REBELS : LA NAISSANCE DU REVE (DE BRIAN WOOD ET ANDREA MUTTI)

Il n'est pas toujours facile pour un Américain, aujourd'hui, de revendiquer un patriotisme pourtant légitime. Il faut dire que si les États-Unis ont longtemps été la patrie de la liberté individuelle et de la libre entreprise, ils sont passés au 21e siècle de l'autre côté de la barrière idéologique, en prétendant imposer très souvent une certaine vision agressive du monde au reste de la planète. Fort heureusement, il suffit de se replonger dans l'histoire et les racines de cette grande nation, pour mieux appréhender l'esprit fondateur et les intentions de départ. Pour ce faire, une série publiée courant 2015 chez Dark Horse est tout simplement excellente : il s'agit de Rebels, de Brian Wood, dont une édition remarquable est sortie chez Urban Comics. Nous plongeons dans la guerre d'indépendance qui débute en 1775, avec les premiers insurgés, qui tente de chasser définitivement les Anglais. Le héros au départ se nomme Seth Abbott : nous le découvrons encore jeune, un gamin sous l'influence d'un père qui l'élève à la dure. Une éducation qui peut paraître rustre, mais qui sera utile pour le futur adulte et combattant. Seth va s'engager dans une milice du Vermont, les Green Mountain Boys, en compagnie de son meilleur ami, un renégat britannique qu'il avait échoué à éliminer, alors que tout jeune encore son paternel lui avait donné l'occasion de mener la charge, fusil au poing. Des inconnus rencontrent des figures célèbres, dans cette bande dessinée, qui tente de poser un regard clair et objectif sur une période cruciale de l'histoire américaine. Le scénariste multiplie les points de vue et tente de nous montrer que cette révolution américaine possède de multiples facettes, qui englobent par exemple les femmes. Elle peuvent être courageuses, patientes, résolues, mais jamais condamnées au rôle de potiches... à commencer par l'épouse de Seth, qui voit partir son mari défendre de lointains états, qui ne représentent rien pour elle, alors qu'elle est enceinte et devra patienter des années, pour présenter sa progéniture au père combattant. 

Comme il est de coutume chez Urban, l'album est ouvert et conclu par d'intéressants textes où Brian Wood nous éclaire sur son amour pour sa terre natale (le Vermont) et son intérêt pour l'histoire et ses racines. C'est de cela qu'il s'agit ici, avec un cast humble et inhabituel, qui puise ses héros parmi les fermiers du New Hampshire, pas forcément les politiciens ou les habitants des grandes villes, habitués aux premières pages des ouvrages historiques. Quand les grands pontes montrent le bout du nez (Georges Washington, ou de hauts gradés de l'armée américaine) c'est pour semer l'antipathie, et l'incompétence, au point que Seth en sort grandi, par son sens pratique, du devoir, son éducation rigide et taiseuse, mais bien plus efficace. De nombreux thèmes ou pistes sont mis en lumière : que sont vraiment les Etats-Unis (à l'époque treize états)? Laisser derrière soi femme et enfant à naître (même si Seth l'ignore lorsqu'il part), cela vaut vraiment d'être sacrifié sur l'autel d'un idéal d'union et de liberté, pour des "voisins" avec qui on partage si peu? Et la condition féminine, de Mercy, la femme au foyer qui se dresse comme un inébranlable rempart du quotidien qui perdure, quand la folie des hommes les mène sur le champ d'honneur, à Sarah Hull, qui contre toute attente se retrouve derrière le canon à Saratoga en 1777, mais qui sera profondément ignorée pour autant. Les destins des indiens, des noirs américains, sont aussi abordés dans ce splendide ouvrage, qui se lit comme une fresque douce-amère, les prémices de quelque chose de grand, qui inspirera le monde, mais qui ne naît pas pour autant dans un accouchement glorieux. Si les couvertures de Tula Lotay sont splendides et d'une richesse expressive évidente, applaudissons des deux mains le travail d'Andrea Mutti, aussi clair, précis, minutieux, que sale et organique, dans son dessin. C'est lui qui a surtout retenu mon attention de lecteur, et qui donne corps et âme aux premières luttes pour l'union et l'indépendance des États-Unis en gestation. Un comic-book profondément humain, voire salvateur, qui replace l'Amérique, la vraie, sans le masque arrogant du XX ° siècle, dans son statut de jeune nation fière de ses caractéristiques, mais qu'il faut régulièrement démythifier pour ne pas perdre de vue. 



