HOTELL : RÉSERVATIONS OUVERTES POUR L'ÉPOUVANTE CHEZ BLACK RIVER


 La célèbre Route 66 aux États-Unis, c'est aussi l'assurance de traverser des territoires déserts où personne ne s'aventure, sauf par erreur ou malédiction. Il suffit parfois de quitter la route et vous voici embarqués dans des (més)aventures que vous pourriez bien regretter toute votre vie, tout particulièrement si vous choisissez de vous arrêter pour passer une nuit dans un petit hôtel miteux qui ne possède que 4 chambres, le Pierrot Courts. Pourtant, il affiche complet. Dans l'ordre, nous y trouvons une jeune femme enceinte qui fuit son compagnon violent, qui s'est juré de la retrouver et de la battre à mort, un couple qui s'offre une petite escapade qui va se terminer en tragédie (le mari étant bien décidé à divorcer de son épouse, sans lui céder la part de sa fortune qui lui reviendrait légalement). Et encore, une jeune femme qui remonte la piste de sa sœur disparue des années auparavant, persuadée qu'elle est toujours prisonnière quelque part entre les murs de l'hôtel… et enfin, un père de famille accompagné de son fils et d'un prêtre exorciste, convaincu que le gamin est possédé par un démon. Les quatre récits semblent déconnectés les uns des autres et sur le fond ils le sont : le fil rouge qui peut les unir, c'est le thème de l'horreur. Des histoires horrifiques à glacer le sang où il est toujours question de forces du mal, de monstres tapis dans l'ombre. John Lees affirme avoir toujours eu cette fascination pour la généalogie des chambres d'hôtel qu'il fréquente pour sa profession, lors des déplacements outre-Atlantique. Ici il met en scène une première "quadrilogie" glaçante, qui une fois définitivement constituée permet d'avoir un regard périphérique sur des événements qui s'enchevêtrent et qui pour autant peuvent être lus et interprétés de manière indépendante. Tout ce qui au premier abord relève de la normalité ou de la violence des plus banales sombre assez rapidement dans l'épouvante, l'horreur chère aux récits classiques du genre, tels ceux des Contes de la crypte publiés autrefois chez EC Comics.



Car le script de départ de chacun des récits dérape très vite dans l'épouvante, le surnaturel, des choses pas très claires qui font froid dans le dos. Quand la femme enceinte s'endort, c'est un petit monstre qui vient lui téter du sang et lui promettre de se débarrasser une bonne fois pour toutes du compagnon violent. Le mari qui rêve de se défaire de son épouse la découpe pour sa part à la hache, plusieurs fois, mais systématiquement celle qu'il assassine se reconstitue et revient le hanter. La recherche de la frangine à travers l'hôtel va très mal se terminer, avec une découverte macabre dans les interstices entre les murs des chambres. Quant à l'enfant possédé… et bien il ne faut jamais jouer avec le démon, au risque de se brûler. Tout ceci nous est présenté par un réceptionniste facétieux, qui entre un ton badin et inquiétant nous avertit que ce qu'on va lire n'est pas à mettre entre toutes les mains. Dalibor Talajic, que nous avons eu le plaisir immense de recevoir récemment à Nice, illustre l'ensemble avec brio. Pas facile de représenter des scènes aussi gore, sanguinolentes, exagérément terrifiantes, sans avoir recours à des artifices grand guignolesques. Lui utilise tout simplement le naturel, un dessin malin, lisible et un chouïa caricatural, pour garder la juste distance et nous immerger parfaitement dans l'ambiance. Aucune raison de vous priver donc, si vous êtes des fans de récits horrifiques, car cet HoteLL avec deux L de rigueur est vraiment une très bonne surprise dans son genre, à dévorer chez Black River.




JUSTICE SOCIETY OF AMERICA CHRONICLES 2000 : IMBROGLIOS TEMPORELS


 Non seulement la Société de Justice d'Amérique a droit à la collection Chronicles chez Urban Comics, mais nous sommes déjà arrivés au second volume, qui nous propulse en l'an 2000. C'est le run de Goyer et Johns qui est mis à l'honneur avec pour commencer un premier épisode qui donne l'opportunité aux scénaristes de ramener Black Adam sur scène. Ensuite, ça se complique. Pour faire simple, disons que la JSA a une longue tradition familiale, de descendance et d'héritage. De ce côté-là, le premier Green Lantern du nom, Alan Scott, n'est pas très verni. Il a vieilli sans avoir connaissance de l'existence de ses deux enfants (la mère est une criminelle, L'Epine) et lorsqu'il les rencontre, c'est pour réaliser que la fête des pères va être mouvementée. Jenny-Lynn et Todd ont été adoptés par deux familles différentes et dans le second cas du garçon, il faut considérer la série de maltraitances provoquées par un père adoptif violent, comportement qui a fait naître un sentiment de revanche vis-à-vis du reste de la société. Tous les deux ont des supers pouvoirs qui se sont manifestés à l'adolescence et qui font qu'ils sont attirés l'un vers l'autre. Todd va devenir Obsidian, c'est-à-dire un super vilain qui plonge ceux qu'il souhaite dans l'ombre et leur fait vivre les pires tortures, dévorés par la noirceur humaine. Certes, il va se racheter, mais dans ces épisodes c'est un Obsidian au bord de la folie que nous rencontrons et qui met la JSA à rude épreuve. Autre vilain d'importance que nous allons croiser dans ce second volume, un certain Extant. Lui a eu droit à une grande aventure en tant que méchant de référence : ça s'appelait Zero Hour, mais ce fut une saga aussi capitale que passée sous les radars en France, en raison d'une publication superficielle. L'essentiel de la saga fut publié en un volume chez Semic mais il y avait tellement de personnages différents, tous très peu connus de la plupart des lecteurs, qu'il est vraisemblable qu'à l'époque une grande majorité n'a plus ou moins rien compris. Extant, c'est en fait l'ancien Faucon du duo Hawk & Dove (Hank Hall) : à la mort de son frère (la Colombe), beaucoup plus pacifiste que lui, Hank perd à son tour la boule et devient le méchant de service qui souhaite récrire le temps et les faits, à sa façon. C'est ce qu'il fait là encore dans ce volume des Chronicles 2000 et puisque nous en sommes à parler de problème liés à la chronologie, mentionnons également les deux abondants épisodes intitulés DC 2000 #1 et #2 qui mettent en scène le docteur Morrow, dont le coup d'éclat est cette fois d'utiliser une technologie futuriste (2001) et de la répandre en 1941 pour changer le cours des choses. Il finit par devenir le dictateur absolu du futur. En fait, ces deux grandes parties s'inscrivent dans la tradition qui fait que la Justice League et la Justice Society se rencontraient autrefois dans ce que l'on appelle des annuals, des suppléments estivaux à forte pagination proposés par les éditeurs américains. La méfiance est de rigueur entre les deux équipes puisqu'elles se confrontent dans des conditions fort inégales. La JSA ignore en 41 qui est la JLA, alors que les héros venus du futur marchent sur des œufs et tentent de ne pas trop modifier le cours du temps. C'est pourtant ce qui va se produire ! C'est totalement tordu et improbable, mais le but est juste de proposer de l'entertainment super héroïque et de ce point de vue là, le lecteur n'est pas trompé sur la marchandise.




