MARVEL ICONS : MARVELS (LE CHEF D'OEUVRE DE KURT BUSIEK ET ALEX ROSS)

Depuis le temps qu'existe ce blog et notre série de chroniques qui recensent les principales sorties consacrées à l'univers des comic-books, il est un chef d'oeuvre total et unanimement salué qui n'a jamais fait l'objet d'un article. Il s'agit de Marvels, extraordinaire production de Kurt Busiek et Alex Ross. A l'occasion de la republication au format Marvel Icons, l'heure est venue de réparer cette absence. Je me rappelle la sortie de la chose, à l'époque où Lug puis Semic nous proposaient nos Bd hautes en couleurs et en héroïsme. Une claque. De celle qui vibre et dont vous mettez des jours, des semaines à vous remettre. Busiek était un quasi inconnu, avant cela, n'ayant rien écrit de bien formidable chez Marvel, malgré une qualité que tout le monde lui accordait depuis longtemps : un amour et une connaissance encyclopédique des moindres recoins du Marvelverse. Et d'un coup d'un seul, il livre une fresque historique impressionnante, déplaçant le point de vue narratif vers le regard d'un simple quidam, ou presque. En l'occurrence Phil Seldon, un photographe et reporter du Bugle, célèbre journal new-yorkais. Seldon est le cobaye parfait pour expérimenter tous les états d'âme des mortels que nous sommes. De l'étonnement au merveilleux, devant certains prodiges, à la crainte et la haine, quand les batailles de rues dégénèrent et que des êtres différents semblent menacer l'existence routinière de notre monde et de notre espèce. Le point de départ du récit est fixé au jour où le professeur Horton présente son androïde (la Torche, celle des origines, pas Johnny Storm) au public, puis se concentre sur les années soixante, décennie charnière pour le genre, avec l'apparition des Fantastiques. Si Seldon nous fait partager ses découvertes, son ravissement, ses doutes, ses hésitations, il est aussi père de famille, et simple citoyen, et la grande trame de l'héroïsme influence forcément cette petite quotidianité qui nous aussi proposée, et rend aussi crédible et réaliste cet album remarquable, où l'univers Marvel nait, se développe, prospère, se densifie, page après page. Sans jamais dévier de sa ligne directrice : l'impact de ces héros en collants sur l'humanité la plus banale, dont l'existence est à jamais remise en question. 


Mais tout ceci ne serait pas ce chef d'oeuvre reconnu sans la partie graphique, sans les dessins magnifiques d'un certain Alex Ross. Son style est hyperéaliste, et emprunte beaucoup à la photographie. D'ailleurs, avant de dessiner ses planches, Ross demandait à certains proches de prendre la pose en costume, afin de réaliser des clichés lui permettant d'accentuer l'effet final escompté. Ce qui explique pourquoi certaines cases ressemblent à s'y méprendre à des photos. Je me souviens avoir été bluffé par ce Spider-Man grimpant le long d'un building, ou par ma rencontre avec les X-Men des origines, à la première lecture de ce Marvels. A quoi ressembleraient donc Giant-Man, la Chose, ou Namor, s'ils existaient vraiment, autrement que comme héros de movies super-héroïques? Ross livrait déjà une réponse éloquente dans les années 90, avec une minutie, un soin du détail jamais égalé avant lui. Regardez ce jeune Scott Summers, traqué et surpris dans une ruelle sombre, avec son viseur lumineux. Jamais un mutant n'aura été dépeint avec autant de justesse, en une planche c'est toute l'hystérie anti-mutante, toutes les craintes et les angoisses dont Claremont nous a abreuvés, qui prennent corps et deviennent tangibles. Hulk n'a jamais été aussi puissant et monstrueux à la fois, et que dire de Galactus, dont l'arrivée est le point d'orgue de l'inimaginable devenu quotidien. Bien sur, un tel succès ne pouvait qu'entraîner une série de suites plus ou moins officielles et réussies, ou d'épigones surfant sur la vague. Busiek réalisa Astro City , ou encore Kingdom Come, et Alex Ross le suivit durant son parcours, durant quelques temps. Chez Marvel on put lire des titres comme Code of Honor (les super-héros vus cette fois à travers les yeux d'un flic, la trame familiale jouant là également un grand rôle dans l'économie du récit) ou plus tard Eye of the Camera (l'oeil de l'objectif), qui marque le retour de Phil Seldon sur la scène. Mais jamais plus la grandeur et la beauté de Marvels n'a été atteinte. Coup d'essai et coup de maître, pour une oeuvre majeure que vous pouvez offrir à n'importe quel ami, même ignare des univers à super-pouvoirs, pour peu qu'il ait un minimum de conscience artistique. Sublime. 





