Vous pensiez vous être débarrassés de cette engeance, mais clairement, vous aviez tort. Les Skrulls refont parler d'eux, suivant la bonne vieille technique éprouvée, c'est-à-dire le remplacement de personnages importants de l'univers Marvel, de manière à établir une tête de pont sur notre planète. La nouvelle série à porter le nom de Secret Invasion, publiée par Marvel quelques mois avant l'arrivée sur Disney Plus du show télévisé, met en scène Nick Fury. Pas la version traditionnelle, qui a disparu des radars, mais celle incarnée à l'écran par Samuel Jackson, le "héros" afro-américain issu de l'univers Ultimate, qui s'est imposé en force et sans la moindre logique comme désormais la version établie du personnage. On le retrouve en mission dans une famille somme toute banale où la mère et les deux enfants sont en train de pleurer la perte du mari, qui vient de décéder. Enfin pleurer… c'est une façon de parler car tous les trois semblent étonnamment joyeux et tiennent un discours décousu. En fait, selon sa femme, celui qui vient de décéder serait en réalité un extraterrestre skrull; quelqu'un a remplacé son mari et donc ce dernier serait juste détenu quelque part, mais ne serait pas mort. Fury n'y croit pas un instant et pense avoir affaire à un cas classique de stress post-traumatique, l'impossibilité pour certains individus d'accepter la réalité telle qu'elle se présente. Sauf que très vite, coup de théâtre, ce sont les survivants qui s'avèrent être des aliens et ils attaquent notre super espion. Ce dernier s'en va ensuite faire son rapport dans le bureau de Maria Hill, qui est un peu la grande prêtresse du contre espionnage américain… et le lecteur découvre médusé qu'en réalité les choses ne se sont pas passées comme prévu. Fury n'est pas parvenu à se débarrasser des skrulls; au contraire, il a été remplacé à son tour et de nombreux Nick Fury sont à l'instant même opérationnels un peu partout aux États-Unis, pour favoriser les visées des envahisseurs. Pire encore, les extraterrestres métamorphes ne se sont pas contentés de prendre les traits de Nick, mais ils ont aussi déjà infiltré les Avengers eux-mêmes.
La série écrite par Ryan North à tout de même beaucoup moins d'ampleur que la grande saga développée par Bendis en son temps. Là où le sentiment d'une invasion totale était présent, là où la planète entière semblait prête à tomber aux mains des Skrulls, il n'y a plus qu'un récit qui se concentre sur un problème interne aux Avengers, débusqué par Maria Hill, et tout particulièrement à l'un d'entre eux, Tony Stark, qui pense toujours être plus intelligent que tout le monde. Mais qui en réalité peut aussi être terriblement naïf, ou en tous les cas dangereux pour ses camarades. Entre-temps, les extraterrestres ont appris à s'adapter et si autrefois il était possible de les identifier facilement, puisque Reed Richards a mis au point un appareil capable de faire la différence entre eux et un simple terrien, ils ont entre-temps appris à tromper la vigilance de nos nouveaux "gadgets" et il faut désormais en passer par la bonne vieille prise de sang, qui en elle-même n'est pas non plus un gage de différenciation absolue. Les dessins sont confiés à l'Italien Francesco Mobili, qui s'en sort très bien. On a de nombreuses scènes d'action comme des plongeons depuis le ciel et des luttes tirées au couteau et il excelle à rendre l'ensemble vivant et dramatique, parvenant à créer une tension continue, y compris dans des moments où les personnages se contentent de s'expliquer. Le seul problème, c'est probablement la nature même de cette mini-série, c'est-à-dire surfer sur l'arrivée du show télévisé sur Disney Plus sans correspondre pour autant à un réel besoin dans l'univers comics Marvel. On notera la tentation contemporaine d'exhumer toutes les sagas à succès de ces dernières décennies, afin de leur proposer soit une suite, soit une nouvelle mouture qui récupère le titre tout en évacuant les enjeux et les débats de départ. Une habitude qui montre à quel point les cerveaux de la Maison des Idées ont tout de même du mal à imaginer l'avenir. Ici, cette seconde Invasion Secrète se laisse lire plaisamment, à condition qu'on ne la compare pas, bien entendu, à sa grande sœur à succès.
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