THE SUICIDE SQUAD : LE GRAND PIED DE NEZ DE JAMES GUNN



 La véritable mission suicide du film est peut-être celle de prétendre donner une suite, ou pour être exact de faire ressurgir de ses cendres la Suicide Squad, après le long-métrage de 2016 signé David Ayer, qui fut, admettons le, un échec retentissant. En définitive nous nous sommes dirigés vers la salle obscure et peu fréquentée en ce moment (les spectateurs ne se bousculent pas à l'entrée, entre masque obligatoire durant les séances et passe sanitaire que tous ne possèdent ni ne désirent pas) pour voir le travail de James Gunn, pourtant considéré comme le seul capable d'opérer ce genre de miracle -à savoir ressusciter une franchise moribonde- avec un petit quelque chose de pessimiste au fin fond du cerveau. Mais James Gunn, donc. Son talent principal est probablement d'être un geek, c'est-à-dire de maîtriser parfaitement tous les codes du genre, de savoir utiliser l'humour avec bon escient, d'adresser le clin d'œil qu'il faut savoir faire au bon moment, de divertir sans aucun complexe, tout en proposant un produit qui a du sens, une histoire qui tient debout et qui se laisse regarder avec plaisir. D'ailleurs ici point n'est besoin de mettre sur pied une origin story et de raconter pour chacun des personnages la source de leurs pouvoirs, d'où ils viennent, les traumas blessures ou autres expériences qui les ont poussés à devenir ce qu'ils sont... le tout est ébauché de temps en temps avec ironie, ou amené au détour d'une conversation. Il y a bien quelque flashback, notamment pour la gothique Ratcatcher, mais tout ceci ne vient pas empiéter sur un scénario linéaire, qui se fixe un objectif et l'atteint, sans jamais déroger à ce qui ressemble à une course folle et déjantée. Le réalisateur ne fait pas de complexe et d'entrée de jeu il prend un contre-pied malin, en jetant au visage du spectateur (qui ne connait pas vraiment les héros dont il est question ici) un groupe fantomatique qui sert de leurre. Cette équipe connaît une déroute mémorable et splatter, sur une île fictive du nom de Corto Maltese. Cette introduction désopilante et cruelle est en fait le point de départ de la véritable Suicide Squad, qui s'articule autour d'un chef présumé comme Rick Flag, une bande de seconds couteaux sans grand sens stratégique, et une vedette comme Harley Quinn; c'est suffisant pour proposer un ensemble hétéroclite et dysfonctionnelle mais éminemment drôle, où le manque de savoir-faire, l'approximation la plus totale et les failles béantes servent de moteur à tout ce qui va suivre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si même Harley Quinn bénéficie d'un traitement globalement réussi, où toute sa folie peut éclater aussi bien de manière visuelle, à travers les choix esthétiques du réalisateur, que dans les dialogues et les situations. Comme dans chaque groupe qui se respecte, placer un animal anthropomorphe, ou en tous les cas un personnage issu du sérail animalier, permet de créer un décalage bienvenu. Ici c'est le requin King Shark qui s'y colle, dans la peau au départ du presque grand méchant potentiellement dangereux pour ses coéquipiers (il souhaite tout de même en dévorer une!) et qui peu à peu se rachète, en découvrant les valeurs de l'entraide et de l'amitié. Une des grandes réussites du film, c'est de n'avoir absolument aucun tabou envers le second degré et l'hémoglobine, et les situations extrêmes. Vous souhaitez voir une tête rouler en gros plan, une hache qui fend un crâne dans toute sa largeur ou des individus démembrés, vous êtes ici au bon endroit. Le sang coule mais c'est toujours proposé d'une manière caricaturale et excessive, ce qui fait qu'on ne peut pas se retenir d'esquisser un sourire ou de franchement exploser de rire, là ou autrement nous aurions pu être clairement embarrassés.



