AIRBOY : CREATION ET DEPRESSION AVEC JAMES ROBINSON ET GREG HINKLE

Quittons l'espace d'un moment les comics de cape et super pouvoirs, pour aller faire un tour en coulisses, là où les artistes se tuent à la tâche, et mènent une existence pas toujours très glamour, se perdant parfois sur le chemin semé d'embûches du vice, et de la page blanche. Voici venir Airboy, une série volante non identifiée, publiée en Vf chez Jungle Comics. 
Vous pensez vraiment que la carrière de scénariste de comic-books est de tout repos? Qu'il suffit d'aller faire une petite balade en forêt ou de se pointer au bar du coin pour trouver l'inspiration et pondre un chef d'oeuvre qui va concourir à l'Eisner Award? Si on en croit James Robinson, le processus créatif ressemble plus à une lente agonie, lorsqu'il s'agit d'aller creuser à la petite cuillère le fond d'une cervelle tarie, à la recherche désespérée de la moindre idée. Surtout quand on connaît une baisse de régime, et que notre carrière a tendance à flirter avec les fonds abyssaux. Bon, Robinson exagère, et beaucoup d'entre nous apprécient vraiment son job, chez Marvel ou Dc. Mais c'est ainsi qu'il lui plait à se mettre en scène dans Airboy, une nouvelle série où les artistes sont les héros, au moment où Image le contacte pour lui demander de reprendre le personnage (Airboy donc), un aviateur qui trucidait du nazi autrefois, aujourd'hui tombé dans le domaine public. James n'a aucune envie de s'y mettre, et pas la moindre piste pour griffonner le premier feuillet; et le seul élément qui pourrait lui donner l'étincelle, c'est de faire appel à un dessinateur branchouille (Greg Hinkle) pour unir les forces et commencer sérieusement à bosser. C'est exactement ce qui se passe, sauf que le travail en question ressemble à un remake de Trainspotting, entre prise de drogue exagérée, soirées fortement alcoolisée, sexe avec une inconnue pêchée dans un bar (un gros modèle oversized) et autres menus délires bien loin de ce que vous pourriez imaginer être le quotidien de ces ascètes du format comics. Formidable mise en abîme portée par un humour qui fait mouche, même si l'auteur épaissit le trait au pont de donner dans la caricature fantasmée de l'artiste maudit qui ne peut concevoir que dans le stupre et le vice, Airboy atteint sa cible avec aisance.


Airboy est une des bandes dessinées les plus trash du moment. Ce n'est pas dans tous les albums de comics que vous pouvez découvrir les auteurs s'enfuir au petit matin, la bite à l'air, sans savoir comment ils ont passé précisément la nuit. Mais fort heureusement, ce n'est pas que ça... derrière l'humour irrésistible et anticonformiste se cache une véritable réflexion sur ce qu'est la création littéraire, sur où les artistes vont puiser leurs idées, et sur la vacuité du système actuel qui poussent les éditeurs à s'emparer du filon créatif de ceux qui bossent pour eux, et de la puissance des lecteurs qui ont la capacité de plonger un super-héros vers son destin fatal plus sûrement que n'importe quel super vilain. Ici Airboy -le personnage- est tombé dans le domaine public car plus personne ne s'intéresse à ce genre d'histoire totalement démodée. Un choc qui sera révélé au héros lui-même, qui finit par apparaître dans le monde physique, aux côtés de ses créateurs. Hallucination, véritable manifestation physique d'un concept abstrait, toujours est-il que c'est un prétexte supplémentaire pour attirer le lecteur vers de nouvelles et rocambolesques péripéties, qui vont d'une scène qui a beaucoup choqué aux États-Unis, de fellation avec des transsexuels -dans les toilettes d'un bar miteux- jusqu'à une incursion dans le monde encore en guerre et totalement barge de Airboy lui-même. Une bande dessinée bien plus intelligente que ce que son propos léger par (larges) endroits peut faire soupçonner, une véritable réflexion sur la création artistique, truffée de moments irrésistibles. On saluera également le travail de Hinkle, capable de donner à l'ensemble une touche satirique et caricatural excellente, jouant aussi sur les couleurs, pour accentuer le contraste entre la grisaille et la banalité du monde postmoderne qui est le nôtre, et l'univers de fantaisie, né du cerveau malade d'auteurs à la recherche d'idées, propre à Airboy. Sortie à ne pas rater, cette semaine, chez Jungle, un éditeur qui se met aux comics, ce qui est fort réjouissant. 




