MADAME WEB : LE VIDE DERRIÈRE LA TOILE


 Certains médias ont pris l'habitude d'attendre les spectateurs à la sortie des salles, le mercredi, pour leur demander leur opinion sur les nouveautés du jour. Dans le cas de Madame Web, il convenait de se placer plutôt dans une des petites rues derrière le cinéma, là où débouchent les issues de secours qui permettent aux cobayes honteux de quitter l'établissement, sans trop se faire remarquer. Vous l'avez peut-être déjà lu ou entendu un peu partout, ce film est très mauvais; pour autant, vous avez peut-être cette fibre en vous, cette envie de vouloir croire à l'impossible, au complot. On vous aurait menti ! Et bien non, il n'y a rien à sauver dans Madame Web. Ou plutôt si, la plastique des actrices et en particulier de Dakota Johnson et Sydney Sweeney, qui ont su raviver notre intérêt pour leur long-métrage sur le red carpet américain, lors de la présentation officielle. Mais une fois sur grand écran, on frise la catastrophe industrielle majeure. En fait, tout est bancal, de l'histoire inexistante aux effets spéciaux absolument illisibles, qui viennent plomber une dernière demi-heure où on n'arrive même plus à comprendre ce qui est en train de se produire sous nos yeux. Cassandra Webb est une secouriste qui a la faculté de savoir ce qui va se produire à l'avance, une sorte de précognition qu'elle a hérité d'un peuple araignée et d'une bestiole au venin très particulier, dans la jungle du Pérou, que sa propre mère était venue découvrir. Cette dernière a été abattue de sang-froid par le grand méchant du jour, Ezekiel (Tahar Rahim), qui n'a aucune autre motivation si ce n'est de venger les avanies qu'il a subies quand il était petit et d'assouvir son besoin d'être toujours plus riche. Certes, il fait des cauchemars qui impliquent trois jeunes filles, en apparence trois cosplayeuses dans des costumes improbables, qui rappellent vaguement ceux des comic books (de Julia Carpenter, Anya Corazon et Mattie Franklin). Cette vision du futur trouve évidemment un écho dans le présent, avec nos trois adolescentes qui sont autant de caricatures telles qu'imaginées par un adulte dépassé. Et qui plus est, elles ne disposent absolument d'aucun pouvoir. Les flash forwards ne servent qu'à annoncer un événement qui n'aura jamais lieu. Traquées et pourchassées, les trois donzelles trouve l'aide de Cassandra qui les prend sous son aile. Nait alors une dynamique qui voudrait être pétillante et drôle, mais qui la plupart du temps est juste consternante.




Dès votre plus jeune âge, l'école vous apprend la nécessité d'employer des conjonctions de coordination, l'importance d'établir une liaison entre différents paragraphes pour former un tout cohérent. Au cinéma également, les scènes doivent avoir une unité d'intention pour que le film reste crédible. Ici, ce n'est clairement pas le cas. Madame Web empile les poncifs et des raccourcis, à commencer par le peuple araignée qui sauve Cassandra, quand elle n'est qu'un bébé à naître, et dont l'apparence sur grand écran est profondément ridicule. Aucune caractérisation du grand méchant, comme nous l'avons déjà dit, aucune logique dans la réunion des trois adolescentes; pire encore, la transformation régulière d'Ezekiel qui ressent le besoin d'endosser un costume arachnéen bon marché, qui est d'un mauvais goût extrême, pour liquider ses adversaires. Qu'est-ce qui le pousse à se grimer ainsi, le mystère est vraiment déroutant. Cassandra, qui a un certain point du film décide de partir au Pérou sur les traces de sa mère et qui comme par hasard, en l'espace de quelques minutes, retrouve tout ce qu'elle est venu chercher, toutes les réponses à ses questions, c'est aussi un choix paresseux. Parce qu'il faut bien l'admettre, à un moment donné, plus personne ne savait comment les offrir aux spectateurs, ces réponses, alors on leur balance le tout au visage, histoire de signifier que ça y est, on est arrivé au bout du scénario et que désormais, jusqu'au crédits de fin, ça va être du grand n'importe quoi, en roue libre. Et en effet, la résolution de Madame Web s'accomplit dans une bataille ultime, sur le toit d'un entrepôt, totalement illisible ! Les personnages courent, frappent, tombent, la caméra les suit avec frénésie, tremble de partout, mais on n'y comprend absolument rien. C'est visuellement proche de l'épileptique et de l'amateurisme. Bref, il n'y a absolument rien à sauver dans ce long métrage qui met en scène un personnage totalement méconnu du grand public, qui n'a donc absolument aucune raison de donner sa chance à un produit bâclé, qui plus est incendié par la quasi-totalité des critiques. Sony compte bien récidiver un peu plus tard dans l'année avec Kraven et même un énième Venom; c'est un des plus grands mystères du 7e art que cette insistance pathétique. Certes, il s'agit de renouveler les droits d'exploitation des personnages, mais pour autant, doit-on se contenter de pitreries aussi grotesques ?






