RANDOLPH CARTER TOME 1/2 : LA VILLE SANS NOM


 Les œuvres de H.P. Lovecraft constituent un réservoir inépuisable dans lequel la bande dessinée n'a pas fini de puiser. La dernière preuve en date est à retrouver chez Soleil, avec la première partie d'un diptyque dont la sortie est prévue pour mercredi prochain. Il s'agit de Randolph Carter, avec "La ville son nom". Randolph Carter est un personnage récurrent dans l'œuvre de Lovecraft puisqu'il est au centre de sept récits différents. On considère d'ailleurs qu'il s'agit du double de l'auteur, qui se met ainsi en scène dans certaines de ses aventures. Comme je suis né en Picardie, je retrouve donc avec intérêt une bataille dans la Somme, en 1916, durant la Première guerre mondiale, en guise d'introduction de cet album. Randolph Carter et ses hommes sont des légionnaires qui sont envoyés au combat dans les tranchées, contre les Allemands. Seulement voilà, alors qu'il s'attendent à tomber sur toute une troupe d'assaut d'ennemis motivés, il se font attaquer un jour par une armée de créatures nauséabondes et en décomposition, des goules, que rien ne semble arrêter. Les créatures  fondent sur les légionnaires pour les déchiqueter ! Personne n'en réchappe, sauf évidemment le héros de notre histoire, qui va être sauvé in extremis, pris en charge à bord d'un train puis envoyé vers Marseille, où il va avoir l'occasion de se remettre sur pied, dans un hôpital prévu à cet effet. C'est là-bas qu'il va faire une rencontre décisive, celle d'un ancien marin devenu fou, après avoir fait naufrage à l'issue de l'abordage subi par un bateau allemand, dans les eaux du Pacifique. Le type est parvenu à s'échapper, mais dans l'incapacité de lire correctement une carte marine, il a fini par s'échouer, traverser des territoires hostiles… et lui aussi a fait la rencontre de ces terrifiantes goules !



C'est Simon Treins qui est au scénario de ce qui s'annonce comme un diptyque : la seconde partie est d'ores et déjà prévue pour le début de l'année 2025. À mon sens, ce qui fait l'intérêt de cet album (et la raison pour laquelle nous l'avons particulièrement apprécié) c'est que les goules ne sont pas présentes d'un bout à l'autre. En fait, il ne s'agit pas d'une course à l'horreur effrénée, d'une accumulation de scènes de carnage. Au contraire, nous suivons Randolph Carter dans ses pérégrinations, avec la rencontre d'un autre légionnaire qui va devenir son ami, mais qui en secret a bien d'autres objectifs. Et surtout, l'étrange pendentif qu'il porte autour du cou et qui semble lui attirer beaucoup de curiosité, mais aussi des problèmes. C'est donc un récit qui prend la forme d'une enquête, qui laisse planer de sombres présages, notamment de trahison, et qui dessine les contours d'un culte mondial, des tunnels du métro de New York au Moyen-Orient. Jovan Ukropina est une fois de plus irréprochable au dessin, avec un travail très soigné, qui permet de proposer une caractérisation convaincante et réussie de chacun des personnages, mais aussi de transporter le lecteur, même dans les scènes statiques, avec des paysages détaillés et très minutieux. Le découpage des planches est habile, maintient l'intérêt et rend l'évolution de l'action aussi lisible qu'efficace. La lisibilité est vraiment la qualité de "La ville sans nom"; on a parfois lu des adaptations des œuvres de Lovecraft qui donnent dans la surenchère et finissent par faire tourner la tête du malheureux lecteur, à qui l'on déverse incantations, maléfices et horreur jusqu'à plus soif… ça n'est pas le cas ici. Le dosage est équilibré, ce qui mérite amplement qu'on donne une chance à cet ouvrage publié chez Soleil.




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DARK KNIGHTS OF STEEL TOME 2 : LA GUERRE DES TROIS ROYAUMES


 Dark Knights of Steel se présente comme la énième relecture de l'univers des super-héros de la Distinguée Concurrence. Cela veut dire qu'il y en a eu beaucoup et parmi le lot, certaines sont tout de même nettement plus intéressantes que d'autres. Ici, il s'agit d'un univers médiéval où la magie fait partie du décor et où une guerre dramatique entre plusieurs royaumes est sur le point d'exploser. Pour être honnête, c'est bien construit, très intéressant à lire, avec des personnages caractérisés comme on les aime et suffisamment fidèles aux originaux pour que personne ne soit perdu en route. Pour faire simple, rappelons que le royaume principal (aux mains de la famille des El) vient de perdre son roi, qui a été assassiné. Kal-L (en apparence), l'héritier du trône, a grièvement blessé l'équivalent du jeune Batman de cet univers (lui aussi doté de super pouvoirs), qui est parti panser ses plaies en compagnie de ceux qui constituent les Titans. L'autre royaume, celui des Orages, a également perdu violement son souverain. La réaction va être terrible, d'autant plus que John Constantine, toujours aussi retors et peu enclin à respecter un certain code d'honneur et une déontologie dans l'action, pousse à la guerre éclair. Ajouter à cela les Amazones, avec la reine Hippolyte qui s'apprête à marcher sur le royaume des El. Et puis, il y a le camp de ceux qui pourraient bien empêcher le sang de couler, avec Harley Quinn qui sollicite l'aide de celle qui gouverne la forêt et la rend vivante (Poison Ivy, bien sûr), mais aussi Wonder Woman (la fille d'Hippolyte) qui tente de stopper sa mère, convaincue qu'il y a anguille sous roche et que tout le monde se précipite sur le champ de bataille sans réfléchir.

Tom Taylor manie donc avec une grande dextérité tous les personnages et le tome 2 se révèle peut-être même encore plus intéressant que le premier (critique disponible ici). Il était alors question d'introduire les différentes factions et d'expliquer au lecteur ce qu'étaient devenus les héros dans ce monde inédit. Ici, c'est tout d'abord la grande bataille entre les trois royaumes qui fait rage, dans la première partie, avec l'impression d'une sorte de tuerie permanente, pour finalement bien peu de choses. Mais un twist très important vient changer complètement la donne, à la fin du 3e épisode, et la seconde partie et elle celle qui va enfin dresser tous les protagonistes contre le véritable grand ennemi de cette histoire. Là aussi, un tour de force réussi, avec une bascule très bien effectuée, qui permet de relancer l'intérêt et de conclure la série sur une très bonne note. Pour le dessin, c'est en grande partie Yasmin Putri qui s'occupe de mettre en scène tout ce joli linge. Avec elle, l'énergie est de mise et les planches, toujours très lisible et construites de façon à ne jamais induire en erreur celui qui est en train de lire, fonctionnent à merveille. Elle parvient à réinventer toute la cosmogonie DC comics et la plupart des design, les versions médiévales, sont en effet aussi sobres, efficaces. C'est donc la conclusion d'une aventure somme toute assez brève (mais qui aura un appendice très bientôt, si l'on en croit les sorties américaines annoncées) et qui fait partie du haut du panier, en terme d'Elseworlds et autres construction basées sur ce que nous lisons depuis des années, mais subtilement différentes. Une réussite, tout bêtement. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : HABEMUS BASTARD


