FIDJI : LA VIE ET SURTOUT LES EMMERDES (CANO-GOUX-PINCHUK)


Fidji (chez Delcourt), c'est une bande dessinée de contrastes, qui ne laisse pas indifférent, qui en tous les cas nous laisse une étrange impression et l'impossibilité de décider. Je m'explique : l'essentiel de l'opinion que je peux formuler sur cet album revient à prendre en compte ma propre vision de l'existence, analyser quelles en sont les points saillants et importants, la philosophie qui est la mienne sur ce sujet. Le début de l'histoire, finalement, on le connaît : deux amis (Vincent et Sam) qui rêvent sur une plage à Bayonne, le futur est encore lointain, ils sont jeunes, tout peut arriver, y compris s'imaginer un jour aux îles Fidji. Et puis il s'agit de grandir, faire les 400 coups puis tremper dans de mauvais coups, prendre des chemins de traverse, qui certes vous donnent l'impression d'exister vraiment, mais ne vous amène au final nulle part. Jusqu'au jour où l'un des deux amis se range (Vincent), parvient à mettre derrière lui l'essentiel de ses erreurs, trouve une petite amie adorable qui le soutient et dont le père lui offre un emploi inespéré mais routinier. À partir de là, c'est une vie certes rangée qui attend le protagoniste, un peu plus grise et conformiste que celle qu'il menait auparavant, mais probablement - sur le long terme - ce que nous recherchons tous. Pour autant, ils traîne une dépression latente (ah, cette idée de devenir propriétaire et de s'endetter pour un trou de souris à Paris) se gave de médicaments pour accepter un présent qui ne lui convient pas. Mais surtout, il se laisse à nouveau entraîner dans la spirale de l'aventure et des gros problèmes, lorsque son pote de toujours revient le voir, après un an d'absence qu'il a passé aux Fidji, et lui propose une virée rocambolesque et délétère en voiture, jusqu'à Biarritz. Road trip au cours duquel les ennuis vont pleuvoir, au fil des kilomètres. 


C'est tout de même un monde de réaliser que le divertissement et la vie à pleine dents, celle qui vaut la peine d'être vécue, sont systématiquement associés à des excès. Et qu'au contraire, vouloir se contenter des plaisirs de tous les jours, avoir une vie bien ordonnée, est considéré comme une tare. Comme s'il y avait là de quoi se taper une déprime éternelle. Les personnages de Jean-Luc Cano oscillent donc entre fragilité évidente et antipathie naturelle : celle que moi j'ai ressenti vis-à-vis de Sam, qui endosse ici le rôle du quasi parasite, qui vient ruiner la vie de son ami parce qu'il n'a pas su s'en construire une propre. Quant à Vincent, il lui faut choisir, rester cette esprit libre qui confine tout de même au petit branleur inqualifiable, ou au contraire grandir un peu. C'est une chose de s'amuser, de se retrouver entre amis, de savoir être léger quand il le faut, c'en est une autre de tomber dans la délinquance commune et les excès de stupéfiants. Bref, cette bande dessinée interpelle et secoue parce qu'elle interroge aussi le regard que nous portons sur notre vie, tout simplement. Les dessins de Pierre-Denis Goux sont absolument splendides et nous permettent de scruter chaque expression, toutes les émotions qui traversent les personnages, avec un brio et une efficacité remarquables. Ajoutons que les couleurs de Julia Pinchuk sont grandement pertinentes, capables d'illuminer certaines scènes et de les rendre inoubliables, d'ajouter couleurs et flammes dans un récit qui nous prouve que la vraie liberté n'est pas forcément celle que l'on croit. Adage à rapprocher du titre l'insoutenable légèreté de l'être, célèbre roman de Milan Kundera, qui condensait un peu ce même esprit, en très peu de mots.


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NIGHT CLUB : MARK MILLAR S'ATTAQUE AUX VAMPIRES


 Peu importent les sempiternels reproches que l'on adresse à Mark Millar. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer tout l'intérêt que je porte au scénariste écossais, qui est un des rares à fournir systématiquement aux lecteurs une bonne dose de divertissement, sans jamais tenter de les convaincre qu'ils sont en train de lire un essai censé révolutionné l'approche de la bande dessinée super héroïque; ça fait un peu de bien aussi, parfois, d'avoir du fun en barres. Même si la recette est plus ou moins toujours la même. Ici encore, Millar recycle un concept éprouvé régulièrement dans la littérature, le cinéma et la pop culture : celui des vampires. Sauf que les personnages qui vont acquérir des super pouvoirs (en gros, ceux qui sont l'apanage des vampires, c'est-à-dire une super force, la capacité de se transformer en brume ou en chauve-souris, une super ouïe, guérir de tout…) ce sont des adolescents, qui sont encore au lycée. Jusque-là, ils n'étaient pas les stars du campus, très loin de là. Plutôt des nerds un peu en marge, dont l'ambition principale était d'empiler des vidéos sur une chaîne Youtube, pour faire des vues et s'affirmer dans l'univers virtuel. Tout ça jusqu'au jour où le chef de bande, Danny, a tenté la vidéo de trop. Un banal accident de parkour sur un toit, qui l'envoie à l'hôpital avec le dos et la nuque brisés en morceaux. Il devient alors la proie idéale pour le détective Laskaras, qui n'est pas seulement un policier de la vieille école à l'aspect bien badass mais aussi un vampire, qui affirme être en train de monter une petite équipe pour affronter une menace encore indéfinie. Pour cela, il recrute parmi ceux qui n'ont plus aucun espoir, les blessés graves dans les hôpitaux étant une cible privilégiée. Danny devient alors un vampire, se remet sur pied, utilise un masque de catcheur pour masquer son identité et commencer à accomplir ses premiers exploits… et bien sûr, il entraîne dans la partie ses deux meilleurs amis, Amy et Sam. Les ados forment alors le Night Club : trois petits vampires dans le vent, stars des réseaux sociaux et bons samaritains dans la vie réelle.