On retrouve également Geoff Johns en solitaire, au scénario du premier annual de la JSA, qui fait partie d'un dessein plus grand, "Planet DC", où comment faire apparaître de nouveaux personnages intéressants à travers le monde, pour globaliser les super-héros de la Distinguée Concurrence. Du coup, on se rend jusqu'en Grèce à la rencontre de Nemesis, alias Soseh Mykros. Elle a grandi dans un laboratoire, expérience génétique un peu folle menée par son père, dont le but est (comme celui d'un peu tous les grands vilains) d'asseoir sa domination et d'imposer ses idées sur la planète. La particularité, c'est qu'elle a une sœur, Ellina, qui elle est restée fidèle au message du paternel et donc du "côté obscur de la force". Toutes les deux vont s'écharper et nos héros de la Société de justice vont s'en mêler. Pour être plus précis, nos héroïnes, car l'histoire a un moment donné va bifurquer vers l'île des Amazones de la princesse Hippolyte et ce sera l'occasion de passer en revue le cast féminin de notre super groupe. Présent également dans ce gros volume, les deux livres de JSA the Liberty Files, écrit par Dan Jolley et Tony Harris, illustrés par ce dernier. Histoire très particulière puisque nous nous retrouvons durant la seconde guerre mondiale avec les soldats nazis et Adolf Hitler en personne, qui ont mis la main sur un extraterrestre qu'ils sont en train d'endoctriner, afin de l'utiliser pour leurs tristes visées. Nous parlons bien entendu d'un "Superman" et il ne faudra pas s'étonner de retrouver aussi une version "World War 2" de Batman et de la JSA, des héros qui justement à l'époque était déjà pour beaucoup sur le pont, même si des incarnations autres. L'accent est placé par exemple sur le docteur Mid-Nite et on y retrouve pris entre le marteau et l'enclume un Joker toujours aussi dingue et incontrôlable. Un "Esleworlds" au goût d'espionnage intéressant et dont la conclusion réserve un coup de théâtre. Pour le reste, le dessinateur le plus souvent présent dans les pages de ce Chronicles 2000 est Steve Sadowski. Il faut le souligner car son travail est remarquable, toujours d'une précision et d'une clarté exemplaires. Pour autant, c'est aujourd'hui un nom que les plus jeunes connaissent peu. Du reste la JSA est typiquement une formation et un titre qui est surtout attendu par les collectionneurs et des lecteurs un peu plus âgés; tout comme le prix de cette collection chez Urban comics, qui s'adresse plus directement à ceux dont l'ambition est de combler les trous sur les étagères et de se constituer une banque de données impressionnante et indispensable sur les principaux héros de DC comics. Le tout avec des textes inspirés et très utiles de Yann Graf (encore une belle partie rédactionnelle), bref de quoi nous réjouir et nous convaincre que ces Chronicles sont décidément l'excellente surprise du moment et qu'il faut les chérir. 





SECRET INVASION SUR DISNEY PLUS : INVASION MODESTE


 Première mauvaise nouvelle pour la série Disney Plus Secret Invasion : une levée de bouclier généralisée partout sur internet, des créateurs, artistes, scénaristes… il faut dire qu'à l'heure où tout le monde se plaint de l'arrivée de l'intelligence artificielle et de l'inexorabilité du remplacement d'artistes humains par un simple algorithme, le choix de démarrer par un générique qui emploie cet "outil du diable" n'est pas des plus judicieux. Nous avons d'ailleurs consacré un dossier le mois dernier à ce que certains voient comme une tromperie éhontée et d'autres comme une source de perspectives nouvelles. En tous les cas, il était probablement encore trop tôt et très sûrement de mauvaise aloi de se présenter ainsi, sur la ligne de départ. Autre petit problème, la nécessité pour le showrunner Kyle Bradstreet de ne absolument pas lire l'Invasion Secrète de Brian Bendis. Cela lui a été expressément demandé afin qu'il présente un produit différent, ne tenant compte que des exigences qui lui ont été présentées et de sa propre inspiration. Le type doit aussi composer avec ce que sont les Skrulls dans le MCU, c'est-à-dire une race extraterrestre finalement pas si méchante que cela, au point que certains d'entre eux sont devenus nos amis et ont fait figure de victimes dans le film consacré à Captain Marvel. Du coup, la solution pour rendre les aliens antipathiques est toute trouvée : la création de deux factions. Une avec laquelle les héros travaillent en sous-main, l'autre composée de barbouzes, de dangereux terroristes, de nationalistes (identitaires?) enragés qui aimeraient faire de la Terre une nouvelle "Skrullos" et qui ont décidé de noyauter notre monde patiemment et sûrement, notamment à travers de nombreux attentats aux quatre coins du globe, qui ont pour but de déstabiliser la géopolitique déjà bien fragile ces temps-ci. Samuel L. Jackson a pour sa part annoncé clairement qu'il s'agit d'un dernier tour de piste dans l'univers cinématographique Marvel, avant de se retirer pour bons et loyaux services. D'ailleurs, son personnage a sérieusement vieilli et c'est un Fury presque grabataire que nous retrouvons. Bien entendu, cette petite exagération humoristique est évidente mais le maître des espions est loin d'avoir conservé toute sa superbe; et on comprend qu'il est toujours traumatisé par sa disparition provisoire, lorsque Thanos a éliminé la moitié des êtres vivants de la planète. Outre le fait que le temps continue de faire son effet sur son organisme et l'empêche d'être aussi efficace qu'il pouvait l'être dans sa prime jeunesse. Une vieillesse qui participe à un sentiment de délitement, de délabrement, qui est aussi exprimé à l'écran dans les lieux, avec notamment (Russie oblige) de soi-disant centrales nucléaires désaffectées qui ne figurent même pas sur les cartes, mais où bien entendu il est impossible de vivre à cause de la radiation, sauf pour les organismes skrulls, qui eux ne rencontrent pas ce genre de problème.



L'espionnage à bon dos : il faut dire que ce qui faisait tout l'intérêt de Secret Invasion dans les comics, c'était d'inclure la gigantesque tapisserie des super héros Marvel, où chacun pouvait être en réalité un extraterrestre sous couverture… et donc une paranoïa invraisemblable se répandait à travers le sous-bois des encapés. Ici, aussi bien pour des questions de budget que de réelles intentions de départ, vous n'aurez droit à rien de tout ça. Du coup, Nick Fury qui mène l'enquête, c'est très pratique pour transformer ce qui au départ est bien plus incommensurable et stratifié, en une petite série d'espionnage au rythme assez lent et aux enjeux qui n'apparaissent pas forcément de manière immédiate aux spectateurs. Les deux premiers épisodes sont éloquents là-dessus; ça parle beaucoup et ça agit assez peu.  On appréciera que les personnages de Talos et Gravik, surtout dans le second épisode, présentent des argumentaires intéressants qui remettent en question notre propre rôle sur notre planète et varient les points de vue : ça permet de densifier les motivations de tous les camps et même de nous les faire comprendre, à défaut d'accepter en bloc. Mais en dehors de ça, il y a quand même un esprit assez creux dans cette série. Les scènes de combat sont loin d'apporter beaucoup,  la photographie n'est pas très soignée et on a l'impression de regarder un produit réalisé au rabais, sans oublier le choix de se concentrer sur des personnages mineurs, qui sont très peu connus du grand public, ce qui n'est pas fait pour susciter l'adhésion. Au moins, nous évitons la pantalonnade généralisée qui fait que tous les produits Marvel récents sont systématiquement tournés en dérision. Un autre problème pour le moment, c'est que l'absence prolongée de Nick Fury ne peut s'expliquer qu'à condition que cela se termine en un retour spectaculaire ou tout du moins très significatif. Or ici, on a l'impression qu'il va falloir être patient ou au contraire se résigner à être déçu sur ce point précis. Et nous raconter que cette série servira avant tout à introduire le film The Marvels ne tient pas la route. On préfèrera donc les seconds rôles (comme celui de Olivia Coleman) ou la pétillante Emilia Clarke qui apporte son lot d'émotions à la série. Mais bon, pas certain que ces épisodes marquent l'histoire du genre. 







