OMNIBUS THUNDERBOLTS : LA JUSTICE COMME L'ECLAIR AVEC BUSIEK ET BAGLEY


 Plutôt que de proposer une review détaillée d'épisodes qui remontent à 25 ans en arrière, il nous semble plus judicieux de se poser une question simple : pourquoi la série Thunderbolts, celle qui inaugura le concept, avec Kurt Busiek, reste aujourd'hui encore une des marottes des lecteurs au long cours? Revenons donc à cette formation guidée par un certain Citizen V (sorti de nulle part, et pour cause), avec notamment des calibres comme Mach-1, Songbird, Meteorite, Atlas ou Techno, pour renforcer un roster improbable. Nous étions alors en 1997, année terrible puisque les Avengers et les Fantastic Four avaient disparu (on les croyait morts après l'affrontement dantesque avec Onslaught, une créature née de la dégénérescence mentale du professeur Xavier, sous l'influence malveillante de Magneto). Les héros avaient une nouvelle fois sauvé la Terre, mais ils laissaient aussi un champ de ruines, une planète dépourvue de protecteurs, exception faite des X-Men. Mais les mutants étaient considérés avec trop de suspicion pour être adoubés une bonne fois pour toutes. Alors, crise de vocations ou apparition d'une nouvelle génération de redresseurs de torts ? C'est là que sans crier garde, les Thunderbolts firent leur entrée sur scène. Aucune discrétion, pas de modestie affichée. Helmut Zemo et ses Maîtres du Mal étaient entrés dans la danse, pour le pire et le meilleur. Les premiers succès, obtenus avec un déguisement inédit pour chacun de ces malfaiteurs endurcis, sont au dépend des Rats, des Démolisseurs, et même du Penseur Fou. Et vous savez ce qu'il y a de bien, quand vous passez votre vie à fuir les justiciers, à trembler pour la réussite de vos sales coups, à être répudiés par les foules, lorsque vous décidez de faire le bien, enfin (même si pour de faux, pour de mauvaises intentions) ? C'est qu'on peut aimer ça, qu'on peut se sentir enfin vivant, utile. Bref, un glissement peut s'opérer. Ou pas. Les Thunderbolts, c'est une fenêtre sur le rachat et la porte ouverte sur la criminalité. Il faut choisir, sauter, se décider. Ajoutez à tout ceci des histoires sentimentales, des disputes, des coups d'éclat… Les héros n'en sont pas, mais après tout, si cela ne dépendait que d'eux ?


La confiance est le mot clé. Confiance nécessaire du public pour que l'opération de séduction et de duperie fonctionne, confiance aussi entre les membres qui sont loin d'être des enfants de chœur et qui vont connaître des évolutions personnelles divergentes. Une confiance qui est aussi présente dans le rapport avec les médias. Rien de nouveau pour le lecteur de 2023 qui est habitué à ce que les carrières se fassent et défassent sur les réseaux sociaux; à l'époque, c'est la télévision qui suit les nouveaux héros et qui aide notablement ce groupe à se forger une nouvelle image et a le présenter au quidam moyen. Nous ne sommes pas très loin finalement de ce que fait la politique, avec la propagande. Busiek est un auteur qui aime faire parler ses personnages et a tendance à se révéler par moments un peu verbeux, mais ici il est aussi capable d'équilibrer à merveille ce petit défaut structurel, en injectant continuellement des scènes d'action et des retournements de situation spectaculaires et très attendus. Et lorsque l'action trouve enfin un peu de repos, c'est pour entamer de nouvelles pistes sentimentales et pour s'occuper des rapports interpersonnels entre les membres des Thunderbolts. Le rythme, c'est aussi une affaire de découpage et pour cela, le dessinateur Mark Bagley, un des plus rapides mais aussi des pus fiables chez Marvel depuis les années 1990, est fort utile que ce soit au niveau des splash pages en roue libre ou tout simplement de la profusion de petites vignettes sur la même page. Il est capable de tout représenter en insérant régulièrement des détails qui crédibilisent l'ensemble. Comme vous le savez, son péché mignon c'est que beaucoup des héros qu'il met en scène se ressemblent physiquement, mais si on accepte ce leitmotiv dans son travail - et même s'il n'était pas encore la star qu'il allait devenir par la suite grâce à Spider-Man - l'ensemble est de belle facture, indiscutablement. Il est juste dommage que pour retrouver les Thunderbolts au meilleur de leur forme, les lecteurs doivent débourser une somme importante, correspondant certes à une pagination conséquente et à un très bel omnibus : ça signifie que le public cible est bien entendu le quadra/quinqua qui a vécu tout cela en direct et qui possède aujourd'hui les cordons de la bourse et les moyens d'investir régulièrement dans ce type de parution. Pour les plus jeunes, les Thunderbolts des origines, ceux de Buziec, risquent de rester encore un peu nébuleux. De notre côté, nous ne pouvons que conseiller à tout le monde de s'intéresser à ce groupe emblématique de l'époque post Onslaught, qui contribue à sa façon à tout ce courant conspirationniste et paranoïaque qui voit le jour dans la décennie des années 1990, avant d'exploser suite aux attentats du 11 septembre 2001. Un omnibus aussi attendu qu'historique. 




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