Le premier tiers de l'album est frais, enlevé et finalement plutôt joyeux. Les adolescents découvrent leurs pouvoirs et on a l'impression qu'être un vampire, c'est finalement quelque chose de très positif, avec les débouchés que cela permet sur Internet, la célébrité facile, la possibilité d'être utile à la communauté, tout en faisant des vues bien cachés derrière des masques de catcheurs. Alors évidemment, les choses vont se corser puisqu'à partir du troisième épisode, entrent en scène d'autres vampires, cette fois bien mal intentionnés : des criminels endurcis qui vont devenir des antagonistes terrifiants, devant lesquels Dany et ses amis vont se mettre à trembler. Comme dit précédemment, le scénario de Millar ne brille pas par son originalité, mais il a le mérite de cocher toutes les cases du divertissement avec succès. Du super-héroïsme, de la baston et des scènes choc dont il est friand (par exemple, des décapitations) ou encore des moments où il est question des amis du lycée, des rapports entre les ados. Le tout est illustré par Juanan Ramirez, un dessinateur espagnol capable de produire des planches chargées en énergie, qui n'hésite pas à aller puiser dans l'influence et le dynamisme du manga, avec un style qui n'est pas sans rappeler celui d'un Scalera, par exemple dans la façon de donner vie au corps et aux situations. Et du coup, on est en plein dans ce qui fait la recette mais aussi la réussite de la plupart des séries du Millarworld ! Si habituellement vous êtes sensibles à ces règles éprouvées, il n'y a aucune raison pour que vous ne trouviez pas Night Club génial et pétillant. Si vous êtes allergiques, pas de raison que vous guérissiez cette fois-ci.



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VIETNAM JOURNAL VOLUME 7 : DON LOMAX DANS LA VALLÉE DE LA MORT


 Lorsque vous entamez la lecture d'un album en bande dessinée, vous n'avez normalement que l'image, pas le son ou les sensations. Dans le cas du Vietnam Journal de Don Lomax, c'est plutôt une bénédiction. Autrement, vous entendriez les pales affolées de dizaines d'hélicoptères en mouvement, vous sentiriez la moiteur omniprésente de la jungle et les détonations incessantes, respireriez cette odeur de mort omniprésente, qui rôde à chacune des missions. Auxquelles participe aussi le journaliste Scott Neithamer (aussi appelé "Journal"), témoin précieux pour accompagner les jeunes soldats américains, tout occupés à livrer une des guerres les plus absurdes et atroces de l'histoire. Non pas qu'il existe des guerres intelligentes et propres, mais celle-ci constitue une tâche indélébile dans l'histoire des États-Unis et son déroulé est ici implacablement documenté par Lomax, qui aboutit aujourd'hui à son septième tome, chez Delirium. C'est aussi l'histoire d'un immense gâchis, d'une génération tout entière sacrifiée, pour absolument rien. Avec cette nouvelle fournée, nous décollons en direction de la vallée d'A-Chau, à la frontière avec le Laos, là où les Américains sont convaincus de livrer une bataille décisive et victorieuse contre les forces du Nord Vietnam. Mais à peine les hélicoptères ont-ils décollé que certains sont déjà touchés, et que ce qui s'annonçait comme un raid triomphal devient une opération de survie douteuse. Dans un tel contexte, Lomax prend aussi le temps de s'arrêter et de brosser le portrait de quelques rencontres marquantes, comme celle d'un colonel qui semble être "fait pour le métier de soldat". Ses mots sont ceux d'un militaire désabusé, qui a parfaitement compris l'horreur et l'absurde de sa situation, mais qui n'a d'autre choix que celui de presser la gâchette, encore et toujours, s'il souhaite survivre. D'ailleurs, on a beau être journaliste, quand vous êtes acculés, avec la mort qui vous toise et vous canarde, vous pouvez aussi vous emparer de la première arme qui tombe sous la main, pour tenter d'avoir une chance un tant soit peu tangible de vous en sortir. Au milieu de ce carnage, erre et se terre la population locale, méprisée et utilisée par les deux camps, contraints à l'exil et à une survie précaire.




Lomax s'intéresse particulièrement à une population précise, les Pacohs, à travers le destin de l'un d'entre eux, régulièrement ballotté entre les forces du Nord et celle du Sud, habitué à jouer sur les deux tableaux pour survivre. Il est en réalité une variable d'ajustement, comme tous ces gens qui vivent paisiblement dans la jungle, sans rien demander, et qui se retrouvent un jour envisagés comme des esprits à réformer ou de la chair à canon à exploiter. Les Américains n'ont guère fait mieux lorsqu'ils sont arrivés, tout comme il faut le souligner, les Français à l'époque de l'Indochine n'avaient pas non plus brillé par le respect des populations locales et leur manière de se comporter. Ce septième volume, c'est aussi celui du début de la fin, avec les raccourcis et les mensonges de celui qui allait devenir le Président Nixon, et une guerre qu'il faut absolument terminer, sachant qu'elle ne pourra plus être gagnée. Une guerre qui fait des ravages dans les esprits et le cœur des hommes : l'adrénaline devient une drogue et même "Journal" lui-même se rend compte que les moments d'accalmie appellent de nouvelles flambées de violence. Une violence qu'on retrouve aussi durant les périodes de repos : là où les jeunes militaires américains s'installent, s'organisent aussi rapidement des attroupements peu recommandables, de véritables bordels, qui permettent de parler des violences sexuelles faites aux jeunes filles locales, peu importe leur âge. Le narrateur n'accepte pas ses comportements qui ont à voir avec la pédophilie et il le fait savoir, à sa manière. On le voit ainsi perdre plusieurs fois les pédales, dans ce tome. Dans ce cas bien précis, face à des agissements qu'il réprouve, mais aussi sur le terrain, quand il doit faire feu ou affronter la mort en face. La dernière partie s'organise différemment de tout ce que nous avons lu jusque-là. Il s'agit d'un ensemble d'épisodes d'une page chacun, qui bénéficient tous d'un traitement au lavis de gris avec de forts contrastes, ce qui renforce l'effet lugubre des situations. Ces pages ont été publiées dans Gallery Magazine, au rythme de une à deux par mois. Hamburger Hill, c'est encore un témoignage important sur ce qui se passe réellement quand on détourne les yeux, et de quelle façon la presse et l'humanité peuvent mettre à mal la réalité militaire et ses arrangements avec les faits et la réalité. Un septième tome qui sent le napalm ("Journal" ne se rend pas même compte qu'il commence à brûler, dans le feu de l'action), l'impréparation et la déroute (ce jeune lieutenant qui mène ses hommes à la mort) et surtout l'horreur de s'entretuer, sans qu'au moindre moment une raison évidente et censée n'apparaisse, si ce n'est obéir, aveuglément, aux ordres de ceux qui ne risquent rien, jamais. Quand le passé éclaire le présent et l'avenir, même si bien trop de monde préfère ne plus rien voir, une fois encore.  


