WILDC.A.T.s ÉVOLUTION : ALAN MOORE PREND LES COMMANDES


 Les WildC.A.T.s de Jim Lee, c'était de l'action à l'état pur, une bande de types en costumes dont l'activité principale consistait à taper sur tout ce qui bouge et à employer des flingues improbables, dans des aventures fantasmagorique. Avec l'arrivée d'Alan Moore au scénario, les choses vont bien changer : c'est une opération de crédibilisation de la série qui se met très rapidement en place. C'est aussi une demie surprise de voir ce génie de la bande dessinée anglo-saxonne accepter de se prêter au jeu d'Image Comics, jusque-là considérée comme la maison d'édition offrant tout le pouvoir aux dessinateurs par excellence, au détriment d'histoires pas toujours remarquables. Mais ici, Moore va parvenir à inverser le principe de départ. Tout d'abord, sur Terre tout le monde est convaincu que les WildC.A.Ts ont trouvé la mort, au point que Savant (la sœur de Zélote) décide de recruter de nouveaux éléments pour former une formation remplaçante, dont le destin sera plutôt de défier la pègre, la criminalité locale, au lieu de repousser des races extraterrestre belliqueuses. En parallèle à ce changement de roster et de point de vue, nous sommes projetés dans l'espace, pour retrouver la véritable bande de joyeux drilles inventée par Jim Lee et Brandon Choi. C'est qu'ils ne sont pas tout à fait morts, mais plutôt propulsés sans crier garde sur Khéra, la planète natale (on découvrira qu'il n'en est même pas ainsi) de la race des Kherubim. Ce monde que l'on présentait jusque-là comme une sorte de paradis érudit et respectueux des droits fondamentaux de chacun est en fait un petit enfer ségrégationniste, où la race des Daemonites est cruellement persécutée et vit dans des conditions misérables, après avoir perdu cette guerre séculaire qui les opposés aux dominateurs de la planète. Personne n'avait jugé bon d'avertir les WildC.A.T.s, dont l'essentiel de la mission à toujours reposé sur un mensonge par omission. Tandis que Lord Emp et Zélote sont intronisés comme chef de fil des deux grands courants politiques locaux qui souhaitent s'assurer une domination sur leur monde aux futures élections, les autres membres connaissent un destin moins brillant, à commencer par Vaudou : étant une hybride entre une terrienne et un daemonite, elle aussi subit de plein fouet la ségrégation et se rend compte à ses dépends de la manière dont sont traités les étrangers sur Khéra. Géopolitique, racisme, hubris tout-puissant, cette virée en terre étrangère est d'une rare intelligence et le lecteur prendra un grand plaisir à déchanter, avec des héros pris dans les rouages d'un mécanisme implacable, qui les conduit à se réveiller, passant ainsi d'un joli songe idéaliste à une terrifiante réalité.




Pendant que l'équipe des WildC.A.T.s des origines se délite, place à celle qui se constitue autour de Savant. Elle comprend notamment le frère de Grifter, un dingue de la gâchette qui ne dépareille pas dans sa famille,  Tao (aux pouvoirs inconnus, basés sur une intelligence et une stratégie hors du commun), Ladytron (une cyborg aux hormones qui travaillent, une machine à carnage) ou encore Majestic, héros de Khéra et sorte de Superman au code moral prononcé. Sur Terre comme dans les cieux, la recette d'Alan Moore reste la même. Certes, nous tenons là des personnages capables de s'immiscer dans des enjeux cosmiques et au potentiel foudroyant, mais même ces individus là ont des rêves, des failles, qui finissent par ressortir à un moment donné. Cela peut être le sentiment d'abandon, de ne jamais avoir été aimé, ou bien une manière psychorigide de conduire sa propre existence, sans comprendre qu'il faut parfois faire un pas de côté et adopter une pensée plus large et nuancée, pour conserver un semblant de santé mentale. Tout le monde a droit à son moment de gloire et d'introspection, les masques tombent et l'humanité des WildC.A.T.s devient le cœur de la série et du récit, là ou autrefois c'était l'action et les explosions qui occupaient le premier plan. On emploie parfois le terme de déconstruction à tort et à travers, mais ici avec Alan Moore, le terme mérite vraiment d'être employé. C'est le concept d'équipe qui vole en éclat à travers des membres qui se révèlent tout à coup inaptes, non pas parce que leur pouvoir ou leur courage leur font défaut, mais parce que leur nature intrinsèque les pousse à haïr leur prochain, à être victime de comportement stigmatisants ou à succomber devant l'hubris débordant ou des pulsions incontrôlées. C'est un tel sommet dans l'écriture d'ailleurs, qu'à la conclusion de cette grande aventure le scénario baisse quelque peu pied, et la prestation du barde des comics se termine avec une emphase et une inspiration tout de même mineure. Du côté des dessinateurs, c'est une sarabande de talents qui viennent chacun leur tour porter une pierre précieuse à l'édifice. On citera bien évidemment Travis Charest en tête de gondole, car la pureté de son trait était à l'époque quelque chose de sidérant, un talent à l'état brut qui n'a finalement jamais pu donner la pleine mesure de ce qu'il aurait pu faire. Parmi les autres noms qui vous diront forcément quelque chose et qui font feu de tout bois, mentionnons Ryan Benjamin ou encore Dave Johnson. On notera avec beaucoup d'intérêt que les trois albums consacrés aux WildC.A.T.s par Urban comics permettent d'embrasser sur la distance la fantastique trajectoire d'un groupe qui naît comme l'incarnation d'une maison d'édition aux dents longues et qui fait voler en éclat les codes de la narration en images, avant de finalement se rendre compte que le pouvoir de l'esprit, de la prose, de l'imagination est la seule ressource pour empêcher un titre de tomber dans la banalité, de se répéter indéfiniment. C'était donc notre commentaire sur le troisième et dernier des pavés du mois de novembre paru chez Urban comics et c'est assurément celui qui se révèle le plus audacieux, artistiquement le plus abouti, le plus exigeant aussi. Il y a de fortes chances que beaucoup d'entre vous n'aient pas lu ces épisodes; il faut certes connaître un peu l'historique et les rapports entre les personnages pour les apprécier pleinement, mais une fois que vous êtes rentrés à l'intérieur de cette histoire, vous allez comprendre que nous tenons là une de ces trouvailles sous-estimées de l'histoire des comics mainstream.