SECRET INVASION (DANS LA PLACE) : LES SKRULLS REJOUENT LE MATCH


 Vous pensiez vous être débarrassés de cette engeance, mais clairement, vous aviez tort. Les Skrulls refont parler d'eux, suivant la bonne vieille technique éprouvée, c'est-à-dire le remplacement de personnages importants de l'univers Marvel, de manière à établir une tête de pont sur notre planète. La nouvelle série à porter le nom de Secret Invasion, publiée par Marvel quelques mois avant l'arrivée sur Disney Plus du show télévisé, met en scène Nick Fury. Pas la version traditionnelle, qui a disparu des radars, mais celle incarnée à l'écran par Samuel Jackson, le "héros" afro-américain issu de l'univers Ultimate, qui s'est imposé en force et sans la moindre logique comme désormais la version établie du personnage. On le retrouve en mission dans une famille somme toute banale où la mère et les deux enfants sont en train de pleurer la perte du mari, qui vient de décéder. Enfin pleurer… c'est une façon de parler car tous les trois semblent étonnamment joyeux et tiennent un discours décousu. En fait, selon sa femme, celui qui vient de décéder serait en réalité un extraterrestre skrull; quelqu'un a remplacé son mari et donc ce dernier serait juste détenu quelque part, mais ne serait pas mort. Fury n'y croit pas un instant et pense avoir affaire à un cas classique de stress post-traumatique, l'impossibilité pour certains individus d'accepter la réalité telle qu'elle se présente. Sauf que très vite, coup de théâtre, ce sont les survivants qui s'avèrent être des aliens et ils attaquent notre super espion. Ce dernier s'en va ensuite faire son rapport dans le bureau de Maria Hill, qui est un peu la grande prêtresse du contre espionnage américain… et le lecteur découvre médusé qu'en réalité les choses ne se sont pas passées comme prévu. Fury n'est pas parvenu à se débarrasser des skrulls; au contraire, il a été remplacé à son tour et de nombreux Nick Fury sont à l'instant même opérationnels un peu partout aux États-Unis, pour favoriser les visées des envahisseurs. Pire encore, les extraterrestres métamorphes ne se sont pas contentés de prendre les traits de Nick, mais ils ont aussi déjà infiltré les Avengers eux-mêmes.



La série écrite par Ryan North à tout de même beaucoup moins d'ampleur que la grande saga développée par Bendis en son temps. Là où le sentiment d'une invasion totale était présent, là où la planète entière semblait prête à tomber aux mains des Skrulls, il n'y a plus qu'un récit qui se concentre sur un problème interne aux Avengers, débusqué par Maria Hill, et tout particulièrement à l'un d'entre eux, Tony Stark, qui pense toujours être plus intelligent que tout le monde. Mais qui en réalité peut aussi être terriblement naïf, ou en tous les cas dangereux pour ses camarades. Entre-temps, les extraterrestres ont appris à s'adapter et si autrefois il était possible de les identifier facilement, puisque Reed Richards a mis au point un appareil capable de faire la différence entre eux et un simple terrien, ils ont entre-temps appris à tromper la vigilance de nos nouveaux "gadgets" et il faut désormais en passer par la bonne vieille prise de sang, qui en elle-même n'est pas non plus un gage de différenciation absolue. Les dessins sont confiés à l'Italien Francesco Mobili, qui s'en sort très bien. On a de nombreuses scènes d'action comme des plongeons depuis le ciel et des luttes tirées au couteau et il excelle à rendre l'ensemble vivant et dramatique, parvenant à créer une tension continue, y compris dans des moments où les personnages se contentent de s'expliquer. Le seul problème, c'est probablement la nature même de cette mini-série, c'est-à-dire surfer sur l'arrivée du show télévisé sur Disney Plus sans correspondre pour autant à un réel besoin dans l'univers comics Marvel. On notera la tentation contemporaine d'exhumer toutes les sagas à succès de ces dernières décennies, afin de leur proposer soit une suite, soit une nouvelle mouture qui récupère le titre tout en évacuant les enjeux et les débats de départ. Une habitude qui montre à quel point les cerveaux de la Maison des Idées ont tout de même du mal à imaginer l'avenir. Ici, cette seconde Invasion Secrète se laisse lire plaisamment, à condition qu'on ne la compare pas, bien entendu, à sa grande sœur à succès.




GUNSLINGER SPAWN TOME 2 : DES FLINGUES ET DU SPAWN


 Je me souviens des discussions il y a quelques années, avec des lecteurs blasés qui étaient convaincus que Spawn, c'était terminé, du passé, de l'histoire ancienne, un débris des années 1990. Et puis Todd McFarlane a décidé de reprendre sérieusement les choses en main et son univers n'en finit plus de s'étendre ! C'est ainsi que de toutes les nouvelles séries qui sont nées ces derniers mois, celle du Gunslinger Spawn est probablement la plus cool. La raison est simple : quand il s'agit de dessiner un personnage, de donner une identité graphique aux monstres et aux héros de l'univers de Spawn, le grand Todd a toujours une bonne carte à jouer. Le Pistoléro est extrêmement charismatique, il a un look d'enfer et en plus il fait partie de cette catégorie de personnages hors de leur époque, qui donc doivent découvrir la nôtre, ce qui permet de mettre en scène des situations assez cocasses, comme lorsque le "héros" se met ici à défourailler contre des écrans d'ordinateur, en pensant qu'il s'agit réellement d'ennemis qui lui font face. Javi (de son vrai nom) est un personnage animé par la vengeance. Il a comme mission principale de dessouder les tristes sires qui sont responsables du meurtre de sa sœur, dans un lointain passé, mais aussi de retourner chez lui (ou plutôt à son époque) et d'ailleurs, le temps qu'on y est, un peu de temps avant le drame, de manière à changer le cours des choses.  Mais ce n'est pas le genre de croisade qu'il va pouvoir faire tout seul : il a besoin de Al Simmons, autrement dit le véritable Spawn de départ, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux n'ont pas l'air d'être extrêmement amicaux l'un envers l'autre. Seconde invitée de prestige dans ce tome 2, Miss Spawn, qui elle aussi bénéficie d'un traitement graphique magnifique, aussi bien lorsqu'elle est en son costume nécrotique que dans ses habits civils.



Jessica Priest possède son propre agenda. Elle est d'ailleurs fort occupée avec la création d'une formation composée de plusieurs personnages aux pouvoirs similaires, une sorte de "Spawns all-stars" dont elle est la figure de proue. Le Gunslinger va se joindre à cette équipe et il va connaître une grande aventure en Russie, celle qui est relatée dans le détail, dans le premier tome de… Scorched, une des deux autres séries récentes que Delcourt alterne en librairie. Comme quoi, nous sommes bien en présence d'un univers partagé, et les trois titres nouveau-nés s'alimentent l'un l'autre et se répondent. Globalement, ce second volume du Gunslinger résume les enjeux et orchestre des retrouvailles sanglantes entre des responsables du meurtre commis au dix-neuvième siècle, et notre ancien cowboy désormais doté de pouvoirs infernaux. On le sent souvent moins puissant que le Spawn de référence, mais sa détermination et sa sauvagerie forcent le respect. Une parenthèse est aussi réservée à un combat à mains nues entre Al Simmons et Javi, histoire de prouver qui est le mâle Alpha du duo et d'instaurer un minimum de complicité, à grands coups de bourre pif dans le visage. Brett Booth illustre l'ensemble, dans la plus grande tradition des années 1990. Des monstres sanguinolents, des armes un peu partout, des poses iconiques ou affriolantes, les courbes généreuses de jolis personnages féminins, le menu est passé en revue sans rien oublier; le pire étant que Brett est excellent, au pinacle de son art, pour ceux qui sont sensibles à ce style précis. On pourra certes rétorquer que les douze premiers épisodes (nous en sommes là à l'issue du tome 2) n'ont pas fait avancer le récit à vitesse grand V, mais par contre, on nage totalement dans ce qui a fait le succès des séries "Spawn" et dans des ambiances rétro qui trouvent toujours un fort écho dans la génération des lecteurs quadras/quinquas. Bonus en couverture, du Paul Renaud en forme olympique. 