Un film violent, dans le sens le plus "pop du terme", car comme chacun le sait, l'époque est à la débauche, la surenchère. Et ça marche. Une réussite qui s'explique pour commencer par les interprètes, tous complètement dans la peau du personnage (John Cena est celui qui surprend le plus du point de vue du jeu d'acteur, offrant bien plus que ce que l'on aurait pu attendre du Peacemaker, loin d'être une star montante), au point que l'effet "bande d'amis pour lesquels on tremble" et le choc de la trahison remplissent parfaitement leur office. La structure dramaturgique est telle qu'elle surprend même le spectateur le plus sceptique, pour le mener jusqu'au terme de la chevauchée, quoi qu'il puisse arriver, jusqu'à l'entrée en scène de la menace suprême, l'extraterrestre Starro, qui débouche cependant sur une conclusion un peu téléphonée (de nouveau, le pugilat généralisé pour clôre un cinécomics, c'est le point faible inhérent au genre). Twists, secrets et trahisons constituent le mélange mortel d'un film qui se termine presque trop vite. Non pas que James Gunn devait faire un film de  trois heures ou plus (une fantaisie qui colle plus au tempérament de Zach Snyder), mais il pose sans aucun doute les bases d'un univers - que l'on verra en partie à la télévision plus tard - qu'on aimerait certainement retrouver, encore une fois, au cinéma. Dans Suicide Squad on peut lire la volonté de mettre en avant un groupe de derniers de la classe qui ne sont pas particulièrement stables mentalement et qui décident de se rebeller au déterminisme et aux failles qui plombent la vie de ceux qui échouent, et pensent ne pas valoir grand chose. Cette Suicide Squad se transforme au fil des minutes en miroir de cette société abandonnée, dupée et trompée, si actuelle. Des individus fatigués de ne vivre que dans un présent hostile, fuyant un passé douloureux, mais désireux de pouvoir aspirer au futur que tout semble leur refuser (ils agissent tout de même avec une bombe implantée dans le cerveau, pas de quoi voir la vie en rose et faire des projets d'avenir). Cette partie de la société qui est obligée de rester spectatrice, de simplement suivre les règles ou les ordres et de ne pas poser de questions. Et c'est ainsi que ces criminels fous deviennent un modèle de révolte et de révolution. Solidarité, union et empathie sont leurs munitions. La résolution finale du film réside précisément dans l'union. L'escouade est devenue une fraternité, au grand dam d'Amanda Waller qui elle perd le respect et la crainte de ses subalternes! Ce n'est certainement pas la rédemption que recherchent pourtant les personnages de James Gunn. Le réalisateur ne veut pas en faire des héros, cela n'a jamais été son intention, mais il fait quelque chose de plus audacieux. Il part à la découverte de leur humanité! Leur désir d'aller au-delà des apparences, au-delà du simple appât du gain ou du but personnel. Pour une fois, ils veulent se sentir membres d'une équipe, d'un projet, du monde tout simplement, et faire quelque chose que trop de héros ont peut-être oublié de faire : suivre leur  libre arbitre, protéger les innocents, au mépris du danger et des conséquences. Un hymne aux ratés, aux laisser pour compte, à ceux en qui on ne croyait guère plus. Le terreau le plus fertile pour la créativité débridée et décomplexée de James Gunn, qui gagne son pari haut la main. 

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : CONTRAPASO


Dans le 105e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Les enfants des autres, premier tome de la série Contrapaso que l’on doit à Teresa Valero, édité chez Dupuis. Cette semaine aussi, on vous entraine sur les routes de France pour vous faire découvrir des lieux consacrés à la bande dessinée :
– L’exposition consacrée à Albert Uderzo et intitulée Uderzo, comme une potion magique au musée Maillol à Paris
– L’exposition à la cité de l’économie de Paris autour du personnage de Largo Winch

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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : IDISS

SPIDER-MAN 2099 ET L'UNIVERS 2099 : SOUVENIRS!