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA BÊTE (TOME 2/2)


 Dans le 164e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente le second et dernier tome de La bête, que l'on doit au scénario de Zidrou, au dessin de Frank Pé et qui est édité chez Dupuis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Le voyage de Shuna, titre que l'on doit à Hayao Miyazaki et aux éditions Sarbacane

- La sortie de l'album Berlin, 61 que l'on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin de Baudouin Deville et qui est sorti aux éditions Anspach

- La sortie de l'album La brute et le divin que l'on doit à Léonard Chemineau et aux éditions Rue de Sèvres

- La sortie de l'album La traque, documentaire en bande dessinée qui revient sur l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès, que l'on doit à l'enquête de Valérie Morice, au scénario d'Olivier Petit et au dessin de Valette, un titre édité chez Petit à petit

- -La sortie du second et dernier tome d'Alors tout tombe, la nouvelle aventure de Blacksad que l'on doit au scénario de Juan Díaz Canales, au dessin de Juanjo Guarnido et qui est édité chez Dargaud

- La réédition de l'album Les brumes de Sapa que l'on doit à Lola Séchan et qui est édité chez Delcourt



 
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KROMA DE LORENZO DE FELICI : LA COULEUR EST NOTRE ENNEMIE


 Que Lorenzo De Felici, qui commence sa carrière d'artiste professionnel en tant que coloriste, décide un jour de proposer un récit personnel qui place au centre des enjeux la couleur elle-même, voilà qui est somme toute assez logique. Au final, cela donne, après des années de tentative infructueuse pour trouver un éditeur acceptant de se lancer dans l'aventure, ce Kroma disponible en cette fin d'année, chez Delcourt. On y retrouve le thème désormais assez classique d'un monde post-apocalyptique où subsiste une poignée de survivant : le genre humain est alors réduit à un peu plus de 1300 personnes, toutes réfugiées dans une cité fortifiée très particulière. Dans cet univers délabré, la couleur n'existe qu'hors-des-murs, là où des lézards géants et des créatures féroces s'attaquent à tout ce qui bouge. La seule manière de leur échapper réside dans le fait d'arborer du blanc ou du noir uniquement. Ces deux couleurs échappent en effet au spectre visuel des animaux et c'est la raison pour laquelle la cité est privée de toute trace de couleur. Même les aliments que ses habitants ingèrent sont traités au moyen d'une poudre spéciale, pour apparaître tout blanc. La société est quant à elle régulée par une sorte de culte religieux qui s'apparente à une secte, dont le grand prêtre, un certain Makavi, apparaît comme un fanatique décharné qui s'évertue à former des jeunes élèves, qui ont fort intérêt à ne pas se montrer trop curieux et remettre en question ses préceptes. C'est pourtant ce qui arrive à l'un d'entre eux, dès les premières pages, lors d'un rituel qui survient tous les dix lunes. Une créature présentée frauduleusement comme un monstre, progéniture captive d'un présumé Roi des couleurs, est libérée de ses chaînes et invitée à s'échapper, pour enfin être rattrapée et rouée de coups. Un exutoire cruel qui va être le point de départ d'une remise en question totale du statuquo. 


On peut alors considérer que le tour de force de De Felici est double : tout d'abord, la capacité de réaliser ce qu'on appelle un world building, c'est-à-dire qu'il parvient à crédibiliser et à faire tenir debout tout un univers en partant de zéro, en y insérant des personnages bien campés et une héroïne qui sait susciter l'empathie, en la personne de la charmante Kroma. Son regard très particulier, la couleur de ses yeux, son destin familial qu'on devine dès le départ mais qui ne se révèle véritablement que vers la fin font d'elle une trouvaille heureuse. Mais il faut aussi faire mention du dessin : les planches sont carrément splendides, même si l'essence de cette bande dessinée est basée sur un monde où la couleur a été bannie artificiellement. Bannie à l'intérieur de la cité; c'est pour autant un véritable festival chromatique, un foisonnement qui confine à l'orgie, dès lors que l'artiste nous emmène promener dans les contrées sauvages qui entourent le seul bastion humain, avec une nature verdoyante, chatoyante, mais aussi extrêmement dangereuse, puisque peuplée d'animaux carnassiers qui eux aussi ont un rapport direct avec la couleur. C'est de cette manière qu'ils communiquent; chaque ton est comme un ordre qu'on leur donne, chaque couleur comme une consigne qu'ils respectent. Cela peut sembler un peu étrange à expliquer mais vous comprendrez très facilement à la lecture et vous verrez que le scénario, qui part sur des bases qui n'ont rien extrêmement originales, va être au final intelligent, bien structuré, capable d'intuitions raisonnées et puissantes pour la narration. Voici donc une excellente surprise en cette fin d'année, qui déboule chez Delcourt Comics et qui démontre la perméabilité totale qui existe désormais entre l'idée de comic books et la bande dessinée d'aventure et de science-fiction plus classique, telle que nous l'aimons en Europe. Ici, l'ensemble a été publié tout d'abord au States grâce à Skybound, l'étiquette de Robert Kirkman. Pour autant, cela aurait très bien pu être aussi un travail 100 % européen, présenté en librairie d'une autre manière. On ne le répétera jamais assez, comics et bande dessinée, en soi, cela ne veut rien dire et tout dire à la fois. Soyez curieux, osez lire un peu de tout, sortez des sentiers battus et lorsque vous vous retrouverez nez à nez avec Kroma, il y a de fortes chances que vous vous laissiez séduire.



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WILDC.A.T.s ORIGINES VOLUME 2 : JIM LEE, CHRIS CLAREMONT ET LES X-MEN !


 Nous y consacrons un espace conséquent, vous l'avez remarqué ! Voici donc la suite des aventures des WildC.A.T.s par Jim Lee, le volume 2 des origines, telles que publiées par Urban Comics. Un second tome qui commence de manière un peu plus tranquille, après un focus de quelques pages sur la splendide Vaudou. On retrouve une partie de l'équipe embarquée pour une croisière, chargée d'enquêter sur la disparition d'un navire dans le Triangle des Bermudes. Bien entendu, les choses vont très vite déraper et ce sera l'occasion pour le mentor Jacob Marlowe de se retrouver face à Entropy, celui qui fut autrefois une sorte de frère de sang au combat et qui a perdu la tête, depuis la mort de sa compagne. Une histoire assez tragique, qui permet au passage de commencer à lever le voile sur l'existence désormais oubliée de celui qu'on appelle aussi Lord Emp. Les épisodes suivants s'avèrent extrêmement complexes. La raison est simple : voici que Chris Clermont débarque chez Images Comics, pour une histoire en 4 parties intitulée Le Passage. Le scénariste des X-Men applique des recettes (alambiquées) qu'il a déjà expérimentées avec les mutants. Il fait apparaître de nouveaux personnages, dont la sœur de Zélote, une certaine Savant. Sans oublier le Chasseur, un traqueur badass qui aurait du bénéficier de sa propre série mensuelle. Claremont complexifie énormément les enjeux avec une sorte de race extraterrestre parasite (les Rackshas), des créatures qui possèdent les corps de leurs victimes, et aussi une super vilaine/sorcière tout aussi désirable que dangereuse (Tapestry), capable de mettre la pâtée à tout le monde, y compris à Zélote, pourtant la plus puissante des héroïnes des WildC.A.T.S .Tout le monde tape sur tout le monde, une partie de notre groupe de héros se retrouve possédée et va donc devoir affronter les autres. Au milieu de ces combats incessants, on a même des changements qui arrivent comme un cheveu sur la soupe, comme lorsque Zélote se voit affublée d'une longue chevelure en un instant, lorsqu'elle parvient à se libérer de sa possession. On sent également poindre en fin d'aventure la tentation pour le bon vieux Chris de rééditer le coup du sacrifice de Jean Grey, quand elle devient le Phénix noir. Zélote (toujours elle) incarne à son tour le réceptacle d'un pouvoir si grand qu'il ne pourra que la consumer avec le temps. La question se pose de décider s'il va falloir la tuer ou la laisser se sacrifier. Elle va finalement accepter de renoncer à une partie de ce pouvoir, en subissant une sorte d'intervention chirurgicale psychique, avec plusieurs de ses alliés. Si on parvient à tout comprendre et à suivre les enjeux qui sont assez nébuleux par moments, on peut prendre du plaisir avec cette histoire qui est vraiment typique des années 1990 et qui plus que jamais nous rapproche de l'ambiance générale des épisodes de Claremont à l'ère de gloire des mutants, les X-Men.




