TRILLIUM : LE NOUVEAU JEFF LEMIRE CHEZ URBAN COMICS

Jusqu'ici Jeff Lemire nous avait habitué à des oeuvres personnelles ancrées dans un quotidien prosaïque, développées avec une verve poétique douce-amère. Sweet Tooth avait amorcé une petite révolution avec un récit de science-fiction apocalyptique, qui puisait toutefois sa sève vitale dans la grande humanité des personnages mis en scène. Cette fois, avec Trillium, Lemire peut donner corps à ses fantasmes d'enfance et tisser une grande et belle histoire qui convoque le cosmos, les étoiles, des extra-terrestres, et ... l'amour. Le tout en huit numéros seulement, une petite grande fresque universelle, qui fut présentée en son temps comme la dernière histoire d'amour de l'humanité. Dans Trillium, nous suivons deux personnages principaux que tout éloigne. Nika est une scientifique qui tente d'établir un contact avec les autochtones de la planète Atabithia, en 3797. Elle évolue dans un univers où la race humaine est en voie d'extinction. Il ne reste plus que quelques milliers d'exemplaires en vie, les autres ayant été décimé par un virus intelligent. William lui est un ancien soldat, traumatisé par le champ de bataille de la première guerre mondiale, et qui part en 1921 à la recherche d'un mystérieux temple dans la jungle du Pérou. Bref, tout sépare ces deux-là, sauf une fleur blanche aux propriétés inconnues et mystérieuses. On en trouve un champ complet sur Atabithia et elle devrait permettre de synthétiser un antidote contre le virus opérant dans le futur. On en trouve également en ce début de XX° siècle, autour du temple inca recherché par William et son frère aîné. Tout s'emballe et s'enchaîne lorsque Nika et William ingèrent le Trillium (c'est son nom) et accèdent à un autre niveau de conscience, de réalité. La scientifique est ainsi projetée dans le passé, et rencontre pour la première fois celui qui va lui permettre de rompre sa solitude, et dont l'existence va finir par se fondre avec la sienne, au sens propre comme au sens figuré. 

L'ingestion du Trillium est-elle une parabole pour évoquer ces autres substances opiacées qui nous font rêver, planer? C'est en tous les cas le déclencheur d'une expérience qui va mêler passé et futur, vie de l'un et vie de l'autre, souvenirs personnels et drames intimes. Ces derniers ne sont jamais loin, chez Jeff Lemire, et la filiation, la famille, est toujours présente, comme source de traumas, dans chacune de ses oeuvres. Par exemple, la sentiment de culpabilité et de solitude de Nika est due à la disparition de la mère, dans des circonstances tragiques, qui sont narrés à mi-parcours du récit. Plus encore qu'une histoire d'amour, Trillium est une ode à l'humanité, qui puise son succès dans la crédibilité et la psychologie des personnages principaux. Osons même parler d'histoire d'amour de Jeff Lemire pour ses créations, ce qui permet aisément aux lecteurs d'adhérer naturellement à leurs vicissitudes, leurs détresses, leurs joies. Techniquement parlant, Lemire s'amuse à pervertir, à manipuler les limites de la mise en page, partant de la technique du flip-book dans le premier épisode, pour ensuite juxtaposer deux lignes narratives à rebours l'une de l'autre, dans un autre épisode. Nous avons affaire à un des artisans les plus doués de sa génération, à un storyteller de premier ordre qui parvient une fois de plus à mettre à nu les victoires et les défaites, les qualités et les défauts de l'âme humaine, toujours triomphante, même au fin fond du cosmos. La conclusion de Trillium revient par ailleurs nous évoquer celle de Sweet Tooth. Derrière le drame et la catastrophe redoutée, c'est à nouveau l'espoir et la transmission qui triomphent, pour une happy-end apaisée et d'une grande sensibilité, tout en dribblant le piège de la mièvrerie avec aisance. Sans être le chef d'oeuvre de sa biographie, Trillium est un nouveau succès marquant dans la carrière de Jeff Lemire, qui fait preuve d'une redoutable régularité dans l'excellence et l'inspiration.


Sortie chez Urban Comics le 24 octobre. 

