SUPERMAN #1 : DAWN OF DC ET LE RETOUR DE SUPERMAN


 L'heure est venue de revenir à quelque chose de plus classique et rassurant pour les lecteurs. On retrouve donc un Superman placé dans un contexte plus ou moins connu de tous. Le héros a repris ses marques à Metropolis, aussi bien en temps que défenseur officiel de la ville (lors d'un combat contre Livewire, à l'occasion d'un mariage en péril) qu'en tant que le journaliste Clark Kent, sous les ordres directs de la nouvelle rédactrice en chef provisoire du quotidien Daily Planet, l'inénarrable Lois Lane. Lorsque Superman est aux affaires, c'est-à-dire occupé à combattre un ennemi, il entend désormais la petite voix de Lex luthor, pourtant prisonnier, qui lui donne des conseils sur la meilleure manière de défaire son opposant. Bien évidemment, nous sommes très loin du pacifisme et de la compassion que démontrent habituellement l'Homme d'acier. Celui-ci essaie de ne pas écouter et il n'en fait qu'à sa tête. Il apprend également avec surprise que c'est lui qui hérite des entreprises LexCorp, depuis l'emprisonnement de leur grand patron. Pour l'occasion, la compagnie change même de nom, pour être rebaptisée Supercorp, ce qui a le don d'embarrasser un Superman qui n'a clairement pas la fibre entrepreneuriale. L'histoire se corse quand il s'agit de se confronter au Parasite qui se déchaîne en ville; c'est là que Superman va réaliser que non seulement il va devoir protéger le monde de ses ennemis, comme le veut la tradition, mais aussi de ceux de Luthor. Ce dernier, plus machiavélique que jamais, est présenté par Joshua Williamson sous un nouveau jour. Le scénariste a décidément les mains partout et parvient à truffer ce premier numéro de tout un ensemble de nouvelles pistes à explorer, qui en font une parution très dense et en même temps très simple à lire. Le dessin de Jamal Campbell souffre d'une impression un peu froide à première vue, mais l'artiste est capable de réussir de splendides visages avec des expressions d'étonnement ou de plaisir convaincantes. Sa mise en page est audacieuse et il fait vivre tout ce premier numéro avec une maestria évidente. Dawn of DC s'annonce donc sous les meilleurs auspices pour Superman; la série a l'intelligence de rassurer les anciens lecteurs en les faisant revenir au bercail, tout en jalonnant le parcours du retour de sub plots qui devraient les surprendre et les "accrocher" à nouveau. On attend de voir, mais il est clair que les prémices sont plus que bonnes.





RADIANT BLACK TOME 2 : FAIRE ÉQUIPE (MALGRÉ TOUT ?)


 Heureusement que Delcourt a placé en exergue du tome 2 de Radiant Black une page de résumé, qui permet de situer l'action et qui sont les personnages, car autrement le lecteur qui déciderait de prendre l'aventure en route serait totalement perdu. C'est que nous sommes d'emblée dans la suite du premier volume, à savoir un combat sans merci entre les quatre différentes expressions du Radiant, chacune représentée par une couleur différente, et un mystérieux ennemi qui est clairement venu pour les exterminer, au prétexte qu'ils représentent une menace pour notre planète. D'un côté nous avons une totale inexpérience et le manque de coordination des héros, puis de l'autre un adversaire très coriace, qui parait beaucoup plus maître de lui et qui de surcroît à la fâcheuse capacité de se recharger en puisant dans l'énergie des Radiant. Les combats sont spectaculaires avec une mise en couleur qui oscille entre le magnifique et l'impression d'en faire un peu trop, au point de flirter avec les limites du lisible. Néanmoins Marcelo Costa (et Natalia Marques) a vraiment un talent indéniable quand il s'agit de faire sauter les planches à la figure du lecteur, et c'est en effet un comic book survitaminé qui nous est donné ici à lire. Mais pas que, car le scénario de Kyle Higgins est aussi capable de nous émouvoir, notamment la relation entre les deux amis Nathan et Marshall. Le premier est à l'hôpital, dans le coma, et vraisemblablement il ne se réveillera plus; son pronostic vital est engagé. Le second a donc récupéré l'énergie du Radiant Black et il tente de faire de son mieux pour qu'on pardonne ses bêtises, tout en en voulant à mort à la jeune Satomi (Radiant Red), qui est responsable du drame de son ami. Une relation amicale d'ailleurs très forte qui donne lieu à des scènes touchantes dans la chambre d'hôpital, avec l'espoir qui s'amenuise au fil des jours, jusqu'à la grande décision de tout tenter, d'aller au-delà de l'univers connu, d'exploiter des pouvoirs encore mal maîtrisés pour faire revenir celui que tout le monde estime être perdu. Au passage, cela signifiera aussi affronter la vérité, la vérité vraie, celle que l'on se cache parfois, de peur de s'y confronter. 



