DELCOURT CÉLÈBRE LES TRENTE ANS D'UN CERTAIN HELLBOY


 C'est en 1994 que la carrière de Mike Mignola prend un tournant décisif. Le premier numéro de Hellboy fait son apparition dans les comic shops américains, sous la forme d'un personnage créé uniquement parce que le nom sonnait bien. L'enfant. De l'enfer. Hell/Boy. Réactions enthousiastes ? Que nenni ! « Bon, on vivra dans un studio pour le reste de notre vie, n'est-ce pas ? » s'exclame sa femme en réaction à ce choix, mais les événements prennent rapidement une toute autre tournure. « Si Hellboy avait été une bande dessinée ordinaire et n'avait pas été associée à des artistes comme Frank Miller, Dave Gibbons, Geoff Darrow et Art Adams… s'il n'avait pas bénéficié de cette association, je pense qu'il serait passé inaperçu. Il n’a trouvé son public que grâce à ce groupe, et il y a eut au début cette phase où la série reçut une attention qu'elle n'aurait normalement jamais obtenue. Qui sait ? Nous ne saurons jamais ce qui se serait passé sans Legend. Pour moi, c'était "le bon endroit et le bon moment" », confiera plus tard l'auteur. Dès les tout premiers numéros – écrits avec John Byrne – Hellboy parvient à générer une alchimie unique, se présentant comme une sorte de cocktail pop pétillant bien que les ingrédients utilisés soient loin d'être conventionnels. Ce n'était pas encore l'époque où l'on construisait une œuvre autour des jeux vidéo rétro ou des films adolescents et régressifs des années 1980. La vague post-moderne venait juste de pointer le bout de son nez, ouvrant un champ infini de possibilités. Mike Mignola réussit à rassembler sous une même bannière Poe, Lovecraft, les Nazis, Jack Kirby, l'expressionnisme, les conspirations, l'ésotérisme et une nette prédilection pour le gothique, façon Hammer. Le résultat, déjà en soi extraordinaire, prend tout son sens grâce à la brillante intuition d’employer un protagoniste à l'opposé de ce que l'on aurait pu imaginer. Hellboy n'est pas seulement le fils d'une sorcière et d'un démon, invoqué environ 300 ans après sa conception par un moine fou au service de la division Ahnenerbe des SS – ce qui est déjà assez bizarre pour un comic book grand public – mais c'est surtout un vétéran de guerre. Et il agit en conséquence. Élevé par le professeur Trevor Bruttenholm dans une base de l'armée de l'air des États-Unis, il devient à l'âge adulte le meilleur détective du Bureau for Paranormal Research and Defense (le BPRD, qui aura également sa série), sans perdre une miette du pragmatisme acquis au fil d'années de vie militaire. Nous n'avons pas affaire à fanfaron à super pouvoirs, à la réplique facile, mais à un véritable Américain, dur comme le cuir, authentique et sans illusions. Pour trouver l'inspiration principale de son héros, Mike Mignola n'a pas eu à chercher bien loin et l'a finalement modelé d'après son père. «La personnalité de Hellboy est beaucoup plus inspirée de moi, mais certains aspects physiques sont basés sur mon père. […] Mon père a manqué la Seconde Guerre mondiale mais il a participé à la Guerre de Corée ; c'était un dur à cuire, le genre de type qui rentrait à la maison couvert de sang après avoir volontairement mis la main dans une machine. C'était un type coriace. Il aurait pu allumer une allumette sur ses mains calleuses.» Encore une fois, Mike Mignola se montre aussi revêche qu'un morceau de bitume, les pieds bien ancrés au sol et dépourvu de toute gloriole facile. Plus les années passent, plus il est surprenant de voir comment un dessinateur avec une telle attitude pragmatique est parvenu à créer l'un des comics les plus emblématiques et visionnaires des trente dernières années, capable de générer un univers narratif en constante évolution. D'où l'intérêt de se poser, avec cet album spécial édité par Delcourt.



 En évoquant les influences du cinéma allemand sur son art – une référence loin d'être évidente, pour un comic book peuplé de monstres, de bagarres et d'apocalypses récurrentes – Mignola explique : «Je n'ai jamais dit que je voulais faire quelque chose de ce genre, mais ce sont des films que j'ai beaucoup regardés et auxquels j'ai réagi. Depuis le début de ma carrière, j'ai utilisé beaucoup d'ombres, et la réalisation de la planche commence justement par cela. Le point de départ a toujours été le noir et blanc, et au fil des années, cela n'a fait que devenir plus contrasté encore. À partir de là, j'ai commencé à ajouter et à dessiner des angles exagérés, aux architectures et aux éléments. Pour moi, il était important de sortir Hellboy du monde réel et de le placer dans un endroit sans règles volumétriques classiques.» Malgré le fait que Mignola ne nourrisse pas d'ambitions démesurées et un nom pas vraiment rassurant, Hellboy connaît un essor assez rapide. Il ne rend pas le dessinateur riche, mais il lui permet de rester à l'écart des travaux des grandes maisons d'édition et de faire exactement ce qu'il veut. En essayant de suivre le flux des arcs narratifs au fil des ans, on se rend compte de la grande liberté que Mignola insuffle à sa créature. Contrairement à d'autres scénaristes, capables de planifier le déroulement des événements des années à l'avance, ici tout se déploie de manière organique et désordonnée, en épisodes courts suivis d'événements plus structurés. Comme si, de temps en temps, quelque chose capturait l'imagination de l'auteur et le poussait à construire une histoire autour de cela. «En ce qui concerne la popularité de mon Hellboy, tout ce que je sais, c'est que j'ai pris tout ce que j'aime et je m'en suis servi. J'ai essayé d'écrire Hellboy comme s'il était une personne normale. Pas comme un super-héros de bande dessinée. Et peut-être que cela se ressent un peu.» Une attitude de fan, totalement détachée de toute forme d'approche entrepreneuriale propre à bien de ses collègues. Mignola n'est pas McFarlane, par exemple ! Cela se reflète dans l'approche légère et désinvolte du sujet, avec un scénariste lui-même obligé d'admettre qu'il est le premier à se perdre dans la continuité désordonnée de sa créature !Les films avec Guillermo Del Toro, entre 2004 et 2008, vont achever de transformer Hellboy en un phénomène pop contemporain, et asseoir la réputation d'un Mignola, alors arrivé au pinacle. 