BATMAN TOME 4 : L'AN ZERO (1 ère partie)

Une des bonnes vieilles recettes pour vendre des copies, quand on a entre les mains un personnage légendaire et bankable, c'est de raconter encore et encore ses origines, de revenir sur des pans obscurs de ses premières années. Batman n'a pas été épargné par le phénomène, et les New 52 sont un excellent prétexte pour Scott Snyder de remettre le couvert, en cherchant bien entendu à raconter quelque chose d'inattendu, de neuf, d'inattendu. L'An Zéro est une si longue saga qu'il faudra bien deux tomes chez Urban Comics pour en venir à bout. Voici donc le premier, où Bruce Wayne est enfin de retour à Gotham, après des années formatives sur la route, qui sont narrées dans les histoires de back-up écrites par James Tynion IV. Je préfère vous dire d'emblée que je ne les ai pas aimées, car sans grande personnalité, avec une trop grande volonté de moderniser et de "cooliser" Bruce, ce dont il n'a visiblement pas besoin. Son retour, donc, n'est pas de tout repos : la ville est aux mains du gang de Red Hood, un cinglé qui se coiffe d'un heaume rouge en forme de suppositoire. Le play-boy milliardaire n'est pas seul pour mener l'enquête puisque Alfred le majordome va le soutenir et l'orienter, au besoin. Autre personnage d'importance, l'oncle, à savoir Philip Kane, qui est l'administrateur de l'empire Wayne, en l'absence de l'héritier désigné. Bruce n'a pas l'intention de revenir aux affaires et préfère jouer au casse-cou pour identifier et stopper le Red Hood, quitte même à se déguiser en Oswald Cobblepot et infiltrer son dirigeable. Le problème c'est qu'à l'époque Batman n'est pas encore Batman : juste en homme motivé mais encore naïf, qui va se faire casser la tête et tabasser à y laisser des dents et la mâchoire. Action, et encore de l'action, avec ce premier volet, qui est aussi truffé de petits flash-backs (Bruce enfant, le traumatisme de la mort des parents et l'apparition des chauve-souris) qui rythment la lecture et feront peut être la paire, avec ce qu'on voit et verra à l'écran cet automne dans la série Gotham.

En réalité, L'An zéro s'ouvre avec une scène fort étonnante. Gotham City dans une version apocalyptique, sans que nous puissions comprendre véritablement pourquoi nous en sommes arrivés à ce stade. Ce n'est qu'ensuite que tout s'enchaîne. Comme nous repartons de zéro, Snyder peut tisser à sa guise les rapports humains entre les différents personnages, et ce qu'il fait de mieux reste ceux entre Bruce et Alfred, qui ont une relation à (re)construire. Cela ne va pas sans heurts et conflits évidents, dans un premier temps, mais les deux hommes avaient nécessairement à se (re)connaître après la longue parenthèse de Bruce Wayne à travers le globe. Le scénariste livre également une nouvelle version (relookée et affinée) du Red Hood, mais aussi des premiers pas d'Edward Nygma, pas encore ce super vilain qui carbure à coups de devinettes, ici installé comme le miroir déformé des capacités intellectuelles du futur Batman (après tout le roi des détectives se doit d'avoir des ennemis qui lui posent des colles, non?). Les dessins de Greg Capullo continuent d'être à la hauteur, haut la main. Son style colle admirablement au ton général de la série, et le travail du coloriste sur ces épisodes permet de rompre subtilement avec les ambiances hyper sombres et angoissantes des années présentes. Scott Snyder semble avoir une grande ambition, en recyclant les classiques du passé, pour en faire des arcs narratifs cruciaux durant l'ère des New 52. Après sa propre mouture du Deuil de la Famille (le troisème tome, avec le retour du Joker, plus barge que jamais), cette fois il lorgne ouvertement vers le Year One de Miller, auquel il sait rendre hommage, mais dont il parvient idéalement à se démarquer, en privilégiant l'action à l'enquête, et en retouchant les caractères des personnages, à commencer par un Bruce plus circonspect et impatient envers son majordome. Plus insolent et tête brûlée. Les origines de Batman, c'est loin d'être novateur, mais sous cet angle, ça à au moins le mérite de se décliner en une aventure qui ne répète pas stérilement celles qui ont déjà été écrites. D'où le fait que je vous recommande l'achat!


