LUCKY LUKE : UN COW-BOY SOUS PRESSION


 Dans le nouvel album disponible (publié également en épisodes chaque semaine dans le magazine Spirou) de ses aventures, Lucky Luke s'immerge dans l'univers des immigrants allemands et les défis d'intégration culturelle dans une Amérique en pleine mutation. Envoyé à New München pour soigner un mal de dos persistant, le cow-boy solitaire découvre une communauté allemande bien établie mais confrontée à de sérieux problèmes. Une grève éclate dans la plus grande brasserie de Milwaukee, ce qui paralyse la production de bière, véritable pilier de la région. Et pas seulement. Nous autres habitués aux injonctions du XXI° siècle pouvons parfois écarquiller les yeux, devant la consommation effarante de cette boisson alcoolisée au "far west", véritable manne qui coule à flots dans tous les saloons de la jeune Amérique, élixir de jouvence et récompense après l'effort pour des générations de cow-boys. Face à l'impasse qui se dessine depuis de longues semaines, le propriétaire de l'usine, Frederik Pabst, décide d'embaucher des détenus pour remplacer les ouvriers grévistes, un choix controversé qui attise les tensions. Parmi les prisonniers engagés, Lucky Luke croise la route des Dalton, toujours prompts à semer la pagaille. Ajoutant à l’absurde, Rantanplan, fidèle mais maladroit, confond la brasserie avec une piscine tout au long de l’histoire, multipliant les gags. Voilà pour l'essentiel de la trame de cette histoire où Lucky Luke se heurte à une réalité sociale qui n'est pas sans dépareiller avec la nôtre (briser une grève est toujours un art) et qui a le grand mérite de nous rappeler que les Américains (Trump in primis) ne sont pas nés spontanément du sol nourricier, mais issus de vagues souvent massives d'immigration. Ici, d'Allemagne, donc. 



Dans ce contexte, Lucky Luke est contraint de jouer les médiateurs entre les différentes parties. En naviguant entre humour, quiproquos et réflexion sur les bouleversements sociaux de l'époque, il met en lumière les défis d'une Amérique façonnée par ses nombreuses influences culturelles, dont l’héritage allemand reste encore bien vivant aujourd'hui. Puisqu'il s'agit de la 125e histoire qui met en scène Lucky Luke, on pourra pardonner au personnage quelques petits pépins de santé, ce qui amène le médecin à qui il rend visite, en début d'album, à lui affirmer "qu'un jour ce sera votre ombre qui tirera plus vite que vous". Magie de la bande dessinée, les héros de notre enfance ne partent jamais à la retraite et ne se retrouvent pas rattrapé par le poids des ans, ou presque. Le point fort de toute la série, c'est finalement de parvenir à raccrocher des faits historiques avec l'humour de l'aventure en BD : Lucky Luke a toujours été beaucoup plus pertinent et intelligent que certains pourraient le croire, généralement les mêmes qui refusent de feuilleter, sous prétexte que ça n'est pas assez noble pour leurs goûts élevés. Jul parvient à nous faire sourire d'un bout à l'autre, même si les gags sonnent plus juste et fins dans la première partie, ou apparaît d'ailleurs un ancêtre de Donald Trump (puisque la famille du futur président américain appartient en effet à ces allemands qui un jour ont décidé de traverser l'Atlantique). Achdé s'en sort bien au dessin, et si jamais sont trait n'atteint pas la pureté stylistique de celui de Morris, il est capable de donner un poil d'énergie et de souplesse au cowboy, c'est-à-dire aussi de modernité, qui a pu lui faire défaut par le passé. Bien entendu, il ne faut pas demander à ce Lucky Luke d'être ce qu'il ne pourrait pas incarner en l'état, c'est-à-dire un album qui révolutionne la légende, à placer au panthéon du genre. L'important est ailleurs, dans le caractère attachant et drôle d'un Lucky Luke qui évite l'écueil de passer pour un briseur de grève, sans pour autant apparaître comme un gauchiste convaincu. Il semble au final lui aussi dépassé par les événements, dans un décor citadin qui ne lui est normalement pas familier. N'empêche, ça fonctionne assez bien, au point que ce cow-boy sous pression soit recommandable sans rougir. 



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LE TOURNOI DES CHAMPIONS EN… MARVEL MUST HAVE ?