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ELRIC LE NAVIGATEUR SUR LES MERS DU DESTIN : LA GRANDE FANTASY CHEZ DELIRIUM


 Elric, la création la plus célèbre de Michael Moorcock, est de retour chez Delirium avec un second album qu'on peut qualifier, sans exagérer, de magnifique. Qui s'ouvre avec un protagoniste fragilisé, que nous découvrons errant sous une pluie battante, après avoir tourné le dos à Imrryr, la cité qui rêve, contraint d'utiliser avec parcimonie les drogues qui lui permettent de maintenir sa vaillance et son énergie. Il est traqué par des soldats de Pikarayd, qui voient en lui un espion Melnibonéen. À bout de forces, Elric s'endort dans une grotte, un abri bien précaire, puis se réveille victime de ce qu'il pense être une hallucination : un navire gigantesque apparaît, à bord duquel il va être accepté et faire la rencontre d'un équipage singulier. Le capitaine de ce vaisseau qui vogue à travers les dimensions, un aveugle énigmatique dont chaque réponse apporte de nouvelles questions, lui présente trois autres guerriers courageux (Corum, Erekosë et Hawkmoon), qui sont en fait l'incarnation d'Elric lui-même, dans d'autres dimensions ou plans d'existence. Un quatuor qui forme les quatre en un et qui va être chargé d'une mission aussi simple que périlleuse : sauver l'univers (ou plutôt, la myriade d'univers) en s'en allant détruire (par le feu, consigne impérative donnée aux assaillants) deux êtres fabuleux et jumeaux, Agak et Gagak, qu'il va falloir déloger jusqu'au cœur de leur repère. Seulement, une fois à l'intérieur d'une structure labyrinthique qui semble se défendre comme si elle était dotée d'anticorps, Elric et ses trois autres facettes vont se rendre compte que la réalité (encore que cette idée est bien changeante, dans cet ouvrage) est bien plus pernicieuse que ce qui est donné à voir. Nous sommes par ailleurs dans le domaine de la fantasy la plus débridée, où la force des songes et des mythes est égale à celle des biceps ou des armes. Tout est possible et peut advenir car tout à déjà eu lieu et se reproduira. Un peu à l'image de la littérature qui recycle depuis l'aube des temps des récits fondateurs pour les adapter à la sensibilité d'un lectorat chaque fois différent dans ses repères, sa culture. Plus qu'écrire, nous réécrivons. Et toutes ces histoires se répondent à travers l'espace et le temps, comme ce guerrier albinos à la recherche de soi-même, cet Elric qui va beaucoup apprendre (et si peu en même temps), dans ce second tome. 



