POISON IVY TOME 1 : CYCLE VERTUEUX


 Concernant le personnage de Poison Ivy, il est tout autant possible de parler d'évolution que de radicalisation. Il faut dire que récemment, la jolie rouquine a accédé à un niveau de puissance jamais atteint jusque-là, en devenant Queen Ivy. C'est-à-dire pratiquement une sorte de déesse. Pour la sauver, il a fallu la priver de ses dons formidables, de sa connexion extrême à la Sève et c'est la raison pour laquelle aujourd'hui Pamela doit avant tout reconstruire son existence. Dans la douleur, puisqu'il est totalement impossible d'oublier et de renoncer à cette grandeur mortifère qui vient d'être la sienne. Elle a même momentanément abandonné Harley Quinn avec qui elle a noué une relation sentimentale durable, parce que cette dernière a participé à son sauvetage. Nous retrouvons ainsi une Poison Ivy plus vénéneuse et enragée que jamais ! G. Willow Wilson, la scénariste, nous emmène sur les traces d'un personnage tourmenté, qui tient en piètre estime l'humanité dans son ensemble, même si elle est capable parfois de porter un regard différent sur quelques individus en particulier. Rien de bien surprenant donc à ce qu'elle décide d'éradiquer ce qui apparaît à ses yeux comme un fléau en train de ravager irrémédiablement la planète, c'est-à-dire l'être humain, au moyen d'une spore dont l'action peut être radicale et immédiate. Elle commence à contaminer ceux qui se dressent sur son passage, aussi bien parce qu'ils l'ennuient dans un bar ou parce qu'ils sont policiers dans l'exercice de leur devoir. Une Poison Ivy qui entend semer la mort avant de disparaître (les spores la dominent peu à peu)… voilà donc une incarnation du personnage qui n'a plus grand chose à voir avec celle que l'on pouvait comprendre et pour qui on pouvait éprouver de l'empathie. Nous sommes au-delà de l'écoterrorisme et nous entrons de plain-pied dans le génocide.


Éliminer l'humanité pour sauver la planète, voilà un programme particulièrement écologiste et énervé ! Il faut dire qu'à l'instar de la mère nature, Poison Ivy aussi a été meurtrie dans son propre corps, "violée" d'une certaine manière par les expériences de Jason Woodrue, alias l'homme Floronique ou encore de la Sève, comme on l'appelle ici. Un passé tragique qui peut à défaut de justifier expliquer les raisons pour lesquelles aujourd'hui Pamela est passée du côté obscur de la force et ne semble pas éprouver de compassion particulière, si ce n'est en quelques cas bien isolés. Il y aura d'ailleurs dans cet album l'affrontement attendu entre le scientifique fou et celle qu'il a contribué à créer. Le tout avec en toile de fond l'encrage humain qui empêchera peut-être à Poison Ivy de sombrer dans la folie, c'est-à-dire l'amour, ce qu'apparemment l'humanité a inventé de mieux. Sans être réellement présente, Harley Quinn a donc un rôle à jouer dans cette histoire. Du côté des dessins, l'artiste principal à l'œuvre dans ces épisodes se nomme Marcio Takara. Je dois dire que son travail mérite d'être découvert et apprécié : il offre de jolies formes à ses héroïnes sans pour autant sombrer dans le racolage, il parvient à rendre vivante et gracieuse ses planches, même lorsqu'il s'agit d'une simple conversation ou d'actes banals du quotidien. Brian Level signe de son côté un certain nombre de pages un peu plus cauchemaresques, qui auraient mérité à être un peu plus lisibles. Elles apparaissent un peu brouillonnes et c'est dommage. Notons que Urban Comics ajoute en fin d'album une vieille histoire tirée de secret origins 38, qui permet de se rendre compte à quel point Poison Ivy peut-être perturbante et dangereuse, dès lors qu'on s'approche d'elle. Un épisode qui la présente clairement comme l'objet d'une forme de délire et spécialiste ès manipulation. En tous les cas, ce qui au départ ne devait être qu'une mini-série a fini par gagner ses galons de regular et on comprend pourquoi. Ce sera une des lectures à conseiller sincèrement en cette rentrée, chez Urban Comics.




UNIVERSCOMICS LE MAG' : LES 37 PREMIERS NUMEROS DANS UN SEUL FICHIER


 Le prochain numéro de UniversComics Le Mag' est prévu pour début octobre. Nous passons au format XL et à la parution trimestrielle à l'occasion du #38.

C'est donc le moment pour nous de vous proposer un énorme fichier à télécharger et dézipper, contenant les trente-sept numéros sortis à ce jour. Pour ce qui prennent le train en marche, il y a de quoi lire là-dedans.

Le lien : https://1fichier.com/?jcbdcu03kp0yoimuy1sr

S'il vous manque juste un ou deux numéros bien précis, vous pouvez les trouver en lien direct sur le groupe Facebook dédié au Mag' en particulier : 

https://www.facebook.com/groups/universcomicslemag/files/files

Rendez-vous début octobre pour le numéro 38. Et sur ce blog pour vos chroniques comics et bd régulières.



JUDGE DREDD : LES AFFAIRES CLASSÉES 08 (DU DREDD INEDIT !)


 Du fascisme à l'héroïsme le plus pur, il est difficile de savoir dans quel territoire évolue réellement le juge Dredd. Probablement quelque part à la lisière d'entre les deux, une oscillation permanente entre un courage exemplaire et une tâche inflexible qu'il accomplit sans discernement. Judge Dredd, c'est une grande bande dessinée d'anticipation mais en réalité, c'est aussi un commentaire pertinent sur ce que nous vivons, sur l'aliénation permanente que nous construisons autour de nous, sur le futur dystopique que nous craignons mais que nous semblons appeler de tous nos vœux, quand on regarde de près chacun de nos actes. Mega-city One, l'énorme ville tentaculaire où évolue le personnage, est un lieu terrifiant où la règle est que la mort et l'absurdité se cachent à chaque coin de rue. Quand la nuit tombe, par exemple, un long récit en 7 parties intitulée la tournée des Maccabées permet de réaliser l'invraisemblable chaos qui règne entre le crépuscule et l'aube. Des quartiers entiers se font la guerre et disparaissent, un assassin en série ne laisse derrière lui que des mains gauches, Dredd et sa collègue pénètrent au domicile du quidam moyen pour y orchestrer des fouilles totalement arbitraires… et dans le même temps, il fait preuve d'héroïsme pour sauver un bébé au péril de sa vie. Sans oublier l'irruption massive des mutants qui essaient de rentrer de force dans la cité. Un monde comme ça est à la fois effrayant et prémonitoire. Ce huitième volume des Affaires Classées de Judge Dredd nous propose des histoires inédites, dans lesquelles il est aussi question de science et conscience/morale. Les substances radioactives que nous déversons aujourd'hui donneront peut-être naissance demain à des sortes de loups-garous, qui infestent la partie souterraine de Mega-city One, là où évoluent et meurent (surtout) les rebuts de la société. Ou encore : la folie humaine en est arrivée à organiser des concours de gros mangeurs, avec des concurrents adipeux qui finissent par succomber en dévorant leur propre matelas, coachés par d'infâmes spéculateurs. Vous l'aurez compris, on rit également beaucoup avec le juge, mais c'est un rire souvent glaçant, accompagné de quelques jeux de mots servis à froid, forcément.