A lire aussi : 

BATMAN TOME 8 : LA RELEVE (I) - UN BATMAN EN ARMURE DANS GOTHAM

Batman la relève première partie. Voici donc le contenu du tome 8 des aventures du Dark Knight, écrites par Scott Snyder. Pour mémoire rappelons que Batman et le Joker ont finit par s'entre-tuer aux yeux de l'opinion publique, au terme des événements décrits dans le tome précédent. Cet album s'ouvre avec l'épisode 44 de la série régulière, autrement dit un petit bond en avant qui se justifie par le fait que cette histoire échappe à la continuité mise en place. Dessinée par un Jock très inspiré et des grands jours, nous avons là une trame aux accents de polar de science-fiction, avec une enquête que mène le héros, pour découvrir l'assassin d'un jeune homme de couleur, qui tenait avec sa famille une épicerie dans le quartier le plus mal famé de Gotham, et qui était menacé par les gangs de la ville. Au fur et à mesure des pages, différentes théories sur ce qui s'est produit se succèdent, jusqu'à la révélation finale, qui n'est pas celle que l'on attend forcément au départ. Une mise en bouche esthétiquement réussie, avant d'attaquer le plat de résistance, à savoir l'arrivée sur scène du nouveau Batman. Comme vous le savez déjà, le remplaçant n'a pas grand-chose à voir avec l'ancien. Il s'agit en fait du commissaire Gordon, à qui les forces de police de la ville , associées à Gerry Powers -la PDG qui a relevé les affaires d'un Bruce Wayne ruinée et amnésique- ont confié une sorte d'armure surpuissante et militarisée, dont le look étrange a secoué les fans sur Internet. Comme les personnages en plaisantent d'ailleurs entre eux, ce Batman mécanique a des faux airs de Pikachu, ou de gros lapin justicier. Le commissaire Gordon en profite également pour changer complètement d'apparence; exit le vieux bonhomme à moustache qui semblait a quelques années de la retraite, place à un flic encore jeune et tonique. Il déclare avoir 46 ans puis se rase les cheveux, tout en laissant une crête post-moderne, et n'oublie pas ce qu'il faut de gonflette pour avoir le physique du rôle. Au passage Jim dit adieu à sa moustache et à sa mauvaise habitude de fumer des clopinettes, ce qui ne se marie pas du tout avec l'idée qu'on se fait du Dark Knight. Est-il pour autant à sa place?


Comprenez bien que cette décision est en fait assez logique, avec Nightwing (désormais juste Dick Grayson) bloqué dans sa propre série, et Damian Wayne qui est tout occupé à mourir et ressusciter. Jim Gordon a deux atouts de poids avec lui, sa parfaite connaissance du terrain, et une rectitude morale qui en fait un parangon de vertu et le défenseur idéal de la veuve et de l'orphelin. Évidemment les débuts ne sont pas forcément simples, et il ne faut pas s'attendre à ce que Jim comprenne immédiatement comment agir et vaincre. Mais il y parvient, et c'est même très surprenant de le voir, à un certain moment, se débarrasser de son armure pour se révéler dans un costume plus traditionnel et expressif, qui ne laisse guère penser qu'en dessous se trouve un homme d'âge mûr, vers la cinquantaine, qui ne fréquentait pas les salles de sport à un rythme intensif, quelques semaines avant. Que veut dire Snyder si ce n'est que Batman, en fin de compte, n'est qu'une identité imprécise, un symbole, et que l'homme sous le masque n'est pas le plus important, que ce qui importe c'est d'écrire une bonne histoire qui va avec? Gordon a toujours été un des personnages les plus intrigants, présents, dans la légende du Dark Knight. Il est là et agit en contrepoint dès le Batman Year One de Miller, jusqu'à la récente et longue saga Batman : Eternal où il est accusé à tort et victime d'une machination. Sa fille est une justicière à Gotham, son fils un psychopathe notoire, et il a déjà payé un lourd tribut, en terme de vie privée, à ses activités au sein de la police municipale. Pour son baptême du feu, il n'a cependant pas de chance, car le terrible et menaçant Mister Bloom semble un opposant de poids, lui qui infecte les criminels de Gotham avec une sorte de graine technologique, leur conférant des super pouvoirs improvisés, les contrôlant, les menant à leur trépas quand et comme bon lui semble. Greg Capullo est bien sur égal à lui même, et ses fans seront ravis de le voir toujours aussi à l'aise dans ces ambiances sombres et violentes. En fin d'album, vous lirez le dernier annual en date du mensuel Batman, avec le retour de Bruce Wayne dans son manoir, sans ses souvenirs ni ses émotions, qui avaient fait de lui un justicier à dérive obsessionnelle. Face à lui trois vilains "classiques" échappés de leur asile de dingos, le Sphinx, Gueule D'Argile, et Mister Freeze. James Tynion IV et Roge Antonio relatent tout cela, et ça fait tout drôle de voir ce Bruce apaisé et barbu, qui se reconstruit une vie. Même si on n'y croit pas une seconde.