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ELEKTRA TOME 1 : DANSE MACABRE

L'honneur et la rédemption. La liberté et l'amour. Le destin et la mort. Elektra, c'est tout ça, et bien d'autres choses encore. C'est aussi une nouvelle série lancée dans le cadre de l'opération All-New Marvel Now, qui se place résolument dans une optique "indie" et artistiquement audacieuse, loin des canons traditionnels des comic-books les plus mainstream. C'est d'ailleurs un choix éditorial qui semble s'affirmer avec cette seconde vague de nouvelles séries de la Maison des Idées, et on ne va pas s'en plaindre! Ici, nous (re)découvrons une belle ninja aussi désemparée que solitaire. L'ataraxie n'est pas encore au menu de ce jour, et les souvenirs, pas forcément positifs, affluent toujours aussi oppressants. Elektra a longtemps été ce que l'on voulait d'elle (ce que nous rappelle une splendide danse au ruban sur une double page), avant d'échouer à cristalliser les attentes et les désirs, que cela aille d'un contrat à exécuter, à un homme à aimer. Tout ici semble d'emblée faire écho à cette aventure mythique qu'est Elektra Assassin, de Miller et Sienkiewicz, tant dans la narration, que dans les planches peintes aux accents  merveilleux ou cauchemardesques, qui feraient passer celles de Williams III (Batwoman) pour des compositions ultra réalistes à la Alex Ross. Après une introduction vouée à l'introspection et à l'héritage familiale, Elektra nous emmène à la rencontre d'une certaine Intermédiaire, qui lui fournit un nouveau contrat, à sa demande. La belle ninja va devoir retrouver la trace d'un certain Cape Crow, que nombre d'assassins souhaitent voir mort, mais sur qui un contrat mirobolant à été placé. Un contrat particulier puisqu'Elektra, en dépit de ses penchants et des ses tendances expéditives, va devoir rapporter sa proie en vie. Les obstacles bien sur ne sont pas des moindres, surtout cet aborigène implacable qui se nourrit d'une partie du corps de ses victimes (animales ou humaines, comme Bullseye...) pour en acquérir les savoirs et les souvenirs. 

Ce Lèvres ensanglantées a tout pour plaire. Il est puissant, perturbé, mystérieux, et sérieusement dérangé. Un ongle, un doigt, un pied, et voilà qu'il assimile vos dons, vos pensées, vos souvenirs. De l'anthropophagie à la puissance ultime, vous dévorer pour vous absorber. La pauvre Lady Bullseye va ainsi servir provisoirement de garde-manger dans cet album (encore que cette idée aurait pu être exploité de manière bien plus gore, nous restons ici dans une idée édulcorée de la chose), et l'assassin insatiable se léchera les babines en découvrant sur un sabre le sang encore tout frais d'Elektra, une ninja dont il ferait bien son quatre-heures. W.Haden Blackman s'amuse avec ce nouveau titre qu'il modèle à sa guise, offrant un départ classiquement millerien (dans le sens de Frank...) avant de bifurquer et de viser ouvertement les sentiers de campagne jamais empruntées avant lui, par Elektra et sa cohorte d'assassins. On voyage un peu, sautant de l'île aux monstres à une cité ensevelie en Chine, et comme l'ensemble est vu à travers le prisme de Del Mundo, qui s'applique et donne le meilleur de lui même -et plus encore- pour ce premier vrai travail chez Marvel dans une on-going, c'est absolument magnifique, visuellement. Le hic, c'est que ça ne suffit pas, dans un marché déjà sursaturé de propositions héroïques. Elektra n'a pas rencontré le succès escompté et la série ne dépassera pas le numéro 11, ce qui explique que Panini ne sortira donc que deux tomes. Qu'à cela ne tienne, je vous invite à vous procurer ce premier volume, qui a vraiment quelque chose de fascinant, de perturbant, comme devrait l'être la beauté quand elle se permet une excursion en marge des canons établis. 