Les quatre individus qui ont reçu chacun des pouvoirs dérivés du Radiant (en touchant une sorte de trou noir qui apparaît dans l'espace-temps) possèdent des personnalités différentes, ce qui permet d'équilibrer les scènes où ils se retrouvent et de créer de la tension, mais aussi de la dynamique dans cette équipe qui n'en est pas une. D'ailleurs, le dernier des six épisodes présents dans ce second volume est consacrée à une jeune fille, Meghan Camarena, qui porte le costume rose. Son activité principale est d'être une influenceuse/streameuse sur Youtube. Toute son existence tourne autour de son travail sur les réseaux et il suffit d'une simple panne de micro pour que elle ne puisse plus répondre aux attentes de ses fans. Le détail est important car c'est en voulant se procurer un nouvel appareil que sa vie va basculer définitivement. On notera une volonté farouche de Higgins de faire parler ses personnages comme de véritables jeunes, quitte à caricaturer exagérément les expressions et les tics de langage. C'est particulièrement flagrant dans le dernier épisode mais c'est aussi quelque chose dont on se rend compte dans les cinq précédents; il y a par endroits quelques petits détails au niveau de la traduction qui nous font tiquer, pour être parfaitement honnête. Appartenant à la génération des quadras, voire même désormais des quinquas (quasiment), j'ai toujours du mal avec ce français, lorsqu'il est aussi maltraité, mais j'ai toutefois bien conscience que c'est aussi une réalité irréversible. Dernier point, cette série se voudrait être une sorte d'antidote pour ceux qui sont en manque de "Invincible" (la série de Kirkman) ou qui aimerait retrouver l'esprit des comic books d'antan, comme par exemple les premiers pas de Spider-Man. C'est vrai qu'il y a un côté rafraîchissant et juvénile dans cette histoire, mais tout ceci est fortement parasité par un scénario beaucoup plus complexe qu'e ce qu'on pourrait deviner, avec des enjeux qui tardent à réellement se dessiner, au point qu'à certains moments l'histoire se fait même un peu brouillonne. Radiant Black est donc assez paradoxal : il y a un énorme potentiel dans ce titre, les pages sont réellement accrocheuses et donnent envie de s'y plonger, mais nous sommes toujours à la croisée des chemins, c'est-à-dire en équilibre entre une grande réussite promise à un avenir brillant et quelque chose qui vise un peu trop haut et risque de redescendre, tel un soufflet avorté. On attend le tome trois pour se prononcer avec plus de justesse.