 Dans le 176e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente L’être nécessaire, premier tome sur deux d’Habemus bastard que l’on doit au scénario de Jacky Schwartzmann et au dessin de Sylvain Vallée, qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Bâtardes de Zeus que l’on doit à Agnès Maupré et aux éditions Dupuis

- La sortie de l’album Verts que l’on doit à Mario Besançon qui co-signe le scénario avec Patrick Lacan pour un titre édité chez Rue de Sèvres

- La sortie de l’album La part des lâches que l’on doit à Marguerite Boutrolle qui édite ce nouvel ouvrage chez Virages graphiques

- La sortie de l’album Silence d’amour que signe Matthieu Parciboula et qu’édite la maison Casterman

- La sortie de l’album Chroniques du grand domaine que signe l’autrice Lili Sohn et qu’édite Delcourt dans la collection Encrages

- La sortie de l’intégrale de la série Darnand, le bourreau français, trois tomes réunis dans un seul volume signé Pat Perna pour la partie scénario, Fabien Bédouel pour le dessin et c’est publié chez Rue de Sèvres.




 
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BACKTRACK : LA GRANDE COURSE À TRAVERS LE TEMPS


 À bien y réfléchir, nous avons tous des épisodes de notre passé peut reluisants, que nous préférons oublier. Ou mieux encore, que nous souhaiterions modifier, s'il nous était possible de revenir en arrière et d'intervenir sur le cours des événements. C'est forcément le cas pour Alison Levy, une excellente pilote automobile, qui a malheureusement trempé dans des histoires louches, qui lui ont valu de se retrouver dans une situation personnelle complexe. Pour avoir plus de détails, il faut évidemment progresser quelque peu dans le récit. Ce que l'on apprend d'entrée, par contre, c'est l'offre qui lui est faite : une course de voitures est sur le point d'être organisée, course un peu particulière puisque le vainqueur aura l'opportunité de modifier l'épisode de son choix, de son propre passé. Notre "héroïne" reçoit d'ailleurs sur son portable une vidéo impossible en théorie, qui achève de la convaincre qu'il ne s'agit pas d'une plaisanterie cruelle, mais bien de quelque chose d'aussi mystérieux que formidable. Oui mais voilà, la course ne va pas être exactement ce qui avait été promis : à peine les moteurs ont commencé à rugir que tous les participants sont plongés dans un passé lointain, à l'ère du Crétacé… et certains vont se faire dévorer tout crus par des dinosaures, ou subir l'attaque de ptérodactyles. L'occasion pour le scénario de Brian Joines de se concentrer alors sur les autres concurrents et de brosser toute une série de portraits d'individus, qui ont de bonnes raisons pour prendre le volant et tenter de décrocher un succès précieux. Et le lecteur n'est pas au bout de ses surprises, puisque le Crétacé n'est qu'une première étape ! D'un épisode à l'autre, les concurrents (qui perdent peu à peu des unités) vont investir d'autres grands moments de l'histoire, comme par exemple l'Empire Byzantin au VI° siècle, en pleine période de peste.


Bien entendu, un des ressorts et des plaisirs de l'histoire, c'est de voir les concurrents passer d'une époque à l'autre et se retrouver aux prises avec de nouveaux problèmes, en apparence insoluble. C'est ainsi qu'ils sont pris au piège d'un violent tremblement de terre, il y a plusieurs siècles de cela; se retrouvent en Allemagne de l'Est, capturés par la police est-allemande dans les années 1970, ou sur le territoire américain, durant la guerre de sept Ans. Et comme si les bonds dans le passé ne suffisaient pas, il faut aussi noter qu'à un moment donné, ils sont tous plongés dans le futur ! La seconde raison importante d'aimer cette histoire, ce sont les rapports qui s'établissent entre les personnages, une forme de solidarité entre concurrents, qui finissent par se rapprocher. Quoi de mieux finalement pour ajouter du pathos et rendre l'inévitable discrimination encore plus dramatique ? D'autant plus que les secrets inavouables sont faits pour être dévoilés. Le dessin de Backtrack est réalisé par Jack Elphick. Cet artiste anglais joue la carte du dynamisme, de la vitesse (normal, pour une course de voitures) et la construction de ses planches alterne vignettes horizontales longues avec des cases plus brèves, qui permettent de donner de la fluidité et de l'agressivité à son travail. Il est comparé par l'éditeur comme une sorte de Matteo Scalera et ce n'est pas totalement faux, notamment dans l'utilisation des lignes cinétiques et dans la capacité de donner au lecteur l'impression que la page va lui sauter aux yeux. Backtrack n'est pas en soi une lecture qui révolutionne radicalement le genre dans lequel elle s'inscrit, mais c'est un divertissement assumé, qui a aucun moment prétend être ce qu'il n'est pas, truffé d'action, de rebondissements. Cette sortie, disponible depuis quelques semaines chez Komics Initiative, vous fera l'effet d'un triple café au pied du lit : de quoi vous donner une sacrée énergie pour la journée!