VERTIGO ESSENTIELS : SANDMAN TOME 5

Reprenons le fil des bonnes habitudes, avec la version définitive et incontournable de Sandman, éditée chez Urban Comics. Voici le tome 5, qui contient, outre des épisodes de la série régulière, les quatre volets des Chasseurs de rêves, une mini de la fin des années 90. Nous y reviendrons plus bas. Pour le moment, concentrons nous sur Sandman proprement dit, et le célèbre numéro 50 (Ramadan) qui ouvre ce nouveau mastodonte. Il s'agit d'une réussite complète, évidente, couronnée de prix et unanimement couverte de louanges. Gaiman tente d'y présenter une version féerique de Bagdad, dans un esprit proche des contes des mille et une nuits, tout en écrivant une histoire totalement originale et inédite. Le récit plonge dans le merveilleux et l'iconographie classique, à base de tapis volants, palais somptueux, et riches décors et costumes, et il suit les craintes du Roi des rois Haroun Al-Rachid, qui pour ne pas que sa cité tombe un jour dans l'oubli et l'obsolescence, sollicite les faveurs du faiseur de rêves pour lui proposer un marché. Grande partie de la réussite de cet épisode est à mettre au crédit de P.Craig Russell, auteur d'une mise en page inspirée et fantasque, qui traduit à merveille le script de Gaiman, et édifie page après page une Badgad de légende et de magnificence qui restera gravée à jamais dans les esprits des lecteurs. Les couleurs de Lovern Kindzierski sont au diapason, et il est bien difficile de pointer le moindre défaut dans ce travail abouti et remarquable. Vient ensuite le cycle des récits de La fin des mondes. Pour simplifier, disons qu'un couple de collègues, à bord d'une voiture, à l'amorce de l'été, est étonnamment pris dans une tempête de neige, et que le véhicule quitte la route et percute un obstacle. Les deux victimes seront sauvées car hébergées dans une auberge fantasmagorique où s'entasse une faune des plus bigarrée, venue de toutes les dimensions. Là, et en attendant que cesse la colère des éléments, chacun intervient à tour de rôle pour raconter une histoire, qui contient parfois en elle-même d'autres petites histoires, créant de la sorte des récits-gigognes, se répondant en écho les unes à travers les autres. Chaque épisode est illustré par un artiste différend, et pas des moindres, puisque se succèdent Mike Allred, Michael Zulli, Shea Anton Pensa, et d'autres encore, alors que la partie située dans l'auberge est confiée intégralement à Brian Talbot. On y fera la connaissance du premier président adolescent des Etats-Unis, pénétrera dans l'étrange cité des morts, suivra un individu perdu dans les rêves d'une ville, sillonnera les mers avec une jeune fille désireuse de se faire passer pour un moussaillon viril, arpentant des trames qui oscillent entre la science-fiction, la fantasy, le récit initiatique, la fable et le conte moral. Une grande variété de thèmes et de tons, qui préfigure par endroits ce qui est sur le point d'advenir dans la série, les mois suivants. Il s'agit pour Gaiman d'un point de non retour. Avec cette suite d'épisodes, il place astucieusement et sans crier garde les indices et les jalons qui accompagneront sa grande oeuvre jusqu'à son terme. Ce que nous réaliserons dès le prochain volume (le sixième) qu'éditera Urban. 


