TANIS TOME 1 : LES TOMBEAUX D'ATLANTIS (CHEZ DUPUIS)


 Je fais partie de cette catégorie de gens qui continuent de lire l'hebdomadaire Spirou, avec assiduité. Il faut bien l'admettre, ça permet de découvrir tout un tas de nouvelles propositions, dans des styles très variés, sous forme de récits prépubliés. Avec Tanis, Denis Bajram et Valérie Mangin au scénario, associés au talent de Stéphane Perger pour le dessin, nous embarquent depuis le mois dernier dans un récit où se mêlent mystère, mythologie et aventures épiques. Le trio magique plonge dans une Égypte reculée, tandis que l’histoire joue sur l’idée fascinante de civilisations disparues, de pouvoirs surnaturels qui président aux destinés des hommes. Le premier tome dans son format album cartonné est arrivé en librairie, l'occasion de relire l'ensemble d'une seule traite et d'éviter la pause de sept jours qui parfois vient nuire à l'appréciation globale. Le scénario de ces Tombeaux d'Atlantis, situé 10 000 ans avant notre ère, propose une héroïne prénommée Tanis, belle jeune fille atypique à la chevelure blanche, intouchable dans son village (en raison de cette particularité) mais au destin hors du commun. Entourée de personnages forts et ambigus, comme Sepi, son ami (probablement voudrait-il plus) qui va devenir malgré lui l’incarnation d’Osiris, Tanis évolue dans un monde marqué par des luttes de pouvoir, des catastrophes surnaturelles et l’arrivée de redoutables envahisseurs. La richesse de l’intrigue réside dans l’exploration des thèmes universels du pouvoir et des croyances. L’idée qu’un pouvoir divin, lorsqu’il est confié à des mortels, devient une arme à double tranchant, imprègne ces pages. Sepi est dépeint comme une sorte de couard, au départ, qui se laisse encourager par Tanis à faire preuve d'audace, à pénétrer là où normalement des jeunes gens comme eux n'ont pas le droit d'aller. Du coup, lorsqu'il découvre un masque divin et qu'il l'appose sur son visage, la transformation n'en est que plus forte. De nouveaux dons inattendus lui permettent de vite montrer l'étendue de sa puissance (et de son savoir) et d'instaurer le respect et l'adoration des siens. Pas seulement des siens, d'ailleurs, puisqu'il parvient à mâter l'irruption des guerriers vikings, adeptes de la violence et de l'esclavage. 

Tanis n’est pas exempt de défauts, ni d'audace. Certains éléments narratifs, comme le manichéisme des ennemis vikings ou des moments un peu prévisibles, peuvent donner une impression de simplicité par endroits, mais derrière tout cela se cache aussi des choix qui interrogent et sont loin d'être aussi évidents ou convenus qu'on pourrait l'imaginer. Citons par exemple la manière dont la relation entre Tanis (une jeune fille. Vraiment jeune) et le grand et viril évolue. Un couple improbable, voire dérangeant pour les esprits calibrés sur la morale et la société moderne, qui donne la sensation d'une héroïne/victime, qui durant l'essentiel de ce premier tome assiste aux événements (qu'elle a pourtant largement favorisés) sans pouvoir peser de façon concrète.  Les décisions du nouvel Osiris se font sans qu'elle soit consultée, et les meilleures intentions sont le plus droit chemin pour finir dans une impasse. Le pouvoir corrompt, mais ce n'est pas tout : s'il impose le respect par la crainte, il ne protège pas de la trahison et de la vengeance, à la première occasion, s'il vient à chanceler un instant. Graphiquement, Stéphane Perger livre une œuvre magistrale. Ses dessins réalistes et dynamiques, sublimés par une palette de couleurs chaudes, confèrent aux décors et aux personnages une profondeur qui captive dès le premier coup d’œil. Vous qui fréquentez ces colonnes virtuelles et qui aimez particulièrement le comic book américain, vous serez en terrain conquis avec l'artiste, qui apporte la patine de crédibilité et de maturité nécessaires pour toucher un public plus large et expérimenté. De quoi promettre à Tanis un succès assez large et auprès de publics fort variés. On attend la suite, pour comprendre ce que va devenir cette héroïne malgré elle.  


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POP HISTOIRE D'UN MARIN : LA GRANDE AVENTURE HUMAINE SELON FABIANO AMBU


 Nous  avons récemment fêté les 90 ans d'un personnage phare de la bande dessinée américaine et mondiale, à savoir Popeye, inventé par E.C.Segar. Ce célèbre marin a connu de longues heures de gloire, des adaptations de toutes sortes, bandes dessinées, dessins animés, films, objets commerciaux… Mais comme beaucoup d'autres avant lui et après lui, Popeye a fini par tomber dans un relatif oubli, en tous les cas par abandonner le devant de la scène à d'autres types de héros et d'histoires. Imaginons un peu ce que serait devenu le marin aux gros biceps, de nos jours, s'il était bel et bien réel, au delà de ce qu'on connaît de lui sur le papier. C'est de ce postulat que part Fabiano Ambu, qui nous présente un protagoniste vieillissant et profondément marqué par la vie. C'est que sa femme (Olive, donc) son fils et son père ont été sauvagement assassinés, au cours de ce qui semble être un simple cambriolage qui a mal tourné. Depuis Pop(eye) n'est plus que l'ombre de lui même, et il s'est installé à Venise, sur une embarcation qui mouille dans le port. Il survit au quotidien en organisant des spectacles de rue, alors que son plus jeune fils est un agitateur social, qui se rebelle devant l'apathie du père, et remonte peu à peu la piste qui l'amène à découvrir la vérité sur le carnage de sa famille. Il se pourrait bien qu'ils aient en fait tous été assassinés ! L'enquête est périlleuse et se déroule au risque de sa vie. Le paternel, lui, ne veut rien savoir… il préfère noyer son chagrin dans l'alcool, plutôt que de regarder en face cette autre version des faits. Mais une fois encore, le destin ne va pas lui laisser le choix. Le peu qu'il lui reste, on va aussi le lui prendre. Dès lors, c'est un homme meurtri, totalement aux abois, qui va se réveiller et tenter un dernier tour de force; à défaut de pouvoir obtenir justice, pourquoi ne pas faire tomber le rideau sur une vie fantastique, en réclamant vengeance ?