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SNOW ANGELS : LEMIRE ET JOCK S'AVENTURENT SUR LA GLACE


 Après une bonne dizaine d'années de gestation, Snow Angels, le travail conjoint de Jeff Lemire et de Jock, est désormais disponible chez Urban comics (en réalité, sortie nationale cette fin de semaine ). Dès l'introduction, nous sommes plongés dans un monde de glace, à perte de vue. Les humains qui survivent sont tous situés dans ce qu'on appelle la Tranchée, creusée à même la glace. C'est un territoire particulier, le seul qui semble être un tant soit peu hospitalier. La vie dans la tranchée est régie par trois règles : la première dit qu'elle pourvoit, c'est-à-dire que pour ce qui est de la nourriture, il faudra se contenter de ce qui pousse sur les parois glacés et de ce qui vit dans l'eau gelée. La règle numéro deux interdit de quitter la Tranchée; s'en éloigner, affronter les vastes étendues battus par des vents froids, cela signifierait la mort. La troisième règle prévoit que la Tranchée n'a pas de fin, il n'y a rien au-delà de la Tranchée, elle est tout et illimitée. Mais voilà, ces trois règles sont basées sur un mensonge et c'est ce que vont découvrir les personnages principaux de cette histoire, à savoir un père de famille et ses deux filles (Milliken, la plus grande avec ses douze ans, et Mae Mae). C'est en revenant d'une petite excursion pour fêter l'anniversaire de l'aînée qu'ils vont tous les trois découvrir le massacre de ce qu'on pourrait appeler leur village, ce qui va les contraindre à prendre la fuite le plus vite possible, à s'en aller explorer des contrées où jusque-là ils ne s'étaient pas encore aventuré. Et il faut faire vite car à leurs trousses, nous découvrons celui que la superstition locale appelle l'Homme des neiges. En réalité, un type engoncé dans un costume ultra technologique, qui semble bien décidé à poursuivre son carnage, l'achever avec la mort des trois fugitifs.


Les deux artistes derrière Snow Angels font chacun preuve de leur talent et de leurs qualités intrinsèques : le scénariste Jeff Lemire n'a pas son pareil dès lors qu'il s'agit de tisser des liens familiaux. Il prend son temps pour présenter et étoffer les personnages et ne s'intéresse à de nouveaux intervenants que lorsqu'il est certain d'avoir déjà fait entrer sa petite famille dans le cœur des lecteurs. Quant à Jock, il se retrouve aux prises avec un paysage désertique dans lequel il peut laisser exprimer sa capacité d'occuper l'espace et de gérer les formes, avec un très fort contraste entre le blanc immaculé de la glace et sa science des ombres et des silhouettes. Il élargit régulièrement le champ de vision, dans lequel les protagonistes deviennent presque insignifiants; une différence d'échelle qui accentue l'impression de solitude et de vain combat contre les éléments. La seconde partie verse dans une science-fiction beaucoup plus prononcée que la première, où on pourrait presque croire qu'il s'agira d'une histoire avant tout personnelle, voire métaphysique. Le final reste ouvert à différentes interprétations et c'est un autre point en faveur de cette parution, à l'origine publiée directement au format digital, sur Comixology, avant d'être adaptée pour une version papier. Assez curieusement, après tout ce que nous venons de dire, ce Snow Angels vaut l'achat et le détour mais reste tout de même inférieur à la plupart des grandes productions de Jeff Lemire. Un artiste si brillant qu'il a déjà à son actif de nombreux chef-d'œuvre ! Snow Angels n'en n'est pas véritablement un mais reste une aventure que nous vous conseillons d'aller découvrir pour sa science du récit. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA ROUTE (DE MANU LARCENET)


 Encore, iront dire les habitués de UniversComics. Oui, mais cette fois, seconde couche et autre avis, voici venir le podcast. Le Bulleur. 

Dans le 174e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La route, adaptation d’un roman de Cormac McCarthy par Manu Larcenet et qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec : 

- La sortie de l’album Avenir que l’on doit au duo de scénaristes Pierre-Roland Saint-Dizier et Pierre Benazech, au dessin d’Eliot et c’est publié aux éditions Ankama

- La sortie de l’album Petit pays, adaptation du roman de Gaël Faye par le duo Marzena Sowa au scénario, Sylvain Savoia au dessin et qui est publié aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie de l’album Aparthotel Deluxe, un titre que nous devons à Edo Brenes et aux éditions La boite à bulles

- La sortie de l’album Le murmure de la mer, titre que l’on doit à Hippolyte et à l’éditeur Les Arènes BD

- La sortie de l’album Je suis charrette, un titre signé Danicollaterale qui est paru aux éditions Delcourt

- La sortie de l’album Amy Winehouse dont Tony Lourenco signe le scénario et Elsa Gambin la partie documentaire avec de nombreux auteurs aux dessins, un album publié chez Petit à petit.



 
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LE PLAY AZUR FESTIVAL LES 4 ET 5 MAI À NICE : L'ARTIST ALLEY AVEC UNIVERSCOMICS


 Les 4 et 5 mai 2024, au Palais des Expositions de Nice, nous serons présents pour l'organisation de l'artist alley du PLAY AZUR FESTIVAL, qui fête cette année sa septième édition.

L'artist alley vous proposera de nombreux invités comics et bande dessinée.

Avec 

* PAOLO VILLANELLI

* TINA VALENTINO 

* JESUS MERINO

* NICOLA GENZIANELLA

* VINCENZO CARRATU

* FABIANO AMBU

* VORTICEROSA

* BENJAMIN CARRET

* LE CHAT ENCREUR

+

* EDMOND TOURRIOL



Tous ces artistes seront à votre disposition pour des signatures gratuites ou pour des free sketchs rapides, sur les albums achetés auprès des partenaires présents sur le Festival. Notre partenaire comics sera, comme toujours, le comic shop Les Fictionautes, la référence dans le sud est de France. Venez saluer Guillaume et son équipe, vous ferez sûrement de belles trouvailles pour l'occasion.

Les Fictionautes fêtera aussi le FREE COMIC BOOK DAY ! Des comics gratuits vous attendent !

Vous pouvez aussi commander votre commission. Tarifs sur simple demande en commentaire ou à universcomics.lemag@gmail.com

Vous trouverez aussi une sélection d'artistes mangas, invités par la librairie Alfa BD.