NEWBURN TOME 1 : LE POLAR DE CHIP ZDARSKY CHEZ URBAN COMICS


 Quand vient le moment d'écrire un nouveau polar, la première chose à faire est probablement de proposer un personnage central charismatique, intrigant, capable de se débrouiller dans les situations les plus complexes. Easton Newburn est de cette trempe. Cet ancien agent des forces de l'ordre de New York a finalement abandonné la police pour le rôle très ambigu d'avocat/détective privé au service de la pègre. Pour être plus précis, ce sont les différentes familles mafieuses de la ville qui règlent ses émoluments, à chaque fois qu'elles ont besoin de ses services. Un meurtre est commis, la tension monte entre plusieurs factions criminelles, c'est alors à Newburn de déterminer qui est le coupable ou de trouver une solution pour apaiser les esprits. Et jusqu'à présent, il exerce ce nouveau sacerdoce avec une grande maîtrise de soi et des résultats toujours convaincants. Sorte d'Humphrey Bogart ou de Cary Grant moderne, il parvient toujours à utiliser ses informations comme de véritables armes et son pouvoir de déduction est immense. Si Easton préfère opérer en solitaire, il va cependant recruter une charmante jeune femme afro-américaine prénommée Emily, qui cache elle aussi un lourd secret, révélé dans les deux derniers épisodes de ce premier tome. Newburn travail vite et bien mais il est en permanence contraint d'effectuer un numéro d'équilibriste, sur un fil tendu au-dessus d'un précipice immense. Tout le monde a besoin de lui, tôt ou tard, mais en réalité, il semblerait que ce soit notre homme qui utilise les autres. Un chef Yakuza est assassiné, un des héritiers d'un clan italo américain est liquidé chez lui, une vague de crime au motus operandi identique à chaque fois fait frissonner la ville, la police veut mettre la main sur le meurtrier de l'un des siens, peu importe le problème, Easton est mis à contribution et on compte sur lui pour que tout s'arrange. Chip Zdarsky empiéterait-il sur les plate-bande du maître en la matière, à savoir l'extraordinaire Ed Brubaker?



Quiconque a récemment lu les aventures d'Ethan Reckless (publiées chez Delcourt) pourra faire un rapprochement entre les deux univers. Dans cette manière de partir d'un fait brut, de le disséquer, d'en approfondir les ramifications, de filtrer tout ça à l'aune d'un personnage isolé et perspicace. Sauf qu'ici Newburn est moins désemparé; c'est un type qui a une carrure et des états de service qui forcent le respect, et c'est aussi un des points de repère décisifs de l'organisation sociale et criminelle de la ville. Dans un accès de rage inédit, il finit d'ailleurs par l'affirmer, New-York est à lui ! Dans un premier temps, Zdarsky nous laisse à penser que les différentes affaires qui impliquent son personnage n'ont pas de véritable lien, mais c'est une illusion, car au fur et à mesure des pages, l'ensemble commence à prendre forme et tisse une toile d'araignée complexe et inéluctable, qui enserre et unit les différents protagonistes. Dès lors, chaque pas doit être effectué avec une grande prudence; un accident survenu dans le passé, une information tenue secrète, tout fait sens et peut déboucher sur des conséquences aussi inattendues que tragiques. Le récit est mis en image par un autre grand habitué du genre, lui aussi concerné par notre comparaison avec Reckless. Jacob Phillips est en effet le fils de Sean, le dessinateur de l'autre grand polar du moment, dont il est de surcroît… le coloriste ! Pour Newburn, il se charge de tout, du lay-out aux couleurs. Si la maîtrise semble un ton encore en dessous de celle du paternel, on en approche déjà le niveau sidéral. Nous apprécions particulièrement cette décision évidente de ne pas tenter d'appliquer un jeu d'ombres et de lumières en tout point respectueux de la véracité canonique, mais plutôt de créer une tension, une ambiance aussi feutrée que suffocante, par l'application de touches contrastées, qui débordent régulièrement des contours ou des limites attendus. Le style est carré, sans fioriture, suffisamment âpre pour évoquer à merveille cette violence rentrée qui n'attend que le bon prétexte pour exploser. Newburn se lit vite et sans reprendre son souffle; ce premier tome a déjà tous les airs d'un petit classique, avec un protagoniste qui s'immisce sans le moindre effort au panthéon récent du genre. Pour dix euros, prix de découverte jusque fin avril, c'est une affaire en or ! 