Gunslinger Spawn : critique du Tome 1 


LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LES 100 ANS DES 24H DU MANS


 Dans le 154e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente 3 albums autour du centenaire des 24 heures du Mans, 3 albums qui sont édités chez Graton éditions et Petit à petit. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album 13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter que l'on doit à Éric Staelner et aux éditions Grand angle

- La sortie de Mes quatorze ans que l'on doit au scénario conjoint de Lucie Mikaelian et Jeanne Boëzec, au dessin de Lisa Chetteau et c'est édité chez Gallimard

- La sortie du nouveau tome des Cahiers d'Esther, Histoires de mes 17 ans, la série que l'on doit à Riad Sattouf et aux éditions Allary

- La sortie de Portraits, albums que l'on doit à l'auteur Nikos Tsouknidas et aux éditions Dargaud

- La sortie du deuxième tome des Cœurs de ferraille, un tome baptisé L'inspiration que l'on doit au duo BeKa pour le scénario, à José Luis Munuera pour le dessin et c'est édité chez Dupuis

- La réédition de Patience, l'œuvre de Daniel Clowes qui ressort chez Delcourt dans la collection La bibliothèque de Daniel Clowes




 

 

L' ARC-EN-CIELISTE : ENTRE FABLE ET RÉCIT INITIATIQUE (CHEZ DARGAUD)


 L'epoque, la seconde moitié du 17e siècle. Le protagoniste, un jeune lord anglais, Hayden Springworth. Âgé de 16 ans, le gamin a une passion, observer les arcs-en-ciel et tenter d'en découvrir l'origine, l'endroit où les rayons de lumière se réunissent à la terre et où apparaitrait également un chaudron rempli de pièces d'or. Au départ, il était effrayé par le phénomène météorologique puisque sa gouvernante lui avait raconté, selon une autre légende antique, que derrière chaque arc-en-ciel se cache surtout une créature effrayante appelée Leprechaun. Mais ça, c'était avant. Dorénavant, Hayden court la campagne jusqu'au jour où il rencontre fortuitement un certain Isaac Newton, savant qui normalement ne devrait pas vous être inconnu. Ce dernier est parvenu à comprendre le mécanisme de l'arc-en-ciel et il est capable d'en produire chez lui, à travers un prisme, comme un cristal. Par contre, il ignore encore les détails physiques, principalement la manière de courber les rayons. Hayden va devenir son aide de camp et ensemble ils vont traquer les phénomènes de la nature, jusqu'au jour où notre jeune lord est obligé de rentrer chez lui en toute hâte. Son père vient d'avoir un accident et ce sera désormais à lui d'endosser le rôle de "l'homme dans la famille", ce qui pour les Springworth revient à dire jouer les espions, au service de la couronne d'Angleterre. Dans le cas précis de notre héros adolescent, cela correspond à  prendre le bateau pour se rendre jusque dans le Béarn, où il sera question de diffuser de la fausse monnaie, au bénéfice des factions protestantes qui trament contre le royaume de France. Hayden est plein d'enthousiasme et il a plus d'un tour dans son sac, aussi ce changement complet d'existence ne l'épouvante pas plus que ça. Alors, il s'embarque !



Dès le titre et la couverture de ce splendide album publié chez Dargaud, nous savons que nous aurons à faire autant à de la bande dessinée qu'à de la poésie en images. Oui, une fois n'est pas coutume, parlons tout d'abord du dessin. Le storyboard de cette histoire est réalisé par Roberto Ricci mais c'est surtout le trait et l'usage pertinent et magnifique de la couleur de Laura Iorio qui rend cet ouvrage aussi intéressant. On pourrait croire, à en juger par le style employé, qu'il s'agit d'une simple bande dessinée jeunesse, mais le savoir-faire est si impressionnant (et là, le découpage initial de Ricci y est aussi pour beaucoup) qu'on prend un grand plaisir à suivre les différents chapitres des aventures de Hayden, chacun étant annoncé par une des couleurs de l'arc-en-ciel. Et c'est cette couleur précisément, ce ton, qui va dominer les planches de l'artiste italienne, créant ainsi différentes ambiances, projetant un éclairage unique à chacune des étapes du parcours d'Hayden. La seconde moitié de cette bande dessinée s'éloigne de la première dans la thématique, dès lors que Hayden fait la connaissance d'une jeune fille que tout les paysans du Béarn considèrent comme une sorcière, puisque la pluie l'accompagne, dans chacun de ses mouvements. Une rencontre et une dynamique qui semblent rompre avec le rythme et les ambitions des premiers chapitres, sauf que le final confirme que cela est volontaire, et que les deux grands mouvements se complètent et s'assemblent, en fin de parcours. Cédric Mayen parvient donc avec habileté et expérience à boucler la boucle et faire de cet Arc-en-cieliste une jolie surprise à moitié féérique, en cette fin de printemps. Disponible chez Dargaud. 





THE FLASH : FLASHPOINT AVANT LA FIN DE L'UNIVERS DC


Il vous est déjà probablement arrivé d'aller au restaurant dans l'espoir de dévorer un bon repas, mais d'attendre tellement longtemps avant le retour du serveur, au point de ne plus avoir faim lorsque le plat commandé arrive enfin sur la table. Entre-temps, vous vous êtes gavés de petits hors-d'œuvre apéritifs et vous n'êtes plus certains d'avoir encore envie de ce que vous avez commandé, une heure auparavant. C'est un peu le principe de The Flash, qui est un des tout derniers films du DC Universe tel que nous le connaissons (le second Aquaman bouclera la boucle, en décembre, avant une reprise en main radicale par James Gunn).  Pire encore, The Flash a été plombé par une série de retards réguliers, par les frasques de son acteur principal (Ezra Miller) qui fréquente tout autant les tribunaux que les plateaux de tournage, sans oublier la critique qui s'est acharnée sur le long-métrage, en le descendant en flammes dès les premières heures.  Avec un tel tableau sous les yeux, difficile d'aller voir le travail d'Andy Muschietti sans nourrir de sérieuses préoccupations sur la pertinence de l'achat d'un billet. Notre objectif aujourd'hui sera de vous confirmer que le film est bancal, sans pour autant être radicalement mauvais. On peut même considérer que votre souhait est de passer deux heures dans une salle obscure où ingurgiter un divertissement qui tient autant de la comédie super-héroïque que de la mise en scène du Multivers DC, alors vous avez de fortes chances de ressortir le sourire aux lèvres. Inversement, toute ambition cinématographique exigeante peut être laissée au vestiaire. The Flash, je ne vous apprends probablement rien, repose sur le célèbre événement Flashpoint qui redéfinissait l'univers DC, par le truchement d'un voyage dans le temps qu'effectue le bolide écarlate, en voulant changer le cours des événements ( sauver sa mère, assassinée dans sa cuisine et/ou innocenter le père, accusé du meurtre). Barry Allen enclenche une série de réactions en chaîne qui provoque l'apparition d'une nouvelle réalité. Barry Allen franchit la barrière temporelle pour se retrouver dans un monde où il est adolescent (étudiant), n'a donc pas encore obtenu ses pouvoirs et où sa mère est encore vivante. Il en est arrivé là en modifiant un petit détail de la chronologie, en lien avec un supermarché; nous n'en dirons pas plus pour ceux qui souhaitent avoir la surprise au cinéma. Dans ce nouvel univers qu'il découvre, Barry existe déjà. Aussi les deux jumeaux vont devoir cohabiter : à la fois celui plus mûr, réfléchi, pondéré, devenu un super-héros et sa version immature, voire même complètement demeurée, qui ne pense qu'à s'amuser et ne prend absolument rien au sérieux. Autre problème lié à cette cohabitation, la nécessité de faire en sorte que le cadet soit bien présent au bon endroit à la bonne heure, pour être frappé par l'éclair et aspergé des bonnes substances chimiques, afin de devenir à son tour le Flash. Une expérience à reproduire à tout prix et qui va malheureusement tourner cours, et aboutir à un résultat inattendu. 




