauf un type un peu dingue et furieux, qui accuse ouvertement Adam d'avoir menti sur les véritables termes de la guerre contre les Pikkts, et d'être en fait un individu bien peu reluisant. Les réseaux sociaux s'emparent de la scène, qui devient virale et sème légèrement le trouble. Le lendemain, l'accusateur est retrouvé mort, la tête explosée par une arme inconnue, mais d'une technologie fort avancée, comme celle qu'Adam utilise sur Rann... Bref, cette fois l'opinion publique s'emballe, et la réputation de celui qui semblait au dessus de tout soupçon risque d'en pâtir. Rien de tel qu'une bonne enquête pour prouver à tous qu'il est innocent, mais Batman refuse de la mener, et préfère confier la tâche à un de ses alliés, Mister Terrific, dont le savoir incommensurable et la coolitude affichée sont des atouts de poids dans la recherche de la vérité. Quitte à aller sur Rann, et interroger tous les amis et compagnons d'arme possible, pour en savoir plus... 



Au départ Adam Strange est le promoteur de cette enquête. Mais bien vite il comprend que les résultats pourraient lui déplaire, d'autant plus que les questions insidieuses sur sa fille le gênent aux entournures. C'est là que le récit de Tom King devient malsain à souhait, et machiavélique. On commence à douter peu à peu de la sincérité du héros, de la probité de sa femme et de sa belle famille, et surtout le soupçon s'installe : et si en fait de grand défenseur de la planète Rann, Adam Strange n'avait été qu'un guerrier sanguinaire, ou le jouet de jeux de pouvoirs trop grands pour lui? Tom King réussit le tour de force, une fois encore, de faire voler en éclats le mythe du super-héros, ce vernis de façade, cette histoire un peu naïve du terrien envoyé au plus profond du cosmos, sur une planète inconnue, où il devient une gloire locale, le héros de deux mondes. La réalité, celle qui n'est bonne que pour soi, qui ne doit jamais être révélée aux autres, avec tout ce qu'elle peut contenir de faiblesse, de tourments, de compromissions, de noirceur. Le discours est à étendre à ce que signifie mener une guerre. Il est aisé d'adopter un comportement respectueux, une retenue humaniste, quand quelqu'un accepte de se salir les mains pour le bien commun, quand les caméras sont éteintes et que les bien pensant détournent le regard. C'est aussi une réflexion sur le couple, ce qui le consolide, ce qui le répare, ou ce qui peut le faire imploser, définitivement. C'est tout simplement brillant, sans concession, avec cette dose d'amertume et de cynisme qui fait de Strange Adventures un autre de ces récits post modernes de référence, où l'idée même du super-héros est malaxée et digérée, où l'individu n'est plus qu'un homme, avec ses qualités et ses insondables profondeurs.  L'ensemble est divisé entre Evan "Doc" Shaner et Mitch Gerads, qui s'occupent chacun du temps passé (Rann) et présent (la Terre) et leurs dessins splendides, bien que différents (aussi bien dans la technique que dans la manière d'aborder le réalisme ou les textures. Mention spéciale à Gerads qui est excellent sur ce dernier point) contribuent avec brio à l'ambiance de ce thriller géopolitique et super-héroïque, qui ne vous laissera pas indifférent, et qui vient de paraître sur le black Label d'Urban Comics voici quelques jours. Une des lectures fondamentales de ce printemps. 