THE PUNISHER : SUICIDE RUN (INEDIT EN VF)

Parlons inédit en Vf aujourd'hui, avec le Punisher. Retour à l'ère de gloire du personnage, dans les années 90, quand trois séries mensuelles étaient consacrées au vigilante Marvel. L'occasion de crossovers endiablés, dont le plus célèbre et le plus long, Suicide Run. Comme le titre l'indique, une aventure dramatique pour Frank Castle, qui commençait sérieusement à accuser quelques signes de fatigue psychologique, et jouait dangereusement avec l'auto-destruction. Qui commence lorsque la pègre de New-York décide d'en finir avec lui, en l'attirant dans un piège aussi sophistiqué que risqué. Une réunion au sommet avec tous les gros bonnets du milieu est organisée dans un building en construction, censée servir d'appât pour le Punisher, qui ne saurait résister à l'appel du carnage. Seule Rosalie Carbone, une brune fatale que Castle épargna autrefois (car au fond elle lui plaisait plutôt bien, physiquement...) ne participe pas à cette mascarade, qui tourne vite au tir au pigeon. Notre justicier, acculé, ne trouve rien de mieux que de descendre tout ce qui bouge, et en dernier recours il fait sauter tout l'immeuble, et se retrouve enseveli, avec les malfrats les plus récalcitrants, sous des tonnes de gravas. Ce qui fait l'affaire de la brigade chargée d'appréhender tous ces pseudos redresseurs de tort, V.i.g.i.l, qui ne savait trop comment arrêter le Punisher. Exception notable au sein de cette institution, une tête brûlée du nom de Blackwell, qui nourrit une haine féroce pour ce cher Frankie. Qu'il va continuer à traquer sans relâche, jusque dans la petite bourgade de Laastekist, où ce sera le feu d'artifice final, la grande fête pour s'attribuer le scalp du Punisher, entre mafieux, forces de l'ordre, et cinglés obsessionnels de la gâchette.

Alors bien sur, nous sommes dans les années 90. Chuck Dixon ne perd guère de temps à plonger ses personnages dans une introspection poussée et crédible. Le Punisher est ici motivé par une mission aveugle, qu'il poursuit dans la plus grande tradition des redresseurs de torts monomaniaques et caricaturaux. Il est prêt à se sacrifier, et ne s'en sort que par un concours de circonstances heureuses. Castle n'est pas seul. A l'époque, d'autres épigones fréquentaient les pages des trois séries mensuelles. Notamment (pour ne citer que les plus notables) Lynn Michaels, ex policière passée elle aussi dans les rangs des vigilante, Outlaw (la version fan-boy britannique, souvent raillé pour son accent), ou bien Hitman, l'avatar au service... de la mafia! Une mise en scène qui n'a rien d'originale, et qui trouve probablement ses racines dans l'événement Death of Superman/Reign of the Supermen : lorsque le héros phare semble hors service, la course à la succession démultiplie les vocations! Aux dessins, nous avons du John Buscema, tout de même, mais parfois (vers la fin) l'encrage est un peu sommaire, et son style déjà épuré en devient un tantinet brouillon. Ou encore Hugh Haynes, un des piliers de la série dans les années 90, au trait plus cartoony et naïf. Il s'agit là du point d'orgue de presque une décennie d'aventures. Les responsables de Marvel voulaient alors rendre aux ventes le lustre qui commençait à s'effriter, en orchestrant la fin présumée du Punisher, tout en injectant sur ces pages une longue liste de prétendants wannabe, ou de copies distordues, pour étoffer un univers narratif très refermé sur lui même : Suicide Run fonctionne en autonomie parfaite et ne fait pas intervenir d'autres justiciers en collants. Le problème, c'est que vous ne trouverez pas de traces de l'ironie mordante de Garth Ennis, ou la violence adulte et esthétisante de la récente collection Max. Par contre, les amateurs de gros flingues et de comics à la Charles Bronson vont se régaler. Une publication Vf semble à ce jour bien peu probable, à moins que Castle revive un jour prochain au cinéma, avec succès, ou revienne en force chez Netflix, par exemple. Une petite série? Oh oui que j'aimerais!