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IRON FIST L'ARME VIVANTE : DU KAARE ANDREWS EN MARVEL DELUXE


 Le mois de mai est aussi l'occasion de fêter les 50 ans d'un personnage qui n'est pas forcément à ranger parmi les plus connus de l'univers Marvel, mais qui a eu l'occasion, ces dernières années, de bénéficier d'une belle exposition médiatique. Avec principalement une série diffusée (à l'époque) sur Netflix. Certes, Iron fist n'a pas eu droit au produit télévisé le plus inspiré de tous, néanmoins la tentative est louable et elle a permis d'ouvrir les yeux du grand public sur les aventures de Danny Rand. Signalons donc l'apparition d'un Marvel Deluxe qui reprend une série sobrement intitulée The Living weapon confiée aux bons soins de Kaare Andrews. Exit le Danny cool et prêt à croquer la vie à plein dents, place à un héros torturé et glacial : rien ne semble l'atteindre, même au lit en compagnie d'une jolie journaliste. Un héros dont les secrets remontent à l'enfance, liés à la famille, aux premières années, ce qui permet une relecture intelligente et utile de ses origines. Ce Deluxe présente alors une recherche de K'Un Lun -cité mystique qui se manifeste sur notre plan de réalité une fois par décennie - qui se termine en tragédie pour le petit Danny. Ceci est exposé sous forme d'un flash-back répété, alors que le héros passe d'une interwiew, à une soirée au resto, puis une nuit très intime, avec sa conquête du soir, dont au final il ne se rappellera plus même le nom lorsqu'elle sera mise en danger par sa faute. Il y a de l'humour dans ce titre, un humour froid et cynique, qui colle avec ce personnage qui se voudrait adepte d'une certaine forme d'ataraxie, derrière laquelle semble plutôt se cacher un vide émotionnel, une carence émotive peut être inévitable, chez qui prétend maîtriser à la perfection les arts martiaux, au point de gagner le statut pas forcément envié d'arme vivante. Car qui dit arme dit combats, batailles, et cette série n'échappe pas à l'axiome. Danny subit un raid au petit matin, et il va devoir mettre à profit ses capacités physiques exceptionnelles pour rester en vie, et protéger celle qui vient de malencontreusement passer la nuit avec lui. Tout ceci est admirablement bien raconté par le biais de planches inventives et expressionnistes, qui empruntent autant à Frank Miller, Jim Steranko, ou Quentin Tarantino. Un tourbillon visuel et narratif saupoudré de zombies ninjas cybernétiques et de combats au dernier sang.



Danny Rand a beau vouloir s'en affranchir et vivre sa vie américaine, il est happé par son passé, ses premières années, et ce qui se passe en son absence dans la cité de K'Un Lun. Une petite messagère est censée le rappeler "chez lui" car de bien sombres événements se déroulent en son absence. Qui impliquent le Tonnerre, son maître et formateur, et pourraient remettre en question tous les choix que Iron Fist a pu accomplir jusque là, qui ont fini par faire de lui une arme vivante, au détriment de l'immortalité, et probablement d'une certaine idée de la sérénité et du bonheur. On apprécie un Kaare Andrews très convaincant et inspiré. Des dessins personnels, racés, avec une mise en page inventive et diaboliquement brute et percutante. Voici là une histoire qui donne envie d'aller plus loin, avec une narration contrôlée, rythmée, et un personnage qui sait être attachant d'emblée, tout en évitant la répétition de ce qui a été fait précédemment, sur les pages de The Immortal Iron Fist (omnibus prévu pour début juin, après quelques jours de retard sur la date initiale). Andrews est aussi réalisateur de longs métrages (deux à ce jour) et cela se perçoit dans le découpage, dans son story-telling. Certaines intuitions, comme de voir apparaître les os des avant-bras lorsqu'il use de ses pouvoirs, ou l'utilisation des couleurs (le rouge surtout) et d'un costume simplifié qui lorgne vers le Bruce Lee de la légende, sont autant de coups de génie qui contribuent à forger un style et un ton unique pour ce titre jamais banal. Les scènes de combat sont puissantes et expressives, et on ne relève que bien peu de défauts dans cet album maîtrisé de bout en bout. Même si vous ne connaissez que très peu Iron Fist, foncez!


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UN DERNIER ÉTÉ AU CIMETIÈRE : TRANCHES DE DEUIL AVEC SANTAMATITA




Chacun est libre de passer ses vacances où il le souhaite, mais il faut bien admettre de l'idée de rester un mois dans un cimetière et d'occuper en guise de petit appartement des cryptes mortuaires… c'est un peu singulier ! C'est néanmoins ce qui se déroule chaque année en Italie et nous allons retrouver une joyeuse troupe de vacanciers, à l'occasion de ce qui sera leur dernier été, puisque nous apprenons en cours d'album que le cimetière va être bientôt fermé, pour des raisons de sécurité. En fait, chacun vient en vacances dans ce cadre étrange pour des raisons différentes. Nous suivons en particulier le couple composé de la jeune Diletta et de son mari Adam (ils habitent désormais de l'autre côté de l'Atlantique). Ils sont accompagnés de Cosmo, leur petit garçon, encore naïf. Diletta n'a toujours pas digéré la mort de ses parents, qui ont récemment péri dans un accident. Pire encore, elle n'a pas pu être là pour l'enterrement. Elle a encore besoin de temps pour accepter les faits et cela se fera progressivement, à travers des séquences oniriques dans lesquelles elle va parvenir, peu à peu, à donner un sens à sa tristesse. C'est quelqu'un qui en temps normal ne parvient pas à communiquer facilement, qui garde pour elle toutes ses émotions. Son mari est très à l'écoute, il fait de son mieux pour lui faciliter la tâche, tandis que le petit garçon va enfin se faire des amis et vivre à sa manière des aventures singulières. 



Giorgio, lui, est un autre personnage important, qui est à une autre phase du deuil. Sa compagne est morte depuis des années; pour autant, il éprouve le besoin de hanter les lieux, dans le cimetière, car il ne peut pas se détacher du souvenir de celle qui n'est plus là, même si pour lui la chose est définitivement actée. Pendant que les adultes sont empêtrés dans leurs sentiments personnels, dans leurs souvenirs, dans la nécessité d'aller de l'avant, les (petits ou pas, il y a de grands ados) enfants eux se réunissent, découvrent une crypte remplie d'eau, qui va leur servir de piscine, ainsi que des ossements. Tout pour eux semblent merveilleux, ou en tous les cas bien plus léger qu'aux yeux de leurs parents. Marco, Chiara et son "amoureux" Ivan, ont des soucis différents, il y en a pour tous les âges. Un dernier été au cimetière est aussi l'occasion d'aborder des thèmes comme l'homosexualité, à travers un personnage qui subit une forme de rejet et de méfiance et qui va permettre à un des adolescents de s'accepter, de comprendre qu'il vaut mieux une vérité, certes difficile mais porteuse d'avenir, que de s'enfermer dans un mensonge, auquel plus personne, au bout d'un moment, ne croit. Plusieurs niveaux de lecture et de vision de la réalité se croisent dans cette œuvre réalisée par une jeune artiste turinoise (Serena Ferrero, alias Santamatita) qui signe ici son premier roman graphique, et parvient à exprimer à sa manière tous ces regards différents, dans un style brut et parfois abstrait, où la forme et les couleurs prédominent sur les détails, qui sont souvent volontairement éludés. Une manière de faire particulière qui risque de ne pas forcément séduire tout le monde, mais qui est en tout les cas la marque de quelqu'un qui a choisi de développer son propre univers, avec un album qui se veut le pont entre la tristesse du deuil, son élaboration nécessaire et des lendemains où il sera possible de partir à nouveau, de se détacher. Bref, de vivre tout simplement. Touchant et singulier, disponible chez Ankama.