Pour en revenir à l'album anniversaire qui est publié chez Delcourt, celui-ci commence avec le premier arc narratif, la première véritable histoire de Hellboy en plusieurs épisodes, intitulée "Les germes de la destruction". Elle permet de comprendre parfaitement quel est le ton de la série, l'ambiance, ainsi que la manière dont Hellboy est né ou pour le moins à pénétré dans notre dimension. Même chose au niveau des dessins où l'art de Mignola est déjà capable de retransmettre à merveille ce qui va faire le succès de la série dans les années à venir. Le gros pavé édité par Delcourt nous offre ensuite une sélection de récit tous indépendants les uns des autres, généralement des numéros spéciaux, parfois très courts (comme le célèbre petit interlude avec un Hellboy baby qui découvre la saveur et le plaisir des pancakes). Ils sont adaptés de contes ou de légendes à travers le monde, où il est question d'ectoplasmes, de fantômes, de lutins, de sorcières ou d'incantations démoniaques. Il ne s'agit pas d'épisodes inédits, même s'ils ont l'avantage de présenter une thématique commune, puisqu'ils développent à chaque fois une des facettes de l'univers de Hellboy, avec comme clé de lecture l'ésotérisme, le fantastique et un humour décalé qui apparaît d'une histoire à l'autre. Chacun de ces récits est introduit par une page d'explication, dans laquelle Mignola donne des détails sur la manière dont il a conçu l'histoire, avec qui (parfois même l'aide sa fille), dans quelles circonstances ; En fin d'album, on trouve tout un ensemble de bonus avec de très nombreux croquis et couvertures, qui permettent d'apprécier le trait et l'évolution d'un Mignola qui est entré dans la légende avec un personnage qui a aussi su faire une carrière brillante au cinéma. Un album qui n'apporte presque rien à ceux qui suivent fidèlement Hellboy et possèdent déjà l'intégralité de ses parutions, mais qui représente un sacré joli cadeau à ceux qui voudraient le découvrir ou le faire découvrir.


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L'EXCELLENT MÉTAMORPHES TOME 1 : BEAST FRIENDS CHEZ DRAKOO


 Quand il s'agit d'écrire des histoires à destination d'un public adolescent (certes, des histoires que les adultes dévorent aussi sans la moindre honte) et qui mettent en scène des personnages du même âge, Olivier Gay est probablement le scénariste le plus compétent et doué du moment. Et ça peut sembler simple, à première vue. Je suis persuadé que nombre d'entre vous sont persuadés d'être en mesure d'en faire autant. Mais je vous assure qu'il est hautement improbable que vous puissiez atteindre le quart de la moitié du talent d'Olivier Gay, dont chacune des sorties semble plus réjouissante encore que la précédente. Ici, les deux jeunes protagonistes de Métamorphes s'appellent Ambre et Lucas : deux lycéens marseillais de 16 ans, deux clichés comme on en voie dans chaque lycée de France, dont les existences sont éloignées sur tous les points. Ambre est superficielle, c'est une blonde à la plastique irréprochable, dont le père divorcé, quasiment toujours absent et qu'on devine plutôt riche, est à la base d'un train de vie enviable fait de fêtes endiablées et de balades dans les calanques, avec un bateau privé. Ambre est bien évidemment très populaire au lycée, c'est déjà une influenceuse en herbe et le regard qu'elle porte sur ses camarades (ou qu'elle ne porte pas d'ailleurs, quand elle les ignore royalement) est sans pitié. Lucas fait partie de ceux qui sont invisibles à ses yeux. Lui préfère les jeux de rôle, doit composer avec une famille aimante qui lui fixe des limites, passe son temps assis au dernier rang de la classe, et c'est le chanteur d'un petit groupe de rock qui n'intéresse guère qu'une poignée de personnes sur Terre (dont ses amis et membres du groupe). Ces deux là n'ont rien en commun donc, et aucune raison de se rencontrer, sauf que par le plus grand des hasards, un soir alors qu'ils échangent probablement les premiers mots de leurs existences, voilà qu'un camion transportant des produits toxiques projette sur eux un peu du liquide contenu dans des fûts endommagés. Vous l'avez deviné, une étrange transformation va accompagner cet accident fortuit.



Le sort s'acharne et prend un malin plaisir à inverser les rôles. La jeune fille devient une louve-garou, des poils lui poussent un peu partout sur le corps et elle a des accès de rage qu'elle ne parvient pas à contrôler. Certes, la voici désormais surpuissante, mais que faire lorsque vous devez vous épiler en permanence et que vous devenez physiquement un monstre, alors que jusqu'ici toute votre vie tournait autour d'un sens de l'esthétique extrêmement narcissique ? Pour Lucas, les choses sont un peu différentes : il est transformé en une sorte de vampire, qui a certes besoin de sang pour survivre (le seul liquide qu'il parvient à avaler) mais qui en contrepartie est désormais capable d'hypnotiser ses victimes, de leur faire ressentir n'importe quelle émotion à son égard. Bien pratique quand on est transparent aux yeux des autres. Alors oui, il y a aussi le problème qu'il ne peut plus s'exposer à la lumière du jour… Bien évidemment, quand on est lycéen, ce type de problème ne peut pas passer inaperçu et il va falloir composer avec les amis, la famille, mais aussi un "ennemi", qui va se lancer à leurs trousses dans les dernières pages. La recette est toujours la même avec Olivier Gay : des dialogues ultra pétillants, interdiction formelle de s'ennuyer, ne serait-ce que dans une seule vignette, de l'action, des rebondissements, des personnages ultra sympathiques et beaucoup d'humour, car il faut le dire, on sourit, voire on s'éclate franchement d'un bout à l'autre de ce premier tome. Aux dessins, nous retrouvons Jonathan Aucomte, déjà fortement apprécié sur Toutes pour un, qui a un sens inné pour rendre expressifs ses personnages, pour caricaturer les réactions, les embarras ou ces petits moments d'euphorie de l'adolescence, le don de transformer tout ce petit théâtre du quotidien en une joyeuse brigade qui s'imprime durablement dans la rétine. Un duo assurément rodé et qui maîtrise parfaitement son sujet. De quoi vous recommander très chaudement cette bande dessinée au capital sympathie… monstrueux !
Sortie le 3 juillet


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LES COEURS DE FERRAILLE TOME 3 : SANS PENSER À DEMAIN


 Nous vivons une époque socialement tourmentée. Et comme dans toutes les époques tourmentées, nous avons tendance à chercher un bouc émissaire pour expliquer et résoudre les problèmes qui affligent notre quotidien. En règle générale, c'est la couleur de peau, la religion ou les coutumes, qui servent à discriminer l'autre. Mais imaginez un monde où les humains et les robots cohabiteraient, dans le même espace. Cette uchronie de science-fiction poétique est particulièrement réussie et sert de toile de fond à la série Les cœurs de ferraille, dont le troisième tome vient de sortir, et qui est toujours actuellement en publication hebdomadaire, dans la revue Spirou (Dupuis). Beka (Bertrand Escaich et Caroline Roque) fait le choix depuis le départ de proposer des récits indépendants, qui permettent de saisir à chaque fois un aspect ou un argument précis, pour consolider et expliciter son univers. Ici, il va être question d'une romance, d'amour contrarié, et bien entendu, de racisme, de "spécisme", de la peur et du rejet qu'engendre la différence. L'héroïne de ce tome est une adolescente du nom de Naiad, une jolie brunette, fille d'un riche industriel, qui est aussi fascinée par les robots. Elle est d'ailleurs protégée et partiellement élevée par un automate de compagnie, qui est chargé de sélectionner les "bons films" qu'elle a le droit de regarder, mais qui est devenu son confident et une épaule sur laquelle s'appuyer. Du côté des usines du paternel, par contre, les choses se gâtent. Les ouvriers ne sont pas satisfaits de leur sort et décident de se mettre en grève. Problème : la production, les cadences, sont garanties par l'emploi de robots qui veillent au grain. Il suffit d'une simple provocation, de la remarque hautaine et sarcastique d'une employée, pour qu'un des ouvriers perde la tête et agresse violemment un robot. Un acte qui va avoir de lourdes conséquences.