Ce second volume des origines des WildC.A.T.s peut aussi incarner ce que certains appellent le coïtus interruptus : si vous n'y prêtez pas garde, vous pourriez être surpris, car il s'agit ici des épisodes mythiques scénarisés et dessiné par Jim Lee. Dès l'instant où le créateur du groupe décide de se mettre en retrait pour s'occuper de son second enfant, Urban Comics botte en touche et invite les lecteurs qui veulent découvrir la période Alan Moore/Travis Charest à se procurer un troisième ouvrage, qui porte le titre de évolution et que nous chroniquerons ici même, dans les jours à venir. Par contre, ce second volume permet de replonger à la grande époque des crossover intercompagnies, puisque les WildC.A.T.s rencontrent les X-Men, sous la férule de Scott Lobdell. L'histoire se déroule dans un univers indéfini et se concentre surtout sur Grifter, qui est recruté par Nick Fury, le patron du contre-espionnage américain, pour affronter la menace des parasites Broods, des extraterrestres qui sont aussi les ennemis ataviques des mutants. Ces derniers, sous la forme de la première mouture de l'équipe, vont entrer en scène, ainsi que Mister Sinister. Ensuite, nous faisons un bon en avant jusqu'au numéro 50 de la série régulière WildC.A.T.s pour quelques pages, celles dessinées par Jim Lee bien entendu… puis nous nous propulsons en 2006, avec la première partie d'une grande aventure avortée, WorldStorm, scénarisée par Grant Morrison. Ce dernier avait l'intention de mettre sur pied une intrigue avec des personnages plus matures; oubliez la période adolescente des WildC.A.T.s, faite avant tout de combats et d'action, place à une version plus désabusée de ces personnages, qui utilisent leur pouvoir pour arriver véritablement à leur fin, quitte à se mêler de géopolitique et des grandes orientations pour la sauvegarde et la direction de la planète. Une vraie ambition, avec notamment une réécriture du personnage de Spartan et de sa relation avec Vaudou, très réussie. Hélas, le projet a vite capoté, Morrison ne parvenant pas à respecter les délais infernaux qui lui étaient imposé. C'est l'occasion aussi de voir que le style de Jim Lee a évolué au fil des ans : s'il a toujours été un dessinateur hors pair, il est incontestable que la qualité et la finesse de son trait a fait plusieurs pas en avant durant les années 1990, pour atteindre, dans la décennie suivante, une forme de maturité, corrigeant certaines des erreurs et des outrances du passé et lui permettant de devenir un maître plasticien, qu'il est toujours aujourd'hui. Ce second volume se termine par un numéro insolite, permettant de mieux cerner la version animée des personnages. De quoi ravir ceux qui ont suivi cette série WildC.A.T.s sur Canal+ lors de sa diffusion en France. Terminons avec un point important : la retraduction de ces épisodes, cette fois confiée au spécialiste Edmond Tourriol, qui livre aussi quelques pages de rédactionnel avisées. Tant qu'à faire, autant se reposer sur ce qui se fait de mieux dans le genre, afin d'avoir la certitude d'une édition qui compte, digne de figurer sur vos riches étagères. 




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QUE PENSER DU RETOUR DE LAGAFFE : DELAF REMPLACE FRANQUIN


 La question n'est même pas de savoir si le nouvel album de Gaston Lagaffe est une réussite. D'ailleurs, qu'est-ce qu'une réussite, sur quels critères baser cette assertion ? Non, la véritable question, c'est de savoir si nous avions réellement besoin d'un nouvel album de Gaston Lagaffe. Et là, la réponse est clairement : non ! Gaston fait partie (pour nous autres entre deux âges) de ces lectures de l'enfance, de l'adolescence et de ces relectures de la vie adulte. Il a marqué de son empreinte une époque, par son style, ses thématiques, sa vision de la vie, sa poésie. Mais il était aussi et surtout l'émanation d'un auteur très particulier, André Franquin, qui avait clairement laissé entendre qu'à sa disparition, sa créature devait également disparaître. Les faits avaient été ainsi établis, nous n'avions plus entendu parler de Gaston Lagaffe en tant que série en bande dessinée depuis 1997 et la mort de son créateur. Le temple et trésor familial étaient jusque-là défendus jalousement par la fille, Isabelle, qui a toujours fait en sorte que l'éditeur (alléché à l'idée de puiser quelques dollars supplémentaires dans un filon pas encore tari) ne puisse ressusciter le personnage contre la volonté d'André. Mais les choses ont fini par changer : une bataille juridique harassante, un film entre-temps, que l'on peut qualifier de catastrophe industrielle sans exagérer, et enfin l'application ultime du dessinateur québécois Delaf, qui s'est évertué à imiter à la perfection (il faut le dire) le style de Franquin. Tout a fini par converger vers le retour inévitable de Gaston Lagaffe, le temps d'un album (pour commencer) qui sera donc le 22e de la série, disponible depuis le 22 novembre, histoire d'entretenir la cabale des chiffres.


Oui, cet album est une réussite graphique, à condition bien entendu d'être un nostalgique patenté qui n'a aucune envie de voir un personnage progresser ou évoluer, un univers s'enrichir. Je n'appartiens pas à cette caste. Pour ma part, tant qu'à faire, tant qu'à exhumer Gaston Lagaffe, autant le représenter sous forme d'un héros upgradé, de prendre le risque de rompre avec la charte graphique du passé, de démontrer une capacité à la fois d'unir respect, hommage et innovation, ce qui serait à mon sens la marque des grands. Au lieu de cela, on se contente d'une tâche de copiste; de copiste de génie, certes, mais certains diraient de faussaires. Delaf pouvait faire autrement, mais Dupuis, l'éditeur, ne lui a probablement pas laisser les coudées franches sur ce point. Du côté des planches, des gags en soi, il y a bien entendu la nécessité de se raccorder aux plaisanteries du passé. Ce Gaston là revient de vacances, sa réalité semble immuable, figée dans l'ambre de nos souvenirs. Pour ce qui est de présenter des choses plus en rapport avec notre époque, il faudra se contenter de clins d'œil. Le futur (notre présent), ce sont les inventions de Gaston (comme le vélo à assistance électrique) qu'il met régulièrement au point. Ce type est plus qu'un génie, c'est un précurseur, pas un glandeur !  Delaf tente également de briser l'habituelle litanie des gags en une planche, pour les faire durer d'une page à l'autre. En fin d'album, il casse le rythme et ose le développement, ce qui n'était pas la marque de Gaston. C'est assez peu pour constituer une nouveauté savoureuse, mais j'admets que si retour il devait y avoir, un vrai album "récit complet" aurait démontré sacrément plus d'audace ! Au final, le retour de Gaston Lagaffe est une petite friandise inoffensive, qu'on prend plaisir à gober, mais dont le sens et l'identité nous échappent totalement. On appréciera la pouvoir de la transition immatérielle/matérielle, de nos souvenirs de jeunesse aux tiroirs caisses des éditeurs, un grand classique du neuvième art. 