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CANARY : WESTERN ET HORREUR AVEC SNYDER ET PANOSIAN


 Au départ donc, il s'agit d'un western : nous sommes dans la région de l'Utah, en pleine période de la conquête de l'Ouest américain. Nous sommes aussi en plein drame et c'est la raison pour laquelle le récit va basculer assez rapidement dans un versant horrifique. C'est que la région est secouée par des crimes étranges et assez atroces. Le dernier en date est à attribuer à un petit gamin, qui a tiré à bout portant sur sa maîtresse, pendant l'école. Du coup, il faut un type à la hauteur pour enquêter et quoi de mieux que le Marshall William Holt ? Ce dernier est un habitué de la région puisqu'il y est déjà intervenu dans le passé, pour éliminer un tueur en série appeler Hyrum Tell. William est quelqu'un dont les méthodes sont assez expéditives et qui ne s'embarrasse pas des formes, quand vous lui êtes antipathique ou quand il n'a pas envie d'être là : il vous le fait comprendre assez rapidement. C'est aussi une personnalité célèbre puisque la plupart de ses grands exploits de marshall ont fait l'objet d'adaptations sous forme de romans à 4 sous. Il faut dire que le type est capable de soigner son image, puisqu'il endosse un masque, en réalité une sorte de foulard, qui lui donne un aspect sombre et sans pitié, lorsque l'instant le requiert. Bref, notre homme de loi se retrouve en mission dans la petite ville de Canary, là où se situe une vieille mine abandonnée, qui pourrait bien être la cause de tous ces mystères et de tous ces crimes. Pour l'aider dans sa tâche, nous découvrons aussi Edison Edwards, un géologue venu sur le terrain pour expérimenter ses théories et lui aussi, trouver une explication aux sinistres phénomènes.


Canary est écrit par Scott Snyder, dans le cadre de sa nouvelle étiquette Best Jackett Press. C’est-à-dire que les épisodes sont tout d’abord publiés sur Comixology, au format digital, avant de passer au papier chez Dark Horse (et en Vf uniquement chez Delcourt). Snyder, c’est un peu une variation sur le thème, un Mark Millar venu d’un autre univers. Il partage avec le démiurge écossais cette faculté à dégainer des pitchs qui retiennent très vite l’attention du lecteur, tout en recyclant des éléments qui appartiennent déjà à la pop culture mondiale. Mais là où Millar reste linéaire, voire même simpliste (ce n’est pas forcément un mal, par ailleurs) pour tendre vers la résolution de son intrigue, Snyder prétend sortir toute une série de lapins du chapeau, complexifier les enjeux à coups de science fiction ou de rebondissements souvent complexes, et qui finissent par perdre le lecteur le moins aguerri. Ici aussi, lorsque nos héros descendent dans la mine et vont se confronter avec la réalité de la menace, ce qui justifie l’existence de toute la mini série, on finit par se retrouver face à face avec des réminiscences familiales issues du passé de William, et des créatures monstrueuses et fantastiques dont on ne saisit jamais réellement et pleinement la nature. Tant que Canary suit de près ses personnages et joue avant tout sur la tension narrative et le non-dit, c’est une belle réussite. Les deux derniers épisodes sont beaucoup plus confus et viennent ternir l’impression d’ensemble. On admirera sans retenue le travail de Dan Panosian, absolument parfait quand il s’agit de donner des effets bruts à une histoire, de présenter des visages marqués, expressifs, des paysages sauvages et austères. Il a pris une dimension folle et ses planches sont désormais d’une classe évidente. Snyder nous plaît aussi quand il tente de mettre en scène son géologue noir, qui permet d’aborder furtivement le sujet du racisme, sans enfoncer une porte ouverte, par allusions. Il se contente du service minimum par contre, avec la jolie Mabel, fille de celui qui pourrait bien être responsable de toute la tragédie en cours à Canary (et ancien exploitant de la mine). Un album à demi réussi qui ne creuse pas ses idées de façon cohérente et choisit une fuite en avant dans l’horreur et le mystique, qui ressemble un peu à de la facilité. Dommage.


 
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DAWN OF GREEN LANTERN TOME 1 : RETOUR AU BERCAIL


 L'histoire est un éternel recommencement pour Hal Jordan. Le type a beau être le Green Lantern le plus célèbre de l'univers et avoir sauvé les fesses de notre civilisation un bon paquet de fois, il doit régulièrement repartir de zéro, victime d'un caractère un peu trop bouillant et de décisions éditoriales pas toujours heureuses. Nous le retrouvons ainsi dans un état proche du vagabondage, au début de ce premier tome de la nouvelle série Dawn of DC. Hal habite dans un mobil-home et il a perdu son emploi. Ses emplois, devrait-on dire, car il a momentanément tourné le dos à sa fonction de "lanterne" (il faudra progresser dans la lecture pour comprendre précisément ce qui s'est passé) mais aussi à sa profession terrestre. Rappelons qu'il était autrefois pilote d'essai chevronné pour la compagnie Ferris et qu'il était aussi le petit ami de Carol, qui dirige la boîte, d'ailleurs. Jordan est actuellement célibataire et il tente de renouer avec son ancienne flamme, qui entre-temps s'est dégottée un nouveau petit copain et n'a certainement pas l'intention de replonger dans les vieilles et mauvaises habitudes. Voilà pour l'essentiel, quand on aborde le nouveau titre tel qu'il est écrit par Jeremy Adams. Au dessin, Xermanico fait de très belles choses et œuvre dans la catégorie de ces illustrateurs très minutieux, qui visent à un réalisme spectaculaire, à l'énergie primaire des comics héroïques. Seulement voilà, on a à peine le temps de s'installer confortablement dans la série que déjà on bascule dans le grand crossover Knights of terror.  Et on se retrouve abruptement avec deux épisodes qui nous emmènent sur un tout autre terrain, pour explorer les peurs les plus profondes, d'un héros qui n'a en fait rien à craindre de personne. 