GHOST WORLD : L'ADIEU À L'ADOLESCENCE PAR DANIEL CLOWES


 Les protagonistes de Ghost World sont deux jeunes filles en dernière année de lycée, et le moins que l'on puisse dire, c'est que leur existence n'est pas des plus passionnantes. Elle est rythmée par des micros événements que Daniel Clowes utilisent savamment, pour décrire l'ennui, l'absurde, avec humour et discernement. Enid est sarcastique, voire très souvent cynique, et son sens de l'observation est enrichi par une ironie décapante, quand elle porte un peu d'intérêt au monde qui l'entoure. Sa meilleure amie s'appelle Rebecca, c'est une petite blonde qui a tendance à vivre dans l'ombre de son "binôme". Enid est d'humeur changeante, tout comme d'ailleurs ses cheveux, qui peuvent adopter de nouvelles coupes/couleurs; à défaut d'avoir une opinion sur tout, elle a surtout des opinions. Elle commente en continuation tout ce qui passe à la télé, les relations avec les garçons ou tout simplement ce qui lui tombe sous la main. Nous tenons là un duo parfait pour s'attarder sur ce qui constitue aux États-Unis, dans les années 90, la génération X. Une génération qui n'est pas parvenue à s'imposer et qui a donc accepté assez rapidement la domination des aînés, les baby boomers, plus nombreux, plus entreprenant mais aussi socialement mieux établis,  avec des perspectives plus alléchantes. Nos deux héroïnes par exemple ne semblent pas être très pressées d'entrer dans l'âge adulte… et pour cause, elles n'ont aucune illusion sur ce que cela signifie et leurs attentes semblent déjà mornes et désabusées, alors qu'en réalité l'existence ne fait que commencer pour elles. Peut-on être déjà déçu par une expérience avant même de l'avoir éprouvée ? Il semblerait alors que oui. Clowes  utilise le regard de ces deux spectatrices non agissantes pour dépeindre la réalité quotidienne avec un ton très caustique. C'est aussi l'occasion de prendre des petites revanches personnelles, comme lorsque Enid consulte une revue appelée Sassy, qui avait commis le crime de lèse majesté de publier un dessin de l'auteur, sans sa permission. Bien entendu, à l'âge qu'ont les deux jeunes filles, le sexe et les relations sentimentales occupent une part importante de leurs considérations, quand elles devisent sur le monde qui les entoure. Les jeunes garçons mais aussi les hommes plus mûrs semblent souvent hésiter entre la figure du psychopathe en puissance et celle du loser patenté, et même lorsqu'il s'agit d'une séance de dédicace où Daniel Clowes apparaît en personne, c'est toujours avec de l'irrévérence, du second degré et un poil de défaitisme que ça se produit. 



C'est dans les numéros 11 à 18 de la revue indépendante Eightball que Clowes a publié pour la première fois cette histoire, qui constitue la seconde parution du catalogue de l'artiste chez Delcourt, qui se lance dans la reconstitution de son œuvre, avec la Bibliothèque de Daniel Clowes. Après l'absurde du Gant de velours pris dans la fonte, la désillusion précoce de Ghost World; des débuts réjouissants ! S'agissant d'adolescentes, Enid et Rebecca parlent forcément beaucoup de sexe, comme toutes celles qui ont peu l'occasion de le faire, et elles blatèrent sans hésitation ni tabou. Le sexe est une arme, un besoin et n'a pas grand-chose à voir avec l'amour. Il n'y a rien de romantique dans les relations avec le genre opposé, la vraie relation d'un couple ressemble en fait à celle établie entre Enid et Rebecca. Elle connaît des hauts et des bas, se nourrit de l'influence que l'une exerce sur l'autre, et vice-versa, titille parfois les limites de l'homo sexualité, mais ne franchit pas le pas. Au lendemain de l'annonce de l'éventuelle admission d'Enid à l'université -et donc d'une éventuelle séparation- les choses se corsent réellement pour la première fois. Enid et Rebecca ont constitué un monde fermé, qui commence et finit avec elles, mais nous autres lecteurs savons que tôt ou tard les amitiés changent, se transforment, s'achèvent. Surtout que le jeune Josh est entré dans l'équation, un garçon de dix-neuf ans, le seul qui semble recueillir un peu des faveurs et de l'attention des deux demoiselles, ce qui fera naître chez elles des sentiments différents, jamais éprouvés auparavant. Clowes ne transforme pas cette situation en un triangle amoureux classique de la comédie romantique, mais il en fait plutôt un tournant décisif dans leurs vies respectives. Enid et Rebecca suivront plus ou moins consciemment des chemins différents qui les conduiront à se séparer. L'ensemble est écrit avec justesse, des dialogues justes et ciselés, qui à défaut se se vautrer dans le jeunisme forcené (si Clowes avait proposé cela vingt ans plus tard, qui sait…) font mouche et peuvent même être très touchants. Une lumière quasi irréelle, faite de teintes bleutés et olivâtres, accentue l'idée d'un huis-clos étouffant et répétitif, avec notamment une composition classique et rigoureuse des planches. Au passage, pour être complet, Ghost World est aussi un film, sorti en 2001, avec Thora Birch et Scarlett Johansson. Vous pouvez le voir, pour prolonger l'expérience. 