 Bon, c'est les vacances, vous le savez, alors cap sur la Terre-928, un autre de ces mondes parallèles dont Marvel possède le secret. Là, nous sommes déjà en 2099, et l'histoire semble avoir pris un pli que nous ne lui connaissons pas. Nous sommes dans un univers punk futuriste, où les grandes compagnies technologiques ont fait main basse sur le monde, et où les villes sont des constructions pyramidales tentaculaires, qui s'élèvent toujours plus haut, et relèguent la fange et les opprimés toujours plus bas, jusqu'à les oublier, totalement. Miguel O'Hara travaille chez Alchemax Corporation, un des leaders de la recherche en génétique. Son joujou privé? Des expériences visant à recréer les pouvoirs du Spider-Man des origines, une légende urbaine à la fin du XXI° siècle. Pour mieux contrôler son employé, et en tirer les ficelles à sa guise, son boss, un certain Tyler Stone, n'hésite pas à le droguer à son insu, avec une substance ultra puissante qui le rend accroc dès la première prise fatidique. Miguel n'envisage qu'une façon pour guérir et se sevrer, à savoir intervenir directement sur son propre séquençage génétique, mais ce serait sans compter sur Aaron Delgato, un collègue jaloux, qui sabote sa tentative. Du coup, O'Hara se retrouve affublé de pouvoirs similaires à ceux du Spidey que nous connaissons, voire mieux même, puisqu'il est doté d'une toile organique, par exemple. Pourchassé par un cyborg du nom de Venture, il prend la tangente et s'affuble d'un costume de carnaval (pour la fête des morts au Brésil) qui fait de lui la nouvelle version futuriste du monte en l'air des familles.



Une bien bonne surprise que cette série, que peu de lecteurs connaissent, si on ne prend en compte que les moins de trente ans. Les autres par contre sont forcément rencardés, et achetaient sûrement le mensuel 2099 proposé par Semic. A l'époque, Marvel avait tenté d'implanter cet univers parallèle très futuriste, et l'opération avait plutôt bien débuté, avant de péricliter devant une profusion hasardeuse des titres et une baisse évidente de la qualité des histoires présentées. Le Spidey 2099 est avec Fatalis le personnage le plus réussi de cette fournée, et ses premières aventures, si bien amenées, méritent toute votre attention. En partie nous retrouvons un schéma narratif déjà assimilé : si Peter Parker travaille au Buggle et cache son identité à son patron, Miguel O'Hara en fait de même chez Alchemax. Lui aussi a pas mal de problèmes personnels, et sa vie de famille n'est pas des plus tranquilles. Il lui faut déjà échapper aux soupçons de son frère, gérer le déséquilibre de sa mère, et composer avec Dana, sa fiancée. Leonardi dessine le tout dans un style qui oscille entre cartoon et réalisme tranché à la serpe. Ses figures ne sont certes pas les plus gracieuses, mais il a imposé un style reconnaissable et dynamique qui a bien contribué à la réussite du titre. Le cadrage est fabuleux, et nous promène à vitesse folle dans la cité futuriste à multiples étages, où on a vite fait de sombrer. Au passage, il faudra un jour rendre à César ce qui lui appartient : et si Peter David était en toute simplicité, un des tous meilleurs scénaristes à avoir jamais travaillé pour la maison des idées? Je ne suis pas loin de le penser, tant en général ce qu'il écrit finit par obtenir mon adhésion sans conditions. Mais comme je vous le disais, Spider-Man 2099 est loin d'être la seule bonne petite série de cet univers narratif, aussi je vous propose de regarder cette petite vidéo qu'on a faite, et qui vous en dira plus!


 
 