 Alors comme ça, il paraîtrait que les comics, c'était mieux avant ? Ce n'est pas toujours vrai… à titre d'exemple par exemple, je vous invite à jeter un œil au Tournoi des Champions, qui vient d'être republié chez Panini, dans la collection Must Have. C'est une lecture extraordinaire pour tous ceux qui ont envie de découvrir ce que signifie un crossover totalement improbable. Certes, nous sommes au début des années 1980, et il faut comprendre que l'état d'esprit n'est pas le même qu'aujourd'hui. Le plus surprenant c'est qu'il a fallu trois scénaristes pour produire ce triptyque d'épisodes (Mark Gruenwald, Bill Mantlo et Steven Grant) dont les événements s'enchaînent de manière assez absurde, et sans trop se préoccuper des détails et de la finesse. En gros, il s'agit du Grand Maître, un des doyens de l'univers, qui passe son temps à parier et jouer sur tout ce qui existe. Fatigué du PMU et des paris en ligne, il décide de se lancer dans un jeu un peu plus audacieux, avec une adversaire encapuchonnée dont on nous cache l'identité, mais que n'importe quel lecteur attentif aura identifié dès la première case. Oui , c'est la mort elle-même ! L'enjeu est simple : si le Grand Maître parvient à tromper la faucheuse, il pourra obtenir le droit de ressusciter son semblable, le Collectionneur. Autrement, patatrac…Un peu comme sur le schéma des Guerres Secrètes, qui auront lieu plus tard, il requiert l'aide de tous les supers héros de la planète, sans véritablement leur demander leur avis. Encapés et costumés de toutes nationalités se retrouvent embarqués dans l'espace et vont s'affronter en formant deux camps. Leur mission est simple, retrouver les différentes parties d'un artefact appelé le globe doré de la vie, qui a été coupé en quatre, et dissimulées à différents points du globe. Chaque faction est elle aussi divisée en 4 petites formations, et le but est de mettre la main sur les pièces détachées le plus rapidement possible. Et là attention, ça va être la fête !



Vous pensez que des personnages comme Hulk, Thor, Les Quatre Fantastiques, ou encore Cyclope et Jean Grey, entrent de droit forcément parmi les cadors de cette aventure… il n'en n'est rien (enfin pas tous). C'est surtout le prétexte à proposer des justiciers absurdes et venant d'endroits où le super-héroïsme n'est normalement pas une priorité. La Mort elle-même peut trembler, voilà que débarquent sur scène des pointures extraordinaires comme le Faucon Pèlerin qui représente la France, ou encore l'Homme Collectif pour la Chine (Jamie Madrox a porté plainte) et Blitzkrieg pour l'Allemagne (la palme de l'originalité). John Romita Jr, encore très jeune et appliqué, a su trouver un style réaliste et finalement bien plus classique que ce qu'il fait aujourd'hui, et parvient à mettre l'ensemble en action, avec conviction et sans grosses bévues. De ce côté-là, le Tournoi des Champions fonctionne,  et il nous jette à la figure des affrontements improbables, des dialogues qui sentent bon les années 1980, et une trame chancelante qui tient à peine debout. La chose la plus intéressante est peut-être de voir les tensions internationales qui naissent inévitablement, comme par exemple lorsque l'israélienne Sabra rencontre le Chevalier d'Arabie, dont les pouvoirs consistent à planer sur un tapis volant… c'est très caricatural, truffé de raccourcis et c'est pour ça que finalement on se prend au jeu ! Vous adorerez également l'aborigène Talisman, l'argentin Defensor (olé) ou Shamrock pour l'Irlande (qui se méfie de Captain Britain). Avec tout ça, il y avait matière à organiser la Coupe du Monde, plutôt qu'un tournoi des Champions. Si vous parvenez à relire ces pages en conservant en tête qu'il s'agit de troisième degré dorénavant, vous allez peut-être apprécier cette parution. En bonus vous allez lire aussi 2 annuals des Avengers West Coast et Avengers "tout court" qui constituent un peu un appendice au Tournoi des Champions, avec à nouveau Le Grand Maître qui fait des siennes, et des héros qui se tapent momentanément dessus par Tom De Falco, Bob Hall, Al Milgrom, et un aréopage de guest stars). Vive le vintage, mais de là à qualifier ça de must have

Bonne année à tous!



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LUCKY LUKE : UN COW-BOY SOUS PRESSION

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