Vous n'avez donc peut-être plus faim, mais le fait est que ce qu'on vous apporte sur la table a tout de même de quoi vous convaincre de planter votre fourchette et de manger distraitement. Je vous le répète, il y a de bonnes choses dans The Flash et si nous comparons ce film au reste des productions DC Warner de ces dernières années, il est même probable et honnête de le classer parmi le haut du panier. Tout d'abord, il n'était pas simple de faire vivre à l'écran deux versions différentes d'un même personnage, à un âge sensiblement identique (la différence n'est pas si grande) et Ezra Miller s'en sort bien, en interprétant cette paire de Barry Allen au sens de la responsabilité fort différent. Puis il faut aborder le cas Michael Keaton. C'est un plaisir de le voir revenir en Batman et son personnage est si bien écrit, convaincant, qu'il mériterait un film à lui tout seul. Ce Bruce Wayne usé, qui a renoncé à exercer son activité de super-héros et puis finalement revient pour un dernier baroud donneur, impressionne tout en sobriété, avec une étincelle de sympathie que n'ont pas forcément les "Batman" les plus récents à l'écran (devenu le névrosé par excellence chez les super-héros). Dernière chose à ajouter, la présence de Sasha Calle au casting, en tant que Supergirl. Physiquement très éloignée des canons de la cousine de Kal-L présente dans les comics, elle parvient toutefois à convaincre dès sa toute première apparition. Elle dégage suffisamment de puissance et de charisme (outre une plastique irréprochable) pour donner l'idée aussi qu'un film sur mesure pourrait lui être cousu main et proposé à l'avenir. Parlons également des nombreux caméos qui parsèment ce long métrage. C'est aussi un hommage globalement réussi à l'histoire des productions DC au cinéma et au format télévisuel. De Adam West à Ben Affleck, en passant par Christopher Reeve et même une version totalement surprenante d'un Superman qui n'a jamais vu le jour, mais dont tout le monde parle depuis des années (allez, vous avez deviné ?), le Multivers est un prétexte pour quelques apparitions fugaces qui embrassent des décennies de légende et d'histoires. Côté grands méchants de l'histoire, puisque nous sommes dans un film de super-héros, c'est au Général Zod et aux kryptoniens à sa suite que reviennent l'honneur de défier notre Flash. Pourquoi pas. Les critiques et les quolibets se concentrent surtout sur la piètre qualité des effets spéciaux (la couleur, le contraste, l'impression de flou artistique permanent), mais Muschietti s'est empressé de répondre que l'aspect définitif de ces images est recherché, qu'il s'agit de faire comprendre au spectateur le point de vue et le ressenti du bolide quand il exerce à pleine vitesse. Tout en ayant noté des imperfections qu'on ne pourrait taire, ce n'est pour autant pas rédhibitoire. Le capital sympathie de The Flash reste intact (la scène d'ouverture à base de pluie de nourrissons nous met de suite dans l'ambiance) et si ce film ressemble plus à un chant du cygne qu'à un second souffle, on se surprend à penser que si Ezra Miller pouvait s'assagir un peu et James Gunn bien pondérer certains choix avant de passer l'éponge, le spectateur aurait tout à y gagner. Promis, vous quitterez la table sans craindre une digestion complexe et problématique. 





DO A POWERBOMB ! : DANIEL WARREN JOHNSON, DU CATCH, DU GRAND SPECTACLE


 De l'avis général, le catch est plus un spectacle qu'un sport : les combats auxquels nous assistons sont tous "truqués", c'est-à-dire que le résultat est connu d'avance et qu'il s'agit en fait d'un récit préalablement écrit entre les deux adversaires, leurs managers, leurs équipes respectives. Le terme "truqué" est péjoratif; en réalité, lorsque le catch est de bonne facture, le spectateur a droit aux évolutions d'athlètes hors du commun, capables d'orchestrer des ballets violents et spectaculaires, le plus souvent avec une carrure et une plastique qui force le respect. Daniel Warren Johnson, un des artistes les plus explosifs du moment, s'est pris au jeu, ces dernières années, en regardant les combats nocturnes alors qu'il était contraint de s'occuper et de tenter d'apaiser sa petite fille en bas âge. Au moins n'a-t-il pas perdu son temps, puisque de ce nouvel amour est née une bande dessinée totalement déjantée, qui mêle à la fois catch et ésotérisme, récit familial et orgie de combats. Yua Steel Rose semble être l'héroïne du récit dans les premières pages; c'est une combattante extraordinaire, détentrice du titre mondial des poids lourds de la Tokyo Grand League de catch. Nous la retrouvons dans son dixième combat face à son challenger, Cobrasun, un colosse masqué qui interprète pour l'occasion le rôle du méchant, venu défier la préférée du peuple. Le combat est rude et les coups pleuvent, le tout sous les yeux de la petite fille de Yua, qui se fait du mouron pour sa mère et qui est rassurée entre chaque prise par son oncle. Le père, lui, a dû s'absenter… et pour cause, pour ne pas vous gâcher la surprise, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le rebondissement qui survient  au terme du second volet. Lona va finalement assister à un drame cruel : sous ses yeux, en voulant se hisser sur la troisième corde, Cobrasun dérape et la championne en titre tombe lourdement sur le ring, dans une position innaturelle. Un choc sourd et mortel dont elle ne se réveillera jamais.