La seconde partie de ce volume est consacrée au Chasseurs de rêves, une histoire en quatre parties présentée à l'origine en 1998. Cette fois l'ambiance est nipponisante, avec les aventures d'un moine modeste, qui habite un temple tout simple, presque à flanc de montagne. Une existence bucolique et ordinaire, perturbée un jour par le pari de deux animaux, un blaireau et une renarde, de déloger le maître de maison par la ruse. Si leurs machinations échouent, la renarde finit par tomber amoureuse de l'homme dont elle voulait se jouer. Un amour si fort qu'elle n'hésitera pas, lorsque viendra le jour où elle apprendra qu'un complot est ourdie au détriment de l'objet de ses sentiments, à pénétrer dans le royaume des rêves pour tenter de sauver le moine de son coeur, autrement condamné. Ce récit, au départ en prose et illustré par les dessins de Yoshitaka Amano, a finalement été adapté en bande-dessinée par le déjà cité plus haut P.Craig Russell. Inutile donc de revenir sur le talent de story-teller, et de metteur en scène adroit et inventif de cet artiste, qui là encore offre une leçon magistral qui contribue grandement au succès du produit fini. Nous baignons dans un climat onirique avec des animaux qui parlent, une iconographie orientale qui nous rappelle la sagesse et la mesure propres à la philosophie asiatique, et qui se termine par un acte de cruauté inévitable, vengeance méritée et dramatique, comme issue inévitable d'une histoire d'amour aussi improbable que déchirante. Certaines planches s'inspirent beaucoup des estampes japonaises du XVII et XVIII mes siècles, et si nous retirions le texte et les didascalies de ces épisodes, ils n'en conserveraient pas moins une beauté romantique et tourmentée évidente. Un tome 5 riche en moments forts et de haute facture artistique, dans une édition toujours aussi irréprochable et agrémentée de bonus variés, qui font de la collection Vertigo Essentiels un must have pour les fans exigeants. 




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SPIDER-GWEN #1 : LA REVIEW

La série ayant vraiment fait le buzz ces dernières semaines (et nous en avions parlé ici même) je me sens d'autant plus déconcerté à l'idée de devoir manifester ma déception avec cette brève chronique. Mais ainsi en va la vie quand on souhaite conserver une indépendance de jugement, et rester honnête avec ses lecteurs. Je n'ai pas aimé Spider-Gwen. Que voulez-vous, c'est ainsi! Tout d'abord, je constate et je l'admets, le titre est frais, juvénile, pétillant, mais les bulles ont tendance à vite exploser, sans bruit, et derrière la saveur acidulée du premier instant, il ne reste rien, pas même un arrière goût. C'est vide, finalement. Un des intérêts de Spider-Gwen, c'est comme bien souvent avec ces histoires de mondes parallèles, dimensions alternatives, ou uchronies de passage, d'identifier les personnages que nous connaissons déjà, pour les voir sous un nouveau jour, de nouveaux rôles. Ce sera le cas ici sur Terre 65 avec Gwen (forcément) mais aussi Mary-Jane (en chanteuse egocentrée d'un groupe musical), Frank Castle, Betty Brant, Foggy Nelson et d'autres. Sympathique dans l'idée, mais loin d'être une première et de proposer quelque chose de bouleversant. Pour ce premier numéro, il fallait aussi un premier ennemi de taille. Ce sera le Vautour, alias Adrian Toomes. Lui par contre ressemble à ce que nous connaissons, et il met en difficulté notre blonde héroïne malgré un âge avancé. La série est juvénile, disais-je. Du coup, pour faire jeune, il faut des smartphones, et un look bien pensé (la meilleure chose de cette Spider-Gwen) avec un costume axé sur un sweat à capuche, qui devrait bien se vendre dans le monde réel où le merchandising est toujours à l'affût. Mais comme je viens de franchir le cap des quarante ans, et que j'aime bien trouver un minimum de fond dans les récits que je lis, histoire d'avoir un peu de grain à moudre au moment du passage à l'analyse, je suis embarrassé. C'est fun  et sans prise de tête, mais si vous allez sous la surface des choses, vous ne verrez pas grand chose. Pour le moment, car les prochains mois pourraient me surprendre, me faire réviser cette critique acerbe, nous le verrons bien. En attendant, le personnage crée par Dan Slott durant la saga Spider-Verse a déjà conquis le coeur des foules, avant même que ces dernières n'ouvrent les pages de ce numéro un, à en juger par les pré-commandes qui ont affolé les compteurs. Mais il n'est pas certain que Jason Latour parvienne à pondre un scénario à la hauteur des ambitions, avec cette Gwen Stacy désireuse de se faire une place au soleil de l'héroïsme, en mémoire de son Peter Parker à elle, qui a passé l'arme à gauche. Un destin qui va de soi quand on a été mordue par une araignée radio-active, etc. Un mot sur le dessin de Robbi Rodriguez pour finir : inventif, audacieux, mais aussi trop cartoony par endroits. Je ne félicite pas le coloriste (Rico Renzi) pour son travail et son usage exagéré d'un vert dégueulasse qui ressemble à du gorgonzola vomi étalé sur plusieurs planches. Ouais, ce Spider-Gwen va avoir du succès, peut être mérité, mais je vais avoir bien du mal à m'y faire, moi. 