Le long voyage à travers les jeunes royaumes est finalement emblématique de ce que signifie une aventure, une vraie. Impossible de vraiment déterminer ce qui nous attend au bout de la route, ce sont les étapes et le cheminement qui comptent. Elric, va d'une rencontre fantasmagorique à l'autre, possédant et en même temps possédé par Stormbringer, une épée qui se nourrit des âmes afin de donner sa pleine puissance, qu'elles soient amies ou ennemies. Le voyage d'Éric, adapté au format comic book par Roy Thomas, c'est un peu la préfiguration du multivers, cette possibilité d'aborder tous les possibles en même temps, de voler vers le passé et le futur tout en ignorant toujours si l'on se trouve dans le présent. C'est aussi la volonté farouche de lutter contre la nature intrinsèque et de laisser advenir ce qui doit être, voire même ce qui ne devrait pas être, afin d'évoluer. Sur les mers du destin, Elric est ainsi destiné à rencontrer un terrible sorcier qui va être à son tour victime d'une des pires malédictions qui soient, l'amour, mais aussi l'aveuglément, qui est une condamnation qui nous guette tous, tôt ou tard. C'est aussi la grande rencontre d'une sorte de dieu du chaos, dans la cité reculée et en apparence abandonnée de R'Lin K'Ren A'A, où veille un géant de jade immobile, qui pourrait bien être lié aux origines même d'Elric. Ce dernier est convaincu qu'il va enfin pouvoir découvrir là des éléments nécessaires à la compréhension de ses racines et donc, à travers ces informations, de sa généalogie, définir réellement sa place au sein de la grande tapisserie universelle. Mais s'il est un le motif que l'on retrouve à travers toutes ses aventures telles qu'écrites par Moorcock à la base, c'est celui de la cruelle déception, de la vanité du désir, de la quête philosophique et métaphysique sans fin, car probablement irréalisable. Tout ceci est mis en image avec une maestria jouissive par Michael T. Gilbert qui réalise le lay-out et quelques esquisses, et par George Freeman, qui donne vie à tous ces concepts fantastiques, avec des figures dramatiques, majestueuses et éthérées, et des couleurs qui se mettent parfaitement au service du récit, usant de tonalités rosâtres ou violacées assez enivrantes et hypnotiques. Les planches oscillent souvent entre une fantasy fantomatique et en même temps une attention minutieuse à certains détails, aux décors luxuriants qui accueillent les différents personnages. Le grand format adopté par Delirium et la qualité de l'édition ne font qu'accentuer encore le caractère indispensable de l'ouvrage et de la série, pour tous ceux qui sont des amateurs de ce style de récit épique. Tragique et grandiloquent mais aussi clairement poétique, le voyage d'Elric est universel dans sa conception et ses intentions. Comme le héros, il y a de fortes chances que nous atteignons le bout du parcours sans jamais comprendre véritablement où nous allons, ni qui nous sommes au fond.


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA NEIGE ÉTAIT SALE


 Dans le 169e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La neige était sale, adaptation en bande dessinée d’un roman de Georges Simenon par Jean-Luc Fromental au scénario, Bernard Yslaire au dessin et qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Le lierre et l’araignée que l’on doit à Grégoire Carle et que publient les éditions Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie de l’album Le dictateur et le dragon de mousse que l’on doit au scénario de Fabien Tillon, au dessin de Fréwé et c’est édité chez La boite à bulles

- La sortie de L’étudiante anglaise, premier tome sur deux de Zoé Carrington, le nouveau diptyque de Jim sorti aux éditions Grand angle

- La sortie de l’album Vivian Maier, claire-obscure que l’on doit au scénario de Marzena Sowa, au dessin d’Émilie Plateau et que publient les éditions Dargaud

- La sortie de l’album Audrey Hepburn, un ange aux yeux de faon qui prend place dans la collection 9 1/2 des éditions Glénat et que l’on doit au duo Jean-Luc Cornette au scénario et Agnese Innocente au dessin

- La réédition en intégrale de Fleur de nuit, album que l’on doit à Giovanna Furio pour le scénario, Marco Nizzoli pour le dessin et c’est édité chez Glénat.



 
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BOLITA : LE DERNIER CHEF D'OEUVRE DE CARLOS TRILLO CHEZ ILATINA


 Rosmery Ajata est une jeune bolivienne qui habite dans un des bidonvilles de Buenos Aires. Préoccupation majeure pour les gens de sa classe sociale, trouver un petit emploi, généralement mal payé et qui jouit d'une très faible considération. Pour Rosmery, ce sera (grâce à la recommandation d'un évêque) un poste de femme de ménage chez un couple fortuné d'origine allemande. Un couple pour le moins étrange, puisqu'il s'agit en fait de deux jumeaux qui vivent sous une sorte de régime marital, en grand secret. Tout cela, notre jeune domestique le découvre assez rapidement, grâce à son sens de l'observation et sa tendance à aller fouiner là où elle ne devrait pas, mettre le nez dans les affaires (sales) des autres. C'est que nous rencontrons là une sorte de petite détective en puissance, un peu trop curieuse, qui va se retrouver inexorablement au centre d'une histoire beaucoup plus complexe qu'elle ne semble à première vue. Ce qui au départ est louche et malsain devient carrément criminel. Il va être rapidement question de la résurgence du nazisme ,du docteur Mengele et d'une histoire d'inceste qui pourrait bien avoir des ramifications jusqu'au Vatican. Au milieu de tout cela, c'est un portrait saisissant qui nous est offert. Celui d'une jeune fille qui souhaite s'émanciper et ne pas être réduit aux stéréotypes de genre et sociaux qui devraient normalement lui être réservé. Qui vit une liaison physique et bancale avec un flic (Toco) ripoux, qui est éprise de littérature. Qui se trouve grosse et moche (on pourrait la qualifier de callipyge, elle a un charme indéniable) mais garde la tête haute, en toutes circonstances. 