Pour que vous compreniez mieux de quoi il retourne, il manque un personnage que je n'ai pas encore mentionné. Un certain William Necroton, qui se revendique nécromancien doté de pouvoirs formidables mais aussi promoteur et organisateur de combats de catch, avec un tournoi totalement fantasmagorique appelé le Deathlyfe. Les règles sont simples, il s'agit du célèbre catch à quatre. Vous savez, ces équipes de deux qui s'affrontent, où les combattants, en tapant dans la main de leur coéquipier peuvent s'alterner sur le ring pour se foutre sur la tête. Le spectacle est doublement compliqué et sportif car il faut aussi une coordination remarquable. Seulement voilà, Necroton n'organise pas un tournoi de catch comme les autres. Tout d'abord, il n'est pas question ici de scénario écrit à l'avance. Tous les coups sont permis et les combattants luttent sans retenir les prises, autrement dit le sang va couler, les membres vont se briser et il ne sera pas question de pitié. Ensuite, le vainqueur du tournoi aura droit à une récompense assez exceptionnelle : la possibilité de faire revenir parmi les vivants quelqu'un qui est décédé. Si vous avez bien lu les premières lignes de notre critique, vous avez parfaitement compris la raison pour laquelle Lona Steel Rose va tout faire pour décrocher la ceinture de championne. Et puisqu'il lui faut un binôme efficace et à la hauteur, quoi de mieux que de s'appuyer sur celui qui a accidentellement provoqué la mort de sa mère ? Passionner le lecteur avec une histoire de catch (en tout cas dans mon cas) c'était loin d'être gagné, mais Daniel Warren Johnson parvient à captiver du début à la fin, sans aucun temps mort. Les scènes de catch sont superbes, ce qui se passe sur et en dehors du ring est totalement délirant et en même temps, chaque vignette dégage une puissance inouïe, dans un style très personnel qui récupère les codes du manga, pour en faire quelque chose d'autre, quelque chose qui explose la rétine. Des onomatopées géantes renforcent l'impression d'ultra-violence, alors que de très nombreuses petites cases, toutes parfaitement exécutées, s'alternent avec des planches de grand impact. La couleur de Mike Spicer parvient aussi à respecter et magnifier le côté électrique de l'ensemble. Le risque était de vouloir en faire de trop, de représenter de la violence sans aucun sens. Il a été admirablement éviter dans une lecture qui est carrément à conseiller, que vous aimiez ou non ce sport spectacle aussi régressif que fascinant. Do a powerbomb ! tape fort, très fort.


Sortie la semaine prochaine




SPIDER-MAN ACROSS THE SPIDER-VERSE : AMAZING SPIDER-MEN !


 Le pouvoir du film d'animation est immense. Il est en fait pratiquement illimité, contrairement au cinéma traditionnel, qui est toujours obligé de se soumettre à des contraintes de vraisemblance et de budget, sans oublier, cela va de soi, l'évolution des techniques et des effets spéciaux. Le film d'animation ne dépend que de la créativité de ses auteurs et du savoir-faire de ceux qui vont être en charge de donner vie à leurs idées. Une autre des grandes chances de ce média, c'est de pouvoir proposer des personnages beaucoup plus proches de ceux existant dans les comics, en termes de design ou d'histoire, sans avoir à supporter les exigences de la continuité du Marvel Cinematographic Universe  et de ses intuitions, pas toujours heureuses. Bref, Sony a mis dans le mille en 2018 avec New Generation et remet le couvercle cette année, grâce à une suite tout aussi inspirée, si ce n'est plus, intitulée Across the Spider-Verse. La jeune Gwen Stacy, qui est aussi la Spider-Woman de son univers, rencontre Spider-Man 2099 (Miguel o'Hara) et une Spider-Woman Jessica Drew d'une autre dimension, qui lui offrent une sorte de montre bien pratique pour se déplacer à travers les univers parallèles. Pour la jeune blondinette, c'est la porte de sortie idéale pour échapper à son père, le capitaine Stacy, policier un peu borné et dont toute l'existence est entièrement consacrée à son devoir, qui était sur le point de l'arrêter. Un drame familial qui trouve une résolution étonnante lorsque Gwen intègre donc une espèce de patrouille qui veille sur ce que l'on pourrait appeler le Multivers, ou le Spider-Verse, selon le point de vue. Et Miles Morales dans tout ça, que devient-il ? Et bien, il s'apprête à changer de vie et à rejoindre une grande faculté pour poursuivre ses études et auparavant, il doit convaincre ses parents et affronter un super vilain un peu baroque et qui n'a l'air de rien, vu comme cela : la Tâche. Lui aussi est le produit des expériences liées au synchrotron d'Alchemax et lui aussi n'avait rien demandé à personne. Il a été investi par l'explosion et son corps est devenu d'un blanc intégral, avec toutes sortes de tâches noires qui lui permettent de créer des trous - ou plutôt des raccourcis - à travers l'espace et on le verra plus tard, les dimensions. Le personnage existe dans les comics et c'est une "figure de série B". Là aussi d'ailleurs; le premier affrontement avec Miles est cocasse et montre bien que le type n'a rien du criminel d'envergure… sauf qu'il a de l'ambition, un peu de folie et qu'à partir de là, il va accéder à une source de puissance incommensurable qui va lui permettre de passer d'un univers à l'autre et semer une pagaille létale. Gwen Stacy avait bien été envoyée dans la dimension de Miles Morales pour l'arrêter à temps et empêcher le pire, mais la jeune fille n'a pas su résister à l'appel de ses sentiments et à préféré passer son temps aux côtés de Miles. Le genre de bêtises qu'il va falloir assumer. 




Ce qui fait la réussite du film réalisé par Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson, c'est aussi la qualité de l'animation, régulièrement riche et capable de varier les styles et les approches en fonction du personnage qui occupe le devant de la scène. Chacun est caractérisé d'une manière intelligente, qui la plupart du temps est en phase avec ce que le lecteur de comic books connaît. C'est une débauche de trouvailles assemblées dans un montage diabolique et explosif, une sorte de vaste comédie d'action ultra acrobatique où les différents "Spider-Men" voltigent d'un coin à l'autre de l'écran, quitte à en donner le tournis à ceux que ce genre de spectacle n'émeut pas. C'est peut-être là que se situe la seule limite de Across the Spider-Verse : il y a une telle ambition en terme de cadrage, de réalisation, de montage, de personnages insérés dans la trame qu'il faut réellement avoir envie de s'ingurgiter ces deux heures dix de folie et être un public gourmand, pour ne pas frôler l'overdose. Ce serait dommage de se laisser distraire par le côté bondissant et électrisant de l'animation, qui a aussi beaucoup d'autres choses à raconter, à commencer par l'habituel recherche de l'identité, une histoire d'adolescent en formation, qu'aiment en produire les Américains à longueur d'année. L'habituelle fixation sur les rapports intergénérationnels est à nouveau développée; il est difficile d'être un père quand on s'inquiète trop pour le fils, il est difficile d'être un fils quand on souhaite s'émanciper de l'ombre des parents. Et le jeu du Multivers permet de multiplier les points de vue, de tourner autour du sujet en proposant dans le même temps différentes solutions, différentes approches. Il y a de nombreux dames personnels disséminés ça et là, au milieu d'un film qui pourrait sembler au premier abord un ensemble de boules de flipper qui rebondissent confusément devant le spectateur. Il y a même un retournement de situation très intéressant dans la dernière partie, qui vient expliquer la raison pour laquelle Miles est devenu Spider-Man et pourquoi il s'agit d'une anomalie, qui pourrait bien être la clé de voûte de l'effondrement de tout le Spider-Verse. C'est aussi ce moment qui justifie quelque peu la personnalité de Miguel o'Hara, un Spider-Man 2099 très réussi, qui a déjà obtenu les faveurs d'une foule d'internautes célébrant son avènement (et celui de la version Punk, l'anarchique Hobbie) mais qui est ici dévoilé dans une incarnation beaucoup plus obtuse et beaucoup moins sympathique que celle des comics. Inversement, le clin d'œil réservé à Scarlet Spider et sa personnalité désespérée, clairement puisée dans les aventures ultra sombres des années 1990, est une réussite totale qu'apprécieront plus encore ceux qui lisent au format papier depuis longtemps. C'est au final une vraie réussite technique et probablement aussi narrative : le film a tout pour être antipathique à ceux qui par essence fuient le genre super-héroïque et inversement, ça devrait être un excellent produit pour ramener dans le giron ceux qui s'étaient éloignés, déçus par le peu d'ambition des films récents et la tendance à trahir trop ouvertement les aventures publiées dans les comic books. Across the Spider verse est en ce sens un petit bijou dont nous attendons l'an prochain la suite, car il faut le dire, pour les plus distraits, c'est ici le premier volet d'un diptyque qui s'annonce comme étant une vraie révolution dans la manière d'envisager l'animation des super-héros. C'est même une leçon assénée aux films traditionnels, qui se retrouvent soudain ringardisés par la grâce de ce que l'on appelait autrefois "un dessin animé". Ici, vous verrez plus bien plus que cela.