Pour mâter la rébellion, la solution la plus efficace est de recourir à l'intervention d'un robot limier (des modèles déjà aperçus dans les autres tomes de la série). Avec eux, intransigeance et résolution rapide de tous les conflits. Les limiers sont les prototypes les plus désagréables et les derniers qu'on souhaiterait rencontrer en tête à tête, avec ce visage remplacé par un projecteur lumineux, et une apparence de force implacable. Mais voilà, Naiad désobéit, assiste au soulèvement dans l'usine, croise le chemin du robot limier, et va peu à peu apprendre la manière dont vivent ces constructions mécaniques, leurs particularités, le rejet dont elle sont l'objet de la part des humains qui ne voient en eux que des objets parfaits pour les basses besognes, à qui proposer "un verre d'huile" pour les humilier. L'impensable se produit alors, la jeune fille et l'automate vont devenir plus intimes, jusqu'à l'inévitable, sur une plage, lors d'une séquence absolument extraordinaire. Des pages d'une pureté, d'une grâce, comme on n'en a vu très rarement ces dernières années. Comment exprimer l'émotion, les sentiments, les soubresauts de l'âme, quand le personnage n'a pas de visage, pas d'yeux, aucune "fenêtre" pour accéder au monde intérieur ? Il faut alors jouer sur un subtil langage corporel, une inclinaison du projecteur qui sert de tête, utiliser le reflet de la créature dans le regard de Naiad. Bref, Jose-Luis Munuera assène une leçon de storytelling et de maitrise des émois amoureux qui confine à la perfection. Ce troisième tome des Cœurs de ferraille est touchant, sensible, honnête, dramatiquement vrai dans ce qu'il dit et laisse juste entendre. On y parle de tolérance, de la possibilité (ou pas, d'ailleurs) de se (re)trouver, de l'empathie nécessaire pour comprendre l'autre, l'aimer, s'aimer soi-même. Sans emphase, sans rodomontades, juste avec une sacré dose de talent !


Très important : vous pouvez lire ce tome 3 sans avoir lu ou connaître les deux premiers. Les récits sont autonomes. Foncez !


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : JESSE OWENS DES MILES ET DES MILES


 Dans le 177e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Jesse Owens, des miles et des miles que l’on doit à Gradimir Smudja et qui est édité chez Futuropolis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Gonzo, voyage dans l’Amérique de Las Vegas parano que l’on doit à Morgan Navarro et aux éditions Dargaud

- La sortie de l’album Un sombre manteau que l’on doit à Jaime Martin ainsi qu’aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie du troisième tome de la série Les coeurs de ferraille, un titre baptisé Sans penser à demain que l’on doit au scénario du duo Beka, au dessin de José-Luis Munuera et c’est publié chez Dupuis

- La sortie du deuxième et dernier tome de L’élixir de dieu, un tome baptisé Deus ex alambicus pour une histoire que l’on doit au scénario de Gihef, au dessin de Christelle Galland et c’est publié chez Grand angle

- La sortie de l’album Cristal céleste que l’on doit à Joe Sparrow et aux éditions Sarbacane

- La sortie du neuvième et dernier tome des Cahiers d’Esther baptisé Histoires de mes 18 ans, série qui est signée Riad Sattouf et qui est éditée chez Allary.


 
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PARKER GIRLS : LE RETOUR INSPIRÉ DE TERRY MOORE (CHEZ DELCOURT)


 On les appelle les "Parker Girls", c'est-à-dire des femmes aussi fascinantes que dangereuses, appartenant toutes à une organisation criminelle chapeautée par la redoutable Darcy Parker. Autre particularité d'importance, Katchoo, l'une des deux héroïnes récurrentes des différentes séries de Terry Moore, a longtemps appartenu à cette organisation, qui va être extrêmement importante dans l'économie de ce thriller qui vient enrichir tout ce que Moore a déjà écrit auparavant, avec un scénario complexe et rondement mené, qui n'ennuie pas une seule page. L'histoire commence lorsqu'un corps est retrouvé sans vie sur une plage; il appartient à Piper, une Parker Girl, justement, qui avait été "placé" dans les bras d'un millionnaire du domaine de la high-tech, un certain Zack May, qui avait fini par l'épouser. Que s'est-il passé sur leur yacht ? S'agit-il d'un assassinat ou d'un accident ? Toujours est-il que les Parker Girls mènent l'enquête, à leur façon, pour obtenir les informations qu'elles désirent et dont elles ont besoin. Elles n'hésitent pas à séduire, frapper, menacer, s'imposer… ce qui est habituellement le rôle qui revient aux hommes, aux justiciers ou aux espions, aux héros testostéronés et séducteurs. Sauf que dans cette histoire, comme la plupart du temps avec Terry Moore, ce sont les femmes qui tiennent la baguette et décident de la manière dont les événements vont se précipiter. Charlie et Kelly sont chargés de résoudre cette affaire qui pourrait bien s'avérer sordide, tandis que Katchoo (dont le couple qu'elle forme avec Francine bat clairement de l'aile) se joint elle aussi à la sarabande, mais se fait enlever alors qu'elle tentait de se rapprocher de Zack.