Cette histoire est signée Carlos Trillo, un des maîtres de la bande dessinée argentine, qui compte à son actif une longue liste de chef d'œuvres incontestables. Nombre d'entre eux ont été réalisés en compagnie du dessinateur Eduardo Risso, adoubé par le microcosme du comic book américain depuis sa prestation majeure dans 100 Bullets (avec Brian Azzarello) et sur Batman. Son style est toute de suite identifiable : un noir et blanc d'une grande élégance, un trait épuré et géométrique qui lui permet d'exceller dans la représentation de l'espace urbain et des volumes domestiques (ici, des bidonvilles aux résidences cossues de Buenos Aires, tout est retranscrit comme un témoignage saisissant et minutieux), une manière habile de mettre en scène la tension érotique tout en la tenant à distance par le ridicule, l'outrance ou l'ironie. Le duo bien rôdé met au point une tranche de vie réaliste et décadente, un coup d'œil qui suinte l'injustice de classes et la corruption, l'érotisme et le poids d'une société encore par trop patriarcale, où les jeunes filles doivent avant tout miser sur un corps et ses formes pour exister, où l'homme se sert, surtout s'il en a les moyens. Sans négliger l'influence de l'église, qui ne sort pas indemne de cette histoire. Elle est ici dénoncée comme une institution majeure mais en lien direct avec les pires travers de la politique et de la finance. C'est elle qui tire les ficelles et façonne les esprits, à travers la télévision, les traditions, les liens avec le pouvoir. La "Bolita" du titre, c'est-à-dire la petite boule, cette bolivienne anonyme et assignée à vivre dans la marge de ceux qui possèdent et décident, endosse le costume encore un peu trop grand de la rébellion, de ces petites mains au féminin qui osent parfois dire non, quitte à en payer le prix ou s'autoriser quelques faiblesses, certes bien utiles. Malheureusement, Carlos Trillo nous a quittés à l'improviste, alors que la publication de Bolita, en épisodes, n'était pas encore achevée sur les pages du magazine argentin Ferro. On ne peut que se prendre à rêver de l'ampleur que ce personnage, cette série, aurait pu assumer autrement. Ces 80 pages sont lumineuses et admirablement bien troussées, mises en valeur dans un album à la hauteur du contenu, disponible chez ILatina. Une révélation, pour ma part, que cette maison d'édition passionnante, découverte à l'occasion du Festival d'Angoulême. On en reparlera ici-même, très vite et souvent. 




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PUNISHER ZONE DE GUERRE : LE PUNISHER DE DIXON ET ROMITA JR EN MUST HAVE