Et bien entendu, qui dit retour sur le devant de la scène de Hal Jordan dit aussi réapparition de Sinestro, qui se trouve à son tour dans une mauvaise passe. Le type est loin d'être ce super vilain capable d'instiller la peur dans le cœur de tous ceux qui le croisent; il est devenu plutôt pathétique et sa seule ambition est de retourner sur sa planète natale, Korugar, pour y accomplir de nouveaux méfaits. Pour cela, il a besoin d'un anneau de Lantern et celui de Hal pourrait fort bien faire l'affaire. Attention cependant, à défaut d'inspirer la peur, la frustration peut engendrer beaucoup de colère, et alors la rage peut devenir un excellent combustible… Heureusement, Flash est toujours aussi serviable et son aide est précieuse. La nouvelle série Green Lantern se laisse lire agréablement; tous les épisodes apportent quelque chose à l'intrigue et globalement, on referme l'album satisfait de ce qu'on a découvert. Par contre, il manque ce souffle épique des grandes aventures qui nous emmènent au fond de l'espace ou nous permet de nous confronter à des enjeux cataclysmiques. Ici, nous sommes plus proches de l'humain, avec un scénario qui n'est pas sans rappeler ce qui chez Marvel était autrefois advenu au Silver Surfer, alors qu'il était prisonnier de notre planète Terre. Ici, Jordan ne peut plus officier au-delà de la stratosphère, notre planète a été mise en quarantaine par ses supérieurs et il faudra continuer à lire, pour véritablement comprendre tout ce qui a pu se produire. Le récit insiste aussi sur l'évolution des techniques de combat, le passage de l'humain aux commandes aux drones. C'est secondaire en apparence, mais c'est bien vu et amené. Notons également la publication des backup stories des trois premiers numéros, qui servent d'introduction à la future série Green Lantern: War journal, dont le héros est cette fois-ci John Stewart. Pour un avis définitif, il faudra donc attendre ce second titre en parallèle, et donc le second volume de l'édition Urban Comics de Dawn of DC Green Lantern.



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EERIE ET CREEPY PRÉSENTENT ALEX TOTH : UN MAÎTRE À L'HONNEUR CHEZ DELIRIUM


 Less is more. Tout le monde connaît plus ou moins le sens de cette expression américaine et en effet, elle se passe généralement de traduction. Elle correspond parfaitement au travail d'un des monuments de la bande dessinée d'outre Atlantique du 20e siècle, Alex Toth. Même si celui-ci n'est pas forcément sur toutes les lèvres, en raison de la difficulté de lui attribuer un travail ou une série en particulier, et d'un caractère assez ombrageux qui l'a poussé à claquer beaucoup de portes et souvent changer d'éditeur. Roth était un des grands maîtres dans l'utilisation du contraste, du noir et blanc, dans l'art de faire surgir des formes de la noirceur la plus totale, pour apporter vie et mouvement en quelques traits essentiels, renonçant à tout effets spéciaux ou esbroufe inutile, à la recherche d'une synthèse expressive qu'il a toute sa carrière durant voulu remodeler et reformuler à l'envie. Que ce soit dans la bande dessinée ou l'animation. La mise en page aussi fait partie de ses obsessions et il n'a eu de cesse de plier le média à ses velléités d'essentialité et de vitalité. Dans ce splendide album que propose Delirium, qui regroupe tous les récits bref publiés dans les anthologies Eerie et Creepy, c'est-à-dire des histoires horrifiques ou fantastiques, je vous recommande par exemple de vous pencher sur celle qui est à la fois une leçon de cinéma et de bande dessinée. Une production intitulée Irréel dans laquelle nous suivons l'arrivée de "Baba" Boon, un acteur de premier plan, à l'époque des grands studios hollywoodiens de la première partie du 20e siècle. La manière dont se déplace, dont évolue  le personnage (la troisième vignette de la seconde planche, totalement anodine en apparence absolument magnifique dans son exécution) les évolutions du comédien qui s'avéra en fait être un robot durant le tournage, tout cela ressemble à une petite leçon d'art séquentiel, administrée avec délicatesse et savoir-faire. Qu'on retrouve aussi dans cette audace, le noir complet, une sorte d'aplat sur lequel faire naître la planche, doté d'une construction anarchique qui vient déchirer l'obscurité, au service du diptyque consacré au Hachoir, un criminel qui découpe ses victimes (des policiers de Scotland Yard) avec un instrument de cuisine tranchant. C'est absolument magnifique, une conclusion imparable à l'ensemble de l'album.


On a un coutume de dire que rien ne se crée vraiment, mais que tout se réinvente ou se recycle. Si vous êtes par exemple des admirateurs du travail de Frank Miller, de Mike Mignola, ou même plus récemment encore de Chris Samnee (qui me semble, a bien des égards, le véritable héritier spirituel de Toth aujourd'hui), alors vous devriez vous retrouver en territoire connu dans cette publication chez Delirium. Toth va à l'essentiel, comme je l'ai déjà souligné : les visages, les formes, tout est réduit en quelques traits et ça peut-être un pli, une ombre, un cadrage, une mise en lumière qui sert à affiner le personnage, à expliciter l'action. Le corps en soi et ses détails n'étant que des éléments parmi d'autres. La mise en scène est toujours extrêmement travaillée et les cadrages très inspirés; tout ceci ajoute bien entendu beaucoup de cachet à des histoires qui sont principalement basées sur la suggestion. Elles ne sont pas toutes géniales, certaines ont une conclusion un peu rapide ou téléphonée, mais il faut aussi les resituer dans leur contexte et savoir en apprécier le charme nostalgique. Parmi les meilleurs récits (souvent scénarisés par Archie Goodwin), nous trouvons celui d'un extraterrestre venu s'échouer sur terre et sauvé par une famille de fermiers, avant d'être victime du racisme et des préjugés (Papa et Pi). Réjouissante aussi cette histoire d'illusionniste dont le clou du spectacle est de trancher la tête de son assistante et qui utilise en réalité un subterfuge inattendu, pour réitérer chaque soir son exploit sanguinolent (l'illusion de Malphisto, avec Romeo Tanghal également). Toth est vraiment au sommet de son art dans un récit court comme La faucheuse, où il est question d'un politicien important qui vient de découvrir qu'il est atteint d'une tumeur maligne et qui va inexorablement partir, mais certainement pas seul ! Dans ces pages, le dessin anticipe ce que réalisera plus tard l'artiste argentin Eduardo Risso, par exemple, et c'est l'opposé des pages qui concluent l'album (rappelez-vous, le Hachoir, je vous en ai parlé plus haut) avec là au contraire un encrage appuyé au noir qui lacère et contamine la feuille blanche. Il y a parfois de petites touches de gris, comme cet épisode qui met en scène un photographe qui a mis au point une nouvelle technique pour développer ses clichés, mais qui va être victime d'investisseurs malhonnêtes, prêts à tout pour lui voler sa découverte. Puisqu'il est question de photo, Toth dessine comme s'il s'agissait de clichés. Les planches basculent en mode paysage, comme nous dirions aujourd'hui, et une fois de plus la technique choisie pour illustrer le conte s'adapte à son contenu, tentant une fusion entre le genre artistique évoqué et celui dans lequel s'exprime Alex Toth. C'est d'autant plus le moment de redécouvrir ce dessinateur incontournable que l'un des personnages qui l'ont rendu le plus célèbre, Zorro, est sur le point de faire lui aussi un retour au premier plan. Ne soyez pas surpris si vous ne connaissez pas Alex Toth mais qu'en feuilletant l'ouvrage, vous avez l'impression d'y reconnaître d'autres grands professionnels, que vous avez l'habitude d'identifier. L'influence qu'il a eu sur la bande dessinée américaine est immense et cette anthologie extraite des publications Eerie & Creepy viens nous rappeler qu'elle est tout sauf galvaudée. Bref, du comic book patrimonial, et d'une élégance et d'une classe folle.