PHOTON #1 #2 #3 : MONICA RAMBEAU SUPERSTAR


 Monica Rambeau est loin d'être une inconnue dans l'univers Marvel; elle a même eu son heure de gloire à l'époque où elle était cheffe de fil du groupe des Avengers, durant la période de Roger Stern. On l'appelait alors Captain Marvel et elle arborait une magnifique coupe afro-américaine et un costume blanc très seyant. Elle apprenait surtout ce que signifie avoir de très hautes responsabilités, tout en ne se sentant pas totalement à la hauteur. Le premier numéro de la nouvelle série qui lui est consacrée se charge de rappeler tout ceci et de donner au novice quelques éléments permettant de comprendre le personnage. On fait connaissance avec la famille, le passé,, mais aussi la personnalité de Monica qui possède en outre le don fabuleux de surfer sur tout le spectre énergétique, de se dématérialiser en un clin d'œil d'un point à l'autre de la planète. Nous la suivons alors qu'elle se rend dans le Sanctum Sanctorum du Docteur Strange, à qui elle vient restituer une pierre au pouvoir fabuleux, capable d'altérer la réalité. De la s'en suit un combat aussi rapide qu'impromptu avec une ennemie gigantesque et au corps fluide, qu'elle terrasse aidée par Spider-Man. On pourrait croire à une parenthèse stérile sauf que celle qui a été battue est en fait une brillante scientifique, qui vient avertir que Monica/Photon est destinée à anéantir le monde, tôt ou tard. Cette dernière n'y crois pas trop et alors qu'elle s'envole pour se vider la tête, elle se retrouve victime d'une sorte de blackout et se réveille sur un bateau très loin de là où elle devrait être, dans un univers qui ne ressemble pas spécialement au sien. En tous les cas différent de celui qu'elle a quitté. Nous revoici devant les Avengers (formation et costumes) dont elle était autrefois leader. Tout a changé autour d'elle, y compris les liens familiaux. Elle est désormais mariée avec Jericho Drumm et la réalité semble sur le point de s'effondrer sur elle-même, avec l'intervention inattendue d'une nouvelle… Beyonder. Si le premier numéro est une introduction assez lente et Al Ewing semble d'abord concentré sur une forme de résumé, plutôt que sur l'écriture de son récit, la suite change radicalement de ton. C'est assez frais et fun et ça ne peut que faire plaisir aux fans de Monica, qui se lamentent de son absence depuis longtemps. D'autant plus qu'aux dessins l'Italien Luca Maresca est un très bon choix. Sorte de dépositaire de l'esprit Marvel, avec un trait classique qui s'adapte toutefois très bien à l'air moderne (la synthèse parfaite de deux époques opposées) il est ici présent épaulé par Ivan Fiorelli, pour un résultat fini qui devrait séduire le plus grand nombre.  Faute d'être révolutionnaire voire incontournable, la dernière série consacrée à Photon est donc un bon prétexte pour mettre en lumière un personnage qui a trop souvent dû se contenter de vivre dans l'ombre, ces dernières années.