 Le Punisher n’a pas attendu l’arrivée de l’irrévérencieux Garth Ennis pour s’imposer auprès d’un large public, même si force est d’admettre qu’il traversait une bien mauvaise passe lorsque l’irlandais s’est penché sur son chevet. Pourtant, dès sa création sur les pages d’Amazing Spider-man, puis l’apparition d’une première mini série toute dédiée au personnage, Franck Castle a cristallisé une certaine radicalisation de l’opinion, une certaine vision de voir le comic-book, dans une Amérique marquée par l’ère Reagan et son impitoyable économie de marché dérégulée. Il fut même un temps où le Punisher était le héros de trois titres mensuels simultanément : la série Punisher, le Punisher War Journal  première mouture, et enfin Punisher War Zone, confiée à Chuck Dixon en 1992. Ce dernier, pour un premier arc narratif de toute beauté, est associé à John Romita Junior, qui n’a certes pas besoin de présentations. Cerise sur le gâteau, l’encrage est de Klaus Janson, qui a toujours excellé dans les ambiances urbaines et glauques. Bien entendu, à force de presser une orange, on en extrait tout le suc et il ne reste plus qu’un fruit vide et inutile, bon à jeter : en 1995, après avoir vécu 41 numéros durant, la War Zone doit rendre l’âme en même temps que ses consœurs, et le Punisher est amené à repartir de zéro. A force d’être partout, Castle a fini par se retrouver nulle part. Mais jetons un œil objectif sur les six premiers mois du titre, qui voient le Punisher employer une nouvelle méthode pour mener à bien sa lutte contre le crime organisé : plutôt que de liquider tout ce qui bouge en bon justicier solitaire, il décide cette fois d’infiltrer un clan mafieux (la famille Carbone) et de feindre d’être l’un des leurs (un simple homme de main aux méthodes expéditives) pour mieux les éliminer de l’intérieur. Castle utilise dans ce but un certain Mickey Fondozzi, un petit joueur au service des Carbone, qu’il terrorise dans une scène de torture que nous retrouvons telle quelle dans le premier long métrage consacré à l'anti-héros. Où on apprend que le pouvoir de la suggestion peut faire des miracles. Suspendu à des chaînes le torse à l’air, Mickey est menacé par la flamme intense d’un chalumeau. Le Punisher lui explique que l’intensité de la flamme est telle qu’elle commence par anesthésier les terminaisons nerveuses, d’où une première sensation de froid au contact de la peau. Puis il applique un esquimau gelé sur l’échine du malfrat ,pour le convaincre qu’il est en train de rôtir comme une dinde de noël. C’est drôle et ça marche ! Par l’intermédiaire de Mickey, donc, Castle infiltre les Carbone et profite pleinement des ambitions et de la suspicion des deux frères à la tête du clan (diviser pour mieux régner…) puis séduit la fille de l’un d’entre eux, Rosalie.




Pendant ce temps, nous suivons (dans le premier épisode) les affres de Microchip, le partenaire expert en informatique de notre héros, qui doit recourir aux services d’un psy pour assimiler et digérer la perte récente de son fils, sacrifié sur l’autel de la lutte contre le crime (dans la série régulière The Punisher, dans la collection Intégrale de Panini). La saga est bien rythmée, pleine de suspens, nous offre une version truculente d’un Punisher sans état d’âme et qui s’éclate dans son travail de sape, de l’intérieur. Romita Jr nous en donne une interprétation brillante et macho, catogan bien en vue, gros biscottos dehors et barbe de six jours. Il recourt également à des splash pages dont l'impact visuel est terrifiant et complétement en accord avec la figure légendaire du Punisher. Ne manque, pour les lecteurs d’aujourd’hui, que cette touche d’irrespect acide, cette verve ironique et massacrante qu’Ennis a utilisé par exemple (et d'autres l'ont imité) pour raviver une série moribonde. Mais l’ambiance est aussi sombre et impitoyable, si ce n’est plus, que dans certains des plus récents Punisher : Max que nous a proposé Panini. Chuck Dixon n'a pas cet humour subtil que manifesteront Abnett et Lanning, quand ils vont prendre en main le personnage avec Doug Braithwaite aux dessins. Son idée de Castle est celle d'un type violent, cynique, qui ne fait pas de concession ni ne souffre d'états d'âmes. Il accédera à la notoriété avec ces épisodes, sans oublier ceux de Batman pour DC Comics. Son style d'écriture fait de cet album un vrai film d'action sans temps mort, du Punisher urbain et presque caricatural dans le modus operandi. C'est diablement efficace ! Le numéro un original possède une die cut cover du plus bel effet : le Punisher qui canarde de face, avec en relief son arme qui se soulève et se détache de la couverture pour un effet « double couche » assez réussi. Les fans du personnage feraient bien, s’ils n’ont jamais lu cet arc narratif, de se ruer en librairie pour acquérir ce tome de la collection Must Have de Panini. Pour le film du même nom, par contre, laissez tomber : Punisher War Zone est certes sombre à souhait et veut respecter l'esprit des comics les plus crades, mais apparaît brouillon et presque amateur par moments. Il n'est sorti que pour le circuit dvd, pour vous dire. 