La verve de John Wagner et Alan Grant n'est jamais aussi pertinente que lorsque il s'agit de délivrer un message social et politique, par exemple lorsqu'un orang-outan parvient à poser des pronostics globalement corrects sur les matchs de football et qu'il devient une star de la télévision, au point que la foule pense à lui pour le poste de maire de la ville. On se rend compte que Dredd tient en piètre estime tous ces politiciens fantoches qui sont en partie responsables à ses yeux de la catastrophe ambulante. Pour lui, un primate au pouvoir pourrait même réserver de bien meilleures surprises que ces guignols-là. Ou encore, un long épisode en plusieurs parties, totalement hilarant, où il est question de ces émissions de télé-réalité dégradantes, devant lesquelles le public s'abrutit chaque soir, avec les exploits du quidam moyen. Ici, dans "Carrément débile", un candidat inspiré décide de se faire grossir le nez, jusqu'à ce qu'il devienne le plus gros appendice jamais vu jusqu'à présent. Une sorte d'énorme ballon qui lui attire forcément la gloire, puisque c'est bien connu, plus ce que l'on fait est stupide plus on attire l'attention des autres, y compris de ceux qui sont animés de mauvaises intentions, comme un certain collectionneur… On s'amuse donc beaucoup, une fois encore, avec ce volume 8, comme lorsqu'une épidémie de tartes à la crème sévit à Mega-city One et que l'entarteur initial commence à faire des émules, au point de provoquer la panique chez les forces de l'ordre. Ou quand une bande de dinosaures arrive en ville, pour être exposés comme des bêtes de foire. Ils vont être libérés par un petit robot sensible qui décide d'ouvrir leurs cages. On notera au passage que Dress estime que le coupable est celui qui a amené les animaux en ville et non pas les sauriens féroces qui ont dévoré quelques passants malheureux, ce qui après tout correspond à leur inclinaison naturel. Du côté des dessinateurs, c'est bien entendu une jolie brochette d'artistes qui se succèdent, dont les plus célèbres (pour le grand public français) sont vraisemblablement Steve Dillon, Carlos Ezquerra ou encore Cam Kennedy. Nous avons une petite préférence pour Ron Smith, qui non seulement est un des dessinateur majeurs du titre Judge Dredd, mais en plus présente des planches fouillées et objectivement splendides, dont la lisibilité et l'énergie sont indéniablement parmi ce qui se fait de mieux avec le personnage. Côté chronologie interne, nous sommes ici dans les années 2105/2106, c'est-à-dire les numéros 322 à 375 de 2000 AD, l'anthologie britannique dans laquelle est publié Dredd. Des histoires qui remontent à 1983 et 1984, présentées dans un écrin magnifique. Car convient-il de le rappeler, pour en finir avec cette petite chronique, l'édition proposée par Delirium de ces affaires classées associe contenu et contenant au sommet. 39 euros que vous pouvez investir sans crainte. 





WONDER WOMAN HISTORIA : L'OPULENTE HISTOIRE DES AMAZONES EST MAGNIFIQUE




 Depuis l'annonce de la création du Black Label, Historia fait partie des projets les plus intrigants. Nous commencions à trouver le temps long, une attente récompensée par la sortie d'un véritable chef-d'œuvre, à tout point de vue, disponible en cette fin d'été chez Urban comics. Non, il ne s'agit pas d'une énième aventure de Wonder Woman, qui reviendrait sur la genèse et le parcours du personnage, mais quelque chose de beaucoup plus ambitieux, une vraie écriture totale de la généalogie des Amazones, ce qu'elles sont, la raison pour laquelle elles existent, leur but dans l'existence, la structure de leur société : une approche conceptuelle tout aussi étiologique que téléologique, c'est-à-dire qui s'intéresse à la fois aux causes et aux effets. Nous comprenons la raison pour laquelle les Amazones sont nées et nous nous intéressons ensuite à comment leur comportement et leurs agissements vont avoir des répercussions profondes, notamment lorsque va sonner l'heure de rendre des comptes que Zeus va décider de leur faire vivre un véritable enfer, déclenchant ainsi une guerre contre les dieux. Au départ, il y a une requête menée par les déesses, présentée à celui qui est domine toutes et tous : elles exposent la manière dont les femmes sont traitées, c'est-à-dire la plupart du temps, rabaissées, humiliées ou déconsidérées. Pour simplifier et épouser l'air du temps, disons qu'il y a un discours féministe évident dès les premières pages de cet ouvrage, sauf qu'ici le discours féministe ne se contente pas d'être une charge politique et sociale stérile, de dérouler une thèse usante et moralisatrice. Il se met au service d'une véritable histoire : il y a vraiment quelque chose à raconter derrière tout cela et Kelly Sue DeConnick le fait avec brio. Chacune des déesses du panthéon romain décide ainsi de mettre ses caractéristiques à l'ouvrage et de créer une race de guerrières inflexibles et indomptables. Au total, une trentaine d'Amazones voient le jour et incarnent la revanche de la femme, l'accession à la liberté du genre féminin. La seule déesse qui ne participe pas à cet effort collectif, c'est Héra, l'épouse de Zeus. Il faut dire qu'elle a d'autres projets plus personnelles et que à la différence des autres, son omniscience lui permet de tout savoir, aussi bien ce qui s'est produit que ce qui reste encore à se produire. Toute la première partie est illustrée par Phil Jimenez et c'est absolument stupéfiant. La quantité de détails, l'attention maniacale à la plus petite des vignettes, tout ceci flirte avec la fantasmagorie, l'opulence. Il mêle le classique grec avec des influences tirées de la Renaissance, propose des portraits stupéfiants et place la barre très très haut en terme de représentation graphique du monde des Amazones. Tout ceci en est presque sidérant !