SUICIDE SQUAD BLAZE : SIMON SPURRIER ENFLAMME LE BLACK LABEL DC


Je pense qu'il est presque inutile de vous rappeler le concept de la Suicide Squad : un groupe de criminels qui se voient proposer des remises de peine contre une série de missions dites "suicide" de la part d'une agence gouvernementale secrète, pilotée par Amanda Waller, qui ignore royalement ce que signifie l'éthique. Ce qui est nouveau dans cet album, c'est que la fine équipe composée de Harley Quinn, du Peacemaker, de Captain Boomerang et King Shark va se voir adjoindre un petit peu lot de parfaits inconnus, de la véritable chair à canon utilisée pour un objectif dramatiquement meurtrier. En effet, voilà que depuis quelques temps une créature au pouvoir incommensurable est lâchée sur la planète. Elle n'obéit à aucune de nos règles sociales, si ce n'est l'assouvissement de ses pulsions primaires, comme par exemple manger, se reproduire, déchaîner la violence. Cet ennemi est tellement formidable que même lorsque Superman est envoyé face à lui, c'est pour se prendre une rouste mémorable et finir d'une bien triste manière. Vous l'aurez compris, aller s'y frotter c'est l'assurance d'y laisser des plumes, des os et pire encore. Le discours de fond est en fait intéressant, puisqu'il s'agit de se poser la question de ce qui empêche des individus psychologiquement instables de se comporter comme les véritables patrons de la Terre, à partir du moment où nous nous habituons à la manifestation de leurs dons extraordinaires et que nous n'avons aucune contre mesure efficace à leur opposer, si les choses dérapent. Simon Spurrier est un auteur britannique qui a la particularité d'écrire de nombreuses œuvres d'anticipation où la science débridée occupe une place importante dans l'intrigue. Il est ici épaulé par Aaron Campbell, un dessinateur que nous avions déjà apprécié énormément dans un autre titre publié par Urban comics, Infidel. Sa capacité à créer des planches en apparence brouillonnes mais en réalité extrêmement fouillées et animées par une ambiance glauque, menaçante ou cafardeuse, est des plus pertinentes vu le ton de l'histoire qui nous intéresse aujourd'hui. Blaze pousse le concept de la Suicide Squad à son paroxysme; puisque le groupe est de toute manière monté de toutes pièces dans l'optique d'un trépas prématuré, autant que celui-ci devienne inéluctable et spectaculaire, face à quelqu'un ou quelque chose qu'on ne parvient pas à cerner, à arrêter, et qui laisse derrière lui des types dévorés et vidés de leur sang, un peu partout où il passe.


L'histoire est racontée du point de vue de Michael Van Zandt, un prisonnier qui a clairement quelques problèmes d'estime de soi et fait une fixation sur celle avec qui il a eu une relation sentimentale, elle aussi emprisonnée et incluse dans le nouveau projet d'Amanda Waller. Ces détenus anonymes et hautement sacrifiables vont se voir inoculer plus ou moins les mêmes pouvoirs que ceux de celui qu'ils sont censés chasser; autrement dit, ils vont accéder à des dons incommensurables qui vont être encore augmentés dès l'instant où l'un d'entre eux meurt. Il s'opère comme une sorte de redistribution des pouvoirs et évidemment, à chaque fois, un temps de vie encore plus limité (car oui, le côté négatif de tout ceci c'est que l'espérance  de rester en vie baisse drastiquement. Un compte à rebours inexorable) Spurrier offre un récit très sombre et en même temps non dénué d'humour. Il suffit par exemple de parler de ce dont vont avoir besoin le Peacemaker et sa bande, pour tenter de mieux comprendre leur adversaire. Indice, c'est en rapport avec la pilosité masculine… Certains passages peuvent sembler confus, notamment lorsque le scénariste mêle réflexion intime, sentiment de ne pas être à la hauteur, impression de vide et d'incapacité de trouver des stimuli, pour affronter ce qui se prépare. Une forme de neurasthénie existentielle qui vient se confronter à une histoire très violente où les dégâts sont considérables. Mais je le répète, les dessins de Campbell servent magnifiquement le propos et au bout du compte, il s'agit d'un nouvel album fort intéressant à mettre au crédit du Black Label. Quand il n'y a aucune continuité réelle dont il faut tenir compte, quand il y a la possibilité de se lâcher et d'écrire des histoires qui peuvent partir dans les directions les plus inattendues ou les plus choquantes, on a souvent de bonnes surprises et des mini série qui ne peuvent que nous donner l'envie d'investir. Si vous êtes habitués et amateurs du style de Spurrier, Blaze est fait pour vous. 