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MARVEL SAGA 5 : THE PUNISHER NIGHTMARE

Nouvelle mini série pour le Punisher avec la bien nommée Nightmare. Pas de Frank Castle dans l'espace, ou contre les Vengeurs. Nous sommes cette fois de retour dans la rue, où se logent les gangs, et la pègre à abattre. On dit parfois que l'histoire se répète : c'est exactement le  coeur du sujet de cette parution. Vous connaissez tous les circonstances qui ont abouti à la création du personnage à tête de mort, et bien ce coup ci vous allez lire une autre tragédie plus ou moins similaire, avec un couple et leur charmante fillette pris dans le feu d'un assassinat mafieux (en apparence). Des témoins gênants et vite liquidés, sauf que le père, grièvement blessé et brûlé, parvient à survivre et sort du coma. Jake Niman vit lui aussi une tragédie personnelle touchante, qui pourrait bien le rendre fou de douleur au point de suivre les traces de Castle. D'autant plus que le récit est entrecoupé de longs flashbacks qui nous révèlent la profession de la victime : soldat d'élite dans l'armée des Etats-Unis, engagé en Afghanistan contre les talibans, et particulièrement doué pour son boulot, au point de devenir la-bas une vraie machine à tuer. Jake avait cependant décidé que l'heure était venue pour lui de raccrocher, car il avait bien conscience que la haine appelle la haine, que le sang qui coule coulera toujours plus abondant. Les monologues sont au centre de cette mini puisque outre les pensées de Jake, celles du Punisher sont aussi sous les yeux des lecteurs. Le premier cité laisse cohabiter deux personnalités en lui. La première, J (initiale du prénom) est le bon père de famille, qui aspire à la paix et au repos. La seconde, Johnny Cauchemar, est gouvernée par le soldat, la machine à tuer, implacable et qui ne discute pas les ordres. Inutile de préciser laquelle sortira primée de la tragique fusillade, faisant écho au destin d'un certain Frank Castle, qui a pour avoir connu le même drame continue d'arborer aujourd'hui un T-Shirt avec une belle grosse tête de mort. 

Ce récit éminemment urbain et sanglant évolue toutefois vers quelque chose d'un peu plus élaboré, lorsque les souvenirs de bataille de Johnny amènent le lecteur à s'interroger sur le sort qui lui a été réservé durant son service, notamment certaines expériences médicales, avec d'étranges seringues. On se pose la question lorsqu'on le voit quitter très vite l'hôpital, malgré des blessures sérieuses et invalidantes, pour épauler le Punisher dans une vengeance fort méritée. On est totalement inquiet lorsqu'il reçoit une balle en pleine tête, que son cerveau se répand sur le trottoir, mais qu'il se relève pourtant, plus fort et puissant qu'auparavant. En voilà un homme qui a la santé. Physique, parce que santé mentale, c'est autre chose. Le scénario est de Scott Gimple, déjà à l'oeuvre en tant qu'assistant au scripte du dernier film sur Ghost Rider, d'une partie de la trame de la série Flash Forward, et également en ce moment de l'écriture du Walking Dead de Frank Darabont. Il est ici en tandem avec Mark Texeira, toujours aussi bon et puissant dès lors que l'action est urbaine, crade, impitoyable. Son Punisher est massif, sanglant, brutal, comme l'aiment les fans. Point de barbe ou de bandeau sur l'oeil, on revient dans le basique, hérité des années 80. Du bel ouvrage sans concession. A signaler pour finir des apparitions de Captain America, sous forme de réminiscences liées à la période Secret War. Steve Rogers est ici présenté comme l'une des extrémités du spectre de l'héroïsme ou de la justice, Johnny Cauchemar en étant l'autre bout. Curieusement le Punisher -qui est toujours habité par une forme de morale propre à sa croisade et son point de vue jusqu'au boutiste- symbolise le juste équilibre, celui qui hésite à choisir sa voie, selon les circonstances. Une aventure un peu rhétorique et didascalique par moments, mais qui se révèle plus complexe et nuancée qu'attendu.