La première partie est beaucoup plus élégiaque et mythologique que les deux autres. Il faut dire que les Amazones se sont enfin incarnées, leur société va devoir évoluer, s'enrichir, notamment avec le personnage de Hippolyte, destinée à devenir une reine et qui au départ n'est qu'une femme comme les autres. Gene Ha et Nicola Scott se retrouvent dans une situation peu enviable : prendre la suite de ce qui a été fait juste avant, dans un style fort différent, tout en conservant un niveau qualitatif exceptionnel. Autre tour de force de cet album, c'est un succès total. Les deux artistes privilégieront le travail sur les textures, la manière de mettre la couleur au service du récit, proposeront quelque chose de plastiquement tout aussi fouillé mais dans un autre genre. Le discours féministe du départ se complexifie également : organiser une société avec uniquement des femmes, c'est bien entendu l'impossibilité de la voir prospérer à travers le temps, si ce n'est par le biais d'ajouts et d'adoptions et donc de faire rentrer "l'étranger", l'élément exogène. Au risque de contaminer les traditions et d'apporter un facteur perturbateur. Par exemple, les Amazones ne se déplacent que la nuit; toute intervention durant le jour risquerait de compromettre leur mission, puisqu'Apollon a un regard omniscient sur ce qui se passe sous le soleil. Alors en plus, confondre la justice et la vengeance, dans le temple dédié à ce dieu grec, c'est l'assurance de déclencher un conflit mortel à l'issue duquel il pourrait bien n'y avoir pas de vainqueur, juste des cendres. Historia se referme bien évidemment avec l'apparition de Diana. Nous ne vous gâcherons pas la surprise mais là aussi, tout cela s'insère à merveille dans une chronologie, une généalogie de toute beauté. On referme la dernière page après avoir consulté de nombreux croquis et bien des bonus pertinents, convaincu d'avoir entre les mains un des trois ou quatre meilleurs albums de l'année, sans aucun problème.


Venez vite nous retrouver sur Fcebook pour parler comics.



OMNIBUS THUNDERBOLTS : LA JUSTICE COMME L'ECLAIR AVEC BUSIEK ET BAGLEY


 Plutôt que de proposer une review détaillée d'épisodes qui remontent à 25 ans en arrière, il nous semble plus judicieux de se poser une question simple : pourquoi la série Thunderbolts, celle qui inaugura le concept, avec Kurt Busiek, reste aujourd'hui encore une des marottes des lecteurs au long cours? Revenons donc à cette formation guidée par un certain Citizen V (sorti de nulle part, et pour cause), avec notamment des calibres comme Mach-1, Songbird, Meteorite, Atlas ou Techno, pour renforcer un roster improbable. Nous étions alors en 1997, année terrible puisque les Avengers et les Fantastic Four avaient disparu (on les croyait morts après l'affrontement dantesque avec Onslaught, une créature née de la dégénérescence mentale du professeur Xavier, sous l'influence malveillante de Magneto). Les héros avaient une nouvelle fois sauvé la Terre, mais ils laissaient aussi un champ de ruines, une planète dépourvue de protecteurs, exception faite des X-Men. Mais les mutants étaient considérés avec trop de suspicion pour être adoubés une bonne fois pour toutes. Alors, crise de vocations ou apparition d'une nouvelle génération de redresseurs de torts ? C'est là que sans crier garde, les Thunderbolts firent leur entrée sur scène. Aucune discrétion, pas de modestie affichée. Helmut Zemo et ses Maîtres du Mal étaient entrés dans la danse, pour le pire et le meilleur. Les premiers succès, obtenus avec un déguisement inédit pour chacun de ces malfaiteurs endurcis, sont au dépend des Rats, des Démolisseurs, et même du Penseur Fou. Et vous savez ce qu'il y a de bien, quand vous passez votre vie à fuir les justiciers, à trembler pour la réussite de vos sales coups, à être répudiés par les foules, lorsque vous décidez de faire le bien, enfin (même si pour de faux, pour de mauvaises intentions) ? C'est qu'on peut aimer ça, qu'on peut se sentir enfin vivant, utile. Bref, un glissement peut s'opérer. Ou pas. Les Thunderbolts, c'est une fenêtre sur le rachat et la porte ouverte sur la criminalité. Il faut choisir, sauter, se décider. Ajoutez à tout ceci des histoires sentimentales, des disputes, des coups d'éclat… Les héros n'en sont pas, mais après tout, si cela ne dépendait que d'eux ?


La confiance est le mot clé. Confiance nécessaire du public pour que l'opération de séduction et de duperie fonctionne, confiance aussi entre les membres qui sont loin d'être des enfants de chœur et qui vont connaître des évolutions personnelles divergentes. Une confiance qui est aussi présente dans le rapport avec les médias. Rien de nouveau pour le lecteur de 2023 qui est habitué à ce que les carrières se fassent et défassent sur les réseaux sociaux; à l'époque, c'est la télévision qui suit les nouveaux héros et qui aide notablement ce groupe à se forger une nouvelle image et a le présenter au quidam moyen. Nous ne sommes pas très loin finalement de ce que fait la politique, avec la propagande. Busiek est un auteur qui aime faire parler ses personnages et a tendance à se révéler par moments un peu verbeux, mais ici il est aussi capable d'équilibrer à merveille ce petit défaut structurel, en injectant continuellement des scènes d'action et des retournements de situation spectaculaires et très attendus. Et lorsque l'action trouve enfin un peu de repos, c'est pour entamer de nouvelles pistes sentimentales et pour s'occuper des rapports interpersonnels entre les membres des Thunderbolts. Le rythme, c'est aussi une affaire de découpage et pour cela, le dessinateur Mark Bagley, un des plus rapides mais aussi des pus fiables chez Marvel depuis les années 1990, est fort utile que ce soit au niveau des splash pages en roue libre ou tout simplement de la profusion de petites vignettes sur la même page. Il est capable de tout représenter en insérant régulièrement des détails qui crédibilisent l'ensemble. Comme vous le savez, son péché mignon c'est que beaucoup des héros qu'il met en scène se ressemblent physiquement, mais si on accepte ce leitmotiv dans son travail - et même s'il n'était pas encore la star qu'il allait devenir par la suite grâce à Spider-Man - l'ensemble est de belle facture, indiscutablement. Il est juste dommage que pour retrouver les Thunderbolts au meilleur de leur forme, les lecteurs doivent débourser une somme importante, correspondant certes à une pagination conséquente et à un très bel omnibus : ça signifie que le public cible est bien entendu le quadra/quinqua qui a vécu tout cela en direct et qui possède aujourd'hui les cordons de la bourse et les moyens d'investir régulièrement dans ce type de parution. Pour les plus jeunes, les Thunderbolts des origines, ceux de Buziec, risquent de rester encore un peu nébuleux. De notre côté, nous ne pouvons que conseiller à tout le monde de s'intéresser à ce groupe emblématique de l'époque post Onslaught, qui contribue à sa façon à tout ce courant conspirationniste et paranoïaque qui voit le jour dans la décennie des années 1990, avant d'exploser suite aux attentats du 11 septembre 2001. Un omnibus aussi attendu qu'historique. 




LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : CEUX QUI ME TOUCHENT


 Dans le 157e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Ceux qui me touchent, album que l'on doit au scénario de Damien Marie, au dessin de Cyril Bonneau et qui est édité chez Grand angle. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Échecs, titre que l’on doit à Victor Lorenzo Pinel et aux éditions Grand angle

- La sortie de l'album Le juif arabe, titre que l’on doit à Asaf Hanuka et aux éditions Steinkis

- La sortie de Adios, Carlotta, troisième volet de la série Charlotte impératrice que l’on doit au scénario de Fabien Nury, au dessin de Mathieu Bonhomme et c’est édité chez Dargaud

- La sortie du deuxième et dernier tome d'Harlem, diptyque que l'on doit à Mikaël et aux éditions Dargaud

- La sortie du septième tome de la série Le jour où... baptisé Le jour où les liens se tissent, titre que l’on doit au scénario de Caroline Roque du duo BeKa, au dessin de Marko et c’est publié aux éditions Bamboo

- La réédition en intégrale de l'album Les Jours heureux l’on doit à Éric Warnauts et Guy Raives et qui est publié chez Le Lombard dans la collection Signé



 

 

DARK WEB : SPIDER-MAN ET LES X-MEN POUR LE GLOUBI-BOULGA DE 2023


 Dark Web prend son envol chez Panini Comics. Voici venir une série de 3 numéros mensuels (non, ce ne sont plus que des softcover, on les appelle plus honnêtement des 100% Marvel, maintenant) qui vont vous permettre de découvrir la nouvelle aventure au souffle épique (?) qui va traverser l'univers du tisseur de toile (et des X-Men) en particulier, mais finalement de Marvel en général. Il s'agit là d'une introduction un peu pompeuse pour un récit qui nous a paru d'emblée très décevant et qui s'est achevé dans notre indifférence la plus complète. Néanmoins, vous qui ne lisez pas forcément la version originale, vous allez pouvoir vous faire votre propre avis avec l'intégralité de la saga, épisodes de complément compris. Au centre de cet événement, nous retrouvons Ben Reilly; celui qui fut le clone de Peter Parker a toujours été un des benjamins des fans, à condition bien entendu d'être employé à bon escient par les scénaristes, c'est-à-dire comme une version alternative de Peter Parker, quelqu'un qui aurait pu prendre la place du héros à un moment donné, avec un background différent et donc un modus operandi quelque peu divergent. De la à en faire un super vilain aux idées totalement meurtrières et fantasques, il y a un monde. Cela a déjà été tenté avec plus ou moins de réussite, avant de revenir en arrière. Perpétuelle indécision, quelle erreur de jongler entre le rachat de Ben et une nouvelle plongée dans la folie, qui finit par devenir lassante et totalement contre-productive. Ici, il opère sous le nom et le costume de Chasm et s'est acoquiné avec la célèbre Goblin Queen, que les mutants ont eu la bonne idée de laisser plus ou moins en liberté dans le royaume des Limbes. Tous les deux ont accumulé beaucoup de rancœur avec le temps et ils ont un programme bien personnel sur la manière dont ils souhaiteraient faire progresser leurs situation respectives. Vous vous rappelez le crossover Inferno, à la fin des années 1980 ? Et bien, Dark Web est un peu une sorte de version actualisée, donc une redite sans surprise ni aucune vraie valeur épique. La ville de New York devient folle, les objets inanimés prennent vie, des démons se baladent dans la Grosse Pomme, bref du déjà lu. Ben et Maddie ont les nerfs, alors que le premier cité peut aussi compter sur sa petite amie, Janine, devenue une sorte de super vilaine mystique. Au moins, nous pouvons compter sur Adam Kubert pour sortir de jolies planches, mais qui ne font pas oublier l'indigence du propos. 


Tous les personnages liés au tisseur de toile ont subit une évolution pour le moins discutable ces derniers temps. Le run de Zeb Wells est loin de soulever les passions et il présente de nombreuses feuilles évidentes. Passons sur le secret de Peter Parker, la raison pour laquelle il est éloigné de Mary Jane. Ceux qui lisent la VO savent ce qui s'est passé et ils comprennent que cela risque d'être un tollé également chez le lecteur français, à terme. Le pauvre Ben ne supporte plus d'être un clone et se lance dans une vengeance personnelle : ce n'est pas le choix le plus judicieux là aussi. Face à lui, Norman Osborn, désormais lavé de tous ses anciens péchés et qui chevauche un nouvel engin de haute technologie dans le costume du Gold Goblin, le bouffon en or, une version sympathique et droite de celui qui fut autrefois un ennemi acharné et aujourd'hui une ressource précieuse pour Peter Parker. Ses péchés, parlons-en ! Ilsont été transmis à l'ancienne psychologue du Ravencroft Institut, le docteur Kafka. Elle aussi est transformée en une créature démoniaque ! Vous avez dit n'importe quoi ? Passons sur la mini série où Mary Jane (avec des pouvoirs aléatoires) et Black Cat vont devoir faire équipe pour s'entraider. Si ce n'est pour les superbes dessins de Vincenzo Carratu, un artiste à suivre de très près, qui ne tardera pas à littéralement exploser, cela n'a absolument aucun intérêt. Les X-Men sont de la partie, comme nous l'avons dit, Inferno oblige, mais aussi Miss Marvel, puisque la jeune Kamala travaille désormais dans les mêmes laboratoires que Peter Parker, sans que personne ne remarque qu'elle est aussi l'héroïne du nom de Miss Marvel. La ressemblance est pourtant assez frappante. Curieusement, sa mini série n'est pas si désagréable que ça, l'humour est bien dosé et c'est loin d'être le pire proposé dans le magazine. Le véritable défaut de Dark Web est en fait très simple : c'est une saga qui est basée sur de mauvais concepts, qui ont déjà été développés de bien meilleure manière par le passé et qui empruntent des chemins aussi discutables que contre-productif pour certains des personnages. Même en voulant être le plus clément possible, force est de constater que tout cela est bien mauvais.





