LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : L'OMBRE DES LUMIÈRES


 Dans le 160e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente L'ennemi du genre humain, premier tome de la série L'ombre des Lumières que l'on doit au scénario d'Alain Ayroles, au dessin de Richard Guérineau et qui est édité chez Delcourt. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de Bela Lugosi du duo Philippe Thirault au scénario et Marion Mousse au dessin, un titre qui prend place dans la collection 9 1/2 des éditions Glénat

- La sortie de l'album Inoubliables que l'on doit à Fabien Toulmé et aux éditions Dupuis

- La sortie du quatrième tome de Saint-Elme, un épisode baptisé L'oeil dans le dos pour une série que l'on doit au scénario de Serge Lehman, au dessin de Frederik Peeters et c'est édité chez Delcourt

- La sortie du premier tome de Voleur de feu, l'histoire de la vie d'Arthur Rimbaud que l'on doit à Damien Cuvillier et aux éditions Futuropolis

- La sortie du sixième et dernier tome de la série RIP, tome baptisé Eugène que l'on doit au scénario de Gaët’s, au dessin de Julien Monier et qui est édité chez Petit à petit

- La réédition d'Urgence climatique, titre sorti chez Casterman que l'on doit au scénario d'Ivar Ekeland et au dessin d'Étienne Lecroard.





LITTLE MONSTERS : TOME 2 ET FIN DE PARCOURS POUR LES JEUNES VAMPIRES


 Le monde de Little Monsters, c'est la désolation complète : peu importe ce qui a pu vraiment se passer, les derniers êtres vivants sur Terre sont très peu nombreux et ceux que nous suivons en particulier se cachent durant la journée. Pour cause, ce sont des vampires ! Des vampires pas tout à fait comme les autres puisque ce sont aussi des enfants, abandonnés par ceux que l'on appelle "les anciens", qui ont promis de revenir un jour, mais qui ont bel et bien disparu depuis des décennies. Les gamins forment une bande assez disparate, dans laquelle chacun possède sa propre personnalité et où l'entraide et l'amitié règnent… jusqu'au jour où quelques-uns d'entre eux enfreignent une interdiction qui leur avait été faite et goûtent le sang d'un des rares êtres humains "normaux" qui passent dans les parages. L'effet est immédiat et c'est une euphorie, une véritable transformation qui s'opère dans l'esprit de ceux qui osent. Les autres sont par contre bien décidés à ne jamais franchir le pas, d'autant plus qu'ils doivent protéger une jeune fille tout à fait humaine elle aussi, qui est bien évidemment la prochaine victime de ces vampires assoiffés, si jamais elle venait à tomber entre leurs mains. Du coup, la scission est définitive entre ceux qui décident qu'elle doit servir pour la sustentation des vampires et les autres, qui pensent qu'il faut avant tout la mettre en sûreté. Jeff Lemire fait exploser son petit microcosme, nous présente un à un le passé et les motivations de chaque personnage et déplace ses pions pour une dernière partie d'échec tragique. Cette fois, c'est vraiment la fin de tout et pour tous. 




Inévitablement, quand on écrit et propose de nombreuses séries parfois en simultané, il est difficile de maintenir un niveau qualitatif proche de l'excellence. Sans être ratée (loin de là), cette série de Jeff Lemire ne possède pas le sel et l'inspiration de nombreuses autres déjà publiées à ce jour. Elle est touchante, mais la fin semble précipitée et le discours philosophique sur l'éternel recommencement peine à convaincre réellement. Dustin Nguyen réalise toutefois une très belle performance au dessin, mettant de côté les aquarelles qui l'ont rendu célèbre pour proposer des planches crépusculaire, basées sur des teintes de gris digitales, avec des visages et des expressions parfois ébauchés d'un seul trait. Une forme de minimalisme ou d'épure qui se marie parfaitement avec le climat post apocalyptique qui règne dans ces pages. Reste maintenant à évoquer le cas de la traduction française (par ailleurs de qualité). Inutile de se cacher derrière le petit doigt, l'écriture inclusive est loin d'être acceptée par tous aujourd'hui et elle fait même l'objet d'un débat très clivant. Je ne suis clairement pas favorable pour ma part à ce qu'on l'utilise, mais j'ai aussi conscience qu'il ne s'agit que d'un avis personnel, peut-être dicté par ma génération (j'approche de la cinquantaine, ok boomer) et je n'entends pas faire de mon cas une règle universelle. Cela dit, c'est une chose de l'employer dans un texte littéraire ou un courrier formel, c'en est une autre lorsqu'il s'agit de dialogues, c'est-à-dire la retranscription écrite d'un discours oral tenu par des personnages. Cela n'a donc aucun sens d'employer l'écriture inclusive pour des adolescents qui parlent entre eux (elleux). Connaissez-vous quelqu'un qui en dialoguant prononcerait les pronoms de manière à ce qu'on entende cette inclusivité dans l'écriture ? Bref, cela gâche carrément la lecture (même si ça respecte le texte original), la rend même par endroit à la limite de l'incompréhensible, d'autant plus que la relecture n'a pas empêché une coquille qui saute aux yeux. 