Liste de lecture et infos détaillées ici 

ROBIN : ANNEE UN

Il n'y a pas que Batman qui a eu droit à son Year One. Année un pour Robin, le jeune prodige, ici dans son incarnation la plus classique, c'est à dire Dick Grayson. Un jeune orphelin qui a perdu ses parents dans un accident criminel au trapèze, et que nous retrouvons d'emblée en pleine phase d'entraînement aux cotés de son mentor et père de substitution, Batman. L'album commence avec Batman Chronicles : The Gauntlet, qui est une sorte de test grandeur nature pour Robin. Le but est de passer une nuit entière à échapper au Dark Knight, pour se démontrer digne de l'accompagner par la suite dans ses rondes urbaines.  Tout ceci ressemble à un jeu de cache-cache innocent, sauf que d'emblée Dick se heurte à un policier en civil victime d'une agression brutale, s'immisçant de la sorte dans les activités d'un certain Joe Minette, ponte de la pègre locale, qui va participer à la traque à sa manière, c'est à dire de façon beaucoup moins clémente. Il est intéressant de voir ce qui se passe dans la tête de Bruce Wayne : il n'a pas du tout envie de placer son jeune pupille dans des situations hasardeuses qui pourraient le mener à une fin tragique, mais dans le même temps il a besoin de ce side-kick et il est prêt à le prendre définitivement sous sa coupe s'il se révèle à la hauteur du maître. Un Robin qui a entre les mains un jeu de cartes représentant des femmes nues, à destination du commissaire Gordon, cadeau empoisonné de celui qu'il a secouru en vain, et qui va se montrer intelligent, truculent, et audacieux, pour son jeune âge. Certes Batman va venir lui tirer les marrons du feu au dernier instant, après l'avoir quelque peu épié dans l'ombre, mais il méritera bien ses galons de héros en devenir. Un travail sympathique de Bruce Canwell, bien illustré par Lee Weeks, qui présente un Robin bondissant, agile, gracieux, mais toujours aussi ridicule, avec le recul, dans son improbable costume rouge et verte, avec culotte courte (ou simple slip?) et bottines évasés. Un look effrayant, pour ne pas dire scabreux... 

Second récit présent, Robin Year One, en quatre parties. Cette fois c'est Alfred Pennyworth qui joue au narrateur,et nous donne sa propre vision des choses. Une histoire qui nait sous les pires auspices, avec un Chapelier Fou chargé d'enlever une dizaine de gamines de Gotham pour le compte d'un politicien asiatique. Robin se charge de l'enquête seul, pendant que Bruce Wayne est occupé sur le yacht du commanditaire des rapts, ce qui pourrait lui valoir un bon savon. Batman n'est pas si convaincu que ça de laisser son jeune side-kick prendre les choses en main, sans son aval. C'est ensuite le commissaire Gordon qui exprime ses doutes et sa réticence à voir un gamin affublé d'un costume, rendre la justice aux cotés d'un dur de dur comme le Dark Knight, d'autant plus que la menace de Double Face se profile à l'horizon : pour se venger de Batman, il projette d'assassiner son jeune compagnon! Ce qui est assez paradoxal, c'est qu'on pourrait s'attendre à une revisitation plus soft et complaisante des débuts du jeune prodige, et pourtant ces pages lorgnent par endroits vers la violence la plus crue, et abordent des thématiques adultes et dérangeantes. Le jeune âge du protagoniste est un bon miroir à tendre vers Gotham pour y aborder des questions comme le détournement de mineurs, ou bien l'exploitation des plus fragiles par des adultes sans morale. Chuck Dixon signe un scénario réfléchi et mur, qui est idéal pour souligner la maturité naissante de Robin, qui reste pourtant par endroits l'idéaliste naïf qu'il pourrait être. Les dessins de Marcos Martin et Javier Pulido sont frais, subtilement cartoony, dotés d'une mise en couleur inspirée et originale. Ce qui fait de ce Année Un une parution fort agréable, fort recommandable à tous ceux qui souhaitent prolonger l'expérience et la connaissance des premières années du Duo le plus bondissant de Gotham, la Chauve-Souris et son fidèle Rouge-Gorge. 