A lire aussi : 

CAPTAIN AMERICA STEVE ROGERS #1 : LA REVIEW DE L'EPISODE CHOC

Marvel n'allait tout de même pas laisser DC Comics occuper l'espace médiatique, avec le renouveau de son univers. Bien sûr que non. En concomitance avec l'arrivée de Rebirth, voici la sortie qui a créé la plus grosse polémique de la semaine, du mois, et pour l'instant même de l'année. Dans la mesure où il est probable que parmi vous se trouvent encore des lecteurs ignorant tout du cliffhanger qui clôture ce premier numéro, je vais tenter de ne pas trop en dire, afin de garder un peu de suspense. Ce qui fera sourire la grande majorité d'entre vous, allègrement spoilés, par ce qui est devenu une mauvaise habitude sur Internet. Nous avons un épisode intelligent et bien écrit, qui nous ramène dans le passé, quand Steve Rogers n'était qu'un petit enfant observant sa mère subir les vexations et les coups d'un mari violent et alcoolique. Une mystérieuse amie se manifeste, et vient prêter main-forte à la maman, pour lui expliquer que la résignation et les brimades ne sont pas une fatalité. Pendant ce temps, dans le présent, Steve -qui est redevenu jeune et pimpant depuis quelques semaines- tente d'arrêter un candidat à la bombe suicide à bord d'un train. En parallèle nous retrouvons le Crâne Rouge qui essaie de recruter des émules, en lavant le crâne de ses futurs suiveurs, présentant à sa manière la situation des réfugiés en Europe, comme un exemple concret de mise en danger de nos cultures et de nos valeurs. Tout ceci est très réaliste car c'est plus ou moins ce qui se passe en ce moment en Amérique -avec Donald Trump- mais aussi chez nous, avec de nombreux gouvernements qui regardent vers le nationalisme extrême comme bouée de sauvetage. 



Jesus Saiz fait de son mieux pour rendre ce premier épisode attrayant mais je ne suis pas très convaincu par ce dessinateur, la façon dont il présente les personnages, le costume de Captain America lui-même, mais aussi les personnages secondaires comme Jack Flag, Free Spirit, ou bien Rick Jones, désormais aide-de-camp informatique. Tout ceci semble un peu daté et basique, c'est surtout une question de look. Le storytelling en lui-même est satisfaisant, toutefois il manque de la folie et de l'inspiration pour emporter l'adhésion. C'est donc Nick Spencer qui est le véritable architecte de la réussite de ce nouveau titre. Son écriture est très crédible et sensible, et trouve un écho fort avec la réalité géopolitique du moment. Et puis bien sûr il y a ce final incroyable, qui prétend remettre en question tout ce que nous savons au sujet de Steve Rogers, et le place en lumière d'une manière totalement stupéfiante! Le héros accomplit un geste choc qui nous fait comprendre que quelque chose ne va pas, et ses dernières paroles ouvrent sous les pieds du lecteur un gouffre d'incrédulité, qui a poussé les plus cinglés d'entre eux à menacer de mort le scénariste! Bref, simple cliffhanger pour attirer plus de lecteurs, ou véritable révolution copernicienne? L'avenir nous dira vraiment ce qu'il nous réserve pour Steve Rogers, qui de personnage iconique est propre sur lui est aujourd'hui en passe de s'attirer la haine et la vindicte des fans. On nous aurait menti à l'insu de notre plein gré?  