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WONDER WOMAN HORS-LA-LOI : LES AMAZONES CONTRE LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE


 Parmi toutes les nouvelles séries DC comics récentes, la plus attendue, pour ce qui nous concerne, était probablement celle consacrée à Wonder Woman, écrite par Tom King et dessinée de manière absolument époustouflante par Daniel Sampere. Nous y voici déjà, puisque Urban comics propose la semaine prochaine le tome 1 de Hors-la-loi, le nouveau grand récit qui mérite absolument votre intérêt le plus sincère. Une fois n'est pas coutume, nous allons commencer avec le travail du dessinateur : Sampere n'a jamais été aussi exceptionnel et c'est peu de le dire ! Chaque vignette est une œuvre d'art en soi; l'héroïne qu'il présente est une synthèse merveilleuse de tout ce que nous apprécions trouver chez Diana. Elle est belle, forte, majestueuse, imposante, élégante, et dans les scènes de combat, elle dégage une aisance impressionnante, qui la place à part sur un piédestal, très loin au-dessus du commun des mortels, dont il faut le souligner, elle ne fait pas partie. King poursuit son travail de déconstruction (ou dans ce cas précis, d'analyse minutieuse) pour écrire quelque chose d'inédit, de pertinent, capable de coller à l'actualité et au préoccupations contemporaines. Wonder Woman est une amazone, c'est-à-dire fondamentalement une "femme" qui appartient à une race de déesses, dont les valeurs et la structure sociétale ne sont pas exactement les mêmes que les nôtres (et plus particulièrement que les États-Unis d'Amérique). Les hommes, dont beaucoup se sentent déjà menacés par les revendications féministes du 21e siècle, sont tous indésirables sur l'île Paradis, le repère féerique des compagnes de notre héroïne. Si les Amazones vivent parmi nous et sont présentes dans tous les États-Unis, la cohabitation va être mise à très rude épreuve le jour où un meurtre de masse est commis dans un bar. 19 hommes ont été battus à mort et laissés dans un bain de sang, tandis que les deux femmes ayant assisté à la scène ont elles été épargnées. L'auteure de ce crime est une amazone, les premiers indices, les premières pages, nous laissent à penser qu'elle a été molestée et que sa réaction a été ultra violente. Reste que le gouvernement américain réagit à sa manière, c'est-à-dire en donnant la chasse aux Amazones, en décidant de les expulser du territoire américain, quitte à utiliser la manière forte, c'est-à-dire les exterminer. Et c'est un certain Sergent Steel qui est chargé de mener à bien l'assaut, qui comprend, bien évidemment, l'objectif ultime de s'en prendre à Diana, la plus célèbre de toutes. Wonder Woman, quoi.



King fait ce qu'il sait faire de mieux, en prenant appui sur un domaine qu'il maîtrise à la perfection, grâce à ses anciennes activités professionnelles. Il plonge dans les arcanes de la politique, la manière dont le gouvernement est capable d'instrumentaliser un fait divers et d'orienter l'opinion, pour parvenir à ses fins. King explore la veine complotiste, avec la présence d'un groupuscule qui contrôle ce même gouvernement, plus particulièrement la figure du Souverain, une sorte de roi véritable du pays, dont il tire en secret les ficelles. Les présidents l'écoutent et lui obéissent, c'est lui qui impose son agenda et sa vision du monde au reste de la nation. Mais que peut-on vraiment imposer à Wonder Woman, elle qui est capable de défier une armée toute entière, de soulever des chars d'assaut pour balayer les soldats qui se dressent contre elles, d'affronter quelques uns de ses pires ennemis, dans une coalition assassine, qui n'a guère de chance face à celle que rien n'arrête définitivement. King n'oublie pas non plus d'écrire des dialogues sincères et parfois profonds, notamment lorsque Diana et Steve Trevor sont amenés à se confronter. L'homme qu'elle aime est au service de l'armée américaine, il doit être soumis à son devoir, pour autant il devient aussi le pion de ses supérieurs dans une machination où chaque acte de violence en appelle un successif, encore plus violent. Le lecteur est de plus gratifié de scènes extraites du passé qui ajoutent solennité et grandeur au personnage de Wonder Woman, et d'une parenthèse assez étonnante : alors que l'Amérique donne la chasse à la plus grande héroïne de la planète, celle-ci décide de passer la journée avec un enfant malade et condamné, qu'elle emmène sur son île, là où aucun "mâle", quel que soit son âge, n'est censé poser le pied. Et ça n'est pas sans heurts. Encore et toujours, Sampere accompagne le récit dans ses chemins de traverse, par des planches qui laissent pantois. Du grand art. Un numéro spécial consacré à Trinity, la "fille" de Wonder Woman, vient achever ce premier tome. Trinity est par ailleurs celle à qui est censée être narrée l'aventure que nous lisons dans Hors-la-loi, ce qui explique l'importance qu'on lui accorde à ce stade de la série. Une publication très intelligente, soignée, fascinante.  (sortie vendredi 24 mai)


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA TRILOGIE MARSEILLAISE (CHEZ GRAND ANGLE)


 Dans le 174e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente la trilogie marseillaise qui regroupe les trois albums Marius, Fanny et César, adaptation des ouvrages de Marcel Pagnol par Eric Stoffel et Serge Scotto avec Sébastien Morice, Amélie Causse, Winoc et Victor Lepointe pour le dessin et c’est édité chez Grand angle. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Retour à Lemberg, adaptation en bande dessinée du livre de Phillipe Sands que l’on doit au scénario de Jean-Christophe Camus, au dessin de Christophe Picaud et c’est édité chez Delcourt


- La sortie de l’album L’imprimerie du diable que l’on doit au scénario de Virginie Greiner, au dessin d’Annabel et c’est édité chez Les Arènes BD


- La sortie de l’album Coccinelle, chercher la femme, album que l’on doit à Gloria Ciapponi pour la partie scénario, Luca Conca pour le dessin et c’est édité chez La boite à bulles


- La sortie de l’album Truman Capote, Retour à Garden City que l’on doit au scénario de Xavier Bétaucourt, au dessin de Nadar et c’est édité chez Futuropolis


- La sortie de l’album Les ennemis du peuple que l’on doit au scénario d’Emiliano Pagani, au dessin de Vincenzo Bizzari et c’est édité chez Glénat


- La réédition dans la collection La bibliothèque de Daniel Clowes, qu’édite la maison Delcourt, de Caricature, titre que l’on doit à Daniel Clowes.