Le tome 1 est chroniqué ici : Little Monsters 1 



LES TORTUES NINJA - TMNT RENAISSANCE AVEC SOPHIE CAMPBELL


 La situation et le contexte pourraient bien surprendre tous ceux qui pensent que les Tortues Ninja, c'est un univers de fiction régressif destiné à des enfants en mal de dessins animés. L'excellent run de Eastman et Waltz vient donc de se terminer et c'est au tour de Sophie Campbell de prendre la relève (scénario et dessins). Le premier tome des nouvelles aventures des Tortues est publié chez Hi Comics, avec le titre emblématique de Renaissance. Il règne pourtant d'emblée comme un parfum d'apocalypse. Bien des choses ont changé dans le quotidien de nos personnages, à commencer par un manque tragique : ils ont perdu leur mentor, leur père Splinter. Ensuite, une bombe génétique qui a explosé dans Manhattan a provoqué l'apparition de plusieurs milliers de mutants, c'est-à-dire de croisements entre l'homme et l'animal. Un événement totalement inattendu qui a rapidement entraîné une forme de ségrégation et bien des difficultés à vivre chez ceux qui ont subi cette mutation. De leur côté, les Tortues sont au plus mal et ont décidé volontairement (ou involontairement) de se séparer, de se recentrer. Comme cela est déjà arrivé dans le passé, Raphaël a choisi d'exprimer sa colère et sa frustration en solo. Les autres passent le plus clair de leur temps isolés, complètement KO après ce qui leur est arrivé. Leonardo joue au jardinier, Michelangelo passe son temps avec son chat et Donatello est désemparé. Le récit se concentre aussi sur Jenny, récemment transformée en tortue, qui décide de se rendre utile, notamment en s'impliquant dans la distribution de nourriture à ceux que l'on appelle les mutanimaux. Hob est également un des personnages importants de cette nouvelle histoire. Si d'un côté il tente d'organiser la sauvegarde et le quotidien des siens, en leur proposant nourriture et refuge, de l'autre il compte bien également vendre certains spécimens au clan Foot. Bref, ombre et lumière sur un protagoniste à part, qu'on peut aimer détester ou détester aimer.



On ne va pas y aller par quatre chemins et on va tout de suite lâcher l'avis définitif : nous sommes face à une excellente histoire et indiscutablement, les Tortues Ninja restent au sommet de la vague et s'imposent comme un des titres indispensables de ces dernières années. Il faut dire qu'avec Sophie Campbell, les héros ont l'air d'être entre de bonnes mains, aussi bien pour ce qui est du scénario (elle parvient notamment à représenter le traumatisme et le sentiment de manque vécus par chaque tortue avec une grande justesse) mais aussi du côté des dessins, qui sont vraiment attachants, truffés de détails, avec des vignettes souvent chargées mais qui reste lisibles, très généreuses. Campbell n'oublie pas d'élargir au possible l'univers des TMNT, que ce soit avec Alopex et son refuge pour mutanimaux, Jenny qui s'impose de plus en plus comme "un collant" entre les autres tortues, ou les jeunes poussent qui vont être invitées à faire leur premières armes et apprendre l'art du ninja, dans le dojo improvisé de leurs aînés. C'est désormais un univers complexe et vraiment séduisant qui est proposé au lecteur. Fatalement, puisque cet album s'appelle Renaissance, la séparation - voire même la dépression traversée par les Tortues Ninja - est destinée à déboucher sur un nouveau départ, une nouvelle cohésion, basée sur la mémoire de celui qui n'est plus là. Et nous vous laissons la surprise et le plaisir de voir comment les personnages vont évoluer, sachant que très vite, un premier rebondissement d'importance va se dresser sur leur route. Si jusqu'ici vous suiviez les aventures de Raphaël et compagnie, vous le savez. Si vous en avez juste entendu parler, sachez qu'il ne s'agit pas d'un mensonge mais d'une vérité établie : cette série fait partie de ce que vous devez placer dans votre comicsothèque, point à la ligne !