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ALL-NEW X-MEN TOME 3 / THE SUPERIOR SPIDER-MAN TOME 3

Double petite review ce samedi, pour faire un point rapide sur les dernières sorties librairie consacrées aux séries targuées Marvel Now. On commence avec le troisième tome des All-New X-Men de Brian Bendis. Dans celui-ci, Cyclope débarque chez ceux qui le haïssent (ses anciens compagnons, avec qui c'est le grand froid depuis les événements de la fin de Avengers Vs X-Men)  pour entamer une campagne de recrutement parmi les jeunes élèves de l'académie Jean Grey. Qui va le rejoindre? Sa meilleure arme en ce sens, c'est encore la blonde Emma Frost et ses trois clones (les Stepford Cuckoos), sans oublier le parfum de dissension qui règne chez les étudiants et les premiers X-Men. Le jeune Scott est intègre et loin d'être disposé à céder, mais il n'en est pas de même pour un certain Warren Worthington. Bendis utilise alors pas moins de deux épisodes pour raconter la défection du jeune Angel, qui quitte le camp des utopistes et rejoint l'équipe de Scott Summers. Le pire, c'est que les raisons de ce revirement ne semblent pas très claires, hormis une vague impulsion juvénile. Bref, c'est de la décompression maximale, comme souvent chez le scénariste, même si l'ensemble reste agréable à lire grâce à la présence récurrente d'un humour évident, à des dialogues frétillants qui lorgnent du coté de la sitcom américaine, et aussi car le dessinateur, Stuart Immonen, a vraiment acquis une maestria sur son ouvrage qui en fait un des tous meilleurs, en ce moment, et ça ne se refuse pas. En parallèle, Mystique et sa bande passent à l'action et financent leur croisade à coups de cambriolages sanglants et la petite Jean Grey ne parvient pas à se retenir d'utiliser ses pouvoirs pour contraindre les siens à faire ce qu'elle souhaite (bonjour le libre arbitre)... On trouve également un peu de Lafuente au dessin, et il ne dépareille pas, loin de là. Sympatoche, sans être formidable. 


Faisons un tour aussi du coté du Superior Spider-Man. Le tome 3 est sorti le mois dernier. Dan Slott continue de nous raconter comment Otto Octavius, désormais maître du corps de feu Peter Parker, bouleverse la vie de l'ancien jeune homme tranquille, et fait de son alter ego en collants un tisseur supérieur. L'action est toujours le moteur de ce titre, avec notamment une visite au Raft, prison de haute sécurité, à l'occasion de ce qui devrait être l'exécution de Alistair Smythe,  l'anti-araignée qui est coupable de la mort de Marla, l'épouse de J.J.Jameson, maire de New-York. Ce dernier se retrouve au milieu d'un imbroglio périlleux quand les petits automates de Smythe se mettent en branle, et que les prisonniers du Raft (le Scorpion, le Vautour, Boomerang) sont eux aussi concernés! Sachez également que c'est dans ce tome 3 que nous en savons plus sur l'identité du Super Bouffon, et que les choses commencent à prendre une tournure plus précise. La série jongle avec les personnages secondaires de manière habile et divertissante, et bénéficie d'artistes dont le trait colle parfaitement bien à ce type de comic-books. Ramos (plus à présenter) et Camuncoli (très à l'aise depuis des années sur le tisseur) assurent le job à merveille. Annoncée dans la suspicion générale et décriée dès la sortie du premier numéro, Superior Spider-Man est avec le recul une grande bouffée d'oxygène et une récréation joviale et électrisante. A placer dans votre bédéthèque sans hésitation aucune. 