ANT-MAN & THE WASP QUANTUMANIA : KANG ET PAS GRAND CHOSE D'AUTRE...


 On ne pourra pas nous reprocher d'être des pessimistes convaincus; c'est ainsi que nous allons aborder avec entrain et clémence la critique de Ant-Man et la Guêpe : Quantumania. Parce qu'il y a du positif à retirer dans le film ? Oui, ça peut sembler audacieux, mais je vous assure, on peut tout de même trouver quelque chose, en grattant un peu. Tout d'abord, il convient de considérer qu'il s'agit du lancement officiel de la phase 5 de l'univers Marvel cinématographique, aussi il était capital de proposer un nouveau super vilain imposant, destiné à incarner le fil rouge conducteur des prochains longs-métrages. Et là, très bonne pioche, puisque ce Kang (en partie apprécié dans la série Loki, mais je gardais des réserves) est beaucoup plus menaçant, dramatique, hautain et puissant au cinéma. Jonathan Majors a achevé de nous convaincre durant ces deux heures où il est véritablement la star d'un scénario qui ose parfois flirter avec le ridicule le plus absolu. Est-ce bien surprenant, si on considère que Jeff Loveness (Rick & Morty) fait partie de ceux qui ont écrit ce Quantumania ? Il fallait s'attendre à quelque chose d'impertinent, qui vient titiller l'absurde, qui n'a pas peur de se prendre les pieds dans le tapis en regardant ouvertement et crânement du côté du mauvais goût. Par exemple, Modok, dont les origines totalement retravaillées et les apparitions lunaires oscillent entre le coup de génie second degré et le foutage de gueule généralisé. Un autre point positif du film est qu'il ne nécessite pas forcément d'avoir vu tout ce qui a été fait avant pour en profiter. Certes, le spectateur entré par hasard dans la salle appréciera probablement moins les interactions familiales qui se sont instaurées entre les différents personnages; néanmoins, il n'est pas bien difficile de comprendre qui est qui et qui fait quoi, le film ne proposant aucune profondeur introspective particulière. Il commet d'ailleurs la gaffe --dès les premières minutes- d'anticiper une des révélations majeures, c'est-à-dire les rapports qui peuvent exister entre le Kang que nous avons déjà cité et Janet Van Dyne, qui a passé 30 ans dans l'univers subatomique, où le tyran temporel a été momentanément exilé. On ne perd pas non plus trop de temps pour rentrer dans le vif du sujet. Les scènes routinières et le prélude inévitable n'occupent pas trop d'espace, à peine l'occasion de faire le point, d'assister à une sorte de dîner de famille, et on plonge de suite dans ce qui va être le noyau dur du film, un univers fantasmagorique où rien ne ressemble à ce que nous connaissons, où chaque plan sera un prétexte pour convoquer des créatures monstrueuses, improbables, des décors à la croisée du surréalisme et de l'œuvre de Jack Kirby. Tout ça aurait pu être grandiose si les effets spéciaux avaient été à la hauteur, mais par moments on se rend à l'évidence, beaucoup de points sont assez bâclés et les bonnes intentions ne sont pas systématiquement transposées comme elle le devraient. On devine la panne d'inspiration, un cadre artistique bancal, le monde quantique ne sera jamais exploité comme il aurait pu et dû l'être. Voilà, ce sera tout pour ce qui nous a plu ou qui mérite notre attention dans Ant-Man et la Guêpe. Maintenant, venons-en à la partie la plus délicate, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles, à notre avis, Quantumania ne laissera aucune trace particulière dans l'histoire du genre au cinéma.