BLUE BEETLE : QUE VAUT LE FILM DU SCARABÉE BLEU ?


 Les fossoyeurs du genre super-héroïque sur grand écran se lèchent les babines. On remet le couvert avec un héros Dc de seconde zone (que personne dans le grand public ne connaît) et une énième "origin story" pour introduire un "justicier" de plus. Jaime Reyes est donc le Scarabée Bleu. L'occasion d'offrir à la communauté latino son quart d'heure de gloire, à travers (notamment) l'utilisation éhontée de tous les ressorts dramatiques (?) associés à la famille ou la solidarité entre les plus pauvres (systématiquement la proie des grands conglomérats impérialistes, ici incarnés par la compagnie Kord, du nom de Ted Kord, premier Beetle historique). Clairement, on oppose alors la richesse matérielle (un foyer truffé de tous les objets possibles, y compris les plus chers) et celle du cœur, de l'amour (l'indigence ne compte pas quand on s'aaaaime !). Rien de bien nouveau sous le soleil. On ajoutera la jeune fille riche et en manque d'affection (pour une romance classiste "inversée"), une série de portraits savoureux et déjantés (mais sans grande originalité), et on secouera le tout, pour déguster façon cocktail sirupeux qui donne encore plus soif après l'avoir ingurgité. Sorte de pastiche du style et des manières de faire des années 1980 cinématographiques, que raconte vraiment, dans le détail, Blue Beetle? Sans spoiler, disons que fraîchement diplômé à l'université de Gotham, Jaime Reyes (Xolo Maridueña, déjà vu dans la série Cobra Kai) retourne dans sa ville natale, Palmera City, une métropole fictive où les riches résident dans un centre-ville scintillant parsemé de buildings rutilants, tandis que les pauvres sont dans le quartier ouvrier d’Edge Keys et subissent des expropriations indues. On feint donc de s'intéresser à l'aspect social, on s'agite et on hurle, histoire de bien rappeler le terreau sur lequel le film va se construire. Dès que Jaime est réuni avec ses proches, il est informé d’une série de mauvaises nouvelles: son père Alberto a récemment eu une crise cardiaque, leur garage a fait faillite et ils sont sur le point de perdre leur maison parce que le propriétaire a triplé le loyer. Revers de la vie sous forme de clichés, qui poussent le protagoniste à accepter un travail très humble dans un complexe de luxe, au service de la famille Kord. Là, nous faisons la connaissance de Victoria (Susan Sarandon, tout de même), sœur de Ted (disparu et considéré comme mort), qui a une seule idée fixe en tête, réaliser toute une armée de cyborgs invincibles et les vendre aux forces militaires. Les fameux OMAC. Pour y parvenir, elle doit utiliser et déchiffrer un étrange objet d'origine extra-terrestre, en forme de scarabée. Une relique qui va finir entre les mains de Jaime (avec le concours de Jenny, la jeune nièce idéaliste) et donner naissance à un nouveau super-héros, sous les yeux de sa propre famille médusée. 


Mais voilà, James Gunn a prévenu : peu importe le destin au cinéma de Blue Beetle, le personnage est destiné à exister et prospérer dans sa cosmogonie Dc. Et on comprend pourquoi, après ces deux heures. L'outsider un peu ridicule, le héros qui porte des chaussures clairement pas à la bonne pointure, c'est son dada. Sa marque de fabrique. Ce sont eux, qu'il écrit et gère le mieux. Blue Beetle est de cette trempe, incarné par un Xolo Mariduena convaincant et dynamique, au point d'en devenir attachant dans sa banalité, touchant dans la caricature. Il est la vedette d'un récit des origines d'un super-héros et cela fonctionne bien, avec l'histoire d'un jeune homme qui n'a pas encore découvert son potentiel, qui doit composer avec les relations intra-familiales et se confronter à une réalité sociale qui ne lui est pas favorable. Au fil des minutes, on voit le récit alterner moments légers et d'autres plus profonds et, au fur et à mesure des événements, on apprend à connaître Jaime et tous ceux qui le soutiennent dans ses décisions, depuis le début. Quitte à finir en franche pantalonnade avec la grand-mère, qui renoue avec un passé guérillero au moment opportun et donne la charge quand les autres sont vaincus par le découragement. C'est drôle, ou totalement outrancier, selon les humeurs et les états d'esprits du spectateur. Le fan de comic books appréciera également la liste de clins d'œil adressés aux héros de papier, ce qui ne gâche rien à l'histoire. Survêtements, costumes, gadgets, jusqu'au gros véhicule improbable qui sert au Scarabée de moyen de transport, tout est présenté et crédibilisé (plus ou moins). Quand au look de Blue Beetle en soi, disons que nous avons un Iron Spider-Man teint en bleu, au potentiel dévastateur. Résolument dispensable et largement en retard sur le planning annoncé, Blue Beetle se présente à vous sans grand espoir ni folles attentes. Si vous êtes un poil indulgents, il se pourrait bien que vous lui accordiez finalement les circonstances atténuantes.