Comme toujours, pour parler BD et comics, ça se passe ici :

LA TRAQUE L'AFFAIRE DUPONT DE LIGONNÈS : UN DOCU BD PASSIONNANT CHEZ PETIT À PETIT


 Il n'est probablement pas nécessaire de vous expliquer qui est Xavier Dupont de Ligonnès, l'assassin de toute une famille, qui a disparu un beau jour de juin 2011 sans que personne ne puisse dire, douze ans plus tard, s'il a fini par se suicider ou se lancer dans une folle cavale, Dieu sait où, sous quelle identité. Dieu d'ailleurs a peut-être quelque chose à voir dans cette histoire, puisque l'individu a baigné dans une ambiance mystico-religieuse une grande partie de sa vie et que certains échanges sur Internet, juste avant sa disparition, démontrent que ses préoccupations ont toujours été très présentes au fond de lui. Comme souvent dans ce cas-là, il y a beaucoup de mensonges dans l'affaire De Ligonnès : l'histoire d'un homme (et donc des siens) qui s'enfonce peu un peu dans la difficulté économique, sans que cela se sache vraiment; un homme qui a épuisé les comptes bancaires de sa femme et de ses proches, et dont la possibilité d'entretenir l'illusion touchait clairement à sa fin. Un type finalement plus intelligent que la moyenne, méticuleux, certains diront machiavélique, capable de mettre sur pied un scénario retors et complexe, à tiroirs, pour lui permettre d'arriver à ses fins. Certes, mais de là à supprimer plusieurs personnes pour ensuite échapper à la vigilance de la police du monde entier, est-ce plausible ? Si tel est le cas, où est vraiment aujourd'hui Dupont De Ligonnès ? On a parfois cru l'avoir retrouvé, au point d'exposer en première page des journaux et à la télévision un pauvre innocent, qui n'avait rien demandé, en 2019. L'heure est venue de faire le point de manière originale sur ce dossier qui est parmi les plus fascinants et morbides de la criminalité française. La traque est un excellent ouvrage; et cette fois, le mot n'est pas exagéré, disponible chez Petit à Petit dans la collection des docu BD. J'étais à la fois très intéressé par la consultation de cet album et en même temps, je craignais tout de même, sur la durée, de m'ennuyer un peu ou de trouver l'ensemble rébarbatif. Conclusion : c'était une crainte totalement infondée de ma part. Voilà 190 pages qui se dévorent d'une seule traite, tant l'objet est brillant dans la mise en forme, l'exposition des faits et la capacité d'entretenir le lecteur, avec une somme d'informations d'une clarté et d'une précision remarquable.


Certes, je fais partie des gens qui connaissent globalement bien l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès, mais j'ai tout de même eu le plaisir de glaner quelques informations que j'ignorais ou que je devais avoir oubliées. En effet, le sommaire est très riche : que ce soit la série des proches amis de l'assassin, ses penchants religieux, les différentes théories pour expliquer sa disparition, les révélations sur sa vie intime (qui comme à chaque fois, peuvent avoir un impact très important sur la résolution de l'enquête), La Traque n'oublie rien et alterne avec un grand équilibre des pages de texte bien aérées et jamais ennuyeuses avec des parties dessinées, qui nous plonge dans un climat policier convaincant. Il faut remercier pour cela le travail de Olivier Petit et Valérie Morice, et du dessinateur Valette, qui ont tissé patiemment un album qui vient compléter à merveille la quinzaine de romans et documentaires qui existent à ce jour, sur le sujet. La grande interrogation Dupont de Ligonnès est toujours bien réelle et avec ce genre de docu BD entre les mains, vous aurez toutes les cartes pour vous forger votre propre idée, mais aussi pour plonger dans l'un des mystères les plus terrifiants et/ou fascinants de ces vingt dernières années en France. Le concept est une grande réussite. 





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WILDC.A.T.S : JIM LEE ET LES ORIGINES DES COVERT ACTION TEAMS


 Il fut un temps où Image comics n'était pas encore ce creuset de nouvelles séries artistiquement audacieuses et hétéroclites, mais plutôt la terre promise des plus grands dessinateurs contemporains de comic books mainstream, bien décidés à faire la nique aux éditeurs classiques, qui leur niaient la possibilité jusque-là de s'enrichir avec les aventures de personnages qui ne leur appartenaient pas. Jim Lee, Todd McFarlane, Marc Silvestri, Rob Liefeld et les autres décidèrent donc d'unir leurs forces, pour proposer tout un ensemble de nouvelles séries sur une structure inédite, avec des héros destinés à forger la légende et à faire exploser leurs comptes en banque à tous. Les années 1990, c'était également le paroxysme du dessin, le triomphe de l'énergie cinétique : au diable les anatomies et le réalisme, bonjour l'exagération continue, l'action à outrance, le découpage systématique des mirettes des lecteurs. C'était par ailleurs l'époque où les mutants, X-Men, X-Force et autres groupes de ce genre, dominaient le marché et les ventes de fascicules en Amérique. Raison pour laquelle Jim Lee et Brandon Choi misèrent sur une formation qui n'était pas sans rappeler celle rendue célèbre par Claremont et Byrne. L'idée initiale des créateurs d'Image Comics (et de Lee et Choi en particulier) était de construire un nouvel univers narratif, basé sur la lutte fondamentale entre le bien et le mal. C'est ainsi qu'une guerre entre deux races extraterrestres est née : les Kherubim (des anges, semblables aux humains mais dotés de grands pouvoirs. Les Chérubins, quoi) et les Daemonites (naturellement l'équivalent des diables, d'aspect effrayant, capables de posséder des corps et d'exercer un contrôle mental sur les humains, avec des ambitions de conquête. Des démons quoi, vous avez saisi…), qui se disputent l'avenir de l'humanité. Les deux voulaient contrôler le quadrant de la Voie lactée où se trouve la Terre, mais à la suite d'une bataille féroce, les deux races ont chuté et échoué sur notre planète. Le monde n'en a rien su, mais la guerre a perduré sur Terre, pendant des centaines d'années, influençant l'histoire et la mythologie. Au fil du temps, les Kherubim se sont fondus et mêlés aux terrestres, vivant essentiellement parmi nous, comme nous. Cependant, en 1990, un sans-abri apparemment sans futur va changer radicalement cet état des choses : il s'agit de Jacob Marlowe, autrefois connu sous le nom de Lord Emp, l'un des quatre Seigneurs de la Force Kherubim, un champion de l'humanité. Bien sûr, en le voyant vêtu de haillons, ivre et sans aucune perspective d'avenir, personne ne pourrait l'envisager… mais il faut croire en Void, un être doué de prescience et assez séduisant, qui va progressivement "réveiller" la vraie identité de Marlowe. Celui-ci redevient un homme riche, puis fonde une équipe d'assaut chargée de protéger notre planète. Les WildC.A.T.s sont nés, bourrins en diable, truffés d'armes en tout genre, agressifs à souhait. 