LES PORTRAITS DE PAOLO RIVERA (COLLECTION 2014)

J'ai déjà eu l'occasion d'en parler ici même mais j'aime beaucoup les portraits de Paolo Rivera, celle collection de dessins des principaux acteurs de l'univers super-héroïque, qui s'enrichit mois après mois au grès des commissions, et des conventions comics. Voici donc ce mercredi une petite revue de certains travaux réalisés lors des quatre cinq derniers mois par l'artiste, avec Iron Man, Wolverine, MiracleMan, Mary-Jane Watson, et d'autres encore. Paolo Rivera que vous pouvez retrouver sur http://paolorivera.blogspot.com







GOTHAM : LE PREMIER EPISODE DE LA SERIE

Gothman la série, c'est parti. On nous avait vendu le truc comme une série sur la ville de Batman, mais sans Batman (avant Batman, pour être plus précis). Ce qui est exact, mais jusqu'à un certain point. Car la mythologie du Dark Knight imprègne d'emblée toutes les scènes de ce premier épisode, à commencer par l'incipit en lui même. Il s'agit de la célèbre scène du meurtre des parents de Bruce Wayne, devant les yeux terrorisés du gamin qui deviendra super-héros un jour. La nouveauté ici, c'est qu'une adolescente chapardeuse assiste au délit, perchée sur un escalier de service. Vous l'avez compris, Gotham introduit également une jeune Selina Kyle (Catwoman) en faisant d'elle un témoin du drame fondamental de Bruce, sans pour autant savoir l'employer autrement que dans cette position de clin d'oeil aux lecteurs du comic-book. Ceux-ci en ont pour leurs attentes, puisque les références sont nombreuses. A chaque pas que le lieutenant Jim Gordon fait dans la ville, c'est pour y trouver des personnages facilement identifiables, encore en devenir. Citons en vrac Poison Ivy, le Pingouin, Renee Montoya, Edward Nygma ... Un jeu amusant à regarder, et sympathique, mais qu'il va falloir développer avec soin et inspiration pour que ça ne reste pas de l'ordre du gimmick un peu facile. En attendant, les stars de cet épisode ce sont deux flics. Gordon, donc, mais aussi Harvey Bullock qui est son partenaire et celui qui va l'épauler dans la découverte des bassesses de la cité. Car si Jim est un nouveau venu idéaliste et incorruptible, son compère a un tempérament beaucoup plus nuancé. On le devine bon flic (efficace) mais avec des zones d'ombre évidentes. Dans une Gotham où la police mange dans la main de la mafia, et où tout s'achète, Bullock est loin d'être le pire des représentants des forces de l'ordre, mais on comprend qu'il n'a pas échappé à une forme de renoncement, d'apathie, que la présence de Gordon pourrait fortement remettre en cause.

Ce qui est appréciable dans cette série, c'est la tentative de faire quelque chose de nouveau. Le contexte, en somme. S'occuper d'un pan de la préhistoire du Dark Knight, à savoir l'assassinant des époux Wayne, et l'enquête qui s'en est suivie. Qui a bien pu vraiment presser la gâchette? Dans quel but précis? Une trame policière qui permet et justifie l'attachement tout particulier du récit à la figure de James Gordon, qui est le héros humain et vulnérable perdu dans la nasse nauséabonde d'une cité aussi fascinante que corrompue. Les nombreux seconds rôles réjouissent l'attente des fans de comics, et il est à noter la version plus dure, acerbe, qui est ici présentée du majordome Alfred Pennyworth. On le sent protecteur et pugnace, hautain et granitique. Le montage de cet épisode est tout de même assez frénétique, trop par moments. et les scènes d'action sont cahotiques, d'autant plus que l'atmosphère étouffante de Gotham ne facilite pas la lisibilité de l'ensemble. Si l'enquête est bien ficelée et les indices semés avec dextérité, c'est malheureusement pour aboutir à un final peu crédible, et une "fausse mort" qui n'aurait guère fait illusion avec un minimum d'attention et de vérification. Quand on connait les enjeux et ce qui en découle, on peut s'étonner grandement de devoir en rester là. On est aussi surpris que finalement Gotham manque de caractère. Nous nous contentons de rues sombres, de buildings, de viaducs en pleine ville, mais l'âme de la ville, son emprise sur les habitants, tout cela est encore à venir, souhaitons le. Le risque le plus fort après ce début correct mais loin d'être exceptionnel, c'est de délivrer semaine après semaine un service particulier réservé au fan-boy de Batman. Du genre: aujourd'hui nous introduisons Black Mask, demain ce sera Gueule d'Argile, ensuite Harvey Dent ... sans que ces apparitions ne se justifient pleinement par un scénario qui les valorise et les projette sur le devant de la scène. Gotham va devoir composer avec une généalogie, une ambition, une richesse narrative, qui place forcément la barre très haut. Un défi peu commun, que nous suivrons avec appréhension, et espoir. 