Nous organisons également une rencontre publique avec la présentation des artistes, qui répondront à nos/vos questions, tout en réalisant une "battle de dessins". Et une conférence sur le sujet suivant : L'Intelligence Artificielle : ressource précieuse pour les pratiques artistiques du futur, ou péril mortel pour les artistes ? En présence d'Edmond Tourriol, co-fondateur des studios Makma, scénariste et traducteur, de Jose Maniette (UniversComics) et de Fabiano Ambu (IT Comics)


N'oublions pas non plus la super loterie 2024, avec un dessin original des artistes invités et des kilos de comics à gagner ! Albums VF, Vo, goodies, on vous réserve deux cartons de lot en bonus à distribuer entre tous les gagnants. Le ticket est à 5 euros et vous pouvez aussi les commander à distance à partir du samedi 4 mai à 10 heures.

Toutes les infos sur le PlayAzurhttps://playazur.fr/

On vous attend nombreux ! 

Alors, à très vite !




DOCTOR WHO : IL ÉTAIT UNE FOIS UN SEIGNEUR DU TEMPS (CHEZ BLACK RIVER)


 Nos amis anglais l'ont érigé en idole nationale, cela fait 60 ans que le Doctor Who fait partie du panthéon de la culture britannique ! D'autant plus que le personnage a la faculté de se régénérer, ce qui est bien pratique pour qu'un acteur prenne la place d'un autre, sans que cela soulève trop de protestations. En France, la série a commencé à connaître un petit succès d'estime il y a une dizaine d'années, mais nous sommes toujours loin du raz-de-marée de l'autre côté de la Manche. Côté comics, deux éditeurs avaient tenté de faire vivre le personnage chez nous : French Eyes et plus récemment encore, Akileos. Cette fois, c'est Black River qui relève le défi et ça commence avec des one shot écrits par Dan Slott, un scénariste que tout fan de comics qui se respecte connaît forcément, depuis son passage brillant sur Spider-Man et le Silver Surfer. La bonne nouvelle, c'est que même si vous n'avez jamais lu ou vu quoi que ce soit au sujet de ce bon Docteur, vous allez tout de même pouvoir profiter de l'aventure, en comprenant quasiment tout ce qui vous est présenté. L'album assez mince (72 pages) s'ouvre sur une sorte de revue d'effectif des différents docteurs à travers le temps, jusqu'au dixième; un choix évident puisqu'il s'agit probablement de l'incarnation la plus célèbre et aimée des fans, celle de David Tennant, qui fut aussi le grand vilain de la série télévisée Jessica Jones. On nous parle d'emblée d'une race extraterrestre appelée Pyromèth, des êtres qui se nourrissent des récits et contes fantastiques de leurs victimes. Une fois que ces dernières ont raconté ce qu'elles avaient à raconter, leurs enveloppes corporelles sont comme jetées aux ordures; et comme tout cela se passe dans un lieu inconnu, même du Doctor Who, mieux vaut ne pas tomber entre leurs griffes. Evidemment, c'est ce qui va toutefois se produire dans le cas de Martha Jones, cette étudiante qui n'a pas froid aux yeux et qui est la compagne d'aventures du 10e Docteur. Seulement voilà, elle a un plan et les histoires qu'elle s'apprête à raconter à ses ravisseurs vont être aussi l'occasion de mettre sur pied un récit très intelligent, une méta narration où chaque élément permet d'introduire le suivant, une poupée russe fictionnelle, bien construite par Dan Slott.



Les aventures du Docteur Who, c'est bien entendu un ensemble complexe d'éléments loufoques, de science-fiction, d'absurde, le tout constituant au fur et à mesure une sorte de mille-feuilles auto-référencié propre à un univers particulier, auquel on adhère (ou pas). Plusieurs dessinateurs vont se succéder dans cet album, en l'occurrence Mike Collins, Christopher Jones, ou Matthew Dow Smith, avec notamment une différence entre les passages dans lesquels les personnages vivent "au temps présent" et d'autres où il est question du récit que doit inventer Martha pour avoir la vie sauve. En complément de cette histoire, nous en trouvons une seconde plus brève qui s'intitule Rime ou raison. La qualité première de ces pages, c'est savoir jouer avec les mots et la phonétique. Une manière d'échapper à la traduction automatique qui permet à des extraterrestres reptiliens de comprendre ce que les protagonistes (le 9e Docteur et sa compagne, Rose) disent lorsqu'ils tentent de déjouer leurs plans. Il s'agit là aussi d'une histoire, comptée cette fois par le dixième docteur, ce qui confirme le caractère méta narratif de ce premier volume publié par Black River. Nous avons été juste surpris par le fait que l'album se présente en soft cover et non avec une couverture rigide, comme c'est le cas des autres propositions éditoriales de l'éditeur, et par les trois pages laissées blanches à la fin du livre, qui auraient pu être exploitées pour des variant covers ou des recherches sur les personnages. Par contre, côté traduction et correction du texte, ça semble s'améliorer, même si l'interview de Dan Slott, publiée en bonus, présente plusieurs erreurs assez déconcertantes. Au final, il y a fort à parier que la communauté des fans du bon Docteur Who trouvera un plaisir certain à la lecture de cet album, dont la couverture, par ailleurs de Christopher Jones, est très réussie et bénéficie d'un vernis sélectif assez efficace.



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DAREDEVIL & ECHO : MYTHE ET RÉALITÉ


 D'un côté, nous avons le Diable en collants rouges, qui fête son soixantième anniversaire. De l'autre, Echo, qu'il convient de mettre en avant, puisque l'héroïne de sa propre série télévisée sur Disney Plus (n'oubliez jamais le décalage existant entre publications VO et Vf, en général un bon semestre). Une double bonne raison pour réunir ces deux personnages dans une même mini série, d'autant plus qu'ils ont déjà un passé commun et évoluent peu ou prou dans les mêmes ambiances, au même niveau. Dans cette histoire, il est question de pouvoirs magiques, d'ancestrales malédictions, avec une Super Bouffonne (dans le sens de Demagoblin) qui tente de réveiller une créature maléfique, liée au passé des protagonistes de la série. Qui fonctionne donc sur deux lignes temporelles, avec la première moitié du dix-neuvième siècle d'un côté, et le monde contemporain de l'autre. Les scènes du passé sont l'occasion de découvrir un des ancêtres de Matt, un certain Jimmy Murdock, mouton noir de la famille car criminel notoire, même si en phase de rédemption, puisqu'il choisit d'entrer dans le giron de la protection de l'église. Mauvaise idée de se fier au prêtre de Saint Mathew, église de la proto New York d'alors, car il va s'y retrouver sacrifié pour invoquer ce même démon dont on a déjà parlé. On nage en pleine atmosphère Gangs of New York tandis que tout ce qui s'est déroulé des siècles auparavant va avoir des répercussions sur le présent. Une actualité très sombre, lorsque Daredevil enquête (avec Elektra) sur un criminel qui prélève des organes différents sur chacune de ses victimes. Lorsque la dernière d'entre elles est une vieille connaissance de Maya Lopez, le prétexte est tout choisi pour aller avertir la belle amérindienne et la faire entrer dans la danse. Une sarabande un poil complexe, à laquelle vont se joindre d'autres personnages connus. 