Toute l'histoire que vous allez lire est basée sur des faux semblants, avec des personnages qui ignorent vraiment qui sont les autres ou quelles sont leurs intentions véritables. Zack ne sait pas que sa femme est au service des Parker Girls. Mais même ces dernières ne savent pas vraiment qui il est et quels sont ses plans, qui comprennent une alliance avec les Chinois, qu'il compte également trahir par la suite, pour se lancer dans un vaste projet satellitaire (en apparence écologique). En fait, toute l'histoire explose de manière complètement et stupidement inattendue lorsqu'un des associés de Zack décide de tromper le boss avec son épouse e. Pour cela, il puisse dans un compte offshore dont personne n'est censé connaître l'existence, afin d'offrir des cadeaux à l'épouse volage. Ce point de départ, que nous découvrons dès les toutes premières pages de l'album, est le fil qu'il faut tirer pour qu'ensuite l'intégralité de l'intrigue se dévide sous nos yeux. Non seulement c'est très bien écrit mais comme toujours, le trait de Terry Moore fait mouche, dans un noir et blanc très élégant, avec des personnages plastiquement irréprochables et aux formes superbement soulignées. L'artiste démontre que l'univers qu'il a su mettre patiemment en place au fil des années a toujours autant de pertinence, et permet de donner la part belle (une fois n'est pas coutume) à tout un ensemble de personnages féminins de choc. Mais c'est aussi l'occasion d'aborder la question de la situation des couples homosexuels; on retrouve d'ailleurs avec plaisir Francine, par moments, avant les inévitables retrouvailles avec Katchoo, pour un final qui sera cathartique (et explosif) comme vous pouvez vous y attendre. Une véritable réussite, sans l'ombre d'un doute.


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NAMOR THE SUB-MARINER : UN OMNIBUS INCONTOURNABLE AVEC JOHN BYRNE ET JAE LEE

 


John Byrne est canadien, il a la réputation de pouvoir écrire et/ou dessiner des centaines de pages par trimestre. Il n'a pas son pareil pour incarner le Marvel Style des années 1980 et tout ce qu'il touche finir briller de mille feux (Fantastic Four, Alpha Flight, X-Men...). Mais Namor, ce n'est pas de la tarte ! Le héros se prête facilement au persiflage : nous avons face à nous un souverain soupe au laid aux grandes oreilles, toujours prêt à péter un câble à la moindre contrariété, qui passe le plus clair de son temps à déambuler dans un maillot de bain moulant et qui doit, forcément, dégager une certaine odeur de poissonnerie, ce qui n'est jamais un atout pour les relations sociales. Rendre Namor glamour, mission improbable ? Demandez donc à John Byrne, il vous répondra qu'à l'impossible, nul n'est tenu. 



En 1990, il décide de proposer sa version du Sub-Mariner, revue et corrigée pour le public de la fin du siècle. Exit le super-héros incompris et rageur, place à un mutant enfin libéré de ses angoisses, plus posé, qui se lance dans le monde de la haute finance pour protéger efficacement les mers dont il est le gardien écologiste implacable. Scénario et dessins, on n'est jamais aussi bien servi que par soi même, surtout lorsqu'on a du talent. Première mesure, expliquer les sautes d'humeur d'un Namor irritable. Pour ce faire, notre héros rencontre dès les premières pages Cab Alexander, un vieux scientifique amateur, et sa fille, dont il va par la suite tomber amoureux. Cab lui explique avoir deviné la source du problème : un déséquilibre sanguin occasionné par le trop plein, ou la carence en oxygène, consécutive à la dualité terrestre/amphibienne du Prince des mers. Dès lors, Namor décide de profiter de sa nouvelle stabilité caractérielle pour investir la finance, via une compagnie écran, la Oracle Incorporated. C'est en puisant dans les innombrables trésors qui jonchent les reliefs marins qu'il va lever des fonds et lancer sa nouvelle croisade. Qui va lui valoir de perfides nouveaux ennemis, comme les jumeaux Marrs, rivaux à la bourse. Ce qui ne l'empêchera pas de tomber amoureux de la sœurette, à elle seule sorte de gravure de mode ultime du monde de Wall Street d'il y a trente ans. Vous l'avez forcément deviné, notre héros du jour est un chaud lapin. Byrne met ensuite le mutant aux prises avec le Griffon (qu'il dompte aisément) et une créature engendrée par la pollution ambiante, un certain Slug, et lui fait éviter une catastrophe écologique provoquée par des fanatiques de l'environnement. Le Namor de notre omnibus est certes un homme d'affaires, il comprend parfaitement les rouages de Wall Street et il réussit très rapidement à se faire une place parmi les noms qui comptent, parmi les capitaines d'industrie craints et respectés. Mais c'est aussi un écologiste convaincu : il sait le drame de la pollution de notre planète, notamment des océans, dont il est après tout le souverain, et une de ses ambitions évidentes est de ramener un peu d'équité et de propreté dans le débat. Nous pouvons ainsi dans le 6e épisode voir la jeune cousine Namorita prise au piège du cauchemar écologique qu'est Slug, tandis que dans le même temps les jumeaux Marrs acquièrent une importance capitale dans la première partie de l'omnibus, car ils représentent la version diabolique du monde des affaires, des gens sans aucun scrupule et qui ont même d'ailleurs un rapport assez ambigu entre eux. Certes, Phoebe met peu à peu mais de l'eau dans son vin, tandis que le frère, lui, semble être une pourriture que rien ne peut racheter. Namor va aussi croiser la route du Griffon (qu'il va dompter et utiliser comme un coursier ailé) et de Headhunter, la chasseuse de têtes qui permet d'écrire un épisode assez étrange où le lecteur est induit (à tort) à penser que Namor a perdu la sienne ! Un Namor qui perd vraiment ses jolies petites ailes aux pieds, et donc sa faculté de voler, suite à l'exposition à l'agent viral qui a permis de le sortir d'affaire contre la créature composée de déchets, dont nous vous avons déjà parlé. Suivront les créatures végétales de K'un Lun (les H'yltris) et le retour sur scène de Iron Fist, que tout le monde croyait mort. Une visite en Allemagne, à peine réunifiée, pour un mano a mano contre les restes du troisième Reich, guidés par Master Man, le super soldat vert de gris. Le tout avec brio, humour, un sens certain de la narration fluide, et des dessins lumineux et toujours d'une lisibilité appréciable. Byrne restera 25 numéros durant, avant de céder le flambeau à un artiste alors quasi inconnu. Mais qui ne va pas le rester longtemps…