 
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LÀ OÙ GISAIT LE CORPS : NOUVELLE ENQUÊTE POUR BRUBAKER ET PHILLIPS


Il y a aussi beaucoup d'humour dans la dernière œuvre conjointe de Ed Brubaker et Sean Phillips. Vous le savez peut-être, si vous nous suivez depuis un certain temps, nous sommes absolument fans de la doublette magique et ça ne va certainement pas s'arrêter avec Là où gisait le corps. Il y est question d'un crime (apparemment) et de la recherche du coupable, mais en réalité, rien ne va se produire comme prévu dans cette enquête rocambolesque qui n'en est pas une. Ni dans les raisons qui expliquent au final cette mort violente, ni même au niveau des personnages, tous impliqués dans leur vie quotidienne au sein d'une ville de la banlieue américaine aussi morose qu'oubliée de tous, sur la carte. L'histoire présente toute une série de destins qui se croisent, avec au menu : une femme au foyer plutôt gironde, qui trompe son mari. Ce dernier, qui est aussi le psychiatre le plus en vue de la région, un flic qui n'en est pas vraiment un mais n'est pas le dernier pour faire vibrer sexuellement la première citée, une gamine qui rêve d'être une super héroïne, un foyer qui accueille des junkies un peu paumés, ou encore un vétéran du Vietnam qui vit comme un sans domicile fixe, sans oublier un détective privé venu de l'extérieur, pour mener sa propre enquête. Vous mettez tout ça dans le mixeur et vous agitez bien fort, et vous verrez que tout finit par avoir un sens, puisque les actions des uns ont des répercussions sur la vie des autres. Seulement voilà, pour une fois, oubliez ces histoires tragiques de mafia, de drogue, de tueurs en série… Brubaker prend un malin plaisir à nous emmener faire un tour dans les marges, prend des chemins de traverse en continuation, n'hésite pas à recourir à tout un tas de rebondissements cocasses, pour créer une ambiance différente de ses œuvres précédentes et qui se révèle totalement et diablement sympathique.




Certes, quand vous ouvrez cet album, vous avez tout de suite une carte détaillée du quartier et des différents endroits qui vont apparaître, ainsi qu'une pleine page qui permet de se familiariser avec les personnages. Pour autant, ce ne sera pas une enquête, un jeu de piste traditionnel. D'ailleurs, le corps, censé être retrouvé à un moment donné du récit, tarde à se manifester; et au fur et à mesure que défilent les pages, la question devient même totalement anecdotique ! Ce qui fonctionne très bien dans Là où gisait le corps ce sont ces tranches de vie en apparence insignifiantes, mais qui ont toutes pour celle ou celui qui est concerné une importance fondamentale, comme peuvent l'être dans nos souvenirs des bribes extraites de notre passé ( bribes qui ont été utilisées par le scénariste pour réaliser ce roman graphique). Brubaker utilise aussi plusieurs voix dans son ouvrage : il a recours cette fois à des monologues intérieurs de chaque personnage, qui viennent apporter un changement de rythme et éclairer le lecteur sur les émotions et les motivations de chacun des habitants mis en cause. Sean Phillips est toujours aussi crucial dans le travail irréprochable du duo et ses dessins apportent une sorte de réalisme rétro qui colle admirablement bien avec le ton du récit. La mise en couleurs du fiston Jacob est parfaite et permet de souligner avec pertinence et minutie les états d'âme des protagonistes. Il est toujours difficile et risqué d'établir un classement des meilleures œuvres réalisées conjointement par Brubaker et Phillips, tant ces deux-là ont à leur palmarès une liste impressionnante de succès indéniables. Néanmoins, je me risque à dire qu'il est envisageable de placer Là où gisait le corps sur le podium. Truculent, léger par endroits, grave quand il le faut, c'est un must read absolu de ce début d'année, chez Delcourt.



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CARICATURE : NEUF HISTOIRES DU FAUVE D'OR DANIEL CLOWES


 9 petites histoires, 9 petits destins cabossés qui nous sont brièvement exposés, avec des individus qui portent un regard singulier sur la société qui les entoure, dans laquelle (en règle générale) ils n'ont pas trouvé de véritable place. Ceci à un moment de leur existence où la perception des autres (et même de soi) se brouille. La difficulté de communiquer et donc de se positionner par rapport au reste du monde a toujours été une des thématiques chères à Daniel Clowes (Fauve d'Or 2024 à Angoulême avec Monica, sa dernière œuvre originale en date) et on retrouve une fois encore ce sujet dans ces bref récits, qui oscillent allègrement entre l'humour caustique et le drame existentialiste. Ce recueil porte le titre de Caricature et cela tombe bien, car la première histoire met en scène un certain Mal Rosen : c'est son métier que de dessiner les personnes qui le paient pour cela, tout en exagérant leurs traits physionomiques, dans des salons professionnels où le public vient se payer une petite œuvre d'art, à bon marché. Mal fait la rencontre d'une jeune fille à peine sortie de l'adolescence, qui semble être fan de son travail, ce qui l'amène à une sorte d'introspection artistique. On sent poindre aussi la possibilité d'une relation intime, qui est aussi vite abandonnée qu'elle est imaginée. Il y a beaucoup de tristesse, mais aussi d'observations pertinentes et aiguës sur l'existence, dans ces pages qui comptent parmi les plus intéressantes de l'album. Dans les nippes italiennes bleues, on se retrouve avec un jeune adulte qui nous présente ses différentes expériences de colocation et son rapport avec les femmes, qui n'a rien d'extrêmement brillant. La morosité poussée comme exercice de style, avec brio. La maman dorée est ensuite le premier de ces récits mis en couleurs. Le protagoniste va y suivre une trajectoire absurde et cauchemardesque, qui démarre dans un salon de coiffure, alors qu'il n'a pas l'argent pour payer la coupe qu'il a réclamée, jusqu'aux lieux de son enfance, qui marquent aussi le point de départ du délitement de son identité. Si vous sentez comme un petit courant d'air, c'est le souffle glacé du désespoir qui vient aussi vous lécher l'échine, chez Daniel Clowes.




