DC INFINITE FRONTIER JUSTICE INCARNÉE : MULTIVERS EN DANGER


 Le nombre d'univers parallèles au nôtre a toujours varié dans l'univers DC comics, selon les époques, mais ces temps derniers nous sommes revenus à une infinité de possibilités, ce qui donne un peu le vertige quand une menace s'en prend au Multivers. Il faut une équipe de poids pour la contrer, composée de membres puisés ça et là à travers toutes les Terres qui existent. Cette formation un peu particulière de la justice League s'appelle donc la Justice Incarnée. Comme le veut la tradition, elle est menée par Superman, mais pas tout à fait celui que nous connaissons. Calvin Harris est le président Superman sur sa Terre; c'est lui qui dirige la maison Blanche, c'est aussi un afro-américain. Autour de lui, nous trouvons des personnages parfois absurdes comme Captain Carrot, le lapin cuisiné à la testostérone, Aquawoman, qui vient d'un monde où les genres sont inversés, ou encore Thomas Wayne, le Batman de l'univers Flashpoint. Sans oublier Docteur Multiverse, une jeune femme qui incarne à elle seule ce concept complexe. Cette fois, ce sont les "grandes ténèbres" qui menacent la création. Elle pourraient radicalement tout anéantir, à tel point que même Darkseid, pourtant considéré comme le dieu du mal absolu, pourrait bien ne représenter qu'une menace mineure, par rapport à ce qui se trame dans l'ombre. Barry Allen a disparu, il a été manipulé par Darkseid lui-même pour créer une fissure dans le multivers, fissure qu'il va falloir au plus vite contrôler ou refermer, pour éviter que le pire ne se produise. Première constatation, il vaut mieux être coutumier du fait et avoir un peu d'expérience de lecture avant d'aborder cet album, autrement vous allez devoir le parcourir avec un tube d'aspirine à portée de main. La galerie de personnages présentée est complexe et la lecture peut même sembler par endroit totalement hermétique. Joshua Williamson sait parfaitement où il va, mais je vous assure qu'il faut faire preuve de résistance, car les deux premiers épisodes sont aussi denses que par moment énigmatiques, voire confus.



En fait, nous tenons là une sorte d'aboutissement entre les mains. De prolongement, à défaut de conclusion, de certains grands moments de l'histoire de DC Comics, de Crisis on Infinite Earths à Dark Knights Metal, en passant par The Multiversity de Grant Morrison, qui demandait toujours à être exploité plus concrètement. Du coup, nous trouvons pas mal de confusion, mais aussi des intuitions merveilleuses, comme lorsque le Président Superman et Docteur Multiverse se retrouvent sur une Terre parallèle, et que le seul moyen qu'ils ont pour communiquer avec leurs camarades et de devenir des artistes de comic books, et faire publier chez DC le récit de leurs aventures face à Darkseid, qui serviront de balises et de mode d'emploi pour la marche à suivre. Comme le temps s'y écoule différemment, les deux héros forment une sorte de néo couple, se mettent au travail, apprennent à se connaître avant de s'éloigner pour incompatibilité, et mènent leur mission à son terme, même si le final leur réserve une sacrée surprise. C'est assez drôle de voir Thomas Wayne à l'œuvre sur la Terre 26, là où les lois de la physique sont différentes, avec des habitants qui sont tous dotés de corps de cartoons, avec les conséquences pratiques que vous pouvez imaginer. Terre 7 par contre est détruite, et son importance pourrait bien être la clé de la chute des héros, qui ont toujours un temps de retard, sur un Darkseid qui lui aussi est loin d'avoir partie gagnée. Justice Incarnée, c'est pour finir un sacré patchwork de dessinateurs qui se succèdent. Avec du très bon; Mikel Janin, Kyle Hotz et ses planches plus gothiques, ou encore Brandon Peterson, pour ce qui est des artistes au style léché et détaillé. Et puis aussi Andrei Bressan, qui en terme de volume de production occupe le rôle central dans cette aventure. S'il parvient à toujours maintenir le cap, je suis plus dubitatif quand il doit livrer des vignettes plus petites, avec différents personnages, qui une fois réduits à une échelle moins flatteuse, apparaissent également moins convaincants. Sans être laid, loin de là, il y a un petit quelque chose de moins iconique ou imposant que chez ses collègues. Globalement cette saga cosmique a du mal à trouver sa voie, reste hermétique de bout en bout pour ceux qui n'ont pas de master en histoire de DC Comics, et repose sur de petites parenthèses bien trouvées pour faire fonctionner son capital sympathie. On était en droit de s'attendre à mieux. 


Un peu d'humour avec Darkseid face à celui est un peu le "Thanos de DC Comics", et qui subit une défaite cuisante, ponctuée par un "Snap". 





LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : AGATA TOME 3 L'ÉTOILE DU SUD


 Dans le 132e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente le troisième et dernier tome de la série Agata, baptisé L’étoile du sud, album que l’on doit à Olivier Berlion, édité chez Glénat. Cette quinzaine aussi, on vous propose six promenades et visites autour de la bande dessinée à faire cet été :

- Paris : exposition Chris Ware au musée Pompidou et découverte des galeries d’art consacrées à la bande dessinée

- Bruxelles : promenade dans la ville à la découverte des fresques sur la bande dessinée, visite du centre belge de la bande dessinée et de son exposition temporaire sur les albums consacrés au Musée du Louvre

- Amiens : exposition à la maison de la culture baptisée de Goldorak à Goldorak consacrée au travail de Denis Bajram

- Jaunay-Marigny : exposition dans le parc du château à l’album Madeleine, résistante en collaboration avec les éditions Dupuis

- La Roche-Guyon : exposition dans le château baptisée MachinaXion et consacrée à Blake et Mortimer

- Angoulême : visite de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, ses collections permanentes et son exposition temporaire consacrée aux liens entre la bande dessinée et le cinéma d’animation



LES SEPT SECRETS TOME 2 : SECRET (PAS VRAIMENT) RÉVÉLÉ


 Voici venir chez Delcourt le second tome des Sept secrets de Tom Taylor et Daniele Di Nicuolo. Première remarque importante, il est impensable de se jeter dans l'aventure sans avoir lu le premier. Si certaines séries peuvent être abordées en cours de route grâce à un petit résumé et un nouvel arc narratif qui explore d'autres pistes, ce n'est pas le cas ici. Le peu d'information qu'on vous donne est très confus et il s'agit de la suite directe des événements du dernier épisode du premier album. Bref, précipitez-vous sur le premier tome ou laissez tomber. Dans l'univers des Sept secrets précisément, il existe sept porteurs et sept gardiens, qui sont tous chargés de garder et de protéger un de ces secrets (enfermés dans des valisettes). Il suffit qu'il soit révélé pour que le monde s'en trouve à jamais bouleversé. C'est précisément ce qui vient de se passer. Le premier secret a été dévoilé au monde entier et même si le lecteur reste à l'écart de ce en quoi il consistait véritablement, il peut toutefois en constater les terribles effets, puisque c'est un pays tout entier qui a disparu de la carte : la Suisse. Nous retrouvons également Caspar, le jeune homme héros du premier volume, celui qui est destiné à devenir l'héritier de l'Ordre et probablement le plus important des gardiens, alors qu'il est obligé de fuir à travers le royaume de Féerie