Lisez aussi : 


The Last Ronin chez Hi Comics

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DYLAN DOG / BATMAN : UN EXCELLENT CROSSOVER BONELLI/DC COMICS


 Ces deux-là ont finalement bien peu en commun. Dylan est un ancien agent de la police de Scotland Yard. Désormais reconverti en "détective de l'étrange ou du surnaturel", il est aux yeux de l'opinion publique une sorte de charlatan. Il réside à Londres, où il collectionne les aventures sentimentales, dans le confort douillet de son logis de Craven Road. Batman est le défenseur de la ville de Gotham et un membre éminent de la Justice League. C'est un super-héros violent et inflexible, mais aussi un milliardaire dans la vie civile. Le premier est publié en italien par Sergio Bonelli Editore (en français par Mosquito, dans des albums assez peu réguliers et qui passent systématiquement en dessous des radars). Le second est le fer de lance de l'univers DC Comics et la locomotive des ventes d'Urban Comics. Leurs mondes respectifs se croisent, le temps d'un crossover assez singulier, publiés dans trois numéros au format kiosque classique de chez Bonelli, mais en couleurs. Le projet fait suite à Zagor/Flash et Nathan Never/Justice League, même s'il avait été le premier annoncé lors du grand rassemblement de Lucca Comics, voici quelques années. 



Pour faire simple, disons que le meilleur moyen d'unir les forces de ces deux personnages hors du commun est aussi d'associer leur plus grands ennemis respectifs. Le Joker est à la recherche d'un comparse capable d'égaler sa folie et de partager sa vision des choses. Son choix est de se tourner vers Xabaras, qui pourrait bien détenir le secret de l'immortalité. Un secret qui une fois couplé avec la mixture fatale et "hilarante" du Joker permettrait d'obtenir de biens singuliers résultats. Les alliés aussi vont se mêler à cette histoire, puisque Catwoman et le fidèle Groucho vont se retrouver concernés par cette enquête, en bien mauvaise posture à un certain moment. Roberto Recchioni est un scénariste qui a passé le plus clair de son temps à soigner son image plutôt que ses travaux et cela lui a porté préjudice, durant les dernières années. Néanmoins, quand il fait quelque chose d'admirable, il convient de le dire. Ici, il parvient à respecter à la lettre les différents personnages qu'il met en scène, tout en créant quelque chose de dynamique, de drôle, de toujours passionnant et pertinent : un travail d'orfèvre. Au niveau du dessin, c'est Werther Dell'Edera, avec l'aide de Gigi Cavenago à l'encrage, qui font des étincelles. Fabuleux est un adjectif qui convient parfaitement pour définir leurs efforts conjoints; chaque planche est de toute beauté, les formes et les volumes sont saisissants et nous détenons là, en fait, une des meilleures histoires de chacun des deux héros, de ces dernières années. Le projet qui était né comme une rencontre improbable et un quasi certain accident éditorial se révèle être en fait quelque chose de vraiment indispensable, qui a tout pour séduire aussi bien les lecteurs de Dylan Dog que de Batman. Reste maintenant à savoir s'il existera un jour une version française de cette histoire et qui aura la possibilité de la publier, étant donné que les droits d'exploitation des deux univers respectifs pourraient poser problème. Nous avons déjà avancé notre candidature pour ce qui est de l'adaptation et nous attendons avec confiance et curiosité ce que cela va donner. En attendant, si vous comprenez un tant soit peu l'italien ou que vous voulez juste profiter des superbes dessins, sachez qu'une édition librairie sera inévitablement disponible, très bientôt, et que même si vous n'avez pas la chance d'aller très souvent rendre visite à nos voisins transalpins, elle devrait être normalement à l'acquisition sur Amazon. Dans le pire des cas, envoyez-nous un mail ou un message privé pour commander ce Dylan Dog/Batman absolument inédit.