A lire aussi : 


QUANTUM ET WOODY TOME 1 : LES PIRES SUPER-HEROS DU MONDE

Bliss comics continue de proposer le renouveau de l'univers Valiant aux lecteurs français. Place cette fois-ci à un duo cocasse, aussi attachant qu'incompétent. L'histoire est celle de Eric et Woody Anderson. A première vue cela ne semble pas être très évident, mais il s'agit de deux frères d'adoption. Pour une fois le cliché est inversé : c'est le petit blond qui a été adopté par une famille afro-américaine, et c'est lui le rebelle insupportable qui fait les 400 coups, et peine à s'insérer dans son nouveau foyer. Les deux frères sont complètement antithétiques au niveau du caractère et du sérieux, et inévitablement ils ont fini par s'éviter au fil des ans, jusqu'au jour où leur père, un scientifique de génie, est victime de ce qui ressemble probablement à un assassinat. Les deux fils sont dans un premier temps soupçonnés par la police d'y être pour quelque chose. Ce qui explique pourquoi ils décident de mener alors à leur manière leur propre enquête, mais comme ils ne sont pas particulièrement doués pour travailler en équipe, ils finissent par provoquer un désastre! L'activation d'un dispositif nucléaire inventé par le père, qui déraille totalement, et les dotent de supers pouvoirs. Des dons qui leur seront bien utiles pour échapper à la police et l'inspecteur Cejudo, redoutable agent double qui veut mettre la main sur les secrets et les découvertes scientifiques du paternel. C'est ainsi que se forme ce duo complètement improbable, avec d'un côté un aspirant super-héros responsable mais paumé, et de l'autre un dragueur invétéré insouciant , qui accumule les gaffes et les remarques déplacées. Vous avez dit un duo dysfonctionnel? 


Un simple regard sur la couverture de cet album vous confirme également que outre les deux frangins, un troisième personnage vient s'ajouter à l'histoire. Idée complètement délirante, il s'agit d'un bouc, qui lui aussi est doté de super pouvoirs. Certes vous le retrouverez uniquement dans les dernières pages, car pour ce qui est de ce premier arc narratif, vous lirez avant tout une origins story particulièrement bien racontée, et intéressante, car franchement drôle et menée tambour battant. Quantum et Woody subissent ici ce que l'on appelle classiquement un reboot; la série avait déjà connu son quart d'heure de célébrité dans les années 90, mais comme tout le catalogue Valiant, elle avait fini par péricliter. Bliss comics a un formidable atout dans sa manche, celui d'avoir relever les droits de Valiant au moment où la maison d'édition américaine décide de moderniser et simplifier l'accès à toutes ses productions. Une aubaine pour le public, alors que ces titres traversent à cette occasion une période qualitativement fort intéressante! Ici c'est James Asmus qui s'occupe du scénario, et qui parvient à livrer quatre épisodes qui ne nous ennuient jamais, pas un seul instant. Au dessin Tom Fowler est un choix particulièrement judicieux, car il se révèle être très bon lorsqu'il s'agit d'inscrire les personnages dans le mouvement. Déjà très drôle à la base avec un humour truculent et décalé, Quantum et Woody jouent également de leur physique et de leur acting pour intensifier les effets comiques. Au niveau du storytelling, c'est tout bonnement efficace, un plaisir à peine voilé lorsque nous trouvons encore quelques coquilles par-ci par-là, signe que la relecture n'a pas été très attentive. Mais il est clair qu'à dix € le premier volume, je ne peux que vous recommander chaudement de vous précipiter chez votre libraire, pour aller acquérir cette nouvelle sortie. Oui je l'avoue, j'ai un petit faible pour Valiant, qui est à mon sens une excellente alternative pour les comic books de super-héros traditionnels.  Vous comprendrez à quel point je tiens à la réussite de Bliss Comics car si cette fois la mayonnaise ne prend pas, elle ne prendra jamais! En tous les cas avec Quantum et Woody vous ne serez pas trompés sur la marchandise.