RED HOOD SOURIEZ ! PLEINS FEUX SUR JASON TODD


 Jason Todd n'a jamais été un Robin comme les autres. Beaucoup plus violent et moins bien inséré socialement, le jeune garçon a été repéré par Batman alors qu'il était en train de voler les roues de la Batmobile. Un signe prémonitoire de ce qui devait se dérouler par la suite. Un gamin d'ailleurs qui succombe lors d'une énième mission périlleuse au Moyen-Orient, broyé à coups de barre à mine par le Joker. Ce drame, c'est aussi l'échec fondamental de Batman, qui n'a pas été capable de protéger celui qui était beaucoup trop jeune pour partager ses aventures, sans que le chevalier noir veille sur lui à chaque instant. C'est d'ailleurs un des reproches qui va lui être formulé par la suite, lorsque Jason revient à la vie sous une autre identité, avec un comportement encore plus agressif et hiératique, n'hésitant pas à recourir à des méthodes expéditives pour se débarrasser de ceux qui se dressent sur sa route. Le modus operandi est donc radicalement opposé à celui de Batman, ne serait-ce que par l'emploi de la solution létale et le recours systématique aux armes à feu. Clairement, à chaque fois que ces deux-là se rencontrent, il y a de l'eau dans le gaz, même si récemment les choses se sont un peu apaisées. Ici, c'est l'apparition d'une nouvelle drogue à Gotham et une bavure commise par celui qui officie désormais sous l'identité de Red Hood qui vont déclencher les hostilités. Jason mène l'enquête, Batman aussi et forcément, il faut que ces deux-là trouvent un terrain d'entente et parviennent à un compromis, pour arriver à un résultat satisfaisant. C'est d'autant plus compliqué que Jason a pris sous son aile un pauvre gamin dont la mère est hospitalisée suite à une overdose et dont il vient d'abattre le père, dans un accès de colère. Une situation qui bien entendu fait écho à celle que vécurent les deux protagonistes bien des années en arrière, quand Bruce Wayne adopta un jeune garçon turbulent qui ne parvenait pas à canaliser ses émotions. Si tout ce que nous avons décrit jusque-là ne défraie pas la chronique, voici en tous les cas un récit qui a le mérite de bien camper les personnages et d'aller gratter dans leurs différences, leur humanité.



Chip Sdarsky a finalement bien cerné le rapport qui s'est établi au fil des ans entre Jason et Bruce. Comment ne pas perdre patience devant celui qui est souvent un monstre de froideur et de calcul, comment ne pas s'indigner devant un jeune homme pour qui la violence est quasiment le premier recours systématique, au moment d'affronter un problème ? Et surtout, comment ignorer les liens familiaux étranges et parfois mortifères qui se sont tissés entre ces deux-là, eux qui pourtant ont toujours eu d'une certaine manière besoin l'un de l'autre ? C'est ainsi que la fin de cet album vient démontrer que non seulement ils sont toujours présents pour se prêter secours mutuellement mais qu'en plus, c'est la condition sine qua non pour continuer à exister. Souriez est aussi illustré à merveille par le dessinateur Eddy Barrows, qui fait partie de ceux dont le trait pur, classique et détaillé font des merveilles dans ce genre de comic books super héroïque à l'accent urbain. Il s'agit en fait des premiers numéros du titre Batman Urban legends et sans apporter quelque chose de bouleversant dans l'histoire des justiciers de Gotham, il représente toutefois une véritable évolution dans le comportement et le personnage de Jason Todd, mais aussi une plongée dans les failles et les défauts de Batman. Il est très intéressant de voir que dans le dernier épisode le chevalier noir est placé dans une difficulté extrême, dès lors qu'on lui offre la possibilité de mener une autre existence, régie par la joie, par les rêves, par une forme de bonheur. Ce qui correspond un peu à ce que propose également Tom King lorsqu'il annonce le mariage de Batman et Catwoman, avant de le faire capoter. Un super-héros tragique car condamné au spleen et à la tristesse, mais aussi un guide précieux pour des compagnons égarés, qu'il s'agit alors d'aider au moment de retrouver le droit chemin.




BATTLE POPE : L'INTÉGRALE DÉJANTÉE DU PAPE DE ROBERT KIRKMAN


 Un des filons de la bande dessinée poil à gratter régulièrement exploité est celui de la religion, plus particulièrement du christianisme, puisqu'il s'agit de la religion qui accepte de se faire brocarder sans que les auteurs se retrouvent menacés de la pire des vengeances possibles. Et c'est tant mieux, car un monde où l'on n'aurait pas le droit de se moquer d'entités prétendument divines au risque d'encourir la condamnation du blasphème, serait aussi triste que préoccupant. Problème : ce monde, c'est celui dans lequel nous vivons. Une des raisons pour lesquelles il faut se pencher et s'intéresser à ce genre de projet. Attention cependant, la parodie, l'outrance, au bout de plusieurs centaines de pages, ça peut finir par lasser. L'intégrale de Battle Pop est donc disponible depuis quelques semaines chez Delcourt, dans une version en couleurs, contrairement à l'édition noir et blanc qui avait été proposée par Stara. Ceci parce que Image Comics a republié, le titre cette fois colorisé, à partir de 2005. En gros, il est question de fin du monde; nous assistons à un véritable carnage, les forces du Mal se sont emparées de la Terre. Même le Pape a succombé, jusqu'à ce que Dieu en personne décide de lui laisser une seconde chance, de le renvoyer parmi les vivants pour mener à bien une mission de la plus haute importance. Un Pape qui va être profondément modifié, même dans son apparence physique, puisque l'espace d'une intervention divine, le voici devenu un super-héros bodybuildé, chargé en testostérone, copie carbone de ces personnages qui ont fait la fortune des années 1990, toujours prêts à se battre. Mieux encore, il va être associé dans sa mission à un side-kick maladroit et loin d'être à la hauteur de sa réputation, un certain Jésus-Christ en personne !


Ce Pape là a comme préoccupation première les plaisirs de la chair. Donnez-lui une fille facile (même si c'est une sorte de démone) et vous verrez, il sera très heureux de pouvoir démontrer sa virilité. Forcément, vu le concept de départ, les têtes explosent, les membres sont vite arrachées, il n'y a guère de subtilité dans cette histoire qui est avant tout un foutoir sans nom, un défouloir où tout ce qui est habituellement sacré subi un traitement décapant. Autre personnage important dès les premières pages, Saint Michel, qui a été capturé et que le Pape est censé libérer. S'il parvient à exécuter sa mission, une place au paradis lui est promise. S'il échoue, ce sera l'enfer. Mais même l'enfer n'est pas en mesure d'arrêter définitivement un Pape déchaîné, qui a face à lui un démon qui souhaite s'emparer de l'auréole du saint, pour l'ajouter au pouvoir de ses cornes… Le problème de Battle Pope, c'est probablement que l'humour outrancier, sans véritable tentative de jouer sur le second degré, de proposer une critique acerbe ou voilée, finit par être vraiment too much. Robert Kirkman, alors à ses premières armes, manque tout de même de discernement dans le dosage des éléments de son récit, qui du coup risque de perdre ceux qui attendant quelque chose de concret et de bien écrit. Tony Moore donne libre cours à toute sa classe, en terme de volumes, d'expressions faciales, de capacité à parodier et dans le même temps assimiler les influences des années 1990. C'est de la vitamine en surdose à chaque page, et la couleur, dans cette édition Delcourt, permet d'éviter le noir et blanc saturé et chargé en contrastes maladroits, qui gâchaient quelques-unes des plus belles pages de l'édition Stara. L'album en soi est de belle facture, Delcourt continue de soigner visiblement son programme de réédition des séries d'il y a trente ans, avec un savoir faire et un amour du média qui est sous les yeux de tous. Disons que je ne suis probablement pas le public de ce titre précis, à réserver aux amateurs de gros délires sans complexe. 