Question bête : qui est qui, dans cette équipe ? Le tome 1 chez Urban Comics répond d'emblée à la question. Nous aussi. Dans ces premiers épisodes, voici l'essentiel à savoir

Spartan : Hadrian est un cyborg dernier cri, créé sur la planète Khera, capable d'émettre de puissantes rafales de plasma; on peut y voir le leader des X-Men, Cyclope, par son caractère strict et inflexible, d'autant plus qu'il entretiendra aussi une liaison avec un membre de l'équipe, Vaudou. On découvre plus tard qu'il est l'incarnation d'un héros mort depuis longtemps, John Colt, alias le Seigneur des Kherubim, Yohn Kohl.

Zelote : Zannah est membre de la secte ninja de la Coda, une tribu exclusivement féminine de guerrières extraordinaires, ayant vécu pendant des millénaires et ayant eu de nombreuses relations avec les êtres humains. Elle est le binôme inséparable de Grifter, le seul homme formé par la Coda. Zelote est basée sur le personnage de Wonder Woman de DC Comics (une immortelle élevée dans un environnement matriarcal) et le personnage d'Elektra de Marvel Comics (une assassine experte dans l'art des ninjas).

Vaudou : Priscilla Kitaen, une hybride Humain-Daémonite, avec des pouvoirs télépathiques, qui a la capacité de voir les Démons quand ils possèdent des êtres humains et peut les séparer de leurs corps (les exorciser). Elle est la seule capable de calmer son compagnon Maul, lorsqu'il perd (souvent) le contrôle. Les premiers temps, son habileté au combat apparaît moindre que celle de ses coéquipiers.

Grifter : Ancien membre de l'équipe gouvernementale militaire Team 7, Cole Cash est le seul homme jamais formé par la Coda. Grifter représente le héros solitaire du groupe, en opposition à l'autorité de Spartan, même s'il reste clairement attaché à sa partenaire, Zelote. Il est le seul membre de l'équipe à ne pas avoir de super-pouvoirs, mais c'est un tireur d'élite exceptionnel, qui ne rate jamais sa cible. Hawkeye ? 

Maul : Hybride humain-kherubim capable d'augmenter sa masse au détriment de sa capacité de raisonnement. L'augmentation de la force au détriment de l'intelligence rappelle le personnage de Hulk de Marvel Comics : en réalité, Maul est un scientifique, lauréat du prix Nobel, nommé Dr. Jeremy Stone. Tout comme Bruce Banner. Copier/Coller? 

Warblade : Hybride humain-kherubim capable de transformer certaines parties de son corps en n'importe quelle arme solide. Warblade est un expert en arts martiaux. Bien qu'il soit potentiellement une machine à tuer, Reno Bryce a aussi l'âme d'un artiste; il a sculpté plusieurs œuvres exposées dans des galeries d'art. Il a une coiffure verte assez étrange. L'utilisation de "griffes" ou rasoirs rappelle vaguement Wolverine, en plus dingue encore.

Void : Une créature capable de préscience, de téléportation et de manipulation de l'espace-temps, qui a la capacité de saisir différentes lignes temporelles, en raison de sa rencontre avec l'entité cosmique Orb. On découvre qu'elle était autrefois une cosmonaute russe, Adrianna Tereshkova, décédée après l'arrivée d'Orb dans l'espace et une collision avec la station spatiale Mir.

Lord Emp : Jacob Marlowe est un multimilliardaire propriétaire des médias et des technologies de la Corporation Halo. Bien qu'il ait été autrefois un seigneur de guerre kherubim, Emp ne se souvient pas de son passé et n'a aucun contrôle sur les pouvoirs dont il disposait autrefois. C'est Void qui l'a sorti de sa condition de sans-abri, pour en faire le riche financier des WildC.A.Ts. C'est le leader du groupe, sous l'apparence d'un nain aux cheveux grisonnants, avec une certaine gouaille typique de l'époque. Un Nick Fury Professor Xavier court sur pattes. 



WildC.A.T.s est donc un document d'époque; ce sont les années 1990 qui prennent corps devant vous, au cas où vous ne les auriez pas vécues. Autrement dit, le scénario du premier tome de cette intégrale est relativement simple : de la baston de la première à la dernière page, des armes ultra sophistiquées (canon à plasma qui vomissent leur puissance), des costumes paramilitaires et des héroïnes aux jambes improbables, la plupart du temps suffisamment dévêtues pour retenir votre attention, à jamais. Une recette qui a fait ses preuves, avec de la violence, de la testostérone, de l'érotisme, des mâchoires crispées et des muscles en abondance. Dès le départ, il s'agit de contrer la menace de Helspont et de sa "cabale" (le but est de réunir tous les Daémonites) qui sont sur le point de gagner la partie, en créant toute une série de nouveaux hybrides pour conquérir la planète, mais aussi de lancer un signal rassembleur à partir d'un orbe spatial. Ensuite, il sera question de se frotter à un autre groupe célèbre de la première période d'Image Comics : Cyberforce, cette fois-ci dirigé et dessiné par Marc Silvestri. Cyberforce, c'est plus ou moins la même chose, ça fonctionne sur le même modèle et finalement, ce choc n'est que la version moderne du traditionnel rendez-vous entre super-héros, qui naît sous le saut de l'incompréhension. Tout le monde tape sur tout le monde avant de se rendre compte que les intérêts sont identiques. D'autant plus que la splendide Misery et ses pouvoirs psychiques viennent perturber les hormones des mâles que sont Warblade et Rpiclaw et pousser les deux fauves aux lames acérées à s'entretuer. Il est donc question de vengeance personnelle, de trahison, d'égos et de désir (d'amour ?) dans cette tragédie sanguinolente; Le tout est orchestré par un jeune Jim Lee qui est des plus généreux, dans chaque case. Les personnages défilent, sautent, tirent, saignent, affichent des poses improbables. C'est l'épate à chaque planche, l'outrance comme code de conduite, le cassage de rétine permanent, si on est sensible à cette esthétique guerrière et agitée. Ce sont les années 1990, c'est juste légendaire, dans le bien comme dans le mal. Et ce n'est pas fini. Très vite, on prolonge notre plongée dans cet univers, avec le second tome. Même adresse, plus tard dans la semaine !  