Et malheureusement...
Impossible de conclure sans évoquer la triste nouvelle.
Carnet noir, avec la disparition de John Romita, le dernier des géants du Silver Age. Merci pour tout, à jamais. 


THE FLASH CHRONICLES 1992 : WALLY WEST NÉ POUR COURIR


 Flash est une question de dynastie, de succession. Petit rappel pour les novices : le premier Flash historique s'appelle Jay Garrick, mais c'est le second du nom, Barry Allen, membre de la police scientifique de Central City qui est probablement le plus célèbre. Il a obtenu ses pouvoirs par un heureux concours de circonstances. Frappé par la foudre dans son laboratoire, il est aspergé de produits chimiques et la combinaison des deux événements lui permet d'acquérir les pouvoirs que vous savez. Pourcentage de chance que l'événement se reproduise avec un autre individu ? Probablement le même que de voir demain Elisabeth Borne choisir d'abaisser l'âge légal du départ à la retraite à soixante ans. C'est pourtant ce qui s'est produit avec Wally West, le petit neveu de Iris West, son épouse. Le gamin était un fan de Flash et le jour où il a pu visiter le laboratoire de Barry et y rencontrer son super héros favori, l'orage a éclaté et la foudre à frappé dans les mêmes circonstances, pour les mêmes résultats. Puis Barry Allen disparaît à l'issue du grand crossover Crisis on Infinite Earths et c'est Wally qui devient le seul et unique Flash. Sa personnalité diffère de celui qui le précédait : il est beaucoup moins expérimenté, papillonne d'une conquête à l'autre, se montre parfois un peu trop sûr de lui, ou au contraire, a tendance à gâcher son potentiel. William Messner-Loebs, le scénariste du titre, prend aussi l'habitude d'exposer sa propre vision de l'Amérique et de la politique, avec des saillies humoristiques ou sarcastiques qui commentent l'évolution sociale. Les Chronicles d'Urban Comics choisissent de démarrer en 1992, alors que nous en sommes déjà au numéro 58. Nous pouvons ainsi lire les derniers épisodes scénarisés par l'artiste, le temps d'assister au mariage de la mère de Wally, de le voir hésiter entre plusieurs conquêtes, pour finalement se tourner vers celle qui va devenir sa femme (Linda Park) et de se rendre compte que le titre avait alors un petit côté déjanté très sympathique, qui contrastait agréablement avec la sinistrose ambiante des années 1990. Et puis, on est à peine habitué que c'est au tour de Mark Waid de relever le défi d'écrire Flash. Ce qui tombe bien, car le type est à la fois un amoureux transi des comics DC, un fin connaisseur des super-héros et un écrivain de talent. Première mission pour Waid, revenir sur les origines de Flash Wally West à travers un arc narratif en quatre parties intitulé Born to run (qui correspond aussi à Flash Year One). Il n'écrit pas grand-chose de nouveau; ce sont des faits qui ont déjà été présentés dans le passé. Mais là où il y avait peu d'espace pour développer les événements, Waid travaille dans la marge, creuse les interstices et étoffe la légende, en expliquant dans le détail ce qui a bien pu se passer dans la tête d'un gamin au contact de son mentor, alors qu'il reçoit des pouvoirs totalement insensés et pas forcément simples à maîtriser. Non seulement ce sont des épisodes très lisibles mais en plus, on prend un plaisir évident avec les premiers pas de ce nouveau Flash, qui sont aussi dessinés par Greg Laroque, qui lui est resté fidèle au titre. Des figures puissantes, dynamiques, encrés parfois de manière un peu lourde, mais qui sans être extrêmement gracieuses, fonctionnent parfaitement bien et donnent une vraie identité au Flash du début des années 1990. En gros, ça commence très bien, cette histoire de Chronicles pour Flash !


Mark Waid est à classer au rang des historiens des comics; ce n'est donc pas un hasard s'il récupère l'héritage de l'un des pères fondateurs du personnage, John Broome, le temps d'un petit crossover avec Green Lantern, en 4 épisodes. Green Lantern et Flash, c'est une grande histoire d'amitié qui remonte à loin dans le passé, mais c'est bien entendu au départ principalement le tandem Barry Allen Hal Jordan qui s'est soudé avec le temps. Ici, Wally fait donc équipe avec celui qui était un des meilleurs amis de son oncle, pour s'en aller mener une escapade à Gorilla, City une ville futuriste habitée par des gorilles super intelligents, au cœur de la jungle africaine. Le pire d'entre eux s'appelle Grodd; il a des envies d'hégémonie, il peut être cruel, tyrannique, sanguinaire et le problème, c'est qu'il vient de se libérer et fomente une sorte de guerre civile interne à cet état fictif et simiesque. Flash est donc appelé à la rescousse; en réalité un message pour Barry Allen, mais c'est maintenant Wally qui va devoir s'y coller… et comme il ne répond pas instantanément à la sollicitation, à Jordan de se rend sur place pour dépanner, en mémoire de celui qui fut un de ses meilleurs amis. Hommage à John Broome, car ces épisodes présentent de nombreuses créations du grand scénariste comme Grodd, mais aussi Victor Hammond, ou encore le chien super intelligent Rex. On trouve aussi dans ce gros volume le cinquième annual de la série régulière de Flash, qui s'insère dans une trame un peu plus complexe. En 1992, DC comics souhaitait relancer le vilain nommé Eclipso, à travers une saga estivale intitulée The Darkness within. Le moins que l'on puisse dire par contre, c'est que l'ensemble est confus. C'est tellement baroque que ça a fort mal vieilli. Néanmoins, il y a du Travis Charest au dessin et je sais que cela va en intéresser beaucoup. Notons aussi un affrontement face à Abra Kadabra, le magicien venu de 46e siècle, où ce dernier n'apparaît pas seulement comme un criminel quelconque, mais aussi, pour les gens de son époque, comme une figure libératrice, capable de pousser au soulèvement. Quand on referme ces Chronicles de 1992, on a le sentiment d'avoir "subi" comme une cure de jouvence, avec des épisodes qui méritent vraiment d'être découverts et qui font partie de toute cette production DC comics qui est passée à la trappe, pour les lecteurs français. Comme d'habitude, l'appareil critique est riche, fort documenté et les textes écrits par Yann Graf sont d'excellente qualité. On ne va donc pas se plaindre, au contraire, on va vite dévorer ces centaines de pages, en attendant 1993.