A lire aussi 


PREACHER : LA REVIEW DU PREMIER EPISODE

Enfin disponible depuis quelques jours, le premier épisode de la série Preacher commence à faire beaucoup parler de lui sur le net. Enfin... pour être exact il s'agit plutôt d'une série qui est librement inspirée du chef-d'œuvre de Garth Ennis, tant il est difficile de parler ici d'une vraie adaptation fidèle du Preacher d'origine. C'est finalement assez compréhensible : comment porter à l'écran une bande dessinée aussi irrévérencieuse, truffée de scènes extrêmement gore et caustiques, maniant l'horreur l'indicible et le politiquement incorrect à chaque page? AMC a beau être une chaîne proposant des choses intéressantes, et bénéficier d'une certaine liberté, il ne faut pas non plus exagérer! Du coup Seth Rogen et Evan Goldberg nous présentent ici quelque chose de différent. Le point de départ est le même, nous sommes sous un soleil de plomb, au Texas, parmi une population qui n'a pas l'élévation culturelle comme préoccupation quotidienne principale. Nous faisons connaissance très vite avec Jessie Custer, le prêtre d'un village complètement paumé, Annville, où on s'ennuie autant qu'on y boit. Dans un premier temps les grandes lignes suivent celle de la bande-dessinée, mais très vite on comprend que l'épisode va s'étaler en longueur, et qu'il ne se passera pas grand-chose d'autre une introduction s'éloignant minute après minute du matériau de départ. Un gosse vient demander à Jessie d'aller frapper son père adoptif car il suppose qu'il bat sa mère, Cassidy fait son apparition à bord d'un avion, et réalise un véritable carnage pour échapper à ceux qui souhaitent le piéger... Arrive aussi sur l'écran Tulip dans une version radicalement divergente de ce que nous connaissons, et qui franchement -à mon humble avis- ne tient pas un instant la route, comparée à la blonde désinvolte chère à Ennis. Mais le pire c'est le shérif Root et surtout Tête de Fion; ils débarquent dans un contexte radicalement éloigné de ce que nous connaissons, perdant complètement en pertinence, humour, et drôlerie attachante. Le premier picole beaucoup moins, le second devient juste un freak plutôt sympa, mais sans le background tragique du comic book. L'évidence se fait jour, la série sera peut-être bonne, laissons-lui une chance sur la durée, mais où est donc passée notre Preacher adoré? 