Les amateurs de bande dessinée d'aventure, de parcours humain poignant, et de belles histoires tout simplement, ont tous rendez-vous avec cet album, qui est littéralement bluffant. L'art de Fabiano Ambu est ici merveilleusement bien mis en scène, du dessin mélancolique et élégant, opérant dans la suggestion, pour exploser dans une réalité crue, au scénario intelligent mêlant déchéance, puis résurrection humaine, et clins d'œil à l'amour de la Bd. Comme cette rencontre récurrente entre Pop(eye) et celui qu'on comprend être Corto Maltese, ou l'emploi de tout le cast de la série traditionnelle de Popeye. L'ensemble est aussi émaillé d'instants où explose une violence sociale latente, qui n'est pas sans rappeler certaines heures récentes de l'histoire italienne. Pop parvient à donner du corps et de la consistance à la matière de nos songes sur papier, pour en faire le matériau brut d'une chronique désabusée, mise en couleur et dotée d'une solide identité graphique, par Rosa Puglisi (Vorticerosa), ici parfaite dans son interprétation du pessimisme ambiant et la traduction d'une ville imprégnée d'une évidente décadence aquatique. Tout ceci fait de Pop un véritable petit bijou indispensable, qui fait l'objet d'une réédition à l'occasion du festival d'Angoulême 2025. Si vous ne pouvez pas vous y rendre mais que vous souhaitez obtenir votre exemplaire dédicacé avec un joli dessin de Fabiano Ambu, il suffit de nous contacter par mail : universcomics.lemag@gmail.com



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L'HISTOIRE D'UN VILAIN RAT : UNE OEUVRE FONDAMENTALE DE BRYAN TALBOT


 Bryan Talbot est un immense auteur, dont le talent protéiforme ne cesse de surprendre à chaque nouvelle œuvre (re)publiée. Avec Delirium, vous aurez peut-être l'occasion de (re)découvrir l'une de ses créations fondamentales, L'histoire d'un vilain rat, apparue à la fin des années 1990. Ce récit met en scène la fugue d'une jeune fille prénommée Helen, qui décide de quitter son foyer pour des raisons précises et, hélas, tristement répandues. La jeune fille subit régulièrement les agressions sexuelles de son père, tandis que sa mère choisit de détourner les yeux. Cette dernière va jusqu'à ignorer totalement sa fille et semble même regretter sa naissance. Dans ce contexte toxique, Helen porte depuis des années un sentiment de culpabilité écrasant, persuadée que tout ce qui lui arrive est de sa faute. Elle se sent également inadéquate, incapable de répondre aux attentes des autres. C'est là l'une des cruautés les plus profondes dans ce genre de situation : les victimes en viennent à croire qu'elles sont responsables de leur propre souffrance. Puis survient un événement de trop, une agression qui fait déborder le vase. Encore adolescente, mais forcée de mûrir précipitamment, Helen décide de fuir. Elle part seule, emportant avec elle un compagnon insolite : un rat qu'elle a recueilli et qu'elle garde précieusement dans son blouson. Cet animal, qu'elle protège et dont elle connaît tout après s'être passionnée pour ces créatures mal aimées, devient son fidèle allié. Ce lien singulier semble traduire une forme d’identification : Hélen se reconnaît dans ces rongeurs méprisés, que l'on qualifie souvent de nuisibles ou de parasites, mais qui cachent en réalité des qualités insoupçonnées. Helen est aussi fascinée par les œuvres de Beatrix Potter, une artiste britannique dont les récits et dessins lui servent de refuge. À travers le parcours chaotique mais finalement brillant de cette auteure, elle trouve un espoir : la certitude qu'il est possible de surmonter les pires épreuves, de construire quelque chose de beau même dans l'obscurité la plus totale, même lorsque tout semble voué à l’échec. Les premiers jours d'Helen à Londres sont cependant éprouvants. La météo hostile et les abris de fortune rendent son quotidien cauchemardesque. Pire encore, certains hommes qu’elle croise, qui semblent d’abord vouloir l’aider, cachent des intentions troubles. Ces rencontres lui rappellent douloureusement pourquoi elle a dû fuir son foyer dans la précipitation.



Et c’est ainsi qu’Helen, la jeune fugueuse, marche sur les traces de son auteure préférée et traverse une série d’aventures et de rencontres oscillant entre le tragique et un regain d’espoir en l’humanité. La période passée dans la rue est évidemment la plus difficile : pour survivre, il lui faut parfois accepter des compromis. Ainsi, elle se retrouve impliquée, malgré elle, dans un vol, ou encore accueillie par une bande d’amis qui vivent dans un squat. Là, elle fait une rencontre touchante : celle d’un jeune musicien un peu perdu, mais convaincu (justement) que la gloire l’attend au tournant.
 Cependant, Helen n’est pas prête à s’ouvrir aux autres, encore moins à tolérer qu’on la touche ou qu’on lui témoigne de l’affection, même avec les meilleures intentions. Ce refus est typique des victimes, souvent submergées par une culpabilité qui les empêche d’accepter l’intérêt sincère et respectueux que les autres peuvent leur porter. Après avoir décidé de faire de l’auto-stop vers le Nord de l'Angleterre, Helen finit par atteindre le village où résidait Potter. Elle y fait une rencontre décisive avec un couple d’aubergistes qui lui offrent du travail. Grâce à eux, elle comprend peu à peu qu’il est possible de s’ouvrir aux autres, que le mal ne se cache pas partout, et surtout qu’il n’y a aucune honte à être une victime. Ce nouveau départ lui permet de libérer ses émotions et de poser les premières pierres d’une lente reconstruction. La fin de l’album offre une véritable catharsis, aussi salvatrice qu’une bonne séance de psychothérapie. Bryan Talbot dirige son récit avec une intelligence et une humanité remarquables. Touchant et profondément juste, le récit évite habilement toute sensation de voyeurisme ou de spectaculaire malvenu. Le dessin, en parfaite harmonie avec le ton de l’histoire, s’adapte brillamment pour livrer des planches d’une sincérité rare. On suit de près l’évolution de cette fugueuse au destin cabossé. Mais cet album n’est pas qu’une simple bande dessinée : c’est aussi une œuvre d’utilité publique, reconnue comme telle. La bonne nouvelle pour les festivaliers d’Angoulême 2025, c’est qu’ils pourront découvrir cette nouvelle édition en avant-première, dédicacée par Bryan Talbot en personne, au stand de Delirium. Un espace où il faudra absolument s’arrêter dans les prochains jours !



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IT FROM SPACE (DE FABIANO AMBU) : LE TOME 2 ARRIVE !


 L’attente fut un peu longue, mais l’important, c’est le résultat, n’est-ce pas ? It from Space, le second tome, est enfin disponible, et nous allons pouvoir découvrir la suite des aventures de l’extraterrestre le plus étrange apparu dans un comic book ces dernières années. Ou, pour être plus précis, dans une bande dessinée italienne (fumetto, donc) qui emprunte avec brio tous les codes des comics américains. Le titre est scénarisé et dessiné par Fabiano Ambu, un artiste déjà remarqué et apprécié chez Sergio Bonelli Editore pour des séries emblématiques comme Dampyr ou Zagor, ou encore le merveilleux Pop, histoire d'un marin, véritable œuvre fondatrice pour le créateur sarde. It, c’est un personnage hors du commun. Son apparence a de quoi surprendre : une sorte de récipient en verre contenant un cerveau et un œil géant, le tout monté sur le corps d’un garçon. Mais, paradoxalement, ce n’est pas son allure qui suscite rejet et harcèlement à l’école, mais bien ses origines : il a grandi dans un campement tzigane. Ce récit aborde ainsi une thématique sociale poignante, en dénonçant un racisme encore plus insidieux que la méfiance envers une créature extraterrestre. Ce second tome reprend là où s’arrêtait le premier : nous y découvrons une version décalée d’Albert Einstein, tout droit échappée du multivers imaginé par Fabiano Ambu. Ce Einstein revisité semble être le seul à comprendre l’ampleur des événements qui se trament. Il va aider le petit alien à retrouver ses parents et, peut-être, à sauver la planète Terre.