UN ÉTÉ CRUEL : UN "CRIMINAL HORS-SÉRIE" MAGNIFIQUE CHEZ DELCOURT


Lorsqu'arrive la belle saison, on a parfois coutume de dire : l'été, la saison de tous les dangers. C'est un peu ce qui se vérifie dans cet album publié par Delcourt et qui s'insère dans l'univers narratif de Criminal, cette œuvre superbe d'Ed Brubaker et Sean Phillips. Ici nous nous concentrons sur la famille Lawless, que les lecteurs connaissent déjà. Plus précisément Teeg et le fiston Ricky. Ce dernier est encore jeune mais son destin semble déjà marqué par les engrenages infernaux d'une transmission filiale viciée, quand votre noyau familial n'existe pas et que votre paternel a un seul talent évident, celui de se fourrer dans les mauvais coups. Il est évident que de la sorte, vous ne grandirez pas de la même manière d'un garçon de bonne famille. D'ailleurs si Ricky se lance dans des opérations interlopes et s'il a l'audace d'aller ennuyer et cambrioler les personnes qu'il vaudrait mieux laisser tranquille, c'est aussi parce qu'il faut qu'il trouve de l'argent pour la caution, qui permettra à son géniteur de sortir pour la énième fois de prison. Teeg est lui un homme qui n'a guère d'illusions sur ce qu'il vaut et ce qu'il fait en ce bas-monde; quasiment toute sa vie a été basée sur une accumulation de larcins et il est trop tard pour imprimer une direction contraire à une trajectoire brisée... à peine la liberté retrouvée, c'est pour se poser la question de la subsistance à venir, et donc des nouveaux mauvais coups à préparer! Pire encore, il ne va pas tarder à faire la rencontre d'une beauté fatale dénommée Jane, dont il va tomber éperdument amoureux. C'est une constante chez Brubaker, les femmes sont particulièrement dangereuses et s'en approcher de trop près, tel Icare avec le soleil, c'est l'assurance de voir fondre votre dernier espoir d'améliorer votre ordinaire. On passe donc notre temps entre scènes familiales où s'instaure une sorte de trio malsain entre le père, le fils et la nouvelle compagne (et les premiers temps sont difficiles car cette dernière citée est perçue comme une intruse par l'adolescent, jusqu'à ce qu'un geste fatal et tragique n'achève de les rapprocher, ce qui au final est une nouvelle étape vers une fin programmée) et les ambiances glauques et poisseuses qui caractérisent ce type de récit "noir" où on passe beaucoup de temps dans des bars enfumée et dans des ruelles malfamées.



il y a donc beaucoup de violence en filigrane dans cet "été cruel",  à partir du titre. L'ensemble fonctionne comme un compte à rebours qui une fois enclenché ne pourra pas être stoppé; on devine la fin dès le départ, reste à comprendre comment on va y aboutir, quelles seront les étapes et dans quel ordre. C'est aussi le récit initiatique d'un adolescent, Ricky, qui va vivre des événements si puissants et dramatiques que toute sa vie sera désormais figée, et qu'il n'existera plus aucun moyen d'envisager autre chose qu'une destinée bien sombre. La force du récit de Brubaker est de savoir réserver à chaque personnage ses moments forts, il n'oublie personne, les caractérisent tous à la perfection, et chacun en voulant parfois bien faire ne fait que renforcer son attraction négative sur les autres, une sorte d'émulation criminelle qui pousse tout le monde vers le néant. Le propre de Criminal était de savoir qui suivre, à chaque histoire, ici le récit est choral et pour autant attentif à chacun. Le dessin est confié à Sean Philips, et il est mis en couleurs par le fils Jacob; inutile de dire que chaque planche est absolument magnifique, les expressions des personnages, le cadrage extrêmement inspiré, les ombres et les ambiance feutrées et intimistes, font de cet été cruel un chef-d'œuvre absolu, qui vient s'ajouter à une liste déjà longue, tant le duo aux manettes est désormais représentatif d'un genre dont il maîtrise tous les codes à la perfection. Aucune fausse note, aucun moment faible, dans ce qui ressemble déjà sur le papier à un un film évident, qui pourrait prochainement voir le jour. Il est rare de tomber sur une aventure où la dynamique des événements, le caractère tragique et humain, et la mise en images remarquable forment une telle fusion; c'est peut-être la sortie la plus classieuse de l'été! 


LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LE SPECTATEUR


 Dans le 103e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Le spectateur, album que l'on doit à Théo Grosjean, édité chez Soleil dans la collection Noctambule. Cette semaine aussi, on vous entraine sur les routes de la Belgique pour vous faire découvrir des lieux consacrés à la bande dessinée :

- La promenade dans Bruxelles à la découverte des façades consacrées au 9e art

- La découverte du Centre belge de la Bande dessinée avec ses collections et ses expositions temporaires

- La découverte du musée Hergé situé dans la ville de Louvain-la-neuve, a proximité de Bruxelles

 

 