Difficile de faire mieux, en arrivant derrière. On avait atteint un véritable pic de qualité qui faisait craindre le pire pour le successeur. Sauf que ce dernier, à la surprise générale, releva le défi avec brio. Place donc à Jae Lee, un coréen d'origine de dix neuf ans à l'époque, avec à son actif une simple pige chez Marvel, pour la revue anthologique Marvel Comics Presents. Mais quand on a du talent, on peut compenser aisément le manque d'expérience. Le Namor de Jae Lee est radicalement différent de celui de Byrne, il n'essaie pas de singer ou de rendre hommage à son aîné, mais bien d'imposer une nouvelle direction artistique au titre, en le gratifiant de pages ultra expressionnistes, sombres et paroxystiques. Le Prince des mers y apparait massif, doté d'un physique dopé aux anabolisants et noueux, une force sauvage de la nature aux veines saillantes. Les différents personnages n'ont de cesse de se lover dans l'ombre et en sortir brièvement, alors que les cases implosent, saignent, fondent ou se mêlent. Le classicisme de Byrne est foulé aux pieds par un vent de modernité, une déferlante technique impressionnante, qui va redynamiser un comic book plutôt gâté par le sort, avec de tels artistes à sa tête. Pour le scénario, Byrne prolonge quelques mois, le temps de dénouer les fils de l'intrigue précédente : Namor est devenu amnésique, privé de ses souvenirs (il ignore même son identité) par Maître Khan, et il erre dans le midwest américain ou il prête main forte à des activistes écologistes, avant de tomber nez à nez avec Fatalis himself, à bord d'un chalutier de nouvelle génération, qui menace de porter atteinte à la faune marine. C'est ensuite Bob Harras qui prend la relève dans l'écriture, le temps de ramener le Prince des mers à Altantis, où une lourde menace pèse sur son peuple, celle de légendes et de mythes oubliés et craints, qui reviennent à la vie pour détruire le royaume fabuleux. 
Le Namor de Jae Lee constitue une rupture totale par rapport à ce qui a été fait avant, du point de vue de l'approche graphique et risque d'en étonner certains. Je suis même d'opinion que c'est lorsque ce dessinateur est arrivé sur la série qu'elle a atteint son plein potentiel. Byrne a toujours été un dessinateur très compétent, très régulier, avec une souplesse de trait admirable, mais ce qu'a produit Lee dépasse l'entendement. Il suffit de se replonger dans les souvenirs en temps réel, à la découverte des premières planches, dans les pages de Strange : un véritable choc, non seulement artistique, mais philosophique, avec une question essentielle, est-ce que j'aime ou je n'aime pas ce que je suis en train de voir ? C'était véritablement ça l'interrogation, la première fois, avec ces planches expressionnistes, truffées de personnages dont les veines saillantes parcourent des corps anguleux. La couleur, qui est tout à coup disparaît, avec des cases qui ressemblent à des tableaux du Caravage, exposés par un soir d'orage… Bref, ce sont ces épisodes-là qui sont à mon sens les véritables pépites de l'omnibus et qui méritent d'être conservés à jamais. Omnibus que vous devez lire !


 Malheureusement, pour un ouvrage si attendu, de 90 euros, on pouvait s'attendre à une dernière couche plus soignée, pour éviter certaines erreurs étonnantes (la première à la… première page) ou des formulations malheureuses. Panini continue de faire relire et/ou de lettrer en Italie, sauf erreur de ma part. C'est un vrai problème. Exemple flagrant ici : 


Notre vidéo sur cet omnibus dispo ici :

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HITOMI : À LA RECHERCHE DU SEUL SAMOURAÏ NOIR


 Nous embarquons pour le Japon à l'ère féodale, à la fin du 16e siècle. Pas besoin d'une machine à remonter le temps, il suffit de se rendre chez votre libraire de confiance, à partir du 28 juin, et de vous procurer Hitomi, une bande dessinée publiée dans un grand format très élégant, ce format employé pour évidemment séduire les amateurs de productions européennes "plus traditionnelles", récurrent chez Urban Comics. HS Tak nous raconte l'histoire d'une jeune fille (Hitomi, donc) dont toute la famille a été assassinée par un samouraï, des années auparavant. Le type s'appelle Yasuke et c'est un individu très particulier, étant donné le contexte. C'est le seul samouraï à la peau noire. Il est entré à la cour de Nobunaga, grand seigneur local, à son arrivée au Japon. Etant donné la particularité évidente qui le distingue des autres et le racisme qui était en vigueur à une période où l'étranger et la différence n'étaient pas monnaie courante, Yusuke aurait dû être destiné à devenir un esclave et ne pas vivre très longtemps. Mais il a été élevé par un prêtre jésuite et il est devenu une véritable attraction au Japon. Mais aussi un samouraï dont les compétences en matière stratégique ont été fortement appréciées. Il s'agit d'un personnage réel, qui toutefois a disparu des radars dès l'instant ou est mort le "daimyo" Nobunaga. Du reste, lorsque Hitomi le recherche pour obtenir vengeance et satisfaction, au début de notre ouvrage, tout le monde a perdu la trace de Yasuke. La gamine interroge ceux qu'elle croise, que ce soit des adultes bienveillants ou un petit voleur avec qui elle partage quelques mésaventures, mais personne ne semble pouvoir la renseigner. Jusqu'au jour où elle chute dans un lac gelé, coule, et semble vouée à une mort certaine. Sauf qu'une main tendue la sauve du désastre… et cette main, c'est précisément celle d'un samouraï à la peau sombre, celui qu'elle désirait tant retrouver !



Yasuke n'est pas véritablement un héros. Le prendre comme modèle lorsque l'on souhaiterait devenir samouraï, ce n'est pas forcément ce qui est le plus souhaitable. Car à première vue, celui qui fut autrefois réputé et craint a aujourd'hui décidé de renoncer à combattre. Il fuit même dans des situations où c'est l'honneur qui est en jeu, lorsque dans une taverne la petite Hitomi est victime de remarques grivoises. En fait, le "patriarche" est aujourd'hui à la recherche d'une certaine forme de sagesse qui s'apparente presque, par moments à de l'ataraxie. Il s'en sort avec quelques maximes philosophiques, applique une pensée logique et raisonnable plutôt que de se lancer dans de nouveaux exploits sanglants, qui n'apportent rien en fin de compte, si ce n'est se mettre en danger, mettre en danger les autres. Oui mais voilà, l'étrange binôme formé par les deux personnages principaux (sur des bases qui, nous l'avons vu, sont viciées) va devoir également se confronter à l'Histoire avec un grand H. La guerre, par exemple, qui est monnaie courante à l'époque du Japon féodal. La guerre, cela veut dire prendre le parti d'un des deux camps ou au contraire, choisir de s'exiler, de tourner le dos au conflit. C'est là que les chemins de Yasuke et de Hitomi vont se séparer, avant de devoir se recroiser à nouveau en fin d'album, pour ce qui semble être une leçon, où l'on comprend que ce n'est pas forcément celui qu'on pense qui est destiné à apprivoiser l'autre. Le tout est dessiné avec une douceur empreinte de poésie par Isabella Mazzanti. Le style est en effet assez proche des gravures japonaises; on y retrouvera par exemple cette amour de la nature et en même temps, une attention évidente portée aux personnages, toujours saisis sur le vif, toujours à la recherche de leurs émotions, qui transparaissent à travers un regard, une moue, leur gestuelle. L'ensemble ne manque vraiment pas de charme et cette mini série publiée par Urban vient rompre très agréablement avec un grand nombre de lectures récentes : insolite et très personnelle, rien que pour cela, à tenter absolument. Sortie le 28 juin.