Les souvenirs et notamment l'enfance sont importants chez Clowes. Que ce soit lorsqu'il s'agit de profiter de la soirée d'Halloween pour s'en aller frapper aux portes et se heurter à l'absurdité des relations humaines, ou pour évoquer des souvenirs de vacances avec des premiers émois sentimentaux bien stériles, qui se transforment en chronique de l'absurde et du désœuvrement, l'auteur n'a pas son pareil pour utiliser des instants de vide et en faire quelque chose à la fois triste, singulier et drôle. Le temps qui passe, c'est aussi le constat qui est dressé dans un court récit intitulé 1966 dans lequel cette fois, c'est le ton désabusé et sarcastique qui fait mouche, avec une société d'autrefois qui a disparu, prétexte pour laisser éclater l'humour décapant d'un dessinateur dont le trait caricatural et les personnages hébétés et parfois même inquiétants et repoussants, parviennent à saisir le non-sens présent dans tous les strates de la société. Des freaks, des losers, encore et encore. Les tous derniers récits sont peut-être les plus difficiles d'accès, ceux qui semblent un peu plus confus, métaphysiques, ou en tous les cas moins immédiatement abordables par le grand public. Nous trouvons une histoire plus longue que les autres, qui est aussi une réflexion sur la nature de l'artiste, avec un type qui a une relation avec l'épouse d'un gynécologue, mais aussi un récit plus bref qui permet de revenir sur la figure du super-héros et de sa place dans la société américaine. Un sujet que Daniel Clowes a abordé à plusieurs reprises, avec un sarcasme évident. Notons également les déboires d'une certaine Mona Beadle, seule protagoniste féminin de Caricature, qui transpose le mal-être de la classe moyenne chez l'autre sexe, tout aussi désorienté. L'ensemble est bien entendu de très bonne facture et permet d'approfondir, si besoin était, le rapport étroit entre Clowes, son pays l'Amérique, qu'il l'examine décidément sous toutes les coutures, mais aussi le média, la bande dessinée, qui est régulièrement le terreau dans lequel ces petites histoires prennent racine.
Cet album s'inscrit dans la série de rééditions publiées chez Delcourt, la collection "la bibliothèque de Daniel Clowes)



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ÂME AUGMENTÉE : PERSONNAGES EN QUÊTE D'IDENTITÉ CHEZ 404 GRAPHIC


 Si vous êtes jeunes, beaux et en bonne santé, vous n'avez peut-être pas encore abordé la question de manière frontale. Autrement, il est possible que vous vous êtes déjà demandés un jour comment retourner à cet état initial, lorsque vous aviez l'impression d'être au sommet de vos capacités, ou bien tout bêtement de correspondre à cet idéal psychophysique qu'il est parfois possible d'atteindre, avec un peu de chance et de bons gènes. Avec l'âge, arrive la décadence du corps, qui n'est autre finalement qu'une forme de mort cellulaire au ralenti. Bref, pour leur 45e anniversaire de mariage, Hank et Molly Nonnar ont décidé de passer le cap. C'est qu'il existe désormais une procédure expérimentale qui pourrait leur permettre de retrouver le corps qu'ils avaient avant, un corps beaucoup plus tonique et expurgé de toutes les tares génétiques ou des dégâts accumulés au fil des ans, qui ont fini par rendre leur quotidien si difficile à accepter et contempler. Comme vous pouvez bien entendu le deviner, s'il existe une histoire aussi passionnante à lire dans Ame augmentée, c'est que la procédure ne va pas exactement se dérouler comme prévu. Il est question en réalité de clonage, de donner naissance à deux créatures censées être les nouvelles versions du couple. Mais ces doubles ne ressemblent en rien à des êtres humains normaux; leur apparence est totalement déroutante et pas véritablement engageante. Par contre, dès l'instant où ils sont dotés de la parole, on se rend compte qu'ils sont intellectuellement bien supérieurs, que leur progression est constante, au point de ne pas véritablement savoir jusqu'où est susceptible d'aller leur potentiel. Les deux doublettes vont se retrouver face à face et pouvoir échanger. Avec d'une part des "originaux" qui souffrent de migraines et poursuivent un inévitable délitement, jusqu'à ne plus être l'ombre que d'eux-mêmes, et de l'autre des formes inédites et qu'on pourrait qualifier de monstrueuses, mais qui incarnent aussi le potentiel accompli et poussé à son paroxysme des modèles de départ.



Qu'on le veuille ou non, notre existence se définit aussi par notre rapport aux autres et l'image de nous-même que nous projetons dans le monde extérieur. Ensuite, il faut y associer les expériences passées et les capacités intellectuelles. C'est ainsi qu'on peut véritablement définir ce qu'est un individu. Et il est extrêmement compliqué de démêler les fils de l'écheveau, lorsque les doubles de cette histoire se rencontrent. D'autant plus qu'au chapitre des expériences, il faut ajouter les sensations et bien évidemment les sentiments tout ce qu'il y a de plus humain, comme l'affection ou l'amour. Derrière la difformité ou le génie, qui sont un peu des pôles opposés mais qui ont un point commun évident, le fait d'isoler ou d'éloigner des autres, se cache tout simplement la question fondamentale de savoir qui nous sommes vraiment, ce que nous souhaitons, comment trouver un peu de repos et de plaisir dans une existence qui peut en être avare. Mais aussi, comment être capable d'affirmer clairement nos objectifs et nos désirs, lorsque tout le monde autour de nous semble vouloir choisir à notre place. C'est ainsi que le traitement révolutionnaire ici inventé a vu le jour, lorsqu'un des scientifiques de l'expérience a décidé que le processus devait aussi permettre de sauver sa sœur, victime d'une difformité, une maladie handicapante au visage. De quoi faire d'elle esthétiquement un freak puis tout décider à sa place. Un élément très important dans l'histoire, puisque cette Lina va se retrouver confrontée au nouveau Hank et à travers ce regard différent et inaccessible aux autres, va aussi tisser des liens qui vont se répercuter profondément sur la seconde partie du récit. Âme augmentée est une lecture qui nécessite une véritable implication de la part du lecteur, tant pour en saisir toutes les ramifications et les rebondissements de l'intrigue, que pour l'intelligence du regard humaniste et presque entomologique que porte son auteur, Ezra Claytan Daniels. Avec un dessin aux tonalités volontairement grotesques par moments, et des planches d'une grande lisibilité, qui n'ont pas peur de représenter le statisme qui prédomine, sans ennuyer et tomber dans la banalité. Ce sont les personnages qui donnent vie et sens à l'ensemble. L'ouvrage est proprement fascinant et bénéficie d'une publication en VF à la hauteur, comme l'éditeur 404 Graphic à l'habitude de le faire; c'est-à-dire un grammage remarquable au niveau du papier et une présentation dans un volume cartonné grand format luxueux. Assurément, une des lectures qu'il vous faut réellement expérimenter en ce début d'année, sous peine de passer à côté de quelque chose que vous pourriez regretter par la suite.



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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

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