EVERYTHING : LE GRAND MAGASIN TERRIFIANT DE CHRISTOPHER CANTWELL


 Nous sommes au début de la décennie des années 80, dans la petite ville pas très glamour de Holland, en plein Michigan. L'attraction du moment, c'est l'ouverture d'un méga centre commercial dont le nom est en soi tout un programme : Everything. La promesse est littéralement de permettre à chacun d'y trouver absolument tout ce dont il a besoin, y compris (voire surtout) ce qu'il ne savait pas désirer, ou qui relève du superflu le plus élémentaire. Christopher Cantwell annonce l'événement, pour autant c'est avec le destin croisé de quelques individus, des tranches de vie saisies sur le vif, qu'il amorce son récit. Lori est une femme un peu paumée, qui n'hésite pas à baigner son petit-déjeuner dans la vodka, et qui suite à un drame professionnel (explicité dans le quatrième épisode) est à la recherche du bonheur, ou tout du moins, voudrait ne plus être si triste et souffrir. Remo Mundy est pour sa part un ado qui se fait battre par son père, qui l'accuse d'être un bon à rien qui ne cherche pas à entrer dans la vie active. Eberhard Friendly est de son côté le gestionnaire de la ville de Holland; il habite juste à côté, à Macatawa, et vit une illusion de bonheur conjugal. C'est lui qui est appelé à inaugurer le centre commercial Everything avec ses belles paroles mielleuses. Là-bas, il va croiser le chemin de Shirley, une des gérantes, qui cherche à faire le bonheur de tout le monde, et affiche un horripilant optimisme de façade. L'intrigue joue alors la carte "ambiance David Lynch - Twin Peaks" et offre au lecteur toute une série d'événements dramatiques, qui en apparence ne présentent aucun lien entre eux. Un sans domicile fixe est retrouvé carbonisé sur un banc, le jeune Remo plonge pour sa part dans le fleuve avec sa voiture, et se noie... Lori entend d'étranges mélodies et semble comme hypnotisée par les couleurs criardes qu'arborent Everything. Eberhard échappe lui à la mort, puis dépérit lentement mais sûrement, alors que sa vie se délite... Everything (le comic book) nécessite clairement une période d'adaptation, et mise sur la durée pour révéler ses mystères, et donc son charme, plutôt que sur le départ lancé. D'ailleurs on se prend rapidement à penser que cette série se déguste avec bien plus de pertinence sous forme d'un pavé relié. Bonne pioche pour nous lecteurs français, qui avons les épisodes 1 à 10 d'un coup, chez 404 comics. 




Le mystère dans Everything est tout. Il est probablement une fin en soi, puisque l'ambiance, la sensation d'étrangeté et d'horreur diffuse prend le pas sur les causes profondes, qui restent souvent assez nébuleuses. On assiste aux doutes et à "l'enquête" d'un vendeur de matériel hi-fi, qui a perçu des harmoniques sonores singulières dans la ville de Holland. On s'interroge sur l'identité réelle de ceux qui gèrent le grand magasin derrière les coulisses, et qui peut bien être Shirley, qui se cache derrière ce sourire de façade et cette volonté de toujours aider les autres à atteindre le bonheur (illusoire?). Le bonheur, pour un américain du début des années 80, est fils des années Reagan, c'est à dire cette impulsion à la (sur)consommation qui allait bien vite dévorer les âmes, les consciences, sans compter les porte-monnaie. L'apparition de ces monstrueux temples de la consommation n'est que le premier pas vers une transformation complète de nos habitudes, geste précurseur de ce que sera dès lors le géant Wall Mart, puis Amazon, qui désintègre jusqu'aux rapports physiques pour laisser pénétrer Everything...directement chez vous. Cette critique surréaliste et angoissante de ce que nous vivons aujourd'hui est faussement tenue à distance par le dessin en apparence naïf de Ian Culbard, qui se pare aussi de couleurs un poil trop criardes ou artificielles, au service donc d'un discours qui veut que la patine clinquante ne soit que la vitrine d'un mécanisme sordide, terrifiant, quand on y place le bout du nez. Capable de vraiment dérouter car pas forcément accessible à toutes et à tous lors d'une lecture superficielle, Everything est une des sorties "indépendantes" majeures de cette année, proposée qui plus est dans un bel écrin, une édition savamment soignée, disponible chez 404 comics. Quand on pense que les américains ont lu les premiers numéros un mois après l'autre, et les reste d'un coup, en volume, avec une pause covid entre les deux, on mesurera notre chance, pour ce coup. 





LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : PIGALLE, 1950


 Dans le 126e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Pigalle, 1950, album que l’on doit au scénario de Pierre Christin et au dessin de Jean-Michel Arroyo, édité chez Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album La saison des pluies que l’on doit à Keum Suk Gendry-Kim et aux éditions Futuropolis

– La sortie de l’album Goat mountain adapté d’un roman de David Vann avec un scénario d’O. Carol, un dessin de Georges Van Linthout et c’est édité chez Philéas

– La sortie de l’album Waco horror : Elizabeth Freeman, l’infiltrée que l’on doit au scénario de Lisa Lugrin et Clément Xavier, au dessin de Stéphane Soularue et c’est édité chez Glénat

– La sortie de l’album Une vie en parallèle que l’on doit à Mathias Lehmann et aux éditions Steinkis

– La sortie de l’album Les frères Michelin, une aventure industrielle que l’on doit au scénario de Cédric Mayen, au dessin de Fabien Nappey et aux éditions le Lombard

– La sortie en intégrale de la série Miss octobre que l’on doit au scénario de Stephen Desberg, au dessin d’Alain Queireix et c’est édité chez Le Lombard