Après n'allez pas croire que je suis en train de faire du AMC bashing, et que je déteste cette série. Après une heure de visionnage, ce serait ridicule et injuste. je dis juste que malgré toutes les qualités qu'elle peut avoir, ce n'est pas mon Preacher, point barre. L'image est belle, l'atmosphère désabusé et brute de décoffrage du Texas est bien là, mais le reste n'y est pas. On sent tout de même une tentative de garder un peu de l'esprit et de l'humour décapant propre à Garth Ennis, mais très sincèrement je n'ai pas connu de gros éclats de rire avec ce premier épisode. Le truc le plus sympathique et au final un petit clin d'œil à Tom Cruise, à un certain moment (je vous le laisse savourer). Parlons rapidement des acteurs : Dominic Cooper endosse donc le rôle de Jessie Custer. Il est beaucoup moins charismatique que dans la bande-dessinée, un peu plus propre sur lui et moins désespéré également; globalement sa prestation est satisfaisante, mais il lui manque pour le moment un petit quelque chose de déjanté, qui ferait la différence à ce niveau. Joseph Gilgun s'en sort avec les honneurs. Déjà aperçu dans la très bonne série britannique Misfits, il est ici un Cassidy plus jeune et branchouille que le vampire déglingué d'Ennis, mais néanmoins très drôle et caustique à souhait. Reste le cas Tulip, interprétée par Ruth Negga, qui est déjà une des actrices phares de la série Agents of Shield. Physiquement elle est très éloignée de ce que nous connaissons, et au niveau du jeu et de la personnalité, c'est un peu la même chose. Pour être un grand fan de Preacher, je peux vous assurer que je n'ai absolument pas retrouvé le personnage que j'ai pu lire pendant des années... c'est ici quelque chose d'autre qui, pour être complètement honnête, me laisse assez indifférent. Les effets spéciaux par contre sont assez intéressants dès lors qu'il s'agit de présenter Tête de Fion. Ian Colletti est touchant et c'est surprenant d'entendre pour la première fois parler ce personnage emblématique de la série, néanmoins on peut parvenir à le comprendre en tendant l'oreille, ce qui n'est pas possible dans la version papier (ou presque). Reste que ses origines sont malheureusement mal amenées, ce qui gâche une bonne partie du plaisir. Bref si cette série plaira à beaucoup d'entre vous -probablement encore plus à ceux qui n'ont pas lu auparavant l'oeuvre d'Ennis- les aficionados du Preacher des origines pourraient tout de même bien avoir de cruelles désillusions, à moins que les épisodes suivants passent à la vitesse supérieure, et respectent d'avantage le ton et l'irrévérence du scénariste irlandais. 





A lire aussi : 



L'INTEGRALE X-MEN 1992 (I) : JIM LEE ET UNE NOUVELLE SERIE MUTANTE

L'Intégrale X-Men 1992 aborde un chapitre fondamental dans l'histoire moderne des mutants. Il s'agit des premiers épisodes de la seconde série régulière, dessinés par Jim Lee, et qui sont entrés dans la légende et les esprits de tous ceux qui ont connu cette décennie controversée.  
En 1991, les X-men sont au sommet de leur gloire, et Marvel se décide enfin à doubler la ration mensuelle de titres consacrés au team de Charles Xavier. Après Uncanny X-men, c'est au tout de la laconique X-men de voir le jour. Chris Claremont (puis Byrne et Lobdell) est au scénario, nous sommes donc en terrain connu. Aux crayons, c'est la grande star de l'époque, Jim Lee, qui est chargé de donner tout le lustre attendu à cette nouvelle création. Ajoutez à cela la bulle "comics", comme il y eut plus récemment une bulle de l'Internet, une ribambelle de special covers pour collectionneurs transformés en spéculateurs, et l'effet mutant sur un lectorat en transe, et vous obtenez des chiffres qui donnent le vertige : 8,1 millions d'exemplaires de X-men 1 vont se vendre à travers le monde! Des mutants qui pour l'occasion se scindent en deux équipes de couleurs différentes, l'équipe or et l'équipe bleue. Et qui retrouvent sur leur chemin leur ennemi le plus farouche, qui avait pour un temps rejoint leurs rangs, je veux parler de Magneto, bien entendu. Ce dernier a fait de son astéroïde M, en orbite au dessus du sol soviétique, un état souverain qu'il transforme en havre et en refuge pour tous les mutants qui le souhaitent, à condition de le reconnaître comme le chef auto-proclamé de la mutanité, comme le guide eclairé qui permettra aux siens de prendre leur revanche sur des homo-sapiens (des "génézéros", comme plutôt bien traduits en VF) destinés à succomber sous son juste courroux. Un magneto effrayant et puissant, majestueux, tel que le réintroduit Jim Lee. Un homme amer et résigné, qui retrouve le goût du combat, et la hargne des grands jours, quand Fabian Cortez et ses acolytes viennent prêter allégeance. Et tant pis si le premier cité projette déjà de trahir son nouveau gourou, dès que l'occasion se présentera. Ceci occupe l'intégralité des trois premiers épisodes, qui sont probablement une des meilleures incarnations du Seigneur du magnétisme, tant au niveau du costume, que de l''attitude. Que de souvenirs! 


