LÀ OÙ GISAIT LE CORPS : NOUVELLE ENQUÊTE POUR BRUBAKER ET PHILLIPS


Il y a aussi beaucoup d'humour dans la dernière œuvre conjointe de Ed Brubaker et Sean Phillips. Vous le savez peut-être, si vous nous suivez depuis un certain temps, nous sommes absolument fans de la doublette magique et ça ne va certainement pas s'arrêter avec Là où gisait le corps. Il y est question d'un crime (apparemment) et de la recherche du coupable, mais en réalité, rien ne va se produire comme prévu dans cette enquête rocambolesque qui n'en est pas une. Ni dans les raisons qui expliquent au final cette mort violente, ni même au niveau des personnages, tous impliqués dans leur vie quotidienne au sein d'une ville de la banlieue américaine aussi morose qu'oubliée de tous, sur la carte. L'histoire présente toute une série de destins qui se croisent, avec au menu : une femme au foyer plutôt gironde, qui trompe son mari. Ce dernier, qui est aussi le psychiatre le plus en vue de la région, un flic qui n'en est pas vraiment un mais n'est pas le dernier pour faire vibrer sexuellement la première citée, une gamine qui rêve d'être une super héroïne, un foyer qui accueille des junkies un peu paumés, ou encore un vétéran du Vietnam qui vit comme un sans domicile fixe, sans oublier un détective privé venu de l'extérieur, pour mener sa propre enquête. Vous mettez tout ça dans le mixeur et vous agitez bien fort, et vous verrez que tout finit par avoir un sens, puisque les actions des uns ont des répercussions sur la vie des autres. Seulement voilà, pour une fois, oubliez ces histoires tragiques de mafia, de drogue, de tueurs en série… Brubaker prend un malin plaisir à nous emmener faire un tour dans les marges, prend des chemins de traverse en continuation, n'hésite pas à recourir à tout un tas de rebondissements cocasses, pour créer une ambiance différente de ses œuvres précédentes et qui se révèle totalement et diablement sympathique.




Certes, quand vous ouvrez cet album, vous avez tout de suite une carte détaillée du quartier et des différents endroits qui vont apparaître, ainsi qu'une pleine page qui permet de se familiariser avec les personnages. Pour autant, ce ne sera pas une enquête, un jeu de piste traditionnel. D'ailleurs, le corps, censé être retrouvé à un moment donné du récit, tarde à se manifester; et au fur et à mesure que défilent les pages, la question devient même totalement anecdotique ! Ce qui fonctionne très bien dans Là où gisait le corps ce sont ces tranches de vie en apparence insignifiantes, mais qui ont toutes pour celle ou celui qui est concerné une importance fondamentale, comme peuvent l'être dans nos souvenirs des bribes extraites de notre passé ( bribes qui ont été utilisées par le scénariste pour réaliser ce roman graphique). Brubaker utilise aussi plusieurs voix dans son ouvrage : il a recours cette fois à des monologues intérieurs de chaque personnage, qui viennent apporter un changement de rythme et éclairer le lecteur sur les émotions et les motivations de chacun des habitants mis en cause. Sean Phillips est toujours aussi crucial dans le travail irréprochable du duo et ses dessins apportent une sorte de réalisme rétro qui colle admirablement bien avec le ton du récit. La mise en couleurs du fiston Jacob est parfaite et permet de souligner avec pertinence et minutie les états d'âme des protagonistes. Il est toujours difficile et risqué d'établir un classement des meilleures œuvres réalisées conjointement par Brubaker et Phillips, tant ces deux-là ont à leur palmarès une liste impressionnante de succès indéniables. Néanmoins, je me risque à dire qu'il est envisageable de placer Là où gisait le corps sur le podium. Truculent, léger par endroits, grave quand il le faut, c'est un must read absolu de ce début d'année, chez Delcourt.



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