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ZORRO D'ENTRE LES MORTS : SEAN MURPHY S'EMPARE DE L'ICÔNE


 Zorro appartient à la culture populaire, mais aussi à une époque fort différente de la nôtre, à tout point de vue. Le personnage est censé évoluer dans le Mexique de la première moitié du 19e siècle et son univers est fait de combats d'agilité, à la pointe de l'épée, tandis que son environnement est dominé par les chevaux, la ruralité, le pouvoir militaire. Mais la culture populaire est aussi un phénomène cyclique, ce qui apparaît finit toujours par s'éclipser, avant de revenir tel un satellite en orbite. Les mêmes bases, les mêmes recettes, mais qui évoluent pour s'adapter, au terme de la révolution. Nous assistons donc ces derniers mois au retour de Zorro sur le devant de la scène, sur différents supports; pour ce qui est des comic books, nous devons ce regain d'intérêt à Sean Murphy, un de ces dessinateurs totalement dingues, dont le style ultra reconnaissable et explosif a fait le bonheur de nombreuses productions à succès, du White Knight au très bon The Plot Holes. Murphy a l'intelligence de ne pas tenter d'écrire une énième histoire de Zorro dans le passé, mais au contraire de transposer le concept à l'ère moderne. Zorro est une légende et les mexicains de la région de La Vega l'honore et le célèbre, durant la fête des morts, chaque année. Néanmoins, les habitants de la région doivent aussi affronter la terreur qui règne à cause des cartels de la drogue, qui ont été responsables, vingt ans en arrière, de l'assassinat d'un des hommes forts du coin, sous les yeux de ses deux enfants, alors qu'il interprétait le rôle de Zorro, en costume, durant les festivités. Un meurtre perpétré par un un tyran du nom d'El Rojo, qui va avoir deux lourdes conséquences sur les orphelins. La fillette (Rosa) va faire ce qu'elle peut pour survivre, tout en méditant une vengeance impossible. Elle va même entrer au service des cartels pour assurer sa subsistance. Le frère, Diego (comme par hasard) devient pour sa part muet, et il part vivre dans un château transformé en musée consacré à Zorro, en compagnie de son grand-père. Il s'entraîne à devenir un combattant aguerri, un maître du maniement de l'épée, comme l'idole qu'il vénère et qu'il s'apprête à... devenir ? 




Le Zorro de Murphy n'est donc pas réel; il ne s'agit pas d'une réincarnation d'une figure légendaire de la pop culture, obtenue grâce à un prétexte quelconque, mais d'un descendant possible qui, du jour où il reçoit l'épée ayant appartenu au célèbre justicier, se découvre investi d'une mission : libérer les siens, devenir l'étendard même de l'espoir de toute une population, en se glissant dans le costume noir si célèbre. Le lecteur aura de quoi sourire avec son langage fleuri, mais aussi sa fausse naïveté, au moment de découvrir que les armes des adversaires ont bien évolué, et que plutôt que de lancer l'assaut à dos de cheval, on utilise désormais des véhicules blindés lourdement armés. Mais ce Zorro-là est tout aussi efficace et il parvient à atteindre son but, c'est-à-dire inspirer les autres, être une figure de proue de la rébellion, pour ceux qui ne courbent plus l'échine et décident que l'heure est venue de reprendre une partie de cette liberté dont ils ont été privés. Murphy signe non seulement un scénario intelligent (même si relativement basique. En quatre épisodes, il n'a certes pas le temps de trop développer son microcosme) mais en plus, au niveau du dessin, c'est hautement spectaculaire ! Vous voulez de l'action, vous voulez des prouesses plastiques et des planches iconiques au premier regard, vous allez en avoir pour votre argent, croyez-moi ! On retrouve toujours ces mêmes silhouettes nerveuses, saccadées, saillantes, mais aussi des personnages bourrus et massifs (El Cementiero, un américain qui vient prêter main forte aux rebelles). Ce Zorro baigne dans une lumière souvent sablonneuse, évolue la nuit ou sous les lampes tamisées, bondit, frappe, esquive. Comment devenir celui qui probablement n'a jamais été, mais qui est l'essence des espoirs et du courage des humbles, ceux qui aujourd'hui sont humiliés et terrorisés par les cartels mexicains ? Zorro comme on ne l'avait jamais vu encore, Zorro comme une évidence, pourtant, sous la plume et les pinceaux de Sean Murphy, magnifié par une édition grand format chez Urban Comics, à sortir ce vendredi. Existe aussi en édition limitée noir et blanc, tirée à 4500 exemplaires. 


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DISPARUS : L'AFFAIRE YVES GODARD EN DOCU BD CHEZ PETIT À PETIT


 Je vais vous faire une confession : je ne suis pas particulièrement friand de la petite musique d'introduction de Faites entrer l'accusé et des émissions présentées par Christophe Hondelatte. Les faits divers ne m'intéressent pas plus que cela, mais il y a une exception notable. Lorsque Petit à Petit propose un ouvrage au format docu BD, c'est-à-dire des pages de rédactionnel revenant sur une affaire criminelle célèbre, non élucidée, et d'autres en bande dessinée, pour illustrer l'ensemble. Nous avions déjà eu l'occasion de lire l'excellent La traque qui se proposait de couvrir toute l'affaire Dupont de Ligonnès (lire ici) : le fait est que Disparus s'intéresse ce coup-ci au cas étrange d'Yves Godard et se révèle, une fois encore, être une lecture indispensable. Au centre de cette sordide aventure, Yves Godard est un médecin installé dans le Calvados, aux pratiques peu orthodoxes (médecine douce, naturopathie, acupuncture, une certaine dérive vers une médecine presque chamanique). L'homme est marié, il élève deux enfants, semble avoir accumulé les dettes (essentiellement car il refuse de payer contributions sociales et impôts), a très peu d'amis et va être au centre d'un dossier pour le moins épineux. Tout d'abord, même si le corps n'est jamais retrouvé, sa femme, Marie France, semble avoir été assassinée au domicile du couple, de manière assez atroce. Des traces de sang sont retrouvés un peu partout sur le matelas ou les murs, mais aussi dans le camping-car de la famille. Yves à loué un bateau à moteur pour faire une excursion de plusieurs jours en mer, avec ses deux enfants, alors que ceux-ci auraient normalement dû être à l'école, à l'occasion de la rentrée scolaire 1999. Ils prennent le large dans la Manche et à partir de là, personne n'est plus en mesure de reconstituer précisément le périple et les motivations derrière leurs déplacements, qui vont être au cœur de l'ouvrage publié par les éditions Petit à Petit. Ils disparaissent, tout bonnement. Bien plus tard, des ossements vont être repêchés…