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FLASH TOME 5 : LEÇON D'HISTOIRE

J'ai beaucoup apprécié le début de la série Flash, version New 52, en particulier pour les dessins de Francis Manapul, qui sont vraiment splendides, et son découpage dynamique qui colle parfaitement avec le ton des aventures de Barry Allen. Mais au fil du temps l'intérêt a fini par baisser, jusqu'à ce qu'arrive le Néga-Flash, qui à mon sens a été une grosse erreur de scénario, et qui s'est révélé être un coup dans l'eau. Depuis les choses vont de mal en pis, et ce volume 5 sorti chez Urban est tout simplement mauvais. La première partie est presque illisible. La leçon d'histoire commence avec le second annual de Flash, qui raconte pour la centième fois les liens qui unissent Hal Jordan -à savoir Green Lantern- au bolide écarlate. On les retrouve tous les deux sur un vaisseau extraterrestre où sont organisés des combats à mort, dans une arène, et dont l'issue finale pourrait décider de la survie d'enfants kidnappés sur Terre. Une histoire totalement dispensable, dessinée par Samy Basir, et qu'on croirait destiné à un public jeunesse. Le pire est représenté par l'épisode 26 de Flash, ou le héros doit combattre une sorte de terroriste, une pirate du ciel appelée Spitfire : du remplissage automatique, absurde jusqu'à la fin, qui mérite à peine d'être feuilletée. Que s'est-il passé pour que Dc comics insère ce genre d'ineptie dans un titre autrement bien meilleur? On sent que Christos Gage n'est pas impliqué le moins du monde dans ce travail de commande. La leçon d'histoire proprement dite commence ensuite, avec un Flash face à un fantôme issu du passé de Keystone City. Une légende racontant la création de la cité prend vie, alors qu'un mineur assassiné à coups de pioche, par un de ses collègues jaloux, des siècles en arrière, débarque parmi nous pour se venger, et prendre possession de tous ceux qui ont un rapport avec la descendance de l'assassin.



C'est l'occasion de croiser cette intrigue avec la propre généalogie de Barry Allen, qui tente toujours de disculper son père en prison, et qui va avoir une révélation quant à la vie privée de sa mère, morte assassinée. Tout cela est tiré par les cheveux, et ressemble fort à un dernier baroud d'honneur mal orchestré par Brian Buccellato, au moment même où Flash se cherche un second souffle qu'il peine à trouver. Au revoir Francis Manapul, merci pour tout, au suivant. Patrick Zircher est plutôt bon aux dessins, et il instaure des tonalités sombres et tourmentées, qui contrastent fortement avec ce qui se faisait avant lui. Vous m'avez peut-être trouvé sévère avec ce volume 5, publié chez Urban, mais quand on le compare avec ce qui se produisait au départ, on se rend compte que l'évolution a été clairement négative. Une chance que le titre "Rebirth" porte en soi un de plus grands espoirs, que vous ne tarderez pas à découvrir en Vf, du moins je le souhaite! 


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RAI TOME 1 : BIENVENUE AU NEO-JAPON (CHEZ BLISS COMICS)