Mais l’auteur ne s’arrête pas là. Avec un sens de la folie parfaitement assumé, il introduit un autre personnage tout aussi déconcertant : l’acteur américain Steve McQueen, ramené à la vie pour l’occasion ! Cette bande dessinée ne se fixe aucune limite : elle joue avec intelligence sur les codes de la science-fiction, tout en les enrichissant d’un discours social sarcastique et d’une bonne dose d’humour. Le dessin, quant à lui, est incisif et incroyablement dynamique, porté par des planches aux couleurs lysergiques et acidulées qui confèrent à l’album une identité résolument pop. Mais attention, cet objet singulier demande une lecture attentive, car il refuse de céder à la facilité ou de flatter systématiquement le lecteur. Dans ce tome 2, on découvre également ce qu’il est advenu de notre civilisation durant la période où It était plongé dans le coma. On assiste aux machinations de Mabuse, un politicien prêt à exploiter la rencontre entre l’humanité et des créatures extraterrestres (en forme de poulpes géants) pour servir ses ambitions hégémoniques. Ce télescopage audacieux entre différents genres fait d’It from Space l’un des titres les plus captivants et pertinents de ces dernières années dans l’univers des comics indépendants. Publié en auto-édition chez IT Comics France, ce second tome sera présenté en avant-première au Festival d’Angoulême, où les lecteurs pourront obtenir un exemplaire dédicacé par l’artiste. À cette occasion, un retirage du premier tome a également été effectué pour satisfaire les retardataires. Et que dire de cette couverture ? Elle est aussi spectaculaire que celle du premier volume, grâce au travail graphique de Rosa Puglisi ! Dernière bonne nouvelle, vous pouvez nous contacter pour obtenir votre copie dédicacée/sketchée par Fabiano Ambu, ou pour récupérer le premier numéro. Les envois se feront dans la semaine suivant le FIBD. Contactez-nous par mail : universcomics.lemag@gmail.com


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LES JARDINS INVISIBLES : LES MERVEILLEUX SOUVENIRS D'ALFRED


 L’heure des retrouvailles avec Alfred (Lionel Papagalli) et son nouveau travail publié chez Delcourt, Les Jardins invisibles, sera peut-être l’occasion idéale pour comprendre enfin les mystères de son talent. Comment parvient-il à entrer en résonance avec nos émotions les plus profondes, et ce, sans jamais donner l’impression de forcer ou de chercher à éblouir ? Dans cet ouvrage, il ne s’agit pas d’une bande dessinée classique ni même d’une histoire au sens strict, mais plutôt d’un patchwork d’anecdotes : un kaléidoscope de souvenirs de l’artiste qu’il qualifie lui-même de « moments de bascule ». Ces instants, qui, avec le recul, s’avèrent souvent décisifs dans une évolution personnelle, dans le choix d’une direction ou simplement dans l’envie d’aller de l’avant. Ces souvenirs convoquent tour à tour le père, les grands-parents, une enfance passée à Chiavari, en Ligurie, la naissance de la fille de l’auteur, ou encore une période de trois années vécues à Venise. D’autres épisodes plus universels y trouvent également leur place : la disparition puis le retour de l’inspiration grâce à une simple photo, des enfant jouant au football dans les rues de Naples, ou encore la mélancolie d’un séjour à l’hôpital. Et à chaque fois, la magie opère. Difficile de dire pourquoi, mais à travers ces pages, ce n’est pas simplement un narrateur qui partage des souvenirs. C’est un artiste qui semble s’adresser à chacun de nous, comme si ses expériences résonnaient intimement avec les nôtres. Le tout est porté par un dessin qui, bien qu’il puisse paraître naïf au premier regard, se révèle profondément évocateur. Plutôt que de miser sur des effets spectaculaires, Alfred privilégie une approche sincère et épurée. Il met son trait au service de ces fragments de vie. Il leur insuffle une patine et une mélancolie d’une intensité qui nous concerne tous, frappe directement le cœur du lecteur.


Avec Alfred, la notion de souvenirs – et donc de généalogie et de transmission – est toujours très présente. Il existe comme des bulles de mémoire, enfouies dans le temps, qui finissent par remonter à la surface et éclore de manière inattendue. C’est ce qui se produit lorsque l’artiste évoque des moments passés chez lui, au milieu des plantes vertes soigneusement installées par sa mère. Ou encore, lorsqu’il se trouve pour la première fois confronté à la maladie d’Alzheimer de son grand-père, une réalité qu’il n’a pas su comprendre ni identifier immédiatement. Cela se produit aussi quand il réalise que le grain de sa peau, aujourd’hui, est semblable à celui de son père autrefois. Cette généalogie du corps ne cesse de se transmettre : en massant le dos de sa fille, il découvre que celle-ci possède également ce même épiderme. Le monde n’est pas toujours joyeux, et il réserve son lot de mauvaises surprises. Pourtant, au milieu de ce chaos, persiste ce fil, fragile et pourtant résilient : la mémoire. Elle demeure, qu’il s’agisse des récits dans lesquels on expose ce qui nous est arrivé, ce que nous avons accompli, d’où nous venons, ou qu’il s’agisse de cette transmission presque imperceptible qui fonde une généalogie. Ce fil peut se manifester à n’importe quel instant, parfois de manière anodine, parfois bouleversante. Par exemple, alors que vous participez à un atelier de dessin à Djibouti, un simple mail peut révolutionner votre existence : vous apprenez que vous allez devenir parent. Toute la beauté des Jardins Invisibles réside dans la diversité des fleurs qui s’y épanouissent. Certaines sont tragiques, d’autres comiques, et parfois, il s’agit simplement d’anecdotes d’une banalité désarmante. Prenez ce voisin d’hôtel, par exemple, qui met la télévision trop fort : ce qui semblait n’être qu’une contrariété peut, en l’espace d’une seconde, devenir une rencontre inattendue et émouvante, capable de remettre en question tout ce que l’on croyait savoir ou accepter. Ce voyage à travers les souvenirs d’Alfred, c’est en réalité la vie d’un homme qui se déploie sous nos yeux. Une vie faite de micro-événements, de pensées fugaces et d’instantanés saisis sur le vif. Mis bout à bout, ces fragments dessinent un regard sensible et juste sur l’humanité. En définitive, toute cette chronique pourrait se résumer en un seul mot, celui que nous adresserions à l’auteur si nous pouvions le rencontrer en cet instant : merci !