Comme cet album intitulé Mythe et réalité est proposé en concomitance avec le 60e anniversaire de Daredevil, on évitera bien entendu de le comparer aux grandes heures du personnage, sous peine d'être déçu. Il s'agit avant tout d'une aventure à lire pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un prétexte pour mettre ensemble le héros aveugle et l'héroïne sourde et les confronter, avec chacun de leur côté, un ancêtre qui a dû, à un moment donné, faire union également pour repousser une menace dont les accents lovecraftiens sont assez évidents. Il est question aussi d'enfants qui sont enlevés et utilisés pour la cérémonie qui se déroule dans le présent, mais très honnêtement, ça ressemble presque, au bout d'un moment, à un détail du récit. Tabou et B.Earl essaient de mélanger le plus habilement qu'ils le peuvent des élucubrations sur la foi chrétienne, mais aussi sur les traditions païennes, ce qui explique la manifestation d'un démon dans une chapelle, invoqué par un prêtre. Ça finit d'ailleurs par devenir un talon d'Achille pour Daredevil, ce salmigondis permanent (vous le verrez bientôt dans la nouvelle série de Saladin Ahmed) : à force d'utiliser le discours sur la religion de manière pompière et sans véritable inspiration derrière, ça en devient rébarbatif. Restent les dessins de Phil Noto, qui fait partie des artistes que nous apprécions beaucoup ces dernières années. Il propose des planches plastiquement très réussies avec des personnages fouillés et riches en détails, et un petit côté rétro qui n'est pas sans donner du cachet à l'ensemble. En cadeau bonus, car il n'y a que 4 épisodes, les lecteurs pourront découvrir un long numéro intitulé Elektra #100, qui ressemble un peu à un fourre-tout pas vraiment indispensable, si ce n'est le plaisir de voir à l'œuvre le dessinateur Stefano Raffaele, qui convoque l'amour unissant Daredevil et Elektra. À réserver aux fans véritables de Daredevil, en quelque sorte.



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AMY WINEHOUSE : UN DOCU-BD EN SOUVENIR DU CYCLONE DE LA SOUL CHEZ PETIT À PETIT





 Aujourd'hui, la bande dessinée rencontre la musique. Amy Winehouse, vous connaissez probablement ? Une artiste à la carrière fulgurante, louée pour son talent vocal unique et un  univers musical original. Née le 14 septembre 1983 à Londres, elle a rapidement captivé le monde entier avec sa voix puissante teintée de soul, de jazz et de R&B. Son premier album, "Frank", sorti en 2003, a été acclamé par la critique et a posé les bases de sa renommée fulgurante. Mais c'est avec son deuxième album, "Back to Black", sorti en 2006, qu'Amy Winehouse a connu un succès mondial retentissant. Porté par des titres emblématiques tels que "Rehab", "Back to Black" et "You Know I'm No Good", l'album a propulsé Winehouse au sommet de l'industrie musicale. Sa voix rauque, empreinte d'émotion et de souffrance, a touché des millions de fans à travers le monde. Le problème, c'est que l'artiste luttait aussi contre des problèmes de toxicomanie et de dépression chronique, qui ont souvent fait les gros titres des tabloïds. Sa vie personnelle chaotique a régulièrement éclipsé son talent musical, avec des performances scéniques qui finissaient parfois aussi tôt qu'elles débutaient, et des histoires de cœur mortifères avec de mauvais numéros, dont le tristement célèbre Blake. Tragiquement, la carrière éblouissante d'Amy Winehouse a été interrompue par sa mort prématurée le 23 juillet 2011, à l'âge de seulement 27 ans. Sa disparition a laissé le monde de la musique en deuil et un héritage artistique durable, son influence se faisant sentir dans de nombreuses fournées d'artistes qui continuent à être inspirés par son honnêteté artistique sans compromis. Aujourd'hui, Petit à Petit, un éditeur aussi malin que nécessaire, qui s'est fait une spécialité de produire de très bons docu-bd qui mêlent récits en images et partie rédactionnelle pour approfondir un personnage, propose un album entier au cyclone Amy, de sa jeunesse (avec l'influence du père et du crooner Frank Sinatra, et de sa grand-mère) à la tragique conclusion déjà évoquée.


C'est Tony Lourenço qui s'occupe de mettre en place les éléments nécessaires à la compréhension de l'histoire, c'est-à-dire du parcours de la chanteuse. De sa jeunesse, quand elle a très tôt manifesté un goût immodéré pour le chant mais aussi une personnalité indépendante et fantasque, en passant par la séparation de ses parents, qui l'a beaucoup affectée, ses premières armes dans le monde de la musique jusqu'au succès et la descente aux enfers finale. Tout est clairement expliqué, documenté, relaté dans une longue série de petits épisodes. Ces pages dessinées sont toutes entrecoupées de rédactionnels, des doubles pages de texte sous la responsabilité d'Elsa Gambin, qui reviennent sur ce qui a été raconté en y ajoutant les détails et les précisions nécessaires, pour ceux qui veulent en savoir davantage. La technique du docu-bd chez Petit à Petit est réellement pertinente car elle permet à la fois de se procurer un bel ouvrage, qui revient sur la vie d'une personnalité marquante, mais en même temps délivre des albums qui font œuvre de divulgation auprès d'un lectorat qui autrement n'aurait peut-être pas eu l'idée de se pencher sur le "sujet du jour". Tout juste, signalons que la très grande disparité et diversité des styles qui caractérisent les nombreux petits épisodes de la vie d'Amy Winehouse peuvent perdre certains lecteurs, tant parfois les traits de la chanteuse sont présentés de manière fort différente. Gilles Pascal, Anabel Rossi ou Mayeul Vigouroux nous ont particulièrement tapé dans l'œil. Mais dans l'ensemble, c'est une nouvelle réussite à inscrire au crédit d'une maison d'édition que nous avons personnellement découvert l'an passé, et qui entre culture populaire, exigence artistique et propositions intelligentes, nous a déjà réservé de bien belles surprises. Et il y en aura d'autres à l'avenir, c'est certain !