Ceci occupe l'intégralité des trois premiers épisodes. Par la suite, l'action change de protagoniste : C'est au tour d'Omega Red de se retrouver sous les projecteurs. Ce mutant maléfique et doté de tentacules artificiels emet des phéromones mortels et agit comme une sorte de vampire énergétique. Il défait sans aucune difficulté les X-men qui se dressent sur son chemin mais c'est principalement entre lui et Wolverine que va se jouer le duel décisif. Une opposition intéressante car Logan est doté d'un facteur auto guérissant qui lui permet de subir les assauts de son ennemi sans succomber d'emblée. Il est à déplorer que par la suite, les scénaristes n'ont pas su trouver d'emploi à la mesure de la menace pour le mutant soviétique Omega Red : il semble pourtant, dans ces derniers épisodes scénarisés par Byrne, une véritable engeance que les X-Men redoutent à juste titre. Les planches de Jim Lee sont emblématiques du personnage : fouillées, ultra dynamique, plastiquement agressives et puissantes. Associé à Claremont puis Byrne (et Lobdell) justement, cela donne aussi une ribambelle de numéros où le verbiage à la part belle, malgré tout, et où la rhétorique enfle dans nombre de ballons qui se répondent les uns aux autres. Là où aujourd'hui nous aurions droit à une inflation de splash-pages muettes, les X-men d'alors défendent leurs idéaux par la grâce du verbe. Cela peut sembler ingénu voire redondant, mais mis en image et en texte ainsi, c'est aussi un pan de la légende mutante qui se dévoile. 
Cette intégrale, afin d'être complète et de ne rien omettre de l'actualité mutante de l'année 1992, propose aussi deux épisodes de la série régulière d'alors dédiée au Ghost Rider. Howard Mackie et Ron Garney situent l'action du coté de la Nouvelle-Orléans, où il sera question de la Guilde des Assassins, de celle des Voleurs (la grande rivale, longtemps le fief de Gambit) et des parasites aliens Brood, qui ont la fâcheuse habitude d'aller infecter leurs hôtes, voire carrément d'y pondre des oeufs dedans. C'était l'occasion à l'époque pour découvrir de nouvelles parcelles du passé agité du cajun de ces dames (Gambit, bien sur), avec la présence de son épouse, Bella Donna Boudreaux. Pour être complet, précisons que c'était Danny Ketch qui officiait au début de la décennie, sur la moto enflammée. Le faire se rencontrer avec les stars des ventes d'alors en dit long sur l'importance qu'il avait finit par prendre, et le succès éphémère obtenu. Il n'y a pas à dire, les nostalgiques des 90's ont le devoir d'acheter cette Intégrale, qui a juste le défaut de contenir des épisodes déjà publiés par Panini auparavant, en partie. Ceux de Ghost Rider eux remontent à l'ère Semic, et aux petits fascicules nommés "version intégrale". Clin d'oeil de l'histoire. 





A lire aussi : 