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OMNIBUS DAREDEVIL PAR NOCENTI ET ROMITA JR : UN RUN INDISPENSABLE


 Un des "run" les plus surprenants et riches en interprétations de Daredevil est assurément celui de Ann Nocenti. Journaliste de profession, elle est appelée dans la seconde moitié des années 1980 pour prendre les choses en main sur le titre de Tête à cornes, qui ne s'est toujours pas remis, à l'époque, du pic qualitatif atteint sous l'ère Frank Miller, suivi d'une lente plongée inexorable. Après avoir fait ses classes notamment sur la mini dédiée à Longshot, Nocenti bouleverse le regard que nous portons sur Daredevil, en mettant de coté les sempiternelles luttes poisseuses dans les ruelles malfamées de Hell's Kitchen, et en ouvrant grandes les vannes de la réalité sociale, saupoudrées d'introspection et de métaphysique. Si les premiers épisodes n'osent pas encore s'aventurer sur ces territoires glissants, très vite la scénariste va innover, quitte à ne pas forcément être comprise d'emblée par des lecteurs déroutées. Matt Murdock est au centre de cette petite révolution. Puissamment influencé par son background judéo-chrétien, l'avocat aveugle respecte -à sa manière- un ensemble de codes et de règles déontologiques, qui le font aller de l'avant, et lui donnent inconsciemment ce sentiment de supériorité sur les autres, et qui justifie son statut de redresseur de torts, en contradiction avec son métier au civil. Ici, il a aidé Karen Page, sa flamme de toujours, au monter une association venant en aide aux plus pauvres, et qui prend en charge le cas d'un gamin rendu aveugle par des déchets toxiques abandonnés avec nonchalance dans la nature, par une grande compagnie vérolée. Derrière celle-ci se cache le Caïd et son empire financier malfaisant, et pour assurer la défense de l'indéfendable, c'est Foggy Nelson, l'ami momentanément en disgrâce, qui s'y colle. Mais Matt a de plus gros soucis en tête. Il a rencontré une certaine Mary, une brune mystérieuse, qui excite et étourdit ses hyper sens, et qui fait monter en lui un désir brûlant et irréfrénable. Inoubliable les scènes où Matt et cette jolie créature s'embrassent et se caressent sous les yeux du petit aveugle, qui devine ce qui se passe, sans rien voir formellement, et constate avec dépit que les adultes profitent de sa cécité pour faire comme s'il n'existait pas. C'est que Mary est en fait un pion du Caïd, destinée à faire chuter, une fois encore, le toujours debout Murdock. Et surtout, Mary a deux personnalités, une schizophrénie de premier ordre, qui la pousse à devenir quelqu'un d'autre, une meurtrière impitoyable, un monstre de perversion, la bien nommée Thypoïd Mary. Et ça, Daredevil (et Matt Murdock donc) l'ignore totalement… Wilson Fisk a parfaitement compris qu'il est plus aisé de détruire Daredevil de l'intérieur, que l'extérieur. DD encaisse bien les coups, mais sa psyché a tendance à parfois lui jouer des tours. Son sentiment de culpabilité pèse comme une roche granitique. Devant le bonheur "conjugal" enfin rejoint avec Karen Page, l'homme souffre et ressent la honte du péché face à la douce Mary; pire encore il est en proie à une répulsion/attraction mortifère face son alter égo maléfique, Typhoid, qui l'excite autant qu'elle le dégoûte. Eros et Thanatos chez Marvel.


Défait, le héros aveugle va mettre un certain temps à se remettre sur pieds, d'autant plus qu'en parallèle son titre mensuel est fortement impacté par le crossover Inferno, qui voit des ordres de démons infecter Manhattan, avec les objets du quotidien qui prennent vie, comme le métro par exemple, qui avale ses passagers. C'est finalement à partir du numéro 271 que la scénariste Ann Nocenti va à nouveau frapper un grand coup, avec une histoire où c'est tout un discours qui est élaboré, contre la consommation excessive de viande, l'élevage intensif, et la maltraitance des animaux. Ainsi que le rôle de la femme, piégée par la publicité et les injonctions masculines, à la recherche d'une perfection illusoire. Nous pénétrons ainsi à l'intérieur d'une ferme ultra moderne, où les profits augmentent au fur et à mesure que les frais diminuent. En contrepartie, les bêtes qui vont finir à l'abattoir grandissent dans des conditions inhumaines. La fille du propriétaire -une certaine Brandy- a bien conscience des activités de son père, et elle ne peut rester les bras croisés. Fille à papa élevée dans la ouate, elle a toutefois développé une conscience personnelle qui la pousse à devenir chef d'un groupe d'activistes, qui lutte pour le droit des animaux, mais aussi pour une forme moderne de féminisme. Les chemins de Brandy et de Daredevil se croisent, lorsque pour des raisons différentes ils se retrouvent dans la ferme incriminée : grande stupeur au menu, avec la découverte, dans une sorte de cuve cryogénique, des corps de jeunes femmes soumises à des modifications génétiques et physiques, les amenant à rejoindre la perfection, telle qu'on pourrait l'attendre dans l'imaginaire machiste, de ceux pour qui la bimbo décérébrée et consentante est l'idéal féminin. Une de ces créatures est libérée, lorsque sa cuve se brise. Elle ne porte pas de nom, simplement un numéro de série (numéro 9). C'est une blonde aux formes généreuses, qui ne vit que pour servir l'homme auquel elle va s'attacher. Et bien entendu, puisque Daredevil est plus ou moins responsable de sa libération, autrement dit de sa naissance, voilà qu'elle s'attache à notre héros, et fait de son mieux pour le servir, lui prépare de savoureux petits sandwichs, ou lui dispense massages et compliments à longueur de journée. Une créature totalement soumise donc, qui entre bien vite en conflit avec Brandy la rebelle. Mais aussi une femme tragique, dotée de surcroît du pouvoir de guérir de toutes ses blessures, même face à la dernière version en date de Ultron, trafiquée et relâchée dans la nature par Fatalis, à l'occasion d'un autre crossover qui croise la route de Daredevil, les Actes de Vengeance (la variant cover choisie par Panini illustre ce récit). Une fois résolu le dilemme moral et éthique entre Brandy et son père (au passage nous avons droit à de jolies scènes de crêpages de chignons, sans doute un fond de jalousie motive t-il la rebelle à s'en prendre à la blonde docile) le récit devient moins passionnant. Les Inhumains s'en mêlent, puisqu'ils sont sur Terre à la recherche du fils du couple royal, momentanément éloigné de leur refuge pour des raisons d'état. On découvre aussi Blackheart, le rejeton de Mephisto. Romita Jr est au dessin pour la grande majorité des épisodes du cycle d'Ann Nocenti. Excellent Romita, ajouterais-je, tant à l'époque il avait ce don de synthèse, faisant naître mouvement et vie de chaque planche, avec un trait dur et nerveux, bien aidé par l'encrage remarquable de Al Williamson. Ces épisodes furent publiés dans les années 90 par Semic, dans les petits fascicules "version intégrale", puis dans la collection Marvel Icons. Aujourd'hui, un gros omnibus vous tend les bras, pour les amateurs de ce format extralarge. 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : GONE WITH THE WIND


 Dans le 191e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente la second tome de Gone with the wind que l’on doit à Pierre Alary, qui adapte ici le roman de Margaret Mitchell, un ouvrage publié chez Rue de Sèvres. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Babouchka et Dedouchka, album que l’on doit à Emma Siniavski et qui est publié aux éditions Sarbacane


- La sortie de l’album Le crétin qui a gagné la Guerre froide que l’on doit au scénario de Jean-Yves Le Naour, au dessin de Cédrick Le Bihan et c’est publié aux éditions Grand angle