SCURRY TOME 2 : LA FORÊT IMMERGÉE


 Scurry est de retour, et c'est une bien bonne nouvelle, tant cette série nous a plu l'an dernier. Pour rappel, il s'agit d'un monde où les humains semblent avoir disparu et où les animaux sont désormais livrés à eux-mêmes, pour survivre et trouver de la nourriture. Nous suivons en particulier une colonie de petite souris, deux personnages plus précisément du nom de Wix et Pict. La seconde citée vient de s'enfuir, mais elle a été capturée par une fauconne, qui l'emporte bien loin vers la montagne. Le petit Wix pour sa part, qui est secrètement amoureux d'elle, met tout en œuvre pour la retrouver. Pendant ce temps, une machination politique est ourdie dans la colonie des souris, afin de contraindre ses habitants à abandonner le refuge, pour tenter de trouver de quoi subsister dans la ville abandonnée. L'échiquier politique des humains est reconstitué à dimension animale; on y trouve les mêmes manigances, les mêmes conflits d'intérêts, et cela se mêle à un récit intime et d'aventure, où on tremble pour deux petites créatures en apparence sans défense, immergées dans un monde particulièrement cruel. Car oui, le règne animal, cela peut sembler plein de tendresse et d'émerveillement au premier regard, mais les animaux entre eux n'ont que faire des bons sentiments lorsque vient le moment de se nourrir et de se remplir la panse. Les faucons capturent les souris et sont attaqués par les corbeaux, les loups rôdent dans les bois et déchirent et broient les proies qu'ils croisent, les castors règnent en maître sur le lac, où ils ont construit un barrage avec l'aide plutôt forcée des autres rongeurs des environs. Avec au final la création d'un lac artificiel qui menace toute la forêt et risque d'avoir des répercussions terribles. Le tout est raconté avec beaucoup de poésie, et en même temps une bonne dose de suspens. Ces bestioles sont mises en images de manière absolument remarquable par Mac Smith. 


La leçon de mise en page confine au talent cinématographique. Pour nous faire vibrer, frissonner, avec les mésaventures de ces souris perdues dans une nature hostile, Mac Smith sait jouer avec grande habileté de toutes les cordes possibles, c'est à dire le cadrage, la perspective, les effets de mise à distance, le dynamisme Chaque planche est un mini récital, qui donne une impression de réalisme incroyable, pourtant obtenue à partir d'un dessin traditionnel (pas de swipe facile, l'artiste est simplement doué!). Dans ce second tome, de nouveaux animaux s'ajoutent au cast, entre une tortue massive, un élan majestueux, des renardes sorcières bien étranges, des écureuils, les castors, un serpent... Et le mieux dans tout cela, c'est que chaque brique s'ajoute aux précédentes pour former un tout homogène, qui fait sens. Passée la surprise du premier tome, Mac Smith parvient cette fois à ajouter une vraie bonne dose d'aventure à l'état pur. Il y est question d'être traqué, de construire un barrage, d'échapper au déluge qui vient, et chaque fois c'est l'ingéniosité, le courage, et une bonne dose de chance, qui vont venir au secours de petites souris qui ne baissent jamais les pattes. En fin de volume, vous trouverez un cahier de croquis fort pertinent, où il est possible de constater à quel point les crayonnés de Smith sont beaux. L'artiste vous présente lui-même les nouveaux animaux ajoutés à son bestiaire magnifique, et on tourne la dernière page avec une seule et unique envie, vite avoir entre les mains le troisième et dernier tome d'une trilogie recommandée pour tout le monde! 