MATT MURDOCK (DAREDEVIL) : ITINERAIRE D'UN GRAND SEDUCTEUR

Matt Murdock est aveugle, certes, mais quand il s'agit de se trouver une compagne pour une nuit ou la vie, il ne choisit pas la plus vilaine. En fait, depuis la faculté de droit jusqu'à aujourd'hui, la carrière de séducteur de Matt est jalonnée de conquêtes de premier ordre, qui ont souvent un point commun dont elles se passeraient volontiers : ça ne se termine pas forcément d'agréable manière… Et je ne parle pas de rupture (ça, ce serait logique), mais de décès violents, de meurtres, de folie…
Bref, Matt porte la poisse, mais c'est un bel homme, sûr de lui et en même temps qui provoque un certain sentiment maternel de protection. Vous n'arrivez pas à draguer? Essayez les lunettes noires et la canne, vous verrez, ça peut fonctionner. Place donc aux (principales) love affair de l'alter égo de Daredevil, par ordre chronologique. La liste est bien entendu totalement et volontairement incomplète. Toutes les présenter aurait été une gageure d'autant plus que les scénaristes ne nous disent pas tout. Sacré Matt !

KAREN PAGE

On commence par la jolie blonde, secrétaire de la première heure au bureau de Nelson et Murdock. Ce dernier l'a bien prise pour une idiote, s'inventant même un frère jumeau pour justifier ses absences, sa double identité. Foggy Nelson aurait bien aimé être l'élu de la demoiselle, mais il a toujours été dépassé par le charisme de son associé. Quand Matt a révélé la vérité à Karen, celle-ci a fait une dépression et ne supportait plus les dangers courus par Daredevil. Elle s'est enfuie à Los Angeles, est tombée dans l'enfer de la drogue, a tourné des vidéos pornographiques (!) puis a vendu le secret de Matt contre une dernière dose, au Kingpin. Par la suite ça s'est arrangé, Matt et elle ont eu une nouvelle chance de vivre heureux, sauf que Bullseye a trucidé la blonde pour faire souffrir Daredevil. Malchance complète.

HEATHER GLENN



C'est la fille d'un très riche industriel, la typique fille à papa qui veut s'émanciper, mais ne sait pas comment y parvenir. D'un caractère assez instable elle finit par apprendre la double identité de Matt et elle a quelques problèmes à garder le secret. Le paternel étant manipulé par Kilgrave (l'homme pourpre) elle va finir par tomber dans la drogue et la dépression, lorsque Daredevil se dresse sur son chemin. Convaincue que Tête à cornes intervient uniquement pour ne pas faire aboutir le mariage programmé, elle va aller jusqu'à se suicider… bref il y a de la joie! Un personnage présenté comme une victime, bien dans le ton de la manière d'envisager la femme, dans les années 1970.

ELEKTRA NATCHIOS




Elektra est le premier grand amour de Matt Murdock; ils se sont rencontrés sur les bancs de la fac de droit. C'est une grande spécialiste des arts martiaux, une ninja ultra dangereuse qui a été formée, elle aussi, par Stick le mentor de Daredevil. Son côté sombre est très présent (et pesant) et refaisant surface régulièrement, il se heurte aux méthodes de boy-scouts de Daredevil. La relation est sérieusement perturbée par un modus operandi très différent. Elektra sera assassinée par Bullseye, ressuscitée par la Main, puis meurt puis revient, puis on ne sait pas trop avec elle, un pied dans la tombe, un pied parmi les vivants… Aujourd'hui Elektra est en grande forme et c'est normal, car il faut faire fructifier sa présence dans la série télévisée Netflix. Malheureusement son titre régulier au format comics n'a généralement que peu d'intérêt. Dernière nouveauté en date, son mariage avec Matt (enfin) et une nouvelle crise d'ampleur, traversée ensemble dans la série de Zdarsky, qui s'achève actuellement. 


GLORIANNA O'BREEN



Cette jolie rousse est sortie avec Matt Murdock durant la période d'absence de Karen Page de la série. Lorsque Karen est revenue, Glorianna a eu le bon réflexe d'aller se consoler avec Foggy Nelson. Comme pour ne pas changer, elle a mal fini, assassinée par Victor Krueller, un homme de main du caïd. Un personnage clairement maltraité par les scénaristes, qui aurait pu être exploité de manière bien plus efficace et pertinente. 

NATASHA ROMANOV



Elle, vous la connaissez bien, puisqu'il s'agit de la Veuve Noire, cette espionne membre des Avengers. Oui Natasha et Matt ont eu une vraie relation suivie ensemble. Mais curieusement les histoires modernes (aussi bien au format comics ou à la télé) ont tendance à oublier ces épisodes importants de l'âge de bronze. Qui sait si cela refera surface bientôt ? Avec le mariage Matt/Elektra et la Veuve qui devient la nouvelle… Venom, Marvel semble avoir d'autres plans à moyen long terme. 

TYPHOID MARY



Typhoïde est une schizophrène au service du Caïd, dont le but est de faire tomber Matt Murdock, de le briser à jamais. Elle possède une personnalité toute timide et sensible, Mary, mais peut aussi devenir une criminelle assoiffée de sang, et au tempérament sexuel débridé (et aussi des pouvoirs pyrokinésiques, pour ne rien gâcher). Difficile de résister pour Daredevil, face à un menu aussi cinglé… pas à dire il aime les histoires compliquées. Un excellent personnage, au cœur d'épisodes très sombres et légendaires. 

MAYA LOPEZ



Maya est la fille d'un criminel assassiné par le Caïd. Elle aussi est handicapée puisque sourde, mais elle est capable de répliquer prodigieusement toutes les actions, tous les gestes, dont elle est témoin. Elle devient une héroïne du nom de Echo et entame une relation avec Matt Murdock; elle joindra aussi les Avengers sous le costume de Ronin. Bien entendu, elle va trouver la mort (provisoire) des mains du comte Nefaria. La malédiction de Murdock frappe encore. Bientôt, vous la retrouverez dans sa propre série, sur Netflix. 