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ARROWSMITH TOME 2 : UCHRONIE GUERRIÈRE ET MAGIQUE


 Bien que n'étant pas du tout un fan inconditionnel des histoires où la magie joue un rôle prédominant, la sortie du second tome d'Arrowsmith me réjouit particulièrement. Il s'agit avant tout d'une série particulièrement bien écrite. Kurt Busiek y est remarquable de justesse et il bénéficie de dessins somptueux, qui ne font qu'accentuer la peine et le regret d'avoir perdu aussi prématurément Carlos Pacheco. Revoici le personnage principal, Fletcher Arrowsmith ! Un an s'est écoulé depuis les débuts de l'aventure mais celui qui grandissait dans l'ouest du Connecticut, en observant les prouesses des unités d'élite aérienne et en espérant un jour pouvoir les rejoindre et les égaler, a bien changé ! Il a appris à voler, à maîtriser les rudiments de la magie et il s'est retrouvé embarqué dans les méandres du grand conflit qu'est la première guerre mondiale. Dans ce second tome, il est envoyé en Lotharingie occupée. Nous sommes en mars 1916 et Fletcher va devoir affronter une mission extrêmement périlleuse, qui consiste principalement à se laisser capturer, de manière à pouvoir passer en territoire ennemi où il est censé rencontrer un maître espion, qui va lui permettre d'atteindre son vrai objectif (dont il ignore tout pour le moment). Une révélation qui va aller de paire avec la nature même de la magie, mais aussi ses racines, son identité, la raison pour laquelle il parvient aussi efficacement à maîtriser tous ces dons fabuleux, y compris lorsqu'il est en zone étrangère (et pour autant capable de puiser dans la magie locale). Et comme toujours, la guerre n'est pas qu'un ensemble de combat stériles mais c'est aussi une manière de parler du danger de la politique, de l'absurdité du comportement humain, de la domination d'une classe sur les autres, de racisme. Busiek est toujours aussi sensible et pertinent dans sa manière de développer l'histoire; il l'est même peut-être encore plus que dans la première mini série, déjà publiée auparavant.




Le moins que l'on puisse dire, c'est que du temps à passé depuis le premier volume de cette série : presque vingt ans séparent les deux productions et la bonne nouvelle, à en juger par la manière dont se termine le tome 2, c'est qu'il se pourrait bien qu'il y ait, par la suite, d'autres histoires à raconter. Même si il faudra forcément se passer du talent à l'état pur de Carlos Pacheco, et ce ne sera pas une chose simple ! S'il bénéficie ici d'un autre encreur (José Rafael Fonteriz), ses planches sont d'une simplicité et d'une beauté formelle parfois carrément envoûtante. Le ton est quelque peu différent car comme le dit l'introduction, un an a passé et Fletcher est devenu quelqu'un d'autre, désormais habitué aux horreurs de la guerre, beaucoup moins naïf qu'auparavant. La dynamique avec Guy, l'espion qu'il rencontre et qui va lui servir tout un cours d'utilisation pratique de la magie, fonctionne très bien et permet d'amener le personnage principal vers un autre niveau de connaissance, d'enquêter même sur ses réelles origines et expliquer au lecteur d'où lui vient ce potentiel inné et encore à exploiter. Le discours sur la magie prédomine mais Busiek n'oublie pas non plus de nous expliquer à quel point les grands ce monde, ceux qui ont dominé, conquis et triomphé, peuvent aussi être de véritables tyrans sanguinaires : il suffit pour cela de changer l'approche, de se mettre un instant dans la peau de celui qui a été terrassé, pour comprendre qu'en effet, l'histoire est écrite par les vainqueurs et a trop souvent tendance à oublier les souffrances et la détresse des perdants. D'ailleurs, la plupart du temps, y a-t-il véritablement des vainqueurs ou des perdants, lorsque c'est le peuple ou les soldats qui sont pris en considération et pas leur dirigeants ? La lecture est donc très agréable, bien troussée, digne de ce que fut le premier tome. Il n'y a clairement aucune raison de se priver de cette suite qui était vraiment très attendue et disponible chez Delcourt. Il existe aussi une très belle variant cover de Paul Renaud, proposée par Excalibur et Central Comics à 300 exemplaires.



Le Tome 1 est chroniqué ici


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LA ROUTE : MANU LARCENET POUR UNE ADAPTATION ÉPOUSTOUFLANTE


 Un énième récit survivaliste, encore une de ces histoires d'Amérique post apocalyptique où une poignée de survivants lutte pour exister, un jour de plus, sans grand espoir ? Le constat n'est pas tout à fait faux sur le fond, mais il faut admettre que nous sommes loin de la réalité sur la forme. Car ici, oubliez tout ce qui a pu être fait avant et tendez bien la joue pour recevoir ce qui s'annonce comme une gifle magistrale, tant l'œuvre de Manu Larcenet transpire la maîtrise totale, de la première à la dernière case de ce bijou dessiné. La route en question, en fait, elle n'existe pas. C'est un horizon fantasmé, une sorte de rêve éveillé qui permet de tromper la mort. Un père et son fils errent sans but si ce n'est se diriger toujours vers le sud, là où le soleil réchauffera les âmes et leur évitera de succomber aux rigueurs du climat, à défaut de véritablement soigner des corps, qu'on découvre l'espace d'une scène touchante, poignante, devenus décharnés, mis à rude épreuve par la faim, la soif. Impossible même de boire l'eau de pluie sans la filtrer, à cause des cendres omniprésentes qui virevoltent diaboliquement autour des personnages. Il n'y a plus rien dans La Route, ne subsiste rien d'autre que la désolation, une infinie tristesse poisseuse, qui ne vous quitte jamais. Et parfois l'apparition fugace d'un étranger ou d'un groupe de survivants. L'humain est abandonné à lui-même et lorsqu'il rencontre un autre humain, c'est le danger imminent, la paranoïa, l'annihilation, conséquence de cette loi du plus fort qui devient en fait la loi de celui qui sera capable de tout pour aller de l'avant, même si aller de l'avant consistera à régresser, sans avoir par ailleurs d'autre but notable que celui de s'accrocher à une parodie d'existence. Le père et le fils avancent inexorablement, poussant un caddie qui contient le nécessaire qu'ils ont pu conserver, en attendant que tôt ou tard, quelqu'un leur dérobe leurs bien maigres effets. Nihilisme total, pas après pas. 