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LA SORCIÈRE ROUGE : LA DERNIÈRE PORTE


 Certains personnages sont tout de même moins bien vernis que d'autres. Prenez par exemple la sorcière de l'univers Marvel, Wanda Maximoff : entre deux coups de folie et périodes durant lesquelles elle craque littéralement, et des tentatives de réhabilitation pas toujours inspirées, la Sorcière Rouge a vécu ces dernières années un incroyable roller coaster émotionnel. Aussi, nous pouvons apprécier de voir sa nouvelle série démarrer sur un rythme plus apaisé et rassurant. Commençons par la nouvelle situation professionnelle de la jolie rouquine : elle a désormais décidé d'ouvrir une boutique de livres anciens; elle en est la propriétaire et emploie Darcy Lewis, dont le rôle et l'identité vont se préciser à partir du troisième épisode. Dans le même temps, elle ne dédaigne pas de prêter main-forte à ceux qui en ont besoin et qui viennent solliciter son aide, c'est-à-dire le recours à ses pouvoirs magiques et mystiques. Au fond du magasin se trouve une porte étrange; quiconque la traverse est animé d'un désespoir profond et n'a plus qu'une seule solution pour remédier aux problèmes qui le/la taraude, s'en remettre à Wanda, la dernière chance pour s'en sortir. Dans le premier épisode, il faut bien être honnête, nous assistons à un démarrage en sourdine. Ce qui est le plus intéressant dans ce renouveau, ce sont les dialogues, la quotidienneté, la tentative de repositionnement du personnage qui est opérée. Wanda se rend donc en Italie, à Amatrice, village qui a été l'objet d'un violent tremblement de terre il y a quelques années et qui est ici sommairement présenté et caricaturé, afin de venir en aide à une certaine Jarnette Chase. C'est véritablement à partir du second épisode qu'on qu'on prend plus de plaisir, avec l'arrivée de Viv, la fille de la Vision et de son épouse artificiel, dont les chemins mentaux ont été calqués sur ce de la Sorcière Rouge. Viv ne va pas très bien, et pour cause, elle cauchemarde ! Il faut dire qu'elle a perdu sa mère et son frère, bref, tout ce qui faisait sa boussole morale et affective.


Une série au féminin donc, avec notamment l'apparition d'une guerrière amazone du nom de Scythia, mais aussi une petite excursion dans un monde miniature, à l'échelle subatomique, sur le modèle d'ailleurs d'une aventure des Fantastiques dont je conserve un petit souvenir ému, dans les années 1990. Ce qui est amusant avec ce premier tome de la série consacrée à la Sorcière Rouge (il n'y en aura que deux car Marvel a choisi de stopper la publication au numéro dix, pour relancer ensuite le duo Scarlet Witch & Quicksilver) c'est que malgré les chocs, les combats, l'épique, on reste dans une certaine veine intimiste et on vit un peu à l'écart de tout le microcosme Marvel, comme si la période nécessaire pour que Wanda se remette complètement sur pied se traduisait par une forme d'isolement bienvenue à travers ces pages. Le scénario de Steve Orlando avance donc peu à peu et par étapes bien distinctes, tandis que le dessin permet à l'italienne Sara Pichelli de démontrer qu'elle est toujours capable de produire des planches superbes. C'est vrai qu'on l'a vue un peu disparaître c'est temps derniers, c'est vrai qu'on la voyait déjà tout en haut de l'affiche, mais ici, on ne peut rien lui reprocher. Bien au contraire, tant elle est convaincante, aussi bien dans les moments les plus apaisés que dans ceux où l'action explose. D'ailleurs, je n'avais jamais vu une aussi belle représentation de Viv, qui semble quasiment s'animer sous les yeux du lecteur. Une publication qui n'a aucune prétention de bouleverser l'histoire du personnage ou la continuité de la Maison des Idées, juste pour se faire plaisir, juste pour le plaisir de retrouver notre sorcière bien-aimée.