- La sortie de l’album Anatomie d’un commissariat que l’on doit au scénario de Mikael Corre, au dessin de Bouqé et c’est sorti chez Fayard graphic


- La sortie de 2007 - 2017, deuxième tome de la série Journal inquiet d’Istanbul que l’on doit à Ersin Karabulut ainsi qu’aux éditions Dargaud


- La sortie de l’album Enfant de salaud, nouvelle adaptation que l’on doit à Sébastien Gnaedig d’un roman de Sorj Chalandon, un titre paru aux éditions Futuropolis


- La sortie de l’ouvrage Garçonnes, les autrices oubliées des années folles, un beau livre que l’on doit à Trina Robbins ainsi qu’aux éditions Bliss



 
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BLOOD HUNT (1/3) : LES VAMPIRES ONT LES CROCS CHEZ MARVEL


 Par "event", le lecteur de comics américains désigne ces grands événements qui bouleversent l'ensemble de l'univers d'une maison d'édition, mobilisant une multitude de personnages et de séries. Chez Marvel, cette pratique est devenue quasi systématique ces quinze dernières années. Il faut bien le reconnaître : si certains de ces récits s'avèrent réussis et laissent des traces durables dans la vie de nos super-héros, d'autres, hélas, se révèlent aussi éphémères et inconsistants que des bulles de savon prêtes à éclater. La bonne nouvelle, c'est que Blood Hunt, une histoire de vampires comme son titre le laisse présager, figure parmi les récits les plus captivants de ces dernières années. Comme annoncé, il est question de vampires et, qui dit vampires, dit forcément Dracula. Cependant, cette fois-ci, le célèbre seigneur des ténèbres ne joue pas le rôle du grand méchant assoiffé de conquête planétaire. Au contraire, il devient l'un des derniers recours sur lequel les justiciers peuvent s'appuyer pour affronter une menace bien plus terrible. Celle-ci émane d’un visage pourtant familier, habituellement l’ennemi le plus acharné des vampires. Tout commence lorsqu’un phénomène étrange frappe les personnages qui puisent dans la Force Noire : ils explosent littéralement, devenant des sortes de nexus déversant une noirceur indicible dans notre dimension. Cette obscurité est si intense qu’elle finit par masquer le soleil derrière une couche opaque et impénétrable. Et, comme chacun le sait, lorsque le soleil disparaît, le terrain est idéal pour une déferlante de vampires. Les Avengers sont les premiers à subir les assauts de cette invasion. Face à une nouvelle équipe de super-vampires (les Sanguinaires), ils essuient une cuisante défaite : Thor, la Sorcière Rouge et Black Panther, pourtant parmi les plus puissants, se retrouvent littéralement laminés. Quant au Docteur Strange, sans dévoiler de détails, disons simplement que Blood Hunt ne manquera pas de laisser des séquelles majeures pour le Sorcier Suprême. Autre excellente nouvelle : les épisodes principaux de cet événement sont illustrés par Pepe Larraz, un dessinateur de génie dont les planches dynamiques et spectaculaires marquent les esprits à chaque fois. Au scénario, on retrouve Jed MacKay, qui a patiemment tissé les fils de cette intrigue ces derniers mois, notamment à travers la série Moon Knight, dont plusieurs protagonistes jouent ici un rôle clé.




Puisque j’évoquais le sort du Docteur Strange, l’une des victimes les plus marquantes de ce début de crossover, il convient de parler de la manière dont ces récits sont désormais publiés par Panini. Ces histoires paraissent sous la forme d’albums en softcover, avec trois sorties prévues jusqu’en mars de cette année. Cette structure est importante, car elle propose un contenu très varié : on y trouve bien sûr les épisodes de la série principale, mais également des récits annexes tirés de titres influencés par les événements du crossover. Cependant, la qualité de ces récits est inégale : certains personnages sont moins connus, et les équipes artistiques qui y participent ne parviennent pas toujours à maintenir le niveau général. Par exemple, Strange Academy met en scène de jeunes adolescents apprenant à maîtriser leurs pouvoirs magiques. Dans le contexte sombre et intense de Blood Hunt, ce ton léger et quelque peu infantile peut sembler hors de propos, voire dispensable. De même, dans la série régulière consacrée au Docteur Strange, le style graphique de Pascual Ferry peut surprendre après le travail minutieux et spectaculaire de Pepe Larraz, qui avait placé la barre très haut. En revanche, l’arrivée de Vincenzo Carratù, chargé des aventures de Dracula, est une excellente surprise. Dracula, personnage central dans l’économie du crossover, bénéficie du talent de ce dessinateur napolitain, qui s’impose comme une valeur montante de Marvel. Sur le plan narratif, Blood Hunt alterne entre le chaud et le froid. Le premier numéro est un véritable carnage, où les héros subissent des défaites cuisantes, mais dès le second, la situation évolue : les survivants trouvent un moyen de contre-attaquer, et un regain d’espoir s’installe parmi eux. Parmi les figures notables du récit, on retrouve un électron libre en la personne du Docteur Fatalis. Ce personnage, dictateur charismatique et calculateur, occupe un rôle clé dans l’intrigue. Ses actions et leur portée influenceront directement les événements à venir, et seront à l’origine du prochain grand crossover Marvel, attendu d'ici peu aux États-Unis et dont la France devrait découvrir les premiers chapitres fin 2025, compte tenu du décalage habituel. Blood Hunt repose sur un ressort dramatique classique : un monde au bord de la destruction face à une invasion presque impossible à stopper. Comme souvent, les pertes seront nombreuses, mais elles s’accompagneront de résurrections et de révélations. Et, fidèle à la tradition Marvel, chaque conclusion ne sera qu’un point de départ pour de nouvelles aventures. Sur le plan artistique et narratif, si l’ensemble n’est pas exempt de défauts, il reste bien supérieur à d’autres sagas que nous avons pu voir ces temps derniers. En somme, Blood Hunt mérite qu’on s’y attarde, et pourrait bien convaincre les amateurs de carnages du genre.


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INLANDSIS INLANDSIS TOME 1 : LA GLACE


 L’inlandsis est une immense étendue de glace recouvrant tout un continent, comme c’est le cas en Antarctique. Ce spectacle saisissant revêt une importance cruciale pour la science, car cette glace nous offre des informations précieuses sur le climat à travers les âges. Elle nous permet, par exemple, de mieux comprendre la santé de notre planète, les variations de température ou encore le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Autant de raisons justifiant l’organisation d’expéditions scientifiques ambitieuses pour approfondir notre connaissance de l’environnement (le projet Ice Memory). Cependant, dans la bande dessinée magistrale de Benjamin Adam, publiée chez Dargaud sous le nouveau label Charivari, les choses prennent une tournure bien différente. Nous sommes projetés en 2046, dans une France devenue un pays d’une violence extrême. Le pouvoir est aux mains d’un parti autoritaire et xénophobe, réactionnaire et d'obédience chrétienne, qui réprime toute forme de manifestation grâce à une police omniprésente. Dans ce contexte dystopique, la bande dessinée elle-même n’est plus vraiment un loisir prisé. Plusieurs crises successives ont éloigné le public de cet art que nous adorons tant. Pourtant, deux auteurs de BD se voient confier une mission singulière : ils sont envoyés en Antarctique pour documenter la fonte inexorable de l’inlandsis et en tirer un récit personnel. Cette mission est orchestrée par Marie, une jeune femme pleine de ressources, mais confrontée à une épreuve intime : victime d'un accident, elle souffre d’une perte de mémoire à court terme. Incapable de se souvenir des actions qu’elle vient de réaliser, elle doit consigner chaque détail dans des carnets. Ce trouble, profondément invalidant, finit par affecter sa vie de famille, qu’elle s’efforce malgré tout de préserver. Vous l’aurez compris, ce récit est foisonnant, éclaté, et emprunte des directions multiples. Pourtant, il constitue un véritable tour de force, une œuvre à la fois poignante et profondément maîtrisée.