MILLA DONOVAN



Tout comme Matt, Milla est aveugle. Très sensible, toute fragile, elle est la proie parfaite pour les relations compliquées de l'ami Murdock. Bien entendu le Caïd -toujours lui- va exploiter cette faiblesse sentimentale pour atteindre son ennemi. Mr Fear expose la jeune femme à ses toxines, la plongeant dans des terreurs irréversibles, et la folie la plus complète. Aux dernières nouvelles, Milla -avec qui Matt avait fini par se marier- est toujours internée dans une maison de soin. Try again, Matt.

KIRSTEN MCDUFFIE



La dernière relation sérieuse et incontournable en date est adjointe du procureur. Elle a rencontré notre héros lors de son séjour sur la côte ouest (le run de Mark Waid). Les choses semblaient bien se passer entre les deux, mais vous l'avez vu ces dernières années, Matt est revenu travailler à Hell's Kitchen et Kirsten est restée de l'autre côté du pays, sans véritablement que nous ayons de nouvelles. Victime collatérale des Secret Wars et du énième relaunch de l'univers Marvel. Elle a ensuite fait son retour, notamment grâce à Chip Zdarsky, au point que Matt a aussi hésité entre renouer avec elle et se marier avec Elektra. Et si la polygamie était l'avenir de Daredevil ? 

Bien entendu, nous avons cité uniquement les histoires importantes. D'autres conquêtes, assez brèves, existent aussi, comme Nyla Skin, une fille des rues, sdf, que Matt a rencontré lors d'une de ses périodes amnésiques et vagabond, où il se faisait passer pour Jack Murdock, le boxeur. Ou Dragon Lune, encore que là c'est tiré par les cheveux… Bref, la vie sentimentale de Matt est chaotique, et rarement heureuse. Vous le verriez avec qui, vous? 







THE FIRST SLAM DUNK DE TAKEHIKO INOUE : ANIMATION 5 MAJEUR


 Ryota Miyagi n'a pas connu une enfance des plus heureuses. Après avoir perdu son père, ce fut le tour du grand frère, qui lui avait transmis sa passion et tout son art du basket. Mais comme dans toutes les grandes histoires de résilience et chaque récit initiatique (c'est de cela dont il s'agit ici, principalement), le "héros" trouve dans son chagrin la force d'avancer et d'inverser les pronostics, au point d'intégrer l'équipe de Shohoku (bonjour les jeux de mots) qui défie les champions invincibles de Sannoh, dans une sorte d'improbable finale UNSS nipponne. Takehiko Inoue se charge lui-même d'adapter au cinéma son célèbre manga (les lecteurs savent probablement tout de ce qui va se dérouler durant le match en question, mais là n'est pas le sel du discours, en réalité), tout en proposant un produit parfaitement autonome qui ne marche pas sur les plates-bandes de l'œuvre dessinée. Ici, on est plutôt sur la conclusion de l'animé des années 1990, avec le match clou qui est développé durant deux heures et entrecoupé de flash-back, qui étoffent le background et les failles personnelles de Ryota et ses coéquipiers. Le "petit" meneur doit enfiler les sneakers du grand frère, prendre sa place, enfin devenir le fils digne de ce nom (au moins se sentir ce fils là) aux yeux d'une mère qui n'a fait son deuil que partiellement, et qui n'éprouve pour le basket que des sentiments fort mitigés. Rien à redire sur l'animation, qui est une synthèse bluffante de l'emploi de la 3D et du travail traditionnel. C'est aussi une rupture totale avec la vieille 2D d'un animé clairement dépassé et enterré par ce nouveau produit qui nous tient tous en haleine. Le spectateur est vraiment présent sur le parquet et on évite haut la main l'écueil habituel des productions asiatiques sportives, c'est-à-dire une vision totalement rocambolesque et sous stupéfiants de la compétition en elle-même. Même le générique d'introduction est une petite perle, avec un Ryota progressivement crayonné, qui finit par apparaître en tenue, suivi des quatre autres lascars de Shohoku. Un match inoubliable et qui transcende même le sens premier de l'événement (le défi contre Sannoh est jusqu'ici vu comme la concrétisation d'un rêve et d'un idéal sportif, du dépassement de soi). Dans the First Slam Dunk, il est question de faire vaincre la vie, de faire taire la douleur, d'aller de l'avant, quelle que puisse être la charge émotive d'un passé/boulet.



Sportivement parlant, rions un peu. Un cinq majeur pour Shohoku et pas grand chose d'autre, car au Japon une équipe possède un long banc de touche sur lequel prennent place des rempl... pardon, des figurants, dont la seule fonction est d'encourager les autres et de préparer les serviettes et les citrons pour la pause. Pour être honnête, on découvre tout de même un improbable sixième homme binoclard, mais dont le niveau est tellement indigent que le coach le fait rentrer uniquement en cas de décès d'un des autres joueurs. Ah cette "finale" (qui n'en est pas une. Dans le manga, elle est suivie par une rouste), parlons-en. Suspens oblige, elle se joue au dernier point, sur la sirène, avec son lot de dépressions (un 24-0 subi en début de seconde mi-temps) et d'anticyclones (la grande remontée inattendue, sans adjuvant pharmacologique). Japon oblige, c'est l'heure où chacun soliloque et se remet en cause, affronte ses fantômes ou ses limites physiques, au point que le chien fou de la team se blesse grièvement au dos, envisage sérieusement la fin de sa carrière (du calme, tu es encore au lycée, si tu savais…) avant de revenir contrer et dunker comme un kangourou. Le tout porté par une musique qui électrise la salle et vous donne envie d'aller faire la passe décisive. Sakuragi, le cœur pulsant du manga, est donc ici relégué au second rang, avant tout appréhendé sous l'angle de sa morgue, sa vantardise, mais aussi sa capacité à galvaniser les autres, quitte à se faire presque détester. Ses motivations profondes disparaissent, on ne les entraperçoit que lors d'un bref flash-back assez cryptique pour le spectateur qui n'a rien lu du manga. Mais c'est la force de ce film d'animation, que de savoir raconter autre chose, déplacer la focale, cueillir un nouveau public qui n'est pas nécessairement celui qui a lu l'intégrale de l'œuvre d'Inoue. Alors oui, le scénario, la dynamique des faits est convenu, mais ce First Slam Dunk est suffisamment honnête et bien troussé pour vous faire passer deux heures fort sympathiques. Il n'y a pas à dire, le basket c'est comme le foot pour les japonais, ça leur réussit beaucoup mieux en version animée que sur un terrain ou un parquet. 



COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...