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DAREDEVIL TOME 1 : LE DIABLE DE CALIFORNIE

Les lecteurs Vf de longue date le savent, Daredevil est un personnage qui a beaucoup voyagé. De la vieille revue Strange à la Version Intégrale de chez Semic, du mensuel anthologique Marvel à Marvel Knights, de numéros hors-séries aux albums librairie, garder la piste du diable rouge n'est pas chose aisée. Avec l'arrivée de la nouvelle mouture targuée All-New Marvel Now, Daredevil retrouve la collection 100% Marvel qu'il a déjà fréquenté, pour un nouveau cycle d'aventures dépaysantes. Matt Murdock ayant finalement du révéler au monde entier, et en plein tribunal, le secret de sa double identité (restait-il un seul new-yorkais qui l'ignorait?), il a été rayé du barreau et a du prendre ses valises pour aller trouver refuge à San Francisco, en compagnie de sa nouvelle associée et compagne Kirsten McDuffie. Le voyage n'est pas de tout repos, puisqu'il trouve le temps d'un face à face impromptu avec un super adaptoïde défectueux, qui a échappé à son créateur, le Penseur Fou, pour vivre sa propre existence de faux être humain. Un épisode 0.1 qui permet à Mark Waid de donner le ton et attirer les nouveaux lecteurs, tout en rassurant les autres, avec une continuité totale garantie. On avance toujours sur le même rythme, avec les mêmes discours de fond : c'est une version adulte et parfois tragique de Daredevil qu'il nous offre, mais comme le héros garde le sourire et refoule agréablement son coté dépressif au profit d'une feel-good vision de l'existence, les pires obstacles sont affrontés avec le calembour aux lèvres et en quelques bonds de cabri. D'ailleurs DD quitte la grisaille de Big Apple pour s'installer plus au sud, dans une ville où sa double vie est assez facilement acceptée, au point qu'il est d'emblée convoqué par la police, pour devenir consultant exceptionnel lors d'une affaire d'enlèvement : la petite fille d'une adjoint au maire a disparu, et lorsque tête à cornes la retrouve, il se rend compte qu'elle a été transformée en bombe humaine par ses ravisseurs. Une chouette pendaison de crémaillère. 


L'arrivée en Californie installe Daredevil dans un nouveau statut. Plus besoin de se cacher, puisque tout le monde sait qui il est vraiment, au point que lorsque Matt est en terrasse pour prendre un verre, de jeunes fans viennent faire des selfies. Cela dit, l'habitude de vivre de mensonges est dure à abandonner. Il en reste un, et de poids, concernant le destin de Foggy Nelson, ancien associé et meilleur ami. Atteint d'un cancer et en pleine chimiothérapie, Foggy a finalement succombé, aux yeux du monde entier, mais pas de la manière dont on aurait pu s'attendre, en raison de la maladie. Ceci nous est narré dans l'épisode conclusif de ce premier tome, où nous apprenons la vérité, après une série d'allusions disséminées à plusieurs moments dans les récits précédents. Nous faisons aussi la rencontre du Suaire, un justicier aux méthodes discutables, et plutôt instable du ciboulot, qui ne vit pas forcément très bien l'arrivée d'un héros concurrent dans sa ville, et puis nous retrouvons (encore et encore) de vieux ennemis, en la personne du Hibou, qui n'en finit plus de fréquenter le quotidien de Daredevil, même quand celui-ci change de côte. Le dessin est confié à Chris Samnee, qui brille avant tout par son story-telling, sa mise en pages, car pour le reste, bien que récompensé aux Eisner Ewards et encensé par les lecteurs, j'admets avoir une petite réserve sur certaines silhouettes, certaines anatomies, qui empruntent trop au cartoons. Le premier épisode est de Peter Krause, qui oeuvre dans une veine assez similaire, tout en conservant une touche plus réaliste et classique. Inutile de préciser que les amateurs du run de Waid ont toutes les raisons du monde de prolonger l'expérience, et d'aller acquérir cet album fort sympathique. Daredevil reste Daredevil, et avec la série Netflix sur le point de démarrer, gageons que Tête à cornes a encore de longs et beaux jours devant lui. 




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