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GRANDVILLE BÊTE NOIRE : TROISIÈME TOME DES AVENTURES DE L'INSPECTEUR LEBROCK


 Avec le volume intitulé Bête noire, nous voici arrivés au troisième chapitre des aventures de l'inspecteur Lebrock, le blaireau le plus efficace de la police de Scotland Yard. L'action se situe toujours dans cet univers steampunk/art nouveau truffé d'animaux anthropomorphes; la France de Napoléon est parvenue à envahir l'Angleterre et à la dominer, au point d'asseoir un empire incontesté jusqu'à nos jours (ou presque). Depuis une vingtaine d'années, les Anglais ont obtenu leur indépendance (de haute lutte) tandis qu'un nouveau gouvernement règne du côté de Paris. Pardon, je veux dire de Grandville ! Un gouvernement populaire et pour le peuple, qui bien entendu n'est pas vu d'un très bon œil par tout le monde. Par exemple, les industriels et les puissants, ceux qui se nourrissent des drames et des larmes du prolétariat, les fabricants d'armes, les capitalistes sans foi ni loi, les racistes et les spécistes… ceux-là aimeraient faciliter l'accession au pouvoir d'une caste de privilégiés sans pitié, pour continuer à se partager les meilleures parts du gâteau. C'est dans ce climat un peu particulier qu'est assassiné Gustave Corbeau, un artiste de renom. Il est bien difficile de découvrir comment le crime a pu être perpétré, puisque le corps a été retrouvé dans son atelier privé, hermétiquement clos, avec des gardes devant l'entrée. Aucune trace d'effraction, personne ne semble entré et donc par la même sorti. Lebrock et son fidèle adjoint Ratzi sont convoqués à Grandville et ils commencent à mener l'enquête, qui dans un premier temps les conduit chez un des rivaux de la victime, Auguste Rodent, celui qui justement a reçu la mission de poursuivre les travail d'une grande œuvre, que le gouvernement avait commissionnée à Corbeau et qui devait être affichée très prochainement, sur ce qui était autrefois la gare d'Orsay. C'est parti pour un nouveau jeu de piste au sens propre (Lebrock cherche le coupable) comme au figuré (les nombreuses références à l'art, à commencer par le nom des peintres, ou encore les personnages de bande-dessinées brièvement invités, comme Garfield, Nestor le valet de Moulinsart, ou encore un hommage à Blake et Mortimer).


Pour qu'une aventure de ce genre soit pleinement réussie, il faut un vilain d'envergure. Et ici, nous avons trouvé un candidat parfait en la personne d'Aristote Krapaud. Vil industriel xénophobe et mégalomane, il accumule richesse et pouvoir sans se lasser, en désire toujours plus, jusqu'à en arriver presque naturellement à la possibilité d'un coup d'état. Je vous laisse bien évidemment la surprise en découvrant la dynamique de cette histoire et ses diverses rebondissements. Sachez que Bryan Talbot est plus que jamais capable d'interpréter les pires défauts de notre époque et de les insérer avec intelligence et sensibilité dans une bande dessinée, où les méfaits du capitalisme débridé et un parfum de xénophobie latente et dérangeante sont autant d'ennemis insaisissables. Au milieu de tout cela, l'inspecteur Lebrock assène des bourre-pif et en arrive aux bonnes déductions, tout en mettant à nu ses propres fragilité, qui apparaissent clairement dans sa relation avec Billie, une sorte de professionnelle du plaisir, qui peu à peu est parvenue à conquérir son cœur. Notre blaireau (au sens littéral du terme) serait même sur le point de faire le grand pas, sauf que vous le savez, les héros ont souvent besoin d'être seul, s'ils ne veulent pas que les adversaires s'en prennent à leur famille ou leurs affects. L'ensemble est toujours illustré aussi brillamment, avec une attention constante aux détails, un sens de la mise en scène et une diversité dans les espèces et les types représentés, qui font de Grandville un plaisir visuel truffé de clins d'œil et de renvois intelligents, drôles ou savants. Et à ce sujet, il est toujours intéressant d'avoir en fin d'ouvrage un appendice fort généreux en explications, délivré par l'artiste lui-même, qui met en lumière ses inspirations et présente l'envers du décor. Grandville dans son intégralité, au fil des tomes, chez Delirium, est un des grands plaisirs de lecture du moment, dont l'accomplissement repose aussi sur votre participation et votre curiosité. C'est à vous de jouer. 