Nous sommes en l'an 4001 : le Japon ne ressemble plus guère à ce pays que nous connaissons tous. Le Néo-Japon est plutôt une sorte de station orbitale de dimension colossale, un vaste royaume cybertechnologique qui plane au dessus de la Terre. Certains diront une utopie, d'autres un paradis : pensez donc, plus aucun crime n'y est recensé, et la maladie aussi parait avoir été éradiquée. A la tête de tout ceci, nous trouvons le "Père" objet de toutes les révérences, ou les craintes, bien que sa présence soit insaisissable. Son homme de main, le bras armé de la police et de la justice, en quelque sorte, se nomme Rai. Celui-ci peut apparaître en tous points du Néo-Japon, comme s'il sillonnait virtuellement tout le réseau cybernétique, et intervient donc rapidement et furtivement. D'ailleurs pour beaucoup, il s'agit d'un mythe. Tout dérape le jour où un meurtre est commis, le premier depuis mille ans. Lula, une jeune témoin qui a assisté au méfait, reste sur les lieux et rencontre Rai, qu'elle va accompagner dans ses aventures futures. Il y a quelque chose qui cloche tout là-haut. Les Luddes forment une sectes qui combat l'hégémonie technologique, et ils pourraient bien précipiter le Néo-Japon au sol. Spylocke est un anti-héros mystérieux et charismatique, qui couve aussi de lourds secrets. Rai se laisse peu à peu prendre dans les filets d'une enquête qui l'amène à découvrir qu'il existe des zones d'ombres dans le réseau, des choses qui se passent en marge de sa connaissance, de sa juridiction donc, et que tout ce qu'il lui a été donné d'apprendre sur lui-même et le monde est probablement biaisé, et n'est qu'une version élaborée pour les basses besognes du "Père" qui est aussi son employeur virtuel. Derrière cette exploitation politique et sécuritaire, se pose la question de la nature même de Rai. Homme ou machine? Simple fonctionnaire destiné à être remplacé une fois démis de ses fonctions, comme les autres avant lui, ou âme rebelle, capable de faire imploser ce système aseptisé qu'est désormais le Néo-Japon?


Pour un tel scénario, il fallait un artiste capable de nous plonger dans la froide fascination qu'exerce un environnement futuriste et synthétique, glacial et glaçant. Très bon choix, c'est exactement ce que Clayton Crain fait de mieux, d'autant plus que la mise en couleurs est bluffante de réalisme. Alors certes, on ne sent pas le travail de l'artisan, crayon en main, et plus l'influence de l'ère digitale, mais si c'est pour arriver à une telle osmose entre la trame et la manière dont elle est mise en images, on vote pour, sans remords. Bliss Comics sort l'artillerie lourde, avec douze épisodes (et des poussières, pardon, des bonus...) et un pavé de 300 pages, pour un prix qui reste accessible, c'est à dire 28 euros. Un moyen radical pour découvrir une des séries emblématiques d'un éditeur américain (Valiant) qui se pose aujourd'hui en alternative idéale au duopole Marvel/Dc (Image comics étant à conseiller pour des récits plus matures et indie dans l'âme, nous parlons là de mainstream). Depuis que tout le catalogue a été relancé, et que Jeff Lemire et Matt Kindt ont été désigné comme architectes pour les nouvelles fondations, c'est indiscutablement un choix à faire, car ces albums sont accessibles, et de bonne facture. Kindt qui ici est capable de reprendre des éléments de base de la première série (Rai a déjà eu une existence passée) et de la compléter, de l'enrichir de manière notable, pour dresser le parcours d'une machine froide et  asservie, découvrant lentement les secrets de sa propre origine, et du pouvoir qui l'emploie, se détachant peu à peu de sa condition d'esclave légitime pour glisser vers une rébellion identitaire. Pas ou peu de temps mort, une série que le meilleur Warren Ellis ne renierait pas. Conseillé, fortement.



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LES SUPER-HEROS NE BOXENT PAS TOUS DANS LA MEME CATEGORIE

Qui n'a jamais eu l'idée, au moins une fois, de se poser la question de savoir qui sont les héros les plus forts de tout l'univers Marvel? Le genre d'interrogation qui nous passait par la tête lorsque nous étions jeunes, dans les années 70-80, à nous autres les anciens (avec les fameuses fiches de l'encyclopédie des super-héros...). Et bien dans cette même décennie des eighties, Marvel avait répondu à la question, classifiant ses personnages selon le degré de puissance brute : voilà ce que ça donne. C'est Bob Layton qui dessine, et les costumes sont d'époque, comme vous allez pouvoir le constater avec nostalgie. C'est partie pour la pesée, que chacun rejoigne le ring, avec sa catégorie d'appartenance.













Le groupe des super poids lourds propose ainsi des dieux ou des demi-dieux. Hercule ou bien Thor, mais on y trouve aussi, c'est évident, le Hulk en pantalon violet arraché. Il est peut-être surprenant de voir également Wonder Man, qui n'est pourtant pas un personnage identifié par tous, alors que Iron Man a droit à la catégorie maximale, mais sans son armure Tony Stark ne serait certainement pas ici à sa place!