S'il faut trouver un maigre espoir, une lueur d'humanité, c'est dans la naïveté du fils qu'elle réside. Lui ne saurait se résoudre à manger de la chair humaine, à tourner la tête ou dépouiller le malheureux de passage qui croisera son chemin. Il est hanté par l'idée de la mort imminente, sujet sur lequel il interroge son père, qui ne possède aucune réponse rassurante à lui proposer, si ce n'est qu'ils sont bien, tous les deux, les gentils dans un monde hostile. De ce qui a pu se produire, de qui ils sont ou étaient auparavant, rien de tout cela n'a plus d'importance. Tout est à terre, le monde est condamné, il ne reste rien. Les différents nivaux de gris (et des touches de couleurs à certains moments macabres) renforcent habilement cette impression de lumière avalée. Ce ne sont que des ombres qui progressent, des amas de haillons, ou des guerriers cannibales, des prédateurs attendant de devenir, un jour prochain, eux-mêmes des proies. La route c'est bien entendu l'adaptation au format banc de dessiner du célèbre roman de Cormac McCarthy, qui a valu à son auteur un prix Pulitzer. Et ce n'était pas chose aisée, tant une partie de l'intérêt de cette œuvre est aussi la capacité de demander au lecteur un effort de compréhension, pour aller saisir les non-dits et reconstituer l'intégralité d'un présent délabré. C'est à la fois une chose positive et négative, qui se présentait à Manu Larcenet : avoir toute latitude pour choisir quoi représenter et en même temps, la nécessité d'intégrer et digérer parfaitement le roman, pour savoir quelle sensibilité adopter, quels choix artistiques opérer, quoi montrer, quoi laisser deviner, quoi mettre de côté. Et c'est pour cela que nous parlons sans ambages d'œuvre formidable, car tout est fait pour magnifier le texte de départ, tout en l'enrichissant grâce aux caractéristiques de notre média favori, avec des dessins dont l'impact émotif est proche de l'exceptionnel. Une utilisation parfaite des ombres, des traits hachurés, des cadrage aussi désolants qu'implacables, sur un monde où les humains ont quasiment capitulé. C'est probablement parce qu'en fait il ne se passe presque rien que La Route est capable de tout dire, tout raconter. C'est une histoire profondément humaine, c'est une histoire déchirante et en même temps, ça n'est déjà même plus une histoire. La noirceur est totale et il est impossible de sortir indemne de ce qui est un des albums les plus remarquables que nous ayons eu entre les mains ces dernières années. Artiste protéiforme, capable de se réinventer en permanence, Larcenet nous laisse presque sans voix. Du reste, les regards, les petits gestes, sont plus importants que les mots dans cet univers où ce qui n'est pas dit s'affiche pourtant sous nos yeux, telle une leçon de ce que devrait être, toujours, la bande dessinée.


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LA LÉGION SOMBRE : SCIENCE FICTION MILITAIRE ET VENGERESSE


 Khali et Erioch se détestent cordialement. C'est la raison pour laquelle ils se livrent un ultime combat, un affrontement au dernier sang sur l'île des Géants Pétrifiés. Et ça tourne particulièrement mal pour le premier cité qui finit pratiquement découpé en morceaux et qui se retrouve contraint d'implorer son adversaire, pour qu'il lui donne le coup de grâce. Khali est pourtant un combattant redoutable, dernier maître d'une technique ancestrale appelée le Ghôm Shabbal, caractéristique de sa planète natale. Une planète qui n'existe plus et dont il est le dernier survivant depuis que les troupes de la Légion Sombre ont fait irruption chez lui et ont tout ravagé et détruit. Or, il se trouve que Erioch est le soldat qui menait au front cette force d'assaut des envahisseurs et que si Khali a été épargné, c'est pour être ensuite formé à la dure, pour devenir à son tour un légionnaire d'élite, pour intégrer les rangs de ceux qui ont anéanti les siens. L'histoire commence donc par la fin, avant de remonter le temps et de nous montrer à quel point les deux antagonistes se détestent et à quel point ils se sont rendus coup pour coup, au cours des années qui ont précédé. Avec toujours de la part d'Erioch cette faculté de placer l'adversaire dans des situations humiliantes. Et l'humiliation peut briser un homme, le marquer au fer rouge, mais peut aussi être une puissante motivation pour exercer une terrible vengeance, sans négliger qu'au bout du compte, œuvrer pour la légion et sa toute puissante force de frappe, ça peut aussi être tentant…


Cette histoire se déroule dans l'univers des I.S.S. Snipers. 200 ans ont passé et ce corps d'élite a évolué vers quelque chose d'autre, une espèce de puissance militaire invincible, mise en couple réglée par Reid Eckart, ou plutôt une version améliorée de celui-ci, qui règne en despote et semble réellement intouchable. La légion sombre est dirigée par un ensemble de barons qui peuvent accéder alors à tout un tas de privilèges. Erioch en est un et Khali a pour objectif de le devenir; seulement ainsi, il pourra devenir l'égal parfait de celui qu'il rêve d'exterminer. Vous l'aurez compris, le scénario a tout de même un petit côté assez bourrin, de la science-fiction de combat avec des armes technologiques, des mondes qui s'inclinent et des guerriers mâles alpha qui n'ont qu'une seule envie : se taper dessus ,jusqu'à ce que mort s'ensuive. Oui mais voilà, j'ai beaucoup apprécié la manière avec laquelle Stéphane Louis fait parler ses personnage, sa faculté à leur insuffler des dialogues très naturels, qui correspondent bien à ce que l'on pourrait attendre de ce genre de personnages. Le texte, la manière dont il est rythmé, permet de toujours rester plongé dans l'aventure, sans jamais en sortir, ce qui m'arrive trop fréquemment, étant donné la sensibilité particulière qui me caractérise de ce côté-là, plus encore que pour le dessin. Le dessin, justement, est de belle facture, tandis que le réalisme des parties matérielles ou technologiques contraste avec les corps, les visages, qui eux sont abordés d'une manière plus personnelle, voir un peu caricaturale, ce qui les rend expressifs. C'est un peu comme s'il existait deux Erwan Seure-Lebihan et cela sert plutôt bien l'album. Récit d'anticipation sombre et violent qui se ponctue un petit traité de la trahison et de ses innombrables facettes, voici un album qui n'a pas la vocation de révolutionner le genre dans lequel il s'inscrit mais qui procure indéniablement son bel effet à la lecture.