DC REBIRTH : LE ONE-SHOT QUI CHANGE (A NOUVEAU) L'UNIVERS DC

Avec l'opération Rebirth, c'est un peu comme si les responsables de DC Comics nous disaient : Et bien voilà, nous avions l'intention de faire quelque chose de bien et de novateur avec les New 52, nous avons tenté, mais ça ne s'est pas passé comme nous le voulions. En cours de route nous avons perdu le fil conducteur, et nous nous sommes rendus compte que ce n'était pas ce que le public attendait. Alors vous savez quoi? On annule tout et on recommence! Bien sur, ça ne vous dérange pas les amis? Sauf que dans les faits, ce sont 10 ans d'histoires qui passent aux oubliettes, à savoir les 5 années durant lesquelles existèrent les New 52, plus les 5 années écoulées depuis l'apparition des premiers super-héros, telle que racontées dans Justice League volume 1 (Aux origines) jusqu'aux aventures contemporaines de l'univers DC. Bien entendu, pour oser une telle énième révolution, il fallait avoir un projet béton, et les idées très claires. Première constatation, le One Shot de plus de 80 pages Rebirth, qui vient de sortir, est d'un niveau qualitatif tout simplement excellent. Geoff Johns démontre qu'il a une emprise remarquable sur l'univers DC, et qu'il est capable de tirer tous les fils de la tapisserie en même temps, de manière à fournir un résultat homogène. C'est émouvant, poignant, bien écrit, une grande réussite artistique. Le problème se pose pour la suite... si la qualité de cette sortie ne fait aucun doute, ses implications futures risquent par contre de faire grincer des dents, et pas seulement auprès des détracteurs patentés, mais tout simplement celles du lecteur lambda, qui risque de se sentir trahi dans ce qu'il a toujours connu jusque-là, et ce qu'on va lui demander d'acheter et accepter à partir de demain. Afin de ne pas vous gâcher la découverte, j'ai décidé de faire l'impasse sur la grande révélation finale, qui pourrait être derrière tout ceci, qui tire les ficelles de ce chamboulement, mais comme vous allez le lire, nous sommes à mi-chemin entre une idée de génie et un énorme coup de canif dans le contrat moral et artistique entre créateurs et lecteurs. Passons par contre sur le retour de Wally West dans l'univers DC Comics... pour peu que vous ayez fréquenté internet ces jours derniers, l'information ne vous aura pas échappé, car elle a fuité partout. Inutile donc de faire semblant de ne pas être au courant, et autant aborder le sujet de plein fouet!

Wally West était perdu dans la force véloce -une grande habitude chez les Flash quand on les croit morts- et puisque ces derniers temps le tissu même de la réalité a subi quelques contre-coups, il est parvenu à émerger sur notre plan d'existence, pour une ultime tentative de se raccrocher au monde tel qu'il apparaît désormais. Son premier réflexe est d'aller trouver Batman, en vain. Il va donc aller solliciter l'aide de tout ceux qu'il connaît le mieux, de ces super-héros alliés et amis, jusqu'à Linda Park, celle qu'il aime depuis toujours, mais c'est bien évidemment Barry Allen qui détient peut-être la clé de son retour définitif. Tout ceci est emblématique du problème qui tenaille DC. Les personnages ne se reconnaissent plus, leurs historiques, leurs relations, qui étaient le fondement même du mode de raisonner et fonctionner de l'éditeur, tout ceci a été réduit à néant, sacrifié sur l'autel d'un reboot mal dosé. Du coup le lecteur aussi est en terrain inconnu, et s'est perdu. Geoff Johns sème les indices et les allusions au long de ces dizaines de pages, le retour en arrière, à la tradition, ne fait que commencer. Batman s'interroge en ce sens, Atom est de la partie (le vrai Atom), Wally revient, Superman a disparu, et la version père de famille, marié à Lois Lane, est remise en question... Mais il y a tellement de travail à accomplir, et il ne pourra pas faire tout ceci seul. On sent que les intentions sont bonnes, que la voie à prendre est correcte, mais comment donner le coup de volant décisif, franchir le pas, sans que cela semble forcé, ou opportuniste? Et puis il y a ces dernières pages, cette immense révélation, qui fait entrer dans l'équation des personnages jusqu'ici iconiques et tenus en dehors de l'univers super-héroïque classique. De quoi faire bondir et hurler des hordes de fans. Le lapin qui sort du chapeau, ou la trahison de trop? Nous avons devant nous des mois passionnants, et l'impression que Dc comics joue gros, très gros, et accepte le pari de se remettre totalement en question. L'espoir est immense, la crainte et l'habitude d'être trompé en partie sur la marchandise aussi. Reste un mot à dire sur les dessinateurs de ce numéro, Ethan Van Sciver, Gary Frank, Ivan Reis, et Phil Jimenez. C'est beau, iconique, puissant, bref, à la hauteur de l'événement. Vendu à moins de trois dollars, ce Rebirth est le comic-book du printemps, celui par qui tout pourrait arriver. J'ai bien dit tout. Souhaitons que ce ne soit pas tout et n'importe quoi


A lire aussi : 





ALL-NEW VENOM T1 : QUI DIABLE EST LE NOUVEAU VENOM ?

 Avec All-New Venom , Marvel joue une carte bien connue mais toujours efficace : transformer l’identité du porteur du symbiote en un jeu de ...