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MINDSET : LE POUVOIR DES ÉCRANS AVEC ZACK KAPLAN


 Ce serait un comble de notre part de vous demander de lever la tête à l'instant de vos écrans, alors que vous êtes en train de lire cette chronique probablement sur votre smartphone ou une tablette. Mais le fait est que toute notre société est aujourd'hui comme hypnotisée par l'information ou le divertissement, à travers les canaux digitaux et Internet. Zack Kaplan, auteur de science-fiction prolifique qui a lancé pas moins de quatre séries différentes lors des deux dernières années, est aux commandes de Mindset, publiée initialement chez Vault comics aux États-Unis, avant que Komics Initiative ne fasse l'excellent choix de l'adapter en français. Le personnage principal de cette histoire est un jeune développeur de la Silicon Valley, Ben Sharp, qui doit parachever ses études et obtenir le diplôme qui lui ouvrira grand les portes des principales boîtes informatiques locales. Seulement voilà, il a séché quelques cours importants et du coup, il va devoir réussir un petit exploit pour décrocher le précieux sésame lors d'une ultime nuit de travail, en compagnie de ses amis. Une nuit qui va être extrêmement importante pour la vie de ces jeunes hommes, puisque par le plus grand des hasards, ils vont mettre au point une application, faire une découverte qui va littéralement révolutionner leur quotidien et potentiellement aussi le monde entier. Imaginez qu'à travers une combinaison de couleurs et de sons, vous puissiez modifier l'état d'esprit des gens, comme opérer une sorte de reboot momentané du cerveau, qui vous donne aussi la capacité de leur faire faire plus ou moins ce que vous souhaitez, de les pousser à ressentir un fort enthousiasme pour n'importe laquelle de vos suggestions. Il existe deux manières de voir les choses, dès lors. Ou bien cette application peut-être considérée comme la meilleure manière de libérer l'humanité de l'emprise des réseaux sociaux et d'Internet, ou alors c'est une arme terrible, qui permettra à ceux qui la manient de faire fortune éhontément. De plus, lorsque l'histoire commence, Kaplan choisit un point d'entrée situé chronologiquement un peu plus loin dans le récit, juste après que Ben se retrouve accusé du meurtre de celui qui a financé son application. L'occasion de peindre un portrait très intéressant de ce héros malgré lui, qui oscille entre idéalisme, naïveté et fatalité.


Il suffit de nous regarder, matin et soir téléphone dans la main, à scroller à la recherche de quelque chose qui n'a probablement aucun intérêt mais dont nous ressentons une sorte de besoin impérieux. Qui contrôle qui, alors ? C'est la technologie qui nous a transformés en pantins ou c'est nous qui l'utilisons, pour améliorer (du moins, c'est ce que nous pensons) notre quotidien ? Se forme ainsi une boucle de pensées, de laquelle il est extrêmement difficile de s'extirper et qui est au centre de Mindset. Une histoire de contrôle mental, de trahison des idéaux (et des amis, au passage) qui aboutit même à la mort, au meurtre. Zack Kaplan est capable de renverser le point de vue du lecteur à plusieurs reprises et il orchestre les rebondissements avec efficacité, au point qu'on se surprend à penser que nous tenons là un film déjà tout écrit, que nous pourrions bien retrouver sur une plateforme comme Netflix, prochainement. Le dessin de John Pearson, ou plutôt pour être exact l'approche graphique adoptée, est intrigante, quelque part entre Bill Sinkiewicz et Giulio Rincione (je ne me lasserai jamais de dire à quel point j'adore ce dernier). Il propose des planches souvent déconstruites et contaminées par des effets évoquant l'influence du digital et le grain de sable dans la machine, qui vient faire dérailler la connexion. Le contraste peut-être très marqué d'une page à l'autre, selon les situations, selon le niveau de conscience qui est évoqué et le renversement du point de vue. Mindset parvient à être résolument moderne sans pour autant devenir didactique ou lourd, dans l'évolution de son récit. Il ne s'agit pas (très loin de là) de la première critique de la société ultra connectée et des effets des réseaux sociaux; la plupart du temps, ce genre de produit à quelque chose de factice, d'opportun et ignore le concept de subtilité. Ici, ces intentions sont mises au service d'une véritable histoire et l'écriture sonne juste, d'un bout à l'autre. Une jolie réussite à retrouver chez Komics Initiative à partir du 23 février, sachant que l'album était aussi disponible en avant-première au festival d'Angoulême, où nous avons eu la chance de rencontrer l'éditeur et son enthousiasme débordant (avec des projets fabuleux dans la musette !)