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SUPERMAN LOST : UN SUPERMAN PERDU ET RETROUVÉ


 Comment partir d'une situation des plus banales, pour se lancer dans un récit épique qui défie l'imagination ? Comment échapper à la logique et au quotidien des choses, pour placer un héros dans une situation inextricable, dans un ailleurs où le temps s'écoule inexorablement, pendant que les affects, eux, sont restés sur Terre ? Comment s'éloigner à des milliards d'années-lumière de notre planète pour en dresser un constat humain et sociétal ironique, par la même occasion ? Comment reproduire un des grands drames fondateurs du super-héroïsme, placer Superman face à ses démons, l'essence même de son rôle si singulier ? Il va y avoir de tout cela au menu de Superman : Lost, une mini (ou maxi, cela dépend comme vous préférez) série en 10 parties, écrite par Christopher Priest et dessinée en large majorité par Carlo Pagulayan. Un récit qui débute avec une journée comme les autres chez Loïs et Clark; les deux amoureux entendent bien passer un peu de bon temps ensemble. La journaliste semble avoir levé un lièvre politique tandis que le super-héros est pour sa part appelé précipitamment pour une de ces missions de sauvetage de dernière seconde qu'il est coutumier recevoir, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Sauf que celle-ci est un peu particulière, un tissu de mensonges, qui va l'amener à disparaître pendant très longtemps. Un ancien navire stellaire vient de s'échouer sur la Terre et son moteur étant alimenté par une singularité quantique (en gros, un trou noir artificiel) et se révélant défaillant, le risque est que toute la planète finisse par être engloutie dans l'espèce de vortex, de néant en cours de formation. Personne ne saurait refermer ce dernier à mains nues; seul un seul être est capable d'un prodige du genre : Superman ! Quitte à se sacrifier et être lui-même aspiré par le trou noir. Superman qui disparaît donc de notre plan d'existence et qui ne refait son apparition chez Loïs que vingt ans plus tard, vingt ans qui pour nous se résument d'emblée en quelques cases, puisque nous découvrons dès le premier épisode un héros de retour, littéralement choqué, presque prostré. Les neuf épisodes suivants vont nous compter ce qui lui est arrivé.


Superman Lost est une œuvre véritablement ambitieuse; elle se permet même de réécrire le mythe de Superman ou plutôt de le faire advenir à nouveau. Le concept est fascinant ! Alors que Loïs tape son article et que quelques minutes s'écoulent, son super héros de mari est piégé dans un secteur aussi lointain qu'inconnu de l'espace et il va mettre vingt ans à revenir à son point de départ, sans que le temps se soit vraiment écoulé. Comment cela est possible ? Et bien disons que c'est un subterfuge que je vous laisse découvrir, mais qui remet clairement en question l'identité même du personnage. C'est extrêmement bien vu et réjouissant à lire. Entre-temps, ce Superman isolé va devoir affronter la solitude, la diminution de ses pouvoirs (qui sont toujours sujets à l'intensité et la couleur du soleil des mondes sur lequel il évolue); il va incarner à nouveau l'espoir de tout un peuple, puis une fois encore risquer de tout perdre. Il va s'habituer et s'attacher à de nouveaux êtres, mais également devoir résister à la tentation : vingt ans sans sa femme, ce n'est pas rien. On va croiser toute une série de personnages qui oscillent entre le truculent (de petits extraterrestres bien pétulants) et le menaçant, tandis que Superman ne baisse jamais les bras. Mais il va toutefois (et c'est fort humain) se laisser gagner parfois par le découragement mais aussi par la conviction et la motivation qui l'habitent depuis toujours, c'est-à-dire ne jamais tourner le dos aux opprimés, à ceux qui sont en danger, même si cela est en contradiction totale avec ses propres désirs. Voilà pourquoi ce Lost est de grande qualité et qu'il respecte bien les caractéristiques principales de l'Homme de demain, en le plaçant dans une situation qui a tout de l'aporie, conceptuelle et technique. Le dessin de Carlo Pagulayan s'adapte très bien à ce récit et il nous offre quelques planches de toute beauté, en tout cas d'un fort impact émotionnel, tout comme le sont celles des autres dessinateurs qui viennent prêter main-forte, pour des moments bien particulier de l'histoire, à commencer par Lee Weeks, que nous adorons, et qui illustre le crépuscule d'un héros que nous croyions intouchables. Une lecture poignante par endroits, assurément intelligente.

Sortie vendredi


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : CELUI QUI EN A TROP VU


 Dans le 173e épisode de son
 podcast, Le bulleur vous présente L’homme qui en a trop vu, histoire basée sur le témoignage du photoreporter Ali Arkady que met en scénario Simon Rochepeau, en dessin Isaac Wens et qui est édité chez Futuropolis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Les Beatles à Paris, un titre que nous devons au scénario de Philippe Thirault, épaulé par Vassilissa Thirault, au dessin de Christopher et c’est publié aux éditions Robinson

- La sortie de l’album Les herbes sauvages que l’on doit à l’auteur Adam de Souza et qui est édité chez Gallimard

- La sortie de l’album Delta blues café que l’on doit au scénario de Philippe Charlot, au dessin de Miras et que publient les éditions Grand angle

- La sortie de l’album Des femmes guettant l’annonce que l’on doit à Fedwa Misk pour le scénario, Aude Massot pour le dessin et qui est édité chez Sarbacane

- La sortie d’Après, le troisième et dernier tome de la série Cadres noirs, adaptation d’un roman de Pierre Lemaitre par Pascal Bertho au scénario, Giuseppe Liotti au dessin et c’est édité chez Rue de Sèvres

- La réédition dans la collection La bibliothèque de Daniel Clowes des éditions Delcourt de Pussey, album que l’on doit à Daniel Clowes



 
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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...