La grande question que l’on peut se poser en lisant cette œuvre splendide signée Benjamin Adam est la suivante : à quoi bon ? À quoi bon lutter contre l’inéluctable, quand tout semble déjà en marche, quand les événements sont enclenchés et qu’il n’est plus possible de revenir en arrière ? À quoi bon avancer, quand tout ce qui survient finit inévitablement par tomber dans l’oubli, qu’il s’agisse des grandes tragédies de l’humanité ou des petits riens du quotidien ? Comme cela est tragiquement illustré dans l’histoire de Marie, même écrire et fixer les choses sur le papier semble futile. Une simple page arrachée d’un carnet peut suffire à effacer ce qui y était consigné, avec des répercussions lourdes pour des inconnus situés à des milliers de kilomètres. Par ailleurs, malgré tout ce que nous savons sur l’état du monde, malgré les dossiers, les recherches et les alertes, les complotistes de tout poil et les négationnistes les plus acharnés finissent par triompher. Leur bêtise insondable en vient à gouverner le monde. C’est précisément ce qui se passe dans ce 2046 imaginé par Benjamin Adam, un futur qui ressemble étrangement à notre présent. Et c’est bien cela qui glace le sang. Certaines références rencontrées dans le récit, telles qu’une école baptisée « Bolloré » ou une rue dédiée au ministre Retailleau, laissent penser que cet avenir sera sombre parce que trop proche de notre présent. Cependant, au milieu de ce chaos, l’humanité résiste. Placée face à l’absurdité des choses, elle puise dans les gestes les plus simples une raison d’avancer et d’affronter le jour suivant. Cette résilience, magnifiée par une narration d’une grande maîtrise, offre au lecteur plusieurs pistes à explorer : les (més)aventures de Marie, celles des artistes envoyés en Antarctique pour concevoir une bande dessinée, ou encore des références historiques évoquant des moments clés de la conquête des pôles. Le dessin, d’une simplicité et d’une expressivité saisissantes, parfois caricatural, sert admirablement le projet et l’ambiance du récit. Même lorsqu’il s’agit de représenter des gaufriers à huit cases, à la fois didactiques et dépouillés, le résultat est d’une efficacité indéniable. En fin de compte, Inlandsis Inlandsis déroute et charme à la fois. Cette bande dessinée ne ressemble à rien de connu, et c’est précisément ce qui en fait un chef-d’œuvre. Ce premier tome, sorti de nulle part, est une révélation absolue : on ne peut qu’espérer une suite dans les plus brefs délais, avant que la fonde des glaces et la montée des eaux ne ruinent notre attente. 



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BENEATH THE TREES : LE THRILLER MAGNIFIQUE DE PATRICK HORVATH


 Au premier regard distrait (qui fut le mien), Beneath The Trees, album écrit et illustré par Patrick Horvath, pourrait passer pour un récit à destination des enfants, charmant, avec des animaux anthropomorphes qui vaquent à leurs occupations, dans une petite ville paisible. Mais derrière cette apparence rassurante et attachante se cache une histoire macabre où le meurtre et le mystère finissent par se croiser et tisser une intrigue captivante. Dès les premières pages, nous faisons la rencontre de Samantha Strong, une citoyenne exemplaire de Woodbrook, un village entouré de forêts et peuplé d’animaux amicaux. Sauf que Sam, qu'on pourrait prendre pour la tante cachée de Winnie l'Ourson est aussi une tueuse en série méthodique qui a bâti une vie confortable et toujours échappé aux soupçons, en respectant une règle d’or : ne jamais s’en prendre aux habitants locaux. Mais un beau jour, l’équilibre fragile de son monde criminel et secret bascule lorsqu’un résident est assassiné de manière mystérieuse. Samantha doit alors affronter un rival meurtrier tout en œuvrant pour protéger son secret et éviter que le shérif ne découvre la vérité. Ce qui distingue ce récit, c’est bien entendu son contraste saisissant : Horvath adopte une esthétique et une narration qui rappellent les livres pour enfants, avec des phrases rimées et des illustrations pleines de charme. Les dialogues fleurent bon la bienveillance et l'altruisme, ça peut même en être irritant, au tout début. Mais à mesure que l’histoire progresse, une atmosphère oppressante s’installe, qui révèle alors la part d’ombre de Woodbrook. Horvath réussit dès lors un mélange audacieux de genres, en combinant l’innocence des classiques pour enfants à la noirceur psychologique d’un thriller à la Dexter (référence ultime que vous allez lire dans presque toutes les critiques).



C'est donc toute une existence paisible, celle d'une ourse qui commet des agissements atroces loin de chez elle pour préserver son confort de vie, dans son petit village, qui est menacé : une concurrence dangereuse qui risque d'éveiller les soupçons et de mettre fin à une habitude macabre. Bien évidemment, toute la communauté est en émoi, la panique gagne les habitants, plus personne n'ose sortir de chez soi. Il est particulièrement efficace de voir tous ces animaux si attachants tout à coup tomber dans la sinistrose et se préoccuper de ce qu'ils peuvent devenir. Et le pire, c'est que Sam va non seulement devoir affronter cette concurrence, mais aussi essuyer une sérieuse tempête, car elle est tombée cette fois sur quelqu'un d'encore plus diabolique qu'elle. Un individu en apparence banal mais qui, justement parce que personne ne semble s'en méfier, s'avère probablement encore plus dangereux que les autres. Autant faire cesser le suspense et le dire tout de suite, il s'agit de l'une des bandes dessinées les plus admirablement bien troussées que j'ai eu l'occasion de lire ces derniers mois. Une réussite totale tant dans la manière de faire progresser l'histoire que celle de crédibiliser tout un univers, qui parvient à associer une atmosphère et des intentions fort différentes, pour bâtir un contraste bienvenu. Il y a parfois, comme ça, certaines œuvres qui sonnent comme une évidence au bout de 10 ou 20 pages, et c'est le cas ici. On est directement happé par une histoire qui rentre vite dans le vif du sujet et qui tient toutes ses promesses jusqu'à la dernière planche. Rigoureusement indispensable, disponible chez Ankama. 