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UTOPIE VOLUME 1 : UN MONDE TROP PARFAIT AVEC RODOLPHE ET GRIFFO


 Nous avons tous une idée personnelle de ce que pourrait être un monde parfait, dégagé de ses problèmes, de ses incertitudes. Cette utopie peut faire froid dans le dos à certains ou au contraire être appelée de tous leurs vœux, par bien des rêveurs, qui ne comprennent pas que leur songe est un géant aux pieds d'argile. Car la perfection, ça n'existe pas, même dans cet univers mis sur pied par Rodolphe, qui est un peu un des spécialistes du genre. Ici, le personnage principal autour duquel gravite ce volume 1 s'appelle Will Jones : il travaille dans une institut qui a pour ambition de proposer une version cohérente de tous les faits historiques jamais advenus. Clairement, il s'agit en fait d'un exercice de réécriture, pour que tout devienne "lisse", quitte à perdre complètement le sens de notre héritage commun (il est ainsi question - et c'est assez drôle - du communiste au lieu de communisme et d'une certaine Stala, à la place de Staline. Et à un certain point , un des employés prétend qu'il existe des sources qui affirment que le dictateur soviétique était un homme, cela fait rire ses collègues!). Dans cette société aseptisée, les rapports personnels et tout particulièrement sexuels entre les êtres humains n'ont plus court, tout du moins dans la caste des plus nantis que l'on appelle les "plus plus". Eux ont à la maison une sorte de robot qui les attend pour satisfaire tout leur désirs. Les hommes ont une babe (amante et cuisinière soumise), les femmes ont un boy et lorsque le modèle ne correspond plus au goût du moment, il est remplacé par un nouvel androïde ou gynoïde encore plus fonctionnel et désirable. Bref, pourquoi regretter l'ancien monde, celui où les gens se fréquentaient, où on parlait politique, où on avait des débats de famille, où on lisait des livres ?


Il y a donc un petit côté Fahrenheit 451 dans cette histoire. Le livre en tant que dépositaire de l'ordre ancien, dont le contenu est capable de perturber la fable du présent, capable aussi de remuer les esprits, de les ouvrir vers quelque chose d'autre, la contestation de l'ordre établi. C'est un acte révolutionnaire alors, de tourner les pages d'un bouquin, au point qu'ils sont systématiquement interdits et brûlés et que le chemin de croix du protagoniste va commencer dès l'instant où une mystérieuse étrangère commence à lui transmettre des ouvrages, jour après jour, dont il ne parvient pas à se défaire. Cette société utopique semble en réalité annihiler  les individus et leurs instincts naturels, pour offrir en échange des cages de verre, l'illusion d'un paradis aseptisé et dirigé par "Carla et Andy". Ils ont construit ce monde en apparence merveilleux et se révèlent à la foule sous forme d'hologrammes, pour inciter les masses des travailleurs à vivre soumis et accepter passivement les efforts de guerre, dont on parle à certains moments, mais qui ne sont jamais concrètement définis. Probablement en saurons-nous plus dans le prochain tome, à sortir en avril. Le troisième étant lui à paraître au mois de septembre 2024. Même si la facture de l'ensemble est assez classique et qu'il s'agit d'une histoire qui trouve un écho dans bien d'autres choses déjà lues précédemment, il faut admettre que tout coule de source, que c'est très agréable d'aller de l'avant dans cette aventure et qu'il se dégage une cohérence et une unité assez remarquables. Le dessin de Griffo est capable d'unir suffisamment de réalisme et d'avoir une patte personnelle clairement axée sur les sentiments et les émotions, pour rendre la lecture fascinante, voire à certains endroits touchantes. C'est donc un premier volume qui remplit parfaitement son rôle et dont on aimerait avoir déjà la suite, tant on devine le potentiel évident d'Utopie.



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H.P. LOVECRAFT ET KADATH L'INCONNUE CHEZ BLACK RIVER


 Rappeler que H.P. Lovecraft est considéré comme l'un des grands maîtres de l'horreur est une évidence telle que ça ne sert pratiquement à rien… pour autant, beaucoup de personnes qui se revendiquent de cette auteur ou qui en commentent les œuvres n'ont que très peu - voire pas du tout - lu ce qu'il a pu produire. Lovecraft a réussi une performance rare mais enviée, celle d'intégrer la culture populaire mondiale sur la base de vieilles légendes, de vagues souvenirs. Avec Lovecraft, la croyance en un être supérieur est liée à l'épouvante : il y a des choses qui ne sont pas faites pour être connues ou dévoilées; et dès l'instant où vous décidez malgré tout de savoir ce que vous ne devriez pas savoir, d'enfreindre l'ordre naturel des choses, c'est pour vous retrouver nez à nez avec la monstruosité ou la cruauté dans toute sa splendeur. Chez Black River, vous allez découvrir en ce mois de novembre l'adaptation de La quête onirique de Kadath l'Inconnue, où il est question d'une sorte d'Indiana Jones de la terreur (Randolph Carter) qui se met en tête de pénétrer dans le royaume de Kadath, justement. Ses aventures se déroulent selon un double état de conscience. Quand il est éveillé, quand il est endormi. Dans le premier cas, le scénariste Florentino Florez a pris l'option d'évacuer ce qui n'est pas fonctionnel au récit, en ne nous en montrant rien; ou plutôt un soupçon : le début de chaque épisode est une sorte d'hommage très appuyé aux planches absolument stupéfiantes de Winsor McCay et de son Little Nemo in Slumberland, ce petit garçon qui s'endort pour pénétrer dans un royaume onirique fabuleux et se réveille chaque matin en sursaut, en tombant de son lit. Il faut dire qu'ici, c'est lorsque le personnage principal dort profondément que l'aventure peut avancer, avec à ses côtés un chat noir qui devise sur le monde et commente l'avancement du voyage, manière intelligente de représenter de manière graphique et dynamique tout ce qui est de l'ordre de l'intime et de la pensée, dans les écrits de Lovecraft. Bref, il y a une évidente science du récit à l'œuvre dans cette lecture.



Alors bien entendu, pour apprécier le parcours fabuleux de Carter, il faut être un amateur de récits d'épouvante, mais aussi tout simplement d'aventure. Vous allez y croiser des créatures fantastiques et repoussantes dont les plus sympathiques et disponibles restent des goules; à leur tête, un certain Pickman, qui fut autrefois un peintre dans sa vie terrestre et qui à l'intérieur du monde onirique est devenu un de ces êtres qui mangent de la charogne et rampent dans la boue, comme il le dit lui-même. Carter, lui, n'est pas de cet univers là. Il le traverse, l'utilise pour arriver à ses fins et pénétrer dans la cité fabuleuse qui lui échappe chaque fois, au réveil. Il est même transporter sur la lune et détenu par des créatures semi divines, mais toujours il a cette alternative qui est celle de se réveiller. En fait, pour atteindre son but, il va devoir laisser le rêve le transformer, il va falloir s'oublier à l'intérieur du songe et devenir ce qui n'est pas. Côté dessins, nous sommes très bien servis avec Guillermo Sanna et Jacques Salomon. Rien à dire de ce côté-là, ils ont une faculté évidente pour représenter à merveille l'horreur et le fantastique, tandis que les couleurs sombres du second cité permettent de toujours maintenir le lecteur en haleine, dans un climat de tension permanente, une sorte de course poursuite à travers les méandres d'un songe cauchemardesque. Seule petit remarque que nous pouvons faire concernant cette édition française chez Black River, la présence de plusieurs coquilles qui une fois encore n'ont pas été toutes repérées ou corrigées avant impression (l'habilité et l'habileté sont deux notions différentes, par exemple). Pour le reste, sachez aussi qu'il s'agit de l'adaptation d'une série publiée en Espagne chez Diabolo Ediciones, ce qui nous change agréablement des sempiternelles publications américaines. Car après tout, les comics comme le manga ou la BD, c'est universel, ça n'est pas cantonné à un territoire défini. Et comme nous le fait si bien remarquer Lovecraft, tout se joue dans la tête, dans notre fantaisie, là où nous prenons plaisir ou peur, selon le moment.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : JE SUIS LEUR SILENCE