HULK GRAND DESIGN DE JIM RUGG : LA GRANDE MISE AU VERT


 Grand Design, pour les plus distraits d'entre vous ou les nouveaux venus qui ne sont pas encore au courant, c'est une série d'histoires qui reviennent en détails sur le parcours éditorial d'un groupe de personnages ou un héros en particulier, à travers une narration et un traitement graphique très différent de ce qu'on est habitué à lire dans le monde super héroïque. Quand on parcourt les albums Grand Design des X-Men ou des Quatre Fantastiques, on est par exemple rapidement happés par les longs run historiques, tous ces moments fondateurs durant lesquels ces équipes ont acquis une gloire éternelle. Par exemple, ceux de Chris Claremont ou John Byrne. Avec Hulk, la situation est quelque peu différente. Il faut être honnête : quand on essaie d'embrasser l'intégralité du passé du géant vert, on se retrouve avec toute une série d'histoires rocambolesques, de retournements de situation qui se contredisent, de coups de théâtre qui avec le temps ont tout de même assez mal vieilli. Ça manque d'unité, de moments légendaires et intemporels, tout vient contredire tout. Alors du coup, ce Grand Design ne cache rien accepte le caractère chaotique et hiératique de la carrière de Hulk et tente de la résumer à sa manière, c'est-à-dire en alternant des strips dessinés avec des pleines pages qui célèbrent des événements capitaux. De l'instant où l'exposition aux rayons gamma transforme Bruce banner en Hulk, aux premières rencontres face au Leader et l'Abomination, sans oublier l'inévitable Betty Ross, qui est un coup la femme idéale et l'autre coup une déception sentimentale cruelle, en passant par le mariage l'impératrice Jarella ou un voyage dans le royaume subatomique. On n'oublie pas un saut sur la planète du Battleword, durant les Guerres Secrètes, où Hulk sauve les autres super-héros de l'écrasement au sein d'une montagne colossale. Hulk passe progressivement de la bête de foire stupide, chassée par tous, au statut de héros, et il acquiert peu à peu ses lettres de noblesse, sans qu'on comprenne vraiment où les scénaristes veulent en venir. Chacun est en occupé à raconter un morceau de la légende sans se soucier de savoir s'il va y trouver une place harmonieuse.



La seconde partie de ce Grand Design commence en 1984 avec les nouveaux épisodes scénarisés et dessinés par John Byrne. On arrive alors au mariage de Bruce et Betty, durant lequel Rick Jones est gravement blessé, puis on enchaîne sur la période Joe Fixit, le Hulk gris et garde du corps, sarcastique à souhait, pour passer à la période Peter David-Gary Frank, avec un petit clin d'œil pas piqué des verts au Savage Dragon d'Erik Larsen (entre les deux scénaristes, il y avait comme un léger contentieux à l'époque). Les moments les plus récents sont à l'honneur avec World War Hulk tandis que d'autres phases, qui auraient pu être, voire dû être de grandes pages d'histoire des comics, comme Heroes Reborn/Return, sont traitées en une seule planche. Pour vous dire à quel point ça a marqué les esprits, surtout du côté de Hulk. Jim Rugg  démontre qu'il est possible d'embrasser soixante ans de carrière d'un personnage en se concentrant sur l'essentiel et en simplifiant à l'extrême les enjeux, pour des lecteurs complètement novices ou au contraire nostalgiques. Du côté du dessin, la technique est simple : Rugg excelle dans l'emploi du collage, avec une approche artistique très pop, que viennent compléter les illustrations beaucoup plus détaillées, dès lors qu'il s'agit de présenter les grands moments iconiques de la carrière du géant vert. Rugg n'invente rien, son travail est de choisir, organiser, clarifier. Sa méthode est de passer à travers le tamis de son inspiration et de son amour pour le personnage tout ce qui a été écrit, du pire au meilleur. Grand Design est incontestablement une nouvelle réussite, malgré la certitude que Hulk méritait mieux que certaines des aventures qui lui ont été attribuées. Le pire, c'est qu'aujourd'hui encore on assiste un peu à tout et n'importe quoi. Regardez la grandeur et l'inspiration de Al Ewing et le côté régressif qui a suivi juste après, avec Donny Cates. À croire que c'est inéluctable !






L'HUMANITÉ INVISIBLE (LES FUTURS DE LIU CIXIN) CHEZ DELCOURT


 La grande science-fiction humaniste et sociale tel que nous l'aimons, voilà ce qui est au programme de "L'humanité invisible", un nouvel album de la série des futurs de Liu Cixin. Nous assistons au retour sur Terre d'un vaisseau spatial, une "arche" qui avait pour mission de sillonner le cosmos à la recherche de planètes habitables sur lesquelles implanter des colonies terrestres. Une mission d'autant plus importante que notre planète était menacée de disparition en raison d'un terrible flash d'énergie solaire, prévu par les scientifiques. La durée du trajet du vaisseau est sans commune mesure avec celle du temps qui s'écoule réellement sur Terre. En conséquence, lorsqu'il revient se poser après une longue épopée infructueuse et alors que tous les membres de l'équipage sont morts, sauf un, c'est pour trouver une planète sur laquelle se sont écoulés plus de 20000 ans. Un monde complètement abandonné et calciné, où la traditionnelle couleur bleu qui définit notre joyau dans l'univers est remplacé par le noir et le blanc de la désolation la plus totale. S'il n'y a plus personne de vivant sur Terre, un message d'accueil est tout de même délivré à notre survivant de l'espace, qui interprète tout d'abord la vidéo comme la production d'une intelligence artificielle enregistrée avant la grande catastrophe, en vue du retour attendu de son vaisseau. La réalité est tout autre : l'humanité a disparu, elle a été en fait remplacée par une version miniature ou subatomique d'elle-même, qui a de quoi surprendre. Les nouveaux terriens sont encore plus petits que des bactéries !




Liu Wei est-il pessimiste ou fondamentalement optimiste ? Avec L'humanité invisible, cette vision de la Terre où l'homme a disparu est certes tragique, mais cette disparition a aussi donné naissance à une nouvelle organisation, une micro société qui semble ignorer tous les problèmes qui ravagent notre existence géopolitique aujourd'hui. Le revers de la médaille, c'est que n'ayant plus besoin de se dépasser, vivant une ère de paix qui confine à l'assoupissement, il est difficile pour les micro-humains de réaliser leur plein potentiel. Le retour sur Terre du dernier survivant de la mission d'exploration menée par "l'arche" est alors l'occasion d'opérer une fusion, la synthèse entre le monde d'avant et celui d'aujourd'hui, pour en dégager une leçon finale d'un optimisme éternel et inébranlable. Je vous laisse arriver à la conclusion pour comprendre quelle forme il assume. Pan Zhiming (qui je l'admets est pour moi un artiste inconnu jusque-là) livre des planches réellement belles, qui sont capables de jouer sur deux niveaux stylistiques : à la fois la science-fiction classique et par endroits ténébreuse, qui dépeint un univers post apocalyptique, et de l'autre les couleurs flashy et acidulées de la nouvelle société micro-humaine, où tout n'est que joie, optimisme et positivité, grâce notamment à l'emploi d'un trait hérité du manga, qui permet d'apporter un contrepoint parfait au reste de l'œuvre. Ce volume des Futurs de Liu Cixin est réellement intéressant car il tranche agréablement avec cette vision forcément catastrophiste du devenir humain, notre incapacité à évoluer pour affronter les défis de demain. Ici, c'est tout le contraire; aussi bien la technologie que la grandeur d'esprit de notre espèce parviennent à dégager un scénario inédit et ma foi des plus surprenants. On s'attend même toujours en permanence au point de bascule, lorsque le lecteur s'apercevra qu'il a été trompé et que de sombres secrets vont être enfin révélés. Mais ce n'est pas au menu de cette Humanité invisible, qui jusqu'au bout nous présente une lueur d'espoir qui illumine une possibilité aussi fascinante que fantastique. Une des plus belles réussites de la collection, que nous vous invitons de tout cœur à vous procurer.





COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...