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LA GUERRE KREES SKRULLS REPREND… EN MUST HAVE




 Oui, Roy Thomas a laissé de bons souvenirs avec son run sur la série des Avengers. D'ailleurs, si nous évoquons la séquence qui court du #89 au #97, c'est à dire le noyau dur de la célèbre guerre entre Krees et Skrulls, nous touchons carrément à la légende du genre. Ceci est dû à la qualité de l'intrigue et des dessins, et aussi parce que cette saga, d'une certaine manière, a anticipé la vogue des cross-over (bien que, techniquement, cette guerre n'en soit pas vraiment un) et des aventures cosmiques à grande échelle, qui sont depuis longtemps une caractéristique de Marvel et DC. Thomas, en fait digne héritier de Stan Lee, au début des années 1970, est associé à de nombreux récits importants, pas seulement connectés aux Avengers, contribuant ainsi à la cohésion de l'univers Marvel. La guerre -sans exclusion de coups- entre les races extraterrestres Kree et Skrull, a été fondamentale pour les développements narratifs ultérieurs et a amorcé, par exemple, des sagas telles que Operation Galactic Storm ou même Secret Invasion qui, après tout, doivent beaucoup au travail de Roy Thomas. Le mérite du scénariste était de mettre sous le feu des projecteurs des personnages apparemment mineurs alors, tels que Captain Marvel (assisté du jeune Rick Jones) et les mystérieux Inhumains. Dans une situation qui semble banale au premier abord, Vif-Argent, la Sorcière Rouge, Goliath et Vision sont obligés, à la suite d'une série de circonstances, d’aider Captain Marvel; mais ils ne soupçonnent pas que ce coup de main va les impliquer dans les machinations des Krees et des Skrulls, avec des conséquences dévastatrices non seulement pour les Vengeurs, mais également pour toute la race humaine. De plus, Thomas se réfère au climat de tension sociopolitique et de paranoïa qui règne en Amérique, (vous avez dit le Watergate ?), par le biais d’un homme politique réactionnaire, qui tente de dresser le peuple américain contre les Avengers, en les accusant d’être de mèche avec les extraterrestres. Une vraie atmosphère de chasse aux sorcières, semblable à celle qui s’est produite à l’époque de McCarthy, et avec la politique discutée de Nixon.


Mais Thomas n'oublie pas d'écrire une histoire de super héros et de science-fiction, avec des hommages à Star Trek, à 2001 l'Odyssée de l'espace et aux romans d'Isaac Asimov ou de Robert A. Heinlein. Il se révèle très doué pour les textes, les dialogues et la caractérisation psychologique des personnages (il atteint des niveaux remarquables, surtout avec Vision et Rick Jones). Pourquoi la guerre Kree-Skrull est-elle toujours lue aujourd'hui ? Pas seulement pour le scénario. Mais aussi pour les dessins. Et si Sal Buscema illustre efficacement les premiers chapitres, et le grand frère John s'occupe d’autres séquences, il convient de s'arrêter sur une prestation de très grande classe, celle de Neal Adams, le mythique et regretté dessinateur de Deadman, Batman et Green Lantern / Green Arrow pour DC; Neal a également eu une brève expérience chez Marvel, avec ces histoires des Avengers, et avec certaines autres, des X-Men et des Inhumains. Après des décennies, le style visionnaire et psychédélique d’Adams, doté d’incroyables perspectives et de mises en page novatrices pour l’époque, n’a rien perdu de son charme. Je vous invite à dévorer en particulier l’épisode fou (et historique) dans lequel le minuscule Ant-Man pénètre dans le corps de Vision, le sintezoïde. Pour finir, l’œuvre n’est pas qu'une simple déclaration d’amour envers la science-fiction; elle honore d'autres expériences narratives : les bandes dessinées d'horreur de E.C., par exemple, ou l'ère Timely (on sait que Thomas est un grand fan du Golden Age) et ça se voit dans les fameuses pages qui montrent Rick Jones, évoquant les grands héros de l'éditeur précurseur de Marvel (les Envahisseurs classiques, Captain America, Namor et la Torche, l'androïde); et d'autres personnages moins connus tels Angel, Blazing Skull, The Patriot ou la première Vision. Cette guerre est décidemment un sacré morceau d'histoire. On recommande. 


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SHIN ZERO : LES SENTAIS PAUMÉS DE BABLET ET SINGELIN


Nous vivons dans un monde dominé par les services, où même les prestations les plus absurdes donnent lieu à une compétition féroce. Entre la création d’applications en ligne et, bien sûr, l’odieux système de notation basé sur la satisfaction du client envers le prestataire, tout est soumis à l’évaluation. Alors, pourquoi ne pas étendre ce concept au genre "sentai" ? Filons donc au Japon pour y retrouver une bande de jeunes adultes confrontés aux défis du quotidien. Trouver de l’argent pour financer leurs études, gagner en indépendance, accepter une colocation pour ne plus vivre chez leurs parents… L’un des moyens les plus efficaces pour joindre les deux bouts ? S’inscrire sur une plateforme permettant de devenir sentai. Il ne reste alors qu’à se procurer un costume coloré adapté à l'activité, rappelant les célèbres séries comme Bioman ou Power Rangers, et le tour est joué. Cependant, les missions proposées s’avèrent loin de l’imaginaire héroïque associé à ce genre importé du pays du Soleil Levant. Ici, point de combats épiques contre des monstres terrifiants. Les tâches confiées consistent parfois simplement à surveiller un supermarché ou à faire du nettoyage. Parmi ces jeunes héros d’un nouveau genre, mentionnons particulièrement Satoshi, le plus passionné de tous. Il voue un véritable culte aux kaijus, ces monstres légendaires qui, autrefois, dévastaient régulièrement le Japon. Ces créatures ont inspiré la première génération authentique de sentais, dont les exploits, amplifiés par la taille démesurée de leurs ennemis et par celle qu'il pouvaient atteindre eux-mêmes (après des manipulations très poussées en laboratoire) représentaient une forme de sacrifice patriotique. Ces héros mettaient leur vie en jeu pour protéger leur pays. Puis, un jour, après un ultime combat titanesque, les kaijus ont disparu du Japon. Depuis, les sentais occupent de simples postes alimentaires, à la recherche de quelques yens. Mathieu Bablet réalise avec Shin Zero un véritable tour de force, en réinterprétant toutes les caractéristiques d’un genre devenu culte à travers le monde. Il en fait une œuvre personnelle et profondément touchante, centrée sur une bande de jeunes paumés. Ces derniers doivent non seulement apprendre ce que signifie être adulte, mais aussi composer avec des préoccupations encore bien adolescentes.