AMERICAN RONIN : THRILLER SF ET PSYCHOLOGIQUE DE PETER MILLIGAN ET ACO


Bienvenue dans un monde où les États nations n'ont plus la suprématie, qui désormais réside entre les mains de conglomérats internationaux, de gigantesques multinationales qui peuvent se permettre tout et n'importe quoi, et pour qui les frontières n'ont pas de sens. L'économie et le business avant tout, le reste est secondaire. Bien entendu, quand on arrive à un tel niveau de puissance, il n'existe pas vraiment de règles... tout est bon pour asseoir sa domination et l'idéal est d'avoir à portée de main des hommes à tout faire, des assassins capables des pires exactions, avec la plus grande des discrétions. Ces individus ne sont pas comme vous et moi, ils ont été génétiquement améliorés et des implants technologiques leur permettent de se mettre dans la peau de leurs victimes désignées, de les comprendre, d'en disséquer les peurs, les motivations, les cauchemars, les aspirations, pour les anéantir avant même qu'ils puisse trouver une parade. Pour ce faire, ils sont en mesure de récupérer un peu de l'ADN de leurs cibles, qu'ils s'injectent ensuite, devenant pendant quelques temps "l'autre", un mélange de plusieurs personnalités, un chasseur dévorant sa proie de l'intérieur. Que se passe-t-il le jour où l'un de cesse redoutables homme de main décide de se retourner contre ceux qui l'emploient, pour venger des années de torture? Peut-il faire tomber un système bien rodé à lui tout seul,  ou sera-t-il neutralisé par un de ses pairs, envoyé sur ses train par la firme Lincoln's eye, pour que le statu quo perdure? C'est toute la question qui se pose avec ce "Ronin" américain des temps modernes. Il est extrêmement doué pour tuer, pour vampiriser la personnalité des autres, pour apparaître et disparaître. Peter Milligan, en grand amoureux des récit obscurs et aux multiples ramifications, nous présente la un portrait saisissant et une aventure totalement barrée, dans laquelle la science-fiction, l'espionnage, l'action, sont intimement mêlés. Le genre de création où il est à son aise, et qui définisse une grande partie de son œuvre. 



Nous avons entendu à plusieurs reprises des commentaires blasés, qui soulignaient combien la trame de cette histoire n'a que trop peu d'originalité, comme quoi ce serait la énième interprétation de fantasmes techno politiques déjà lus et relus. Il est vrai que le point de départ n'est pas inédit, mais c'est dans le modus operandi des agents, cette manière de vivre en permanence avec le couperet au dessus de la tête, et l'esprit perdu dans une infinité de réalités différentes, toutes dépendantes des personnalités des cibles désignées, qu'American Ronin parvient à séduire. Avec des meurtriers empathiques, puisque capables de dénicher certes les points faibles et les tares de ceux qu'ils doivent liquider, mais aussi d'en ressentir la peine, les joies, les secrets, bref de comprendre, assimiler, au point de confondre parfois, de s'emmêler les pinceaux et les points de repère. Il y a du coup de bons morceaux de bravoure, qui ne sont pas nécessairement les scènes d'action et de castagne, mais quand le "héros" du récit use de son aplomb, de sa compétence en matière de body language, de persuasion, de déchiffrage de ceux qu'il étudie et traque, notamment pour pousser un ennemi à faire le grand saut dans le vide, du haut d'une tour immense, puis pour pénétrer dans un avion ultra sécurisé, juste en faisant semblant d'y être autorisé, tout dans la gestuelle, la posture, la phrase bien choisie, avec le bon ton. Un super pouvoir, pour ainsi dire, qui serait accessible à chacun de nous, si nous étions en mesure de nous livrer à des années d'études, de recherches, d'entraînement. Le super charisme. Le dessin est également un point fort d'American Ronin, avec l'espagnol Aco, dont on ne sait finalement que trop peu, avec toutefois en tête les petites merveilles réalisées récemment pour Nick Fury. Son dessin est à la fois réaliste, très léché, et audacieux dans la mise en page, le découpage, un peu à l'instar du travail d'un Sorrentino sur Green Arrow ou Gideon Falls, par exemple, mais dans un style bien plus rassurant et attendu pour ce type de produit, avec les couleurs chargées en contraste de Dean White qui apportent une touche d'élégance supplémentaire, et retranscrivent parfaitement cette explosion, cette fragmentation de la réalité, qui est la source même de tout ce que Milligan expose, entre obsessions psychologiques (les cauchemars ont une importance certaine) et paranoïa constante. American Ronin n'invente pas forcément le comics de demain, mais c'est une bonne lecture solide pour aujourd'hui. 

JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...