Dans la catégorie des poids lourds, la Chose des Fantastiques peut se sentir vexé... à ses côtés Namor, Flèche Noire,  Sasquatch de la Division Alpha, ainsi qu'une première femme , Thundra.




Chez les super moyens, il y a du monde! On peut ne pas être d'accord avec cette place pour Colossus, qui mériterait peut-être un peu plus... même chose pour le Silver Surfer, qui en tant que créature cosmique est un peu à l'étroit. Miss Hulk aussi est un peu plus forte que ça, pour le reste Spider-Man est là! Et Luke Cage messieurs dames.



Les poids moyens du coup ne rassemblent pas de grosses pointures. Le plus connu d'entre eux est le Fauve, Hank McCoy. On y trouve aussi des femmes comme Tigra ou Spider Woman, mais c'est vrai que niveau puissance on commence déjà à avoir des héros -moins percutants...



 ...et puis il y a les autres, les outsiders, selon Marvel leur force brute, sur le papier, n'a rien d'exceptionnelle. Bizarre de retrouver àa Captain America, dont le super sérum assure pourtant le titre d'être surentraîné. Daredevil, Iron Fist, Moon Knight, la Panthère Noire et surtout Wolverine, il y a vraiment du monde, et certains d'entre eux mériteraient peut-être une catégorie supérieure. Depuis de nouveaux personnages sont apparus chez Marvel... à un certain moment nous avions même Sentry, qui ressemblait à une sorte de Superman, et dont le niveau de puissance exagéré a posé bien des problèmes aux scénaristes, à tel point qu'il a finalement été éliminé. Hypérion également mériterait une mention à part de nos jours. Et vous que pensez-vous donc de ce classement des super-héros? Qui est à votre avis le plus ou les plus puissant(s) héros Marvel?

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SPIDER-MAN 6 (EN KIOSQUE) : JEU DE POUVOIRS

Il est vraiment loin le temps où le pavide Parker se faisait chahuter en cours par Flash Thompson et sa bande de sportifs. Où la Tante May faisait une demie douzaine d'infarctus par semaine, sans pouvoir se payer les médicaments nécessaires à sa santé. Où le pauvre Peter allait vendre des photos de Spider-Man à l'irascible Jonah Jameson pour se payer une boite de préservatifs avant de sortir avec Gwen Stacy, et finalement jeter ces ustensiles en plastique, faute de ne pas les avoir utilisés avant la date de péremption. Aujourd'hui Parker est un entrepreneur multimilliardaire. Il gère un empire financier avec des filiales dans le monde entier, ce qui est pratique quand l'ennemi du moment s'appelle le Zodiaque, une organisation qui fait une fixette sur les signes astronomiques du même nom, et qui est menée par le Scorpion, dont la véritable identité se cachait depuis des mois en plein jour, sous les yeux de notre héros. Le Zodiaque tente de s'emparer de l'Orrory, un précieux artefact qui lui permettra d'asseoir sa domination sur le monde. Spider-Man fait obstacle, bien qu'une grande partie des satellites du monde entier soit hors-service. Avec Nick Fury (la version afro-américaine récente) le tisseur part dans l'espace pour utiliser un de ces satellites et repérer le Scorpion, avant de l'arrêter une bonne fois pour toutes. Et là cramponnez-vous bien : Spider-Man qui fait une chute libre depuis l'espace et atterrit plus ou moins sur ses pieds grâce à de modestes parachutes de toile! Top crédibilité. S'en suit un combat dans Paris, avec pour une fois des français qui sont représentés, dans un comics Marvel, comme des gens bien et courageux, qui savent reconnaître un héros quand ils en voient un, et se serrer les coudes. Dan Slott est gentil avec nous, sur le coup, mais l'impression est que là on vire radicalement vers le too-much. L'idée d'un Spider-Man garde du corps d'un Parker richissime a du bon et change un peu des habitudes, mais est-ce nécessaire d'aller aussi loin dans l'improbable? Pendant ce temps-là, le lecteur devine que le retour d'Octopus n'est plus très loin, lui qui continue de surveiller AnnaMaria Marconi depuis le robot domestique qui l'accompagne. Le dessin est de Giuseppe Camuncoli, et on aurait du mal à s'en plaindre; c'est à la fois élégant, dynamique, et inventif, pour que ça colle parfaitement au ton de la série. Cependant disons le franchement, on a eu assez du Zodiaque, et on aimerait aussi un tisseur plus terre à terre, car là, ça vire un peu au tout et n'importe quoi...