Nous avons parlé de Satoshi, mais n'oublions pas tous les autres ! Warren, l’intellectuel du groupe, semble n’avoir aucune raison évidente de devenir un sentai. Pourtant, il s’y est résolu, influencé par le passé de son père, lui-même sentai en son temps. Sa motivation principale reste toutefois de rester proche d’Éloïse, pour qui il nourrit un tendre béguin. Éloïse, de son côté, est une jeune femme pétillante et entreprenante, mais elle ne répond pas à ses attentes sentimentales. Pire encore, elle semble même préférer Nikki, qui se distingue par sa praticité au sein de l’équipe, bien qu’elle aussi ait des raisons toutes personnelles de se consacrer à cette profession précaire. Sophie, quant à elle, partage avec les autres son statut de jeune adulte, mais elle se distingue par sa situation familiale : déjà mère d’un enfant dont elle n’a pas encore la garde, elle doit faire ses preuves pour pouvoir l’accueillir au sein de leur colocation générale. Cette joyeuse troupe est finalement quelque peu influencée par un leader autoproclamé (Satoshi), animé par une conviction inébranlable : la disparition des monstres, des kaijus, depuis une vingtaine d’années, n’a rien de naturel. Il est persuadé qu’un mystère – voire un complot – se cache derrière cet événement, et il s’est donné pour mission d’en découvrir la vérité, rêvant secrètement de défier un jour l’une de ces créatures légendaires. Le récit est sublimé par le talent de Guillaume Singelin, dont le trait précis et délicat regorge de petits détails. Sa capacité à adapter ses planches à un style proche du manga rend Shin Zero tout à fait digne des meilleurs titres du genre, voire supérieur, grâce à un scénario à la fois sensible et parfaitement structuré, ainsi qu’une inventivité graphique continue. Bien que le format proposé convienne parfaitement à la lecture, on ne peut s’empêcher de rêver à des pages agrandies, tant le travail de Singelin mérite qu'on profite des moindres idées. L’édition, publiée par le label 619 désormais intégré chez Rue de Sèvres, ne souffre d’aucun défaut. Avec un prix de moins de 14 euros pour 216 pages, il serait insensé de passer à côté de ce qui sera sans doute l’une des meilleures publications de ce début d’année. Shin Zero démontre qu’il est possible de concevoir une histoire admirable, capable de captiver un public allant des adolescents aux adultes lecteurs confirmés, sans céder ni à la facilité ni à la complaisance infantile. Cette œuvre donne furieusement envie de lire la suite, un sentiment que peu de séries parviennent à susciter de cette manière, aujourd’hui. Heureusement, deux autres volumes sont déjà prévus… On a hâte !
Sortie le 24 janvier. Disponibles aussi avec trois jaquettes collector exclusives (Canal BD, Fnac, Cultura).



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CRIMSON FLOWER : UNE FOLIE GRAPHIQUE DE KINDT ET LESNIEWSKI CHEZ DELIRIUM


 Crimson Flower de Matt Kindt et Matt Lesniewski est un récit qui mêle vengeance, folklore slave, et un soupçon de folie. Imaginez une vendeuse VRP pour une grosse boîte pharmaceutique russe, dépendante aux médocs qu’elle vend, et en quête de justice pour le meurtre brutal de son père. Mais attention, cette héroïne n’a rien d’une demoiselle en détresse : elle tranche, frappe, et vous fait douter de sa santé mentale à chaque page et au fur et à mesure des pilules qu'elle avale sur la route. L'album démarre sur une note nostalgique, une scène père-fille autour d’un livre de contes russes. Puis, coupure brutale : on retrouve notre héroïne adulte, plongée dans un chaos de violence et de vengeance. Le folklore s'entrelace avec l'imaginaire, à tel point qu’on ne sait plus très bien ce qui est réel ou fantasmé. Est-ce un conte sanglant ou une hallucination due à un cocktail pharmaceutique ? Il faut dire que la fillette a vécu un traumatisme qu'elle ne pourra jamais oublié : quelqu'un s'est introduit dans le bureau du paternel et l'a assassiné de manière barbare sous ses yeux. Elle a patiemment accumulé les indices qui lui permettent de remonter la piste du coupable, et aujourd'hui, l'heure est venue de payer. Il faut l'admettre, les types qu'elle va croiser sur son chemin ont la figure de l'emploi. Ils sont laids, menaçants, et quand la réalité et l'imaginaire folklorique se confondent, cela donne une ménagerie sauvage et purulente que notre "héroïne" (elle aussi transformée dans un habit propre à ces moments) se charge de pourfendre à la manière d'un chevalier moderne. Le fil entre monde réel et littérature est d'ailleurs fragile et sujet à confusion dès le départ, puisque la passion de Rodion, la fillette, est de dévorer des livres de récits folkloriques dans le bureau du père. Elle-même n'est pas exactement ce que nous pouvons croire ou déduire après les trois premiers numéros, des quatre qui composent cette mini série. Où la violence se met en place d'une façon presque répétitive, selon un schéma bien précis, mais qui permet toujours au dessin de faire feu de tout bois. Et à ce niveau, place à une sacrée découverte. 



Matt Lesniewski sort l’artillerie lourde : des membres étirés à l’extrême, des postures grotesques, des détails exagérés qui donnent une identité unique à cette histoire. S'il fallait se prêter au petit jeu de l'accumulation des références artistiques, on pourrait parler d'un cocktail hallucinogène, avec une pincée de Michel Fiffe, un coulis de Paul Pope, un arrière-goût de Tradd Moore ou de Daniel Clowes. Les scènes d’action, sous ses crayons ? Une chorégraphie étrange entre le burlesque et l’épique. Les personnages sont aperçus tout à coup sous un angle monstrueux, difformes, assument l'identité de créatures des contes, ce qui permet de justifier, ou en tous les cas de dédramatiser, le funeste destin qui les attend. L’héroïne est d'ailleurs dépeinte comme instable, peu fiable, et on se demande souvent si elle est victime ou bourreau. Si son comportement ne fait pas d'elle une tueuse en série sans la moindre pitié, ou une femme qu'une juste colère incite à s'en aller découper du criminel de la pire espèce, geste exutoire et jubilatoire qu'on pardonnera aisément, compte tenu du trauma vécu. Lesniewski a de fortes chances d'être encore un inconnu pour la plupart d'entre vous. Moi-même, je ne le connais que très sommairement, mais il est évident, après seulement quelques pages, que nous tenons ici un de ces créateurs pour qui les cases sont bien trop étroites pour qu'on l'y enferme. Un de ceux dont la fantaisie repousse la possibilité même de raconter une histoire en images, qui peut s'émanciper des anatomies, du réalisme, du bon ton, sans craindre d'être mis au ban du genre. Lesniewski invente et c'est jubilatoire, débordant, très personnel. Bonne nouvelle, on le retrouvera très vite chez Delirium (qui ne s'est pas trompé sur le potentiel du lascar) grâce à un graphic novel à venir en 2025, Static. Ajoutons à cela que les couleurs de Bill Crabtree apportent une touche vibrante, presque maladive, comme si elles étaient elles aussi sous l’effet des psychotropes qui rythment une partie de cet album. Violent et mené tambour battant, Crimson Flower se fiche bien de la perfection et du qu'en-dira-t-on. En fait, ça ne ressemble à rien d'autre et c'est fascinant aussi pour cela. Une des découvertes les plus singulières et jouissives que vous allez pouvoir faire en 2025, selon toute probabilité. 

Crimson Flower, chez Delirium, sortie le 15 janvier 



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CYBORGS TOME 1 : RONIN (CHEZ SOLEIL)

 Tous les amateurs de science-fiction et d’anticipation ont rendez-vous chez Soleil pour le premier tome d’une nouvelle série en cinq albums...