Il faut aussi bien comprendre qu'il est inutile d'attendre d'un film des Marvel Studios ce qu'il ne sera jamais en mesure ou ne souhaitera jamais offrir. C'est un produit calibré pour le plus grand public possible avec un cahier des charges systématiquement respecté, et même si la forme peut évoluer, s'aventurer en des territoires plus ou moins inexplorés, le fond, lui, restera le même. Par exemple, les traditionnelles dynamiques familiales basées autour de la nécessité que peuvent avoir deux, voire trois générations, de renouer des liens distendus ou inexistants. C'est ici le cas avec Scott Lang qui veut rattraper le temps perdu et être un bon père pour Cassie, elle-même bien décidée à gagner son indépendance tout en acceptant son héritage familial. C'est aussi désormais la volonté de désacraliser, pour ne pas dire ridiculiser, tous les personnages et tous les événements qui ont fait la gloire de Marvel au format comic book. Depuis la disparition de Thanos, plus rien n'est pris au sérieux et là encore l'approche potache l'emporte sur l'épique et le tragique. C'est en ce sens qu'il faut voir l'apparition de Bill Murray, à qui revient un rôle totalement superficiel et inutile. Si vous effacez sa prestation de l'ensemble et que vous remontez le film avec cette petite omission, vous vous rendrez compte qu'elle n'a absolument aucun impact sur ce qui a été dit avant et ce qui est raconté après. Pour finir, un jeu d'acteur assez stéréotypé. Les mimiques, la manière d'interagir, de singer certaines réactions de base sont reproduites à l'infini, d'un film à l'autre. Que ce soit Scott Lang, Tony Stark ou Peter Parker, le principe de fond est le même : aussi intelligent et audacieux soit-il, le héros va forcément en passer par des instants "benêts" durant lesquels il assume la panoplie du clown de service. Dans Ant-Man et la Guêpe, on notera également que Michael Douglas se prête un peu trop volontiers à l'exercice et qu'au contraire Michel Pfeiffer semble quasiment en léthargie, presque un corps isolé dans le long-métrage. L'ensemble est bien trop inconséquent, c'est-à-dire que tout ce qui se déroule durant ces deux heures semble se déployer sans conviction. Dès leur arrivée dans le monde quantique, les différents personnages sont scindés en deux groupes qui vont alors devoir tenter de se réunir, avant d'affronter la grande menace finale que représente Kang. Le scénario est aussi mince que celui d'un jeu vidéo d'arcade des années 1980 ou 1990, et l'intégralité de tout ce qui est proposé à l'écran n'est pas là pour édifier un univers inédit, stratifié et fascinant, mais pour servir les pitreries de la famille Pym et de Scott Lang/Paul Rudd, qui essaie de cabotiner, même dans les pires instants. D'ailleurs, poussons le raisonnement à son paroxysme : si tous nos "héros" avaient tous fini par rester piégés à jamais dans cette réalité subatomique, tous écrabouillés, ça n'aurait certainement pas empêché l'univers Marvel de continuer à aller de l'avant. En fait, ce Quantumania n'a pas grand-chose à raconter, c'est juste un long spot publicitaire pour nous prévenir que désormais Kang le Conquérant arrive, et dans la mesure où le temps et les réalités alternatives n'ont aucun secret pour lui et qu'il existe donc une infinité de variants possibles, tout est accepté, tout est permis. Ça tombe bien parce que j'ai beaucoup de mal à me convaincre qu'un type aussi puissant que lui, aussi incontournable, rencontre autant de mal à se débarrasser d'un super-héros dont le seul talent et de rapetisser ou d'agrandir sa taille, et de parler avec des fourmis. On parlera comme toujours de suspension de l'incrédulité nécessaire pour profiter pleinement d'un spectacle comme un film basé sur des super-héros, mais que les producteurs prennent garde à ce que le public ne soit pas non plus obligé systématiquement de suspendre sa patience. La nôtre commence sérieusement à être entamée et nous ne serions pas contre l'apparition de véritables enjeux, d'une densité épique qui fait dramatiquement défaut. C'est Bob Dylan qui disait que but de l'art, c'est d'arrêter le temps. Les deux heures d'Ant-Man et la Guêpe ne vont pas vous figer dans l'extase, plutôt vous convaincre que chez Kevin Feige on préfère servir un bon plat microondé (réchauffé par Payton Reed) plutôt qu'investir dans la haute cuisine. Avec les Marvel Studios, on mange beaucoup à la cantine… 



JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...