De son coté, Miles Morales fait la connaissance de Felicia Hardy, aka la Chatte Noire. Cette dernière n'a guère apprécié de se faire tabasser par Spider-Man (qui était alors dans sa version Superior, avec l'esprit d'Octopus aux commandes) et depuis elle a viré à la criminelle assoiffée de revanche. Du coup, c'est d'un très mauvais oeil qu'elle a vu l'apparition d'un nouveau tisseur en ville, bien que finalement torturer un newbie qui n'a rien à voir avec l'original ne lui procure aucun plaisir. Pendant ce temps là ça se corse niveau famille et double identité pour Miles, qui a une grand mère assez intolérante, et une vie d'ado comme les autres, qui ne s'accorde pas avec la carrière de super-héros. C'est fun et se laisse lire agréablement, par Brian Bendis et Sara Pichelli. Par contre la série Spider-Man 2099 est assez ennuyeuse. Cette version de Miguel à notre époque, embauché au sein des laboratoires Parker, ne présente que peu d'intérêt. Peter David semble être en mode écriture automatique, et les dessins de Will Sliney sont corrects. Le héros tente de pénétrer dans la chambre d'hôpital De Jasmine, une collègue, mais Marko la Montagne joue des muscles et lui obstrue le passage. Passionnant, non? Bon j'exagère, il y a d'autres enjeux plus fins derrière, mais j'ai la nostalgie de la vraie grande époque de Spidey 2099. Bref, pas le meilleur moment de la revue. 




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THE WICKED + THE DIVINE TOME 1 : FAUST DEPART (CHEZ GLENAT COMICS)

Montez le son, sortez le maquillage et la mini jupe, Laura va en concert, et ça va être l'éclate. Oui, ce The Wicked + The Divine convoque à la fois les comic-books et la pop musique. Sur scène, mais dans les coulisses également. Pour la jeune fille, c'est une soirée mémorable, et l'émotion est telle qu'elle finit par défaillir et reprendre ses esprits juste à temps pour être invitée backstage par Luci/Lucifer, qui prétend être une déesse, tout comme les membres du groupe qui vient de livrer une performance dantesque. Si de jeunes fans crédules peuvent se laisser tromper par les effets de manche et les attitudes granguignolesques et dignes de divas capricieuses de Amaterasu et les autres, les journalistes eux sont là pour mettre les pieds dans le plat, et recadrer sévèrement ces artistes au melon disproportionné. Sauf que l'interview dérape totalement lorsqu'un tireur embusqué fait feu dans les coulisses, et que Lucifer, qui s'est précipitée vers la fenêtre, explose littéralement l'assaillant en claquant des doigts. Le pire est que tout ceci donne lieu à un procès durant lequel l'accusée abuse de sa morgue et d'un raisonnement logique terre à terre pour tenter de se disculper, jusqu'à ce qu'un autre claquement de doigts ne signifie cette fois l'explosion du juge chargé de l'affaire. Sauf qu'elle n'y est absolument pour rien, et que ce dérapage sanglant la conduit directement en prison. Dès lors Laura devient une sorte de point d'ancrage avec l'extérieur, et le lien possible vers Ananke, une autre de ces divinités qui planent à travers ce récit, comme de véritables rock-stars contemplant notre minable existence d'auditeurs lambdas. 