Comme toujours pour que ce genre particulier qu'est le docu BD, ici il faut être capable de présenter les choses avec une grande clarté, de savoir séparer puis bien amener tous les éléments du dossier, en essayant de garder une réelle objectivité et d'insuffler, là où c'est possible et sans trahir l'histoire réelle, quelques éléments narratifs qui permettent de l'enrichir et de la rendre passionnante pour le lecteur de passage. Pascal Bresson (scénario) et Béatrice Merdrignac (documentaires) s'en sorte à merveille, en maniant le regard des enquêteurs pour nous éclairer sur cette affaire si complexe et simple à la fois. On en arrive ainsi au terme de l'ouvrage avec différentes pistes, différentes hypothèses patiemment échafaudées, et chacun pourra se forger une idée sur ce qui a pu se passer. Notons que le dessin est l'œuvre d'un seul artiste d'un bout à l'autre de l'ouvrage, Samuel Figuière, ce qui permet de donner une réelle unité à l'ensemble. Et que les planches, tout en retenue, avec des personnages bien campés et immédiatement identifiables, ajoutent de la clarté à un ensemble qui n'est jamais pris en défaut. C'est toute l'idée d'un docu BD qui est en fait réellement pertinente; plutôt que de proposer une version en bande dessinée, un vrai graphic novel, qui pour le coup nécessiterait une prise de position, un angle de vue un peu plus subjectif, ou bien de se consacrer à un documentaire au format vidéo, le travail de Petit à Petit parvient à unir à la fois une ambition artistique et une transmission pédagogique, ou en tous les cas journalistique, sur des faits d'actualité comme l'affaire Godard. Après cette nouvelle démonstration de savoir-faire brillamment réussie, on a hâte de découvrir celle qui sera consacrée à l'affaire du petit Grégory, que l'éditeur nous promet pour cet automne. On est déjà impatients d'y être !



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SILVER SURFER LEGACY : DE VRAIS FAUX SOUVENIRS DES 1990s


 Les années 1990 sont décriées par certains, portées aux nues par d'autres. Quelle que soit votre opinion, toujours est-il qu'on y revient régulièrement, encore et toujours, souvent lorsqu'on est en manque d'inspiration. Chez Marvel, décision a été prise il y a quelques temps de produire toute une série d'aventures apocryphes, censées se dérouler durant cette belle décennie, sans que personne ne soit au courant de ces "faits oubliés" jusqu'à maintenant. C'est l'occasion de retrouver un statu quo, des costumes et un style graphique différent de ce que nous lisons aujourd'hui. Et l'univers cosmique des années 1990 est très souvent associé à Ron Marz, un scénariste qui a exploré les étoiles aussi bien chez DC comics (Green Lantern) que chez Marvel (le Silver Surfer). Il est associé une nouvelle fois avec Ron Lim, un des dessinateurs les plus prolifiques de la Maison des Idées, à l'œuvre avec un trait parfois un peu trop simpliste et anguleux, mais toujours régulier, efficace, facilement reconnaissable. Avec Lim, tout dépend souvent de l'encrage. Al Milgrom avait tendance à banaliser son talent tandis que Tom Christopher lui convenait beaucoup mieux. Ici, c'est un certain Don Ho qui s'occupe de cette partie du travail et nous pourrions qualifier le résultat de compromis entre les deux options déjà citées. L'album s'appelle Legacy et il se rattache à une aventure précédente et récente. Il s'ouvre avec le Silver Surfer et (c'est logique) Legacy, le fils du Captain Marvel des origines, qui devisent allègrement sur la grandeur et l'héroïsme du super-héros disparu tragiquement, des suites d'un cancer. Le fiston n'a jamais eu l'occasion de le connaître et c'est le plus grand regret de sa vie. C'est alors que le Surfer a une fausse bonne idée, pour lui permettre d'être témoin de la bravoure de Captain Marvel. Remonter le temps (ben voyons…)




Si vous trouvez étrange que le Surfer, qui s'avère habituellement être un personnage très pondéré, décide d'emmener Legacy sur l'île aux monstres, pour s'emparer de la gemme du temps (qui était à l'époque détenu par les membres de la joyeuse brigade d'Adam Warlock, les Gardiens de l'infini), ceci afin que le rejeton puisse rencontrer son père… si vous pensez donc que tout ceci est complètement absurde, par rapport à la nature du héros, vous avez raison ! Sauf qu'en fait, ce n'est pas exactement le Surfer : c'est Méphisto qui a pris son apparence, et qui va pouvoir ainsi mettre en place un plan diabolique pour se débarrasser de celui qu'il déteste cordialement, depuis toujours. Bref, un quiproquo dont les super-héros ont l'habitude, qui va impliquer justement les Gardiens, qui va faire intervenir aussi Thanos (qui à l'époque possédait sa propre gemme) et qui va expédier nos personnages - surtout Norrin Radd - jusqu'à la fin des temps. Le Surfer va y rencontrer aussi Galactus ou Nova (Frankie Raye). Et vous savez quoi, ça n'est même pas désagréable à lire ! Il y a en effet un petit parfum de ces aventures que nous dévorions à l'époque chaque mois, au petit format dans Nova. On retrouve un peu de cette naïveté et surtout de la dynamique qui existait alors, entre tous ces personnages. Ron Marz connaît son sujet, il sait comment écrire tout cette assemblée et si l'album n'a absolument pas vocation à marque à jamais les esprits, ça reste une parenthèse sympathique pour tous ceux qui sont restés (comme moi) attendris au souvenir des années 1990. Alors voilà, à réserver pour les fans, probablement pas destiné aux plus jeune lecteurs, mais loin d'être la parution la plus bête de l'année, tout au contraire.



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TRANSFORMERS TOME 1 : LE REBOOT CHEZ URBAN COMICS AVEC DANIEL WARREN JOHNSON


 En France, la franchise Transformers évoque principalement la ligne de jouets Mattel et les célèbres dessins animés qui ont ravi notre jeunesse, ces robots géants qui se transforment en camions, le tout accompagné d'un bruitage caractéristique. Outre cette association de pensées qui fait que quasiment tout le monde a en tête ce que sont les Transformers, s'ajoutent le cinéma et une série de films qui ont obtenu plus ou moins de succès, ces dernières années. Bref, difficile de crédibiliser la grande lutte entre les Autobots et les Decepticons chez un public mature, habitué à une certaine exigence narrative dans les bandes dessinées qu'il achète. C'est pourtant le défi qui s'ouvre désormais avec l'Energon Universe, un nouvel univers partagé lancé par l'étiquette Skybound de Robert Kirkman, qui entend proposer un reboot complet des Transformers. C'est-à-dire repenser toute la saga depuis le départ, la rendre accessible à n'importe qui et surtout potentiellement intéressante, même pour des lecteurs qui en temps normal choisiraient de la snober. Et la première bonne nouvelle évidente, c'est l'artiste qui se charge de la série régulière de nos robots : il s'agit de Daniel Warren Johnson, un de ceux qui ont su, ces dernières années, se constituer une fan base solide, avec un dessin survitaminé et totalement décomplexé, mais aussi une capacité d'écriture addictive et fort naturelle. Ce dernier point est d'ailleurs la qualité principale qui se dégage du tome 1, c'est-à-dire savoir présenter un récit qui met sur la table tous les éléments nécessaires à la compréhension de cet univers. Nous sommes sur Terre, dans le désert américain avec deux adolescents (Spike et Carly) qui font une découverte totalement fortuite, une sorte de caverne dans laquelle repose des créatures en apparence métallique et l'épave de leur vaisseau, inertes, qui vont malencontreusement s'activer. Ces visiteurs viennent d'une autre planète et ils se distinguent par des attitudes fort différentes. Un certain Optimus Prime manifeste d'entrée préoccupation et attention pour les petits terriens, tandis que d'autres choisissent la voix de la violence. Le conflit éclate, dès le réveil des Transformers.