WOLVERINE HORS-SERIE 7 : LES ORIGINES II

Les origines de Wolverine ont longtemps été nimbé de mystère. Mais Marvel ayant finalement décidé de lever le voile voici dix ans, nous sommes désormais conscients des terribles épreuves et du destin tragique que le mutant griffu a affronté, depuis sa plus petite enfance. Dans la mini série Origin, nous l'avions quitté en cavale, après avoir tué involontairement la petite Rose, dont il était amoureux. Traumatisé par cet incident mortel, Logan a fui et tenté de noyer son chagrin dans la solitude. C'est ceci qu'il faut avoir en tête avant de commencer ce hors-série actuellement en kiosque. Qui démarre au Canada (au début du siècle dernier) dans la silence (pas de dialogues) en compagnie des loups, qui ont adopté le futur Wolverine. Un groupe de canidés qui a accepté peu à peu cet avatar sur deux jambes, capables de nourrir le reste de la petite famille, et de la protéger. La nature à l'état brute, dans la neige, loin de la civilisation et du travail des hommes. Mais la nature peut être aussi cruelle, comme lorsqu'apparaît un ours blanc affamé, qui décide d'aller festoyer avec les amis à quatre pattes de notre héros. Une nouvelle tragédie qui porte d'une certaine manière le sceau de Nathaniel Essex (Mister Sinister) puisque le féroce prédateur sort tout droit de ses laboratoires. Wolverine emploie ses griffes pour venger les "siens" et le massacre qui s'en suit le laisse aux portes de la mort, dans une mare de sang. Par chance, il est recueilli par Clara, une jeune femme au visage en partie défiguré, accompagnée d'un certain Creed, aux ongles bien pointus... Ce qui n'est pas sans mettre la puce à l'oreille au lecteur, bien que ce ne soit pas forcément qui vous savez...

Mais de quoi parle donc cette suite des Origines de Wolverine? A lire le récit de Kieron Gillen, on pourrait penser que le scénariste s'interroge sur qui est le plus animal, ou le plus humain, des fauves et loups que nous rencontrons, ou des responsables du cirque qui finissent par enrôler Logan, pour l'exhiber comme bête de foire, ou aussi de Nathaniel Essex, qui utilise ses semblables comme de vulgaires cobayes sans âme? Gillen prend ses marques avec des images éculées ou tout du moins des références usées jusqu'à la corde (Wolverine à l'état bestial, en pleine nature...), et ce que nous lisons semble avoir déjà été narré autrefois, parfois pour d'autres personnages (le héros transformé en attraction d'un cirque, comme Nightcrawler des X-Men). La nouveauté, c'est le lien qui unit Logan à Creed, futur Sabretooth. Ici, cette relation est en réalité faussée par un coup de théâtre final, que je préfère taire afin de vous laisser la surprise. Mais l'intégralité de cet album repose sur cette attente, et ce bluff qui tient la route jusqu'à la dernière page, bien que certaines cases, certaines expressions de celui que nous pensons être l'antagoniste par excellence, nous laissent à croire que nous faisons fausse route. Tout comme l'insertion dans la trame de la soeur, Clara, que nous reverrons un jour à n'en pas douter dans Origin III, commencez à prendre les paris. Aux dessins, Adam Kubert succède à son frère (Andy) et même s'il ne l'égale pas totalement, ses planches restent expressives et énergiques, avec un léger coup de mou sur le cinquième et dernier épisode que je trouve moins réussi. Clairement, l'intégralité de cette aventure pour moins de six euros, c'est une opportunité intéressante et économique, que je vous invite à ne pas laisser filer. Mais à mesure que les véritables origines de Wolverine se révèlent, on se demande si véritablement elles servent le mutant griffu, ou le desservent. Parfois, ne rien savoir est plus poétique et excitant que de tout connaître. 


JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...