 

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SOL-13 : L'UNIVERS SF DE JULIA VERLANGER CHEZ LES HUMANOS


 La science-fiction est à l'honneur chez les Humanoïdes Associés (l'éditeur est une référence !) avec Sol-13, un album qui nous permet de retrouver Jatred et l'univers de Julia Verlanger, autrice malheureusement disparue en 1985, à seulement 55 ans. Sol-13, c'est le nom d'une planète sur laquelle les colons humains ont été réduits en esclavage par une population locale appelée les Mokkais. Pour faire court, ces derniers ont subi une évolution climatique extrêmement défavorable et ils vivent désormais sous les océans. Ils ont cependant des atouts à leur disposition, des pouvoirs psychiques qui leur permettent d'entrer dans la tête de ceux qu'ils pourchassent, mais aussi une technologie très avancée qui leur consent de dominer, sans aucun problème, des colons réduits à un état de tribus primitives, sans armes ni défenses réellement efficaces. Du coup, ils vont régulièrement prélever les individus dont ils ont besoin pour exécuter leurs basses besognes, notamment extraire un minerai fondamental pour leur société et qui est à la base de cette domination. Au-dessus de tout cela, nous retrouvons la CDE, la Confrérie des étoiles, une sorte d'organisation des nations unies stellaires dont l'objectif est d'assurer harmonie et libre-échange dans l'univers, tout en évitant d'intervenir militairement dans des affaires qui ne la concernent pas. Une agente de la CDE, Eiko, a été envoyé en reconnaissance sur la planète Sol-13 mais elle a commis un acte d'imprudence et elle a été capturée par les Mokkais. Or, il se trouve que Jatred fut autrefois son instructeur et c'est donc lui qui prend la tête d'une équipe de sauvetage, qu'on envoie mener à bien une mission périlleuse. Il ne s'agit pas de débarquer en mode "vengeance aveugle" mais au contraire, d'opérer un acte ciblé pour récupérer la jeune imprudente et ensuite repartir. Sauf qu'une fois sur place, Jatred ne va pas pouvoir détourner le regard de ce qu'il voit et apprend.


Harry Bozino poursuit son travail d'adaptation de l'œuvre de Verlanger, après L'ange aux ailes de lumière et Hard rescue. Le moins que l'on puisse dire, ce qu'il le fait avec brio; l'histoire semble couler de source, ne présente aucun temps mort et reflète parfaitement une des grandes obsessions de l'écrivaine, à savoir la manière dont l'homme pourra un jour coloniser l'espace. Pour ce qui est du dessin, il est épaulé par un artiste argentin que nous avons déjà beaucoup apprécié chez DC, notamment avec la Suicide Squad : Federico Dallocchio. Son trait pur et riche en détails ne souffre d'aucun raccourci surfait. Sa prestation est d'autant plus importante que cet album nécessitait de représenter à la fois des paysages naturels, grandioses et inventifs (sous les mers, mais aussi de vastes plateaux brûlés par le soleil) et tout un attirail high-tech apporté par les hommes de la CDE ou employé par la civilisation Mokkai. Tout ceci fait donc de Sol-13 un album très plaisant à parcourir, qui évolue peu un peu en une sorte de révolte, avec un peuple de colons dominés qui s'appuie sur la force de frappe "terrienne", engagée bien malgré elle dans une intervention géopolitique dont il n'était pourtant absolument pas question au départ. Peut-on rester insensible à la souffrance des autres ? La réponse apportée ici est clairement non et c'est ce qui fera de Jatred un héros, après moultes hésitations. C'est aussi ce qui lui permettra de renouer les fils avec Eiko, après une longue brouille. Beaucoup d'action mais aussi de la réflexion, comme le veut la grande tradition qui a toujours accompagnée le meilleur de la science-fiction. Une édition soignée comme on en a l'habitude, avec les Humanoïdes Associés.



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ALL-NEW VENOM T1 : QUI DIABLE EST LE NOUVEAU VENOM ?

 Avec All-New Venom , Marvel joue une carte bien connue mais toujours efficace : transformer l’identité du porteur du symbiote en un jeu de ...