 Dans le 163e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Je suis leur silence que l'on doit à Jordi Lafebre et qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Loire que l'on doit à Étienne Davodeau et aux éditions Futuropolis

- La sortie de l'album La Callas et Pasolini, un amour impossible que nous raconte le scénario de Jean Dufaux, le dessin de Sara Briotti et qui est sorti chez Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie du premier tome sur deux de L'illusion magnifique, un premier tome intitulé New York, 1938 pour un diptyque que l'on doit à Alessandro Tota et aux éditions Gallimard

- La sortie du troisième tome de Sapiens intitulé Les maîtres de l'histoire, adaptation du livre de Yuval Noah-Harari par David Vandermeulen au scénario, Daniel Casanave au dessin et qui est éditée chez Albin Michel

- La sortie de l'album La distinction, adaptation libre de l'ouvrage du sociologue Pierre Bourdieu par Tiphaine Rivière et qui est édité chez Delcourt dans la collection La découverte

- La sortie du nouvel album de Daniel Clowes intitulé Monica, titre qui vient prendre place dans la collection La bibliothèque de Daniel Clowes chez l'éditeur Delcourt





LE NOM DE LA ROSE : MILO MANARA ADAPTE UMBERTO ECO CHEZ GLENAT


 Pour ceux qui viendraient d'une autre planète ou qui sont radicalement allergiques à la littérature, Le nom de la rose est le premier roman du célébrissime Umberto Eco, publié chez Bompiani en 1980. Il est toutefois fort probable que vous n'ayez pas lu le livre, mais que vous ayez vu l'adaptation cinématographique de Jean-Jacques Annaud, en 1986, avec Sean Connery dans le rôle du personnage principal. L'histoire se déroule dans une abbaye piémontaise, aux environs du XIVe siècle. On peut considérer qu'il s'agit d'une enquête policière et historique, dans laquelle un moine franciscain venu d'Angleterre tente de résoudre le mystère de plusieurs meurtres sanglants. Sauf qu'il y a différents niveaux de lecture, qui vont même jusqu'à la philosophie et l'ésotérisme et que l'ensemble prend la consistance d'un millefeuille savant et fascinant, qu'on ne cesse de découvrir ou redécouvrir encore de nos jours. Quant à Milo Manara, vous le connaissez très probablement en tant que grand spécialiste de la bande dessinée érotique. Seulement voilà, il y a fort à parier qu'il souhaiterait laisser un souvenir un peu plus complet de son œuvre, aussi a-t-il eu tendance ces dernières années à varier les sujets et les approches. C'est ainsi qu'on a pu lire la très belle biographie du peintre maudit, Le Caravage. Pour Le nom de la rose, Manara a tout d'abord obtenu l'accord des héritiers d'Umberto Eco avant d'avoir le feu vert de l'éditeur Oblomov. Il a ensuite commencé à présenter sa création sur les pages de la célèbre revue italienne Linus, toujours à la pointe du meilleur de la BD transalpine et européenne. Manara tente d'être le plus fidèle possible à l'œuvre d'Umberto Eco, au point que ses propres dessins suivent parfois ceux qu'a pu réaliser l'écrivain et qui sont disponibles avec la dernière édition en date du roman, en Italie. La bande dessinée s'ouvre également avec Eco en personne, plus jeune, qui expose au lecteur une histoire de manuscrit qui l'aurait inspiré et à partir duquel tout le reste va naître. Autre remarque que nous pouvons faire d'emblée, l'attention maniaque aux détails, le trait précis et appliqué de Manara, qui plutôt d'ailleurs que de présenter un Sean Connery en action va utiliser l'apparence de Marlon Brando pour son personnage principal.


Ce n'est pas un hasard si le protagoniste de cette histoire s'appelle Guillaume de Baskerville : il est là avant tout pour mener une enquête, pour parvenir à identifier le responsable des meurtres qui adviennent dans un lieu où normalement ce seraient la paix et la méditation qui devraient régner. Les autres personnages importants du roman sont également présents, comme le jeune Adso, qui est aussi le narrateur de l'album et dont la vision un peu plus ingénue des choses permet de guider le lecteur dans une trame qui peut sembler complexe. Pour une fois, ce n'est pas l'art de l'érotisme de Manara qui est le plus important dans ce récit, même si on le retrouve égal à lui-même lorsqu'il s'agit de mettre en scène une des habitants du village, par exemple. C'est plutôt sa capacité à mettre en exergue le détail, l'art de l'époque du Moyen-Âge, la symbologie religieuse et païenne, qui brille à plusieurs reprises, rendant Le nom de la rose  en bande dessinée aussi fascinant. Par endroits, par petites touches subtiles, Manara est aussi capable d'envoyer quelques signaux assez ambigus aux lecteurs, qui peuvent interpréter les images et les situations d'une manière un peu plus piquante qu'on ne le devrait. Nous sommes donc tout de même assez loin de la réputation ultra sulfureuse qui accompagne d'habitude cet auteur; par contre nous sommes en plein dans ce que l'artiste est capable de faire de mieux, c'est-à-dire démontrer par sa science du récit et la beauté de ses dessins qu'il s'agit dans des créateurs majeurs de ces cinquante dernières années, pas uniquement pour des courbes féminines et la nudité, mais pour l'ensemble de sa science. 
En deux tomes, disponible (tome 1) chez Glénat




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LA NOUVELLE RENCONTRE BATMAN/SPAWN EST CHEZ URBAN COMICS


 On peut imaginer l'existence des différents univers narratifs, propres à chacun des grands éditeurs américains, comme des dimensions parallèles qui coexisteraient, tout en s'ignorant le plus clair du temps. Et parfois, survient une brèche et l'impensable se produit, le temps d'un petit crossover inter-compagnies. Spawn et Batman, ce n'est pas rien, puisque nous avons d'un côté le super-antihéros le plus connu d'Image Comics et de l'autre, la locomotive des ventes de DC comics. Chez Urban, on met les bouchées doubles en ce mois de novembre, avec d'un côté les premières aventures des deux personnages réunis et de l'autre, l'apparition de l'histoire la plus récente, écrite en début d'année par Todd McFarlane et dessinée par Greg Capullo. Ce sont les drames intimes qui rapprochent conceptuellement le Dark Knight et Spawn : le premier cité a tragiquement perdu sa mère, le second Wanda, la femme de sa vie. La perte d'une figure féminine en commun, qui sera toujours recherchée; un manque impossible à combler. Sauf qu'une nouvelle chance se profile à l'horizon pour Al Simmons, la possibilité de sauver l'âme de Wanda, à condition d'avoir la force d'affronter une créature de noirceur qu'on lui a présentée comme l'ennemi absolu. Peu importe que Martha Wayne et Wanda soient mortes le même jour finalement, que cela soit vrai, crédible ou pas, ce qui est réel, c'est que les méthodes musclées des deux compères vont devoir un temps trouver un terrain d'entente pour s'opposer aux machinations qui se trament, notamment celle de la Cour des Hiboux, qui existe dans une autre version chez Spawn, en tant que Cour des Prêtres. Crime Alley, Gotham City, la rue la plus célèbre et intimement liée à Batman accueille alors le combat de deux titans de l'édition des comics, qui vont d'abord se taper dessus, avant de s'entendre, comme le veut la tradition éprouvée. 