DARK KNIGHTS OF STEEL TOME 1 : AU LOIN L'ORAGE


 Proposer une version alternative d'un univers narratif super-héroïque n'a rien d'inédit; c'est même une manière assez simple et intelligente de relancer l'attention des lecteurs et de proposer un terrain de jeu encore vierge, sur lequel avancer des pions et s'amuser franchement. C'est probablement une des spécialités de Tom Taylor, un scénariste qui a déjà utilisé ce stratagème à plusieurs reprises par le passé, tout récemment encore avec une cosmogonie DC comics faite de vampires. Cette fois, nous plongeons à l'air médiévale, ou si vous le préférez, dans un monde fortement inspiré par le genre fantasy. Il existe là-bas deux grands royaume antagonistes qui sont sur le point de se déclarer une guerre sanglante. Nous trouvons d'un côté la maison des El, avec à sa tête un couple souverain extraterrestre venu d'une planète aujourd'hui disparue et leur fils, qui attend d'accéder un jour à son tour au trône. A leur service, le Batman, une sorte de chevalier prêt à s'investir corps et âme dans des missions diplomatiques ou guerrières. Dans le camp d'en face, le roi Pierce maîtrise la foudre et l'électricité et c'est sa famille qui assure le bien-être de ses sujets, en suivant les prophéties mystiques d'un certain Constantine. Ajouter à ceci un troisième royaume réservé aux femmes, où nulle créature du sexe masculin n'a le droit de poser le pied : chez les Amazones, c'est la reine Hippolyte qui dicte sa loi tandis que sa fille Diana professe amour et paix quand elle le peut, tout en entretenant une relation sentimentale avec Kala, elle aussi héritière du royaume des El. C'est un assassinat, un régicide, qui va entraîner la catastrophe inévitable et la surenchère, la montée de la terreur. 


Tout est une affaire de se retrouver en terrain connu et pour autant, d'aller de découvertes en découvertes. Le petit jeu de piste est très transparent et les personnages qui interviennent dans Dark Knights of Steel sont reconnaissables par tous, que ce soit le jeune Superman, Batman, Harley Quinn (ici parfaitement à l'aise dans le rôle de la bouffonne à la cour du roi) ou encore cette petite bande de chenapans acrobates, bien pratiques pour espionner ou réaliser certaines missions où il faut savoir être prudent. On les appelle les Merles, référence aux Robin, c'est-à-dire les rouges-gorges en français. Le lecteur n'y perd pas son latin et apprécie fortement ces avatars médiévaux, qui sont tous assez bien campés. Même chose pour Poison Ivy en grande sorcière de la forêt, qui a ici aussi à un faible évident pour Harley, Black Lightning et ses enfants ( il tient un rôle de choix, le voici dans la peau d'un souverain) tandis que Constantine est encore une fois associé à l'occulte et que Luthor se voit attribué le rôle probablement le plus fascinant, puisqu'on retrouve en lui une partie des attributs du Joker et même l'arme absolue habituellement réservé à Green Lantern. L'ensemble est dessiné par Yasmine Putri et je dois dire que mes doutes initiaux se sont envolés; c'est particulièrement agréable à regarder, les planches sont très lisibles et dotées d'une fraîcheur évidente, susceptibles de plaire même à un jeune public. En fin d'ouvrage, le premier tome propose trois récits complémentaires, des sortes de contes qui permettent de mieux appréhender certains points de détails importants de l'histoire, comme par exemple l'origine des Merles dont nous avons déjà parlé ou comment le jeune Bruce (Wayne) est devenu ce combattant formidable… et grâce à qui : je vous laisse la surprise ! Pour nous, une lecture qui vaut assurément le détour.


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ROUGE SIGNAL

 Dans le 206e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Rouge signal, album que l’on doit à Laurie Agusti, un ouvrage publié chez 204...