Les dieux de Gillen sont un peu particuliers : ils ne vivent que durant deux années, et doivent attendre 90 ans avant de revenir sous la forme d'adolescents, pour une nouvelle incarnation. Forcément, ils n'ont pas de temps à perdre, et ça donne envie de profiter de chaque seconde. La rock'n roll attitude, c'est aussi un moyen d'aller au bout d'expériences interdites au commun des mortels. Laura, la "fan humaine" du récit, est ici l'élément faussement ingénu qui permet de jeter un regard inédit sur ces êtres qui se veulent surnaturels, et qu'elle apprend à connaître en même temps que le lecteur, jusqu'à devenir une des pièces maîtresses pour aller au secours de Luci elle-même, lorsque tout dérape complètement. Le discours est simple : est si les rock-stars d'aujourd'hui n'étaient que les icônes mythologiques d'hier? Pas faux sur le fond, et le mélange entre sacré et profane permet de donner à l'ensemble un ton résolument destroy, qui convoque excès en tous genre et récit passif/agressif faussement révolutionnaire. WicDiv fonctionne et se vend bien car c'est un crossover bien balancé entre la mythologie, la pop culture de ces 50 dernières années, et bien sur, un comic-book américain bien troussé. 
Jamie McKelvie et Matthew Wilson se mettent au diapason du récit. On est en compagnie de guitares paillettes et concerts rock, alors ça doit exploser au niveau des couleurs, ça doit vibrer et sembler jeune, effervescent. Finalement le desin est simple, immédiat, clair, pas trop porté sur les détails de fond de case ou les rides expressives et les visages burinés. Pour ma part, j'ajouterais même trop lisse, selon mes critères, mes propres standards, tout en reconnaissant que cette patine brillante et immédiatement accessible est aussi une des clés du succès de la série. Outre le tome 1 dans sa version classique, est disponible aussi depuis la semaine dernière une édition collector avec moult bonus en plus, et une couverture noire presque ésotérique, qui sent bon le grimoire. Il y a fort à parier que Glénat Comics tient là sa locomotive en terme de ventes, pour cette fin d'années 2016. Noël et ses sapins arrivent bientôt...  

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INVINCIBLE IRON MAN #1 : RIRI WILLIAMS EST IRONHEART

Elle a quinze ans, et c'est elle qui va se glisser dans l'armure d'Iron Man, pour remplacer Tony Stark. La nouvelle a déjà fait le tour d'internet depuis quelques semaines, mais désormais vous pouvez lire en VO le numéro 1 de la nouvelle mouture de Invincible Iron Man. Riri Williams est jeune mais elle n'est pas pour autant la première venue; d'ailleurs dès l'enfance elle avait été diagnostiqué comme une super génie. Les parents avaient été un peu effrayé par cet avis médical, et par peur de voir la gamine se replier sur elle-même, et abandonner les interactions sociales, ils ont toujours essayé en permanence de lui insuffler des idées positives, et de lui faire prendre conscience de la beauté des choses. Un comportement un peu irritant, dont a bien conscience Riri, qui en grandissant a su se trouver une très bonne amie, et mettre à profit ses talents. Pour elle la vie c'est inventer des choses et avoir toujours trois coups d'avance sur les autres. Marvel semble vouloir plonger dans ses racines, pour présenter ses nouveaux personnages : elle aussi va connaître un drame fondateur, avant d'avoir le privilège de prendre la place de Tony Stark dans l'armure. Ce premier numéro nous présente tout de suite ce que l'adolescente est capable de faire en action, elle est aux prises face à Animax, et les mutants monstrueux que la vilaine génère à partir de son ADN. Ensuite tout nous est expliqué clairement : comment elle et Stark sont entrés en contact, et pour quelles raisons. Brian Bendis a le mérite de crédibiliser une histoire qui sur le papier était tout sauf crédible! En fait on s'attache assez rapidement à Riri, qui sort grandie de cette vingtaine de pages, même si cela semble difficile à croire à la vue du pitch. Au moins cette présentation est beaucoup moins absurde et opportuniste que prévu, et on sent qu'il y a de quoi travailler sur le personnage, qui porte en soi un potentiel évident.
Le dessin est de l'italien Stefano Caselli, et c'est très efficace, car facilement lisible, dynamique, avec des formes harmonieuse et agréables, toujours soulignées par un contour un peu plus appuyé, qui détache les silhouettes et leur donne corps. Je suis convaincu que tous les haters qui se sont déchaînés sur le web ne changeront guère d'avis, néanmoins ce premier numéro a une grande qualité, celle d'offrir à tous les sceptiques qui souhaitaient tout de même tenter l'aventure en espérant découvrir quelque chose de construit, un produit plus intelligent et mieux réalisé que ce que l'on pouvait craindre. Je ne suis ni totalement emballé ni persuadé du succès sur la distance, mais nous avons au moins de quoi dévorer un arc narratif de qualité, et je suis curieux de découvrir la suite.


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JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

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