Globalement, vous ne devriez pas être déçus par cette association entre Batman et Spawn, car elle répond aux attentes de la plupart des lecteurs. Le choix de Todd McFarlane est de situer son récit dans la droite ligne de ce qu'a pu faire Scott Snyder sur Batman, il y a quelques années, notamment le parti-pris esthétique de présenter un joker dont la peau du visage a été arrachée, avant d'être replacée sommairement avec des élastiques. Une vision horrifique qui colle bien au ton de ce récit de cinquante pages et donc très court, mais qui est illustré à merveille par un Greg Capullo qui semble être la bonne personne au bon endroit, au bon moment. Si vous êtes un fan de ce dessinateur, la vraie surprise c'est que vous trouverez dans cet album chez Urban Comics la version originale en anglais noir et blanc de l'histoire, mais aussi une version uniquement à base de crayonnés. C'est la raison pour laquelle le prix est de 19 € et la pagination dépasse les 170 unités, alors qu'en réalité le récit de base est bien plus court et laisser supposer une publication plus mince et bon marché. Nous mettrons ça sur le compte de l'événement, qui en effet n'est pas banal et permettra aux amateurs de jolis travaux bien ciselés de s'en mettre plein les mirettes ! Les variant covers aussi valent le déplacement. Si l'opération devait être reconduite régulièrement je serai un des premiers à protester mais s'agissant d'un cas tout à fait particulier, qui devrait d'ailleurs être prochainement agrémenté d'une suite (si on en croit le final ouvert), cela peut être compris. Dur de résister quand on est habitués aux aventures de Batman ou de Spawn, tant le duo émoustille rien qu'à y penser !


La couverture qui sert à illustrer cet article est la version collector spéciale Excalibur Comics. Vous pouvez la commander chez : Excalibur 



LE CHANT DU BOURREAU EST DISPONIBLE DANS LA X-FORCE EPIC COLLECTION


 Les volumes de la Epic Collection, délices de mes étagères consacrées à la version originale, sont aussi proposés en langue française, chez Panini. Et nous allons  aborder une des histoires majeures des années 1990, un récit que tout amateur des aventures mutantes se doit de posséder et de connaître sur le bout des doigts. Séquence nostalgie alors, avec ce retour en 1994, pour un crossover en douze parties, que nous avions suivis, lors de sa première parution, à travers le jeu de piste habituel proposé par Semic… à savoir aller puiser dans différentes revues kiosque, dont les célèbres versions intégrales de 48 pages. Je parle bien sûr du Chant du Bourreau, qui porte le titre ronflant et un poil agressif en vo de X-Cutioner's song. Tout commence au Madison Square Garden : Charles Xavier, comme à son habitude, fait de son mieux pour assurer la cohabitation pacifique entre humains et mutants. Un joli discours émouvant, avec ses élèves et disciples qui assurent une protection rapprochée, mais inefficace : Cable (en apparence) lui tire dessus et le blesse grièvement, laissant le mentor dans un état critique, qui plus est infecté par le virus techno-organique qui ronge déjà le corps du leader de la X-Force des années 1990. Cable s'est enfui et il va falloir le retrouver, pour comprendre ses motivations, puis lui faire payer cet affront. En parallèle, les lecteurs découvrent peu à peu, épisode après épisode (jusque la grande révélation finale sur son identité, qu'on voyait venir gros comme un camion, mais qui n'en fut pas moins choquante pour autant) un nouveau vilain inquiétant du nom de Stryfe. Celui-ci semble en vouloir particulièrement au couple Jean Grey / Scott Summers, au point que les enlever ne lui suffit pas; il souhaite les humilier, les faire payer pour des crimes, des fautes, que les deux amants auraient commis sans en avoir le souvenir. Stryfe est un criminel efficace, motivé par un profond ressentiment et une honte familiale, c'est un personnage qui permet de laisser planer un suspens insoutenable au long de ces épisodes. Comme Cable est activement recherché, forcément son équipe aussi doit prendre le maquis. X-Force en péril donc, tndis que c'est tout le petit monde mutant qui s'agite sous la houlette de Scott Lobdell et Fabian Nicieza. Et on a beau chercher la petite bête, plus de vingt ans après, il n'empêche, oui, le Chant du Bourreau c'était vachement bien !



Car nous avons affaire là à un vrai récit épique et passionnant, qui comme dans les bonnes tragédies grecques, convoque la famille et ses affres, le sens du devoir et le rôle du destin. Scott Summers a abandonné son fils, ou a t-il accompli un geste d'amour extrême pour le sauver, lui donner une chance d'exister ? Selon notre sensibilité, et le fait d'avoir toutes les informations en main, l'opinion peut-être divergente sur ce point. En parallèle, les X-Men d'alors sont vraiment crédibles, très bien caractérisés, bénéficiant certes de l'héritage sublime de Chris Claremont, mais entamant une mue fascinante, avec toute une série de micro drames personnels, de doutes insidieux, qui minent la stabilité des différentes équipes. C'est évident quand on voit Scott Summers tout émoustillé devant le physique sculptural de Psylocke, Archangel se complaire dans une violence latente qu'il a du mal à contenir, ou Bishop qui se heurte aux méthodes trop gentillettes de ses compères, lui qui souhaiterait sortir les gros calibres plus souvent. Au dessin, différents artistes se succèdent, avec des styles qui ne collent pas forcément entre eux. D'habitude j'ai tendance à penser que c'est rédhibitoire pour un récit de ce type, que ça brise l'unité, mais pas ici, car c'est une brochette de talents incroyables. Andy Kubert défend le super-héroïsme classique et incisif, avec un trait nerveux et détaillé. Jae Lee donne dans la colère, livre des planches sombres, torturées, où explosent rage et violence, dans un jeu d'ombres somptueux. Brandon Peterson assure le job avec classicisme, et Greg Capullo démontre qu'il est en train de se faire une place au soleil parmi les tous meilleurs, ce qui n'était pas gagné quelques années auparavant (voir son passage sur Quasar pour comprendre…). En prime, on a droit à Mister Sinister dans toute sa splendeur énigmatique (bien avant le baroque actuel) et aux prémices d'une fin de décennie que nous regrettons aujourd'hui, de Onslaught au virus Legacy, en passant par Age of Apocalypse. On a droit à une vraie belle fusion entre le ton du soap opéra généalogique et le super-héroïsme traditionnel, une belle opposition entre rêve et méthodes pacifistes et attaques bille en tête, tous gros flingues dehors. Des X-Men et consorts déclinés à toutes les sauces, qui se brouillent (la prison pour X-Force), se découvrent et s'affirment (Cannonball/Rocket) ou tirent à tout va (Cable, Wolverine qui fait dans la découpe). Les mutants, quoi, comme on les a tant adorés. 



 

 

COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...