MOON KNIGHT : BILAN CONTRASTÉ POUR LE CHEVALIER LUNAIRE


 Quand j'étais adolescent, à la fin des années 80, il y avait trois personnages Marvel que j'aurais rêvé de voir adaptés sur grand ou petit écran. Daredevil, le Punisher, et pour finir Moon Knight. Pour les deux premiers c'est chose faite, et grâce à Netflix, on peut même considérer que le pari a été remporté haut la main. Restait donc à trouver la bonne incarnation pour le Chevalier de la lune, et là, c'est une autre paire de manches, car il faut être sincère, ce n'est pas le personnage le plus facilement identifiable de l'univers Marvel, pour le grand public. Mais ces temps derniers, tout est permis; l'impression est qu'à terme nous allons retrouver au sein de l'univers cinématographique la quasi-intégralité des héros et méchants qui peuplent nos bandes dessinées. D'entrée de jeu, le premier épisode annonce la couleur et se veut plutôt rassurant. Tout d'abord car Oscar Isaac est un acteur de grande qualité, qui convient très bien à un individu aussi torturé et fragmenté que peut l'être Moon Knight. Il suffit de plonger brièvement dans son regard pour prendre le pouls de ce qui se trame dans sa tête. Nous faisons la connaissance de Steven Grant, qui vend des souvenirs dans la boutique d'un grand musée de Londres (la National Gallery). Sa passion pour la culture égyptienne est son plus grand atout, dans un lieu où bien des pièces historiques sont répertoriées et offertes au public; par contre son instabilité mentale est un vilain défaut invalidant. Le type souffre d'insomnie et de crise de somnambulisme, au point qu'il lui est nécessaire de s'attacher au lit au moment de dormir. Il a également des crises psychotiques et ce qui semble être de terribles visions, qui convoquent créatures de la mythologie égyptienne et dangers bien réels. Face à celui-ci, quand il est sérieusement menacé, Steven constate dans le reflet des parois réfléchissantes à sa portée qu'il y a une autre personnalité enfouie en lui, celle de Marc Spector, un mercenaire rompu au combat à mains nues et à l'usage de toutes les armes, capable de se tirer des pires situations, en utilisant les moyens les plus extrêmes. Oui mais voilà, lequel des deux est l'original? Ce qui est en train de bouleverser la vie de Steven, est-ce la réalité, ou simplement de la folie? Et cette Layla qui débarque chez lui et prétend être la femme de Marc Spector, puis qui lui intime de cesser de jouer la comédie et d'abandonner cet accent  anglais affecté, qui normalement ne le caractérise pas, qui est-elle vraiment ? La série joue habilement sur les hallucinations, les ellipses narratives qui sont aussi autant de tranches de vie volées, la fragmentation d'une réalité qui n'apparaît jamais comme telle, mais comme une possibilité, une interprétation, qui est sujette à remise en cause totale, en un raptus. 



S'il y a par contre un point qui est plutôt déroutant, mais finalement amplement prévisible, ce sont les incursions de l'humour au sein d'une trame qui devrait être principalement dramatique. Même en présence de créatures cauchemardesques, ou embarqué dans une course-poursuite meurtrière au volant d'un véhicule, les blagues et autres trouvailles cocasses rythment les mésaventures d'un Steven Grant dépassé, qui n'a pour porte de sortie que l'effacement, au profit de Marc Spector, donc de Moon Knight. Le costume apparaît lui de manière surnaturelle, et change à l'instant, selon celui qui le porte. Si on apprécie fortement de voir également la version "Mister Knight" adaptée à l'écran, on regrette cependant qu'il soit montré comme un pitre, dans les grandes largeurs. Même Khonshu, prétendu dieu lunaire égyptien, peine à transmettre ce sérieux noble et grandiloquent qui devrait être le sien; nous sommes bien loin des sombres atmosphères de Moench et Sienkiewicz, lorsque le personnage de Moon Knight gagna ses galons au sein du panthéon du genre. Reste le méchant de l'histoire, qui à ce point est un ancien "héraut" de Khonshu, Hollow (Ethan Hawke), qui depuis a entrepris de servir le pouvoir terrifiant de Ammit, une autre divinité, bien plus maléfique. Et c'est là que la série s'embourbe notablement. Les épisodes trois et quatre sont principalement des versions bon marché d'Indiana Jones en Egypte, où le spectateur doit jongler entre ésotérisme de pacotille et moments de tension assez convenus (des glissades au bord du précipice, des combats plutôt stériles...). On arrive même à un désintérêt presque total à la croisée de ces deux segments, tant on peine à avancer, malgré quelques maigres révélations sur l'origine des rapports entre Layla et Marc Spector. Comme toujours, Steven Grant est alors un simple prétexte à des gags épuisants (comme avec le tombeau d'Alexandre le Grand) et quelques scènes flirtent avec l'embarrassant. La reste par contre relève d'un coup la barre, avec cette fois un scénario qui s'en va puiser à pleines mains dans les travaux récents (et splendides) de Jeff Lemire. C'est là que la folie intrinsèque du personnage peut exploser, c'est là que tout à coup le spectateur également doit revoir sa copie, reformuler ce qu'il pense savoir, et c'est le meilleur moment de la série, la transition qui lui permet enfin de correspondre à nos attentes, et de mériter qu'on achève ce voyage fantasque et fantastique, dans la fragmentation de l'individualité, d'un héros qui n'en est pas forcément un. Moon Knight ne restera pas comme la meilleure série présentée sur Disney +, pour avoir trop voulu étreindre, quitte à emprunter des chemins de traverse sans charme, réalisant des détours inutiles, voire nuisibles. C'est dommage, car certaines fulgurances sont bel et bien réelles, elles, et avec un peu plus de sérieux, et un peu moins de blagounettes, il y avait matière à laisser un excellent souvenir. 




Le temps que nous y sommes, découvrez la série de McKay et Cappuccio en vidéo ! C'est le dernier Moon Knight en date, bientôt chez Panini. 

PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

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