Tous les ingrédients sont bien présents dans Transformers, mais on a parfois l'impression que le plat est un petit peu trop riche. Un des aspects les plus attendus de la série, par exemple, c'était la capacité de Daniel Warren Johnson a interpréter des robots aux formes particulièrement anguleuses, lui qui n'est jamais aussi bon que lorsqu'il s'agit de déformer les corps et l'action, pour donner du mouvement et de la vie à ses planches. Par endroits, c'est franchement réussi; on sent qu'il se lâche et qu'il a trouvé un équilibre parfait. Mais à d'autres moments, c'est presque bâclé et curieusement, c'est parfois les personnages humains qui sont les moins bien traités. Opinion globale : si on ne s'attarde pas sur les fondamentaux du dessin, on est tout de même saisi par la force qui se dégage de l'ensemble. Il y est aussi question de deuil, de perte, avec les parents de nos deux adolescents qui vont être eux aussi happés par le grand conflit qui explose. Deux destins différents, pour au bout du compte deux résultat semblables, qui vont peser dans les épisodes à venir, c'est indéniable. Le Transformers sont tour à tour désemparés devant certains points de notre culture, par exemple ils ignorent le concept de famille, de père, mère, ce qui est logique puisqu'ils n'ont pas de véritable descendance génétique, et inversement… ils parlent parfois en employant des expressions du langage populaire, qu'une créature non issue de notre planète ne pourrait absolument pas maîtriser. C'est un point du scénario qui m'a gêné à de multiples reprises, quelque chose qui aurait dû être pensé et calibré en amont. Ceux qui aiment les scènes de combat outrancières de Johnson vont se régaler, il y a des cascades, des robots qui se font littéralement défoncés, des moments aussi absurdes que jouissifs, notamment quand Carly s'empare d'une arme géante, qu'elle hisse sur l'épaule pour sauver les Autobots. Bref, Transformers possède autant de qualités que de défauts, de nombreux atouts pour vous convaincre de vous plonger dans l'Energon Universe. Une lecture qu'on peut recommander et qui s'avère pétillante, à condition de la prendre pour ce qu'elle est : du divertissement, du grand spectacle, un comic book pop-corn, avant l'été.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LES VENTS OVALES (1.YVELINE)


 Dans le 177e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Yveline, premier tome sur trois de la série Les vents ovales que l’on doit au scénario conjoint de Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod, au dessin d’Horne, qui est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Pastorius Grant que l’on doit à Marion Mousse ainsi qu’aux éditions Dargaud

- La sortie de l’album Marguerite Broquedis que l’on doit au scénario de Paul Carcenac, au dessin de Fabien Ronteix et qui est publié chez Des ronds dans l’O

- La sortie de l’album Mou que l’on doit à Benoit Feroumont et que publient les éditions Dupuis

- La sortie de l’album Bertille & Lassiter que l’on doit à Éric Stalner, un titre qu’édite la maison Grand angle

- La sortie de l’album Plouheran que l’on doit à Isabel Del Real et que publient les éditions Delcourt dans la collection Encrages

- La réédition au format poche de Polina que l’on doit à Bastien Vivès et que publient les éditions Casterman.



 
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INVULNÉRABLE : GRANDIR AVEC LES SUPER-HÉROS (CHEZ BAMBOO)

 

Xavier, le jeune passionné héros de Invulnérable, c'est peut-être l'un d'entre vous : un gamin qui adore lire des bandes dessinées de super-héros, au point de confondre régulièrement ce qui est de l'ordre de la fantaisie et de la réalité. Le quotidien de Xavier, il faut bien l'admettre, n'est pas très réjouissant. Il est victime de harcèlement à l'école, où il ne parvient pas à se faire vraiment des amis et où la plupart de ses camarades se moquent de lui ou le brutalisent. Tandis qu'à la maison, son père se montre rigide, directif et n'apprécie pas trop de voir l'amour que le fiston porte aux justiciers en costume. Heureusement, il reste le grand-père maternel, qui lui encourage du mieux qu'il le peut son petit neveu, et qui possède aussi un coffre plein de comics, véritable trésor dans lequel deux générations éloignées peuvent puiser pour échanger. Attention cependant, la passion de Xavier confine au drame lorsque convaincu qu'il est en mesure de voler, le gamin grimpe sur sa fenêtre et envisage de sauter du troisième étage. Le père intervient juste à temps pour éviter la catastrophe et dès lors, c'est la punition, privé de sortie et de lecture, et le branle bas de combat pour remettre Xavier "dans le droit chemin". Pour autant, le garçon continue d'avoir cette lubie pour les comic books et dans sa tête, les aventures des Plutokids, une équipe de jeunes héros imaginaires en provenance de Pluton, s'entremêlent avec des éléments de la réalité, créant ainsi une histoire sur deux niveaux qui se révèle touchante, assez rapidement.



L'histoire ici écrite par Damian est en partie autobiographique et elle parvient à se révéler sincère, avec cette sorte de voix qui commente depuis l'âge adulte et revient sur une enfance compliquée, marquée par une imagination débordante, mais aussi une frustration qui nécessite le recours à l'évasion, dans sa forme la plus fantasque. Le dessin d'Alberto Sanz est extrêmement efficace pour ce type de récit : sa science de l'illustration, développée à travers l'animation, fait mouche à chaque page. Les personnages sont tous excellemment caractérisés, toujours en mouvement, et l'alternance des scènes super héroïques, issues de la fantaisie de Xavier, et celles beaucoup plus prosaïques où le garçon doit composer avec une réalité qui lui est souvent hostile, est très pertinente. D'autant plus que les couleurs de Mario Ceballos permettent un contraste évident, qui saute aux yeux et instaurent deux niveau de lecture bien différents et distincts. L'imagination, une arme donc extrêmement puissante, mise ici au service du développement d'un gamin qui en a probablement un peu trop, qui aurait besoin qu'on la canalise, qu'on l'écoute, qu'on lui fasse confiance. L'ouvrage est disponible depuis quelques jours chez Bamboo et c'est vraiment une très bonne surprise, capable de ravir petits et grands ! Une sorte de Pixar au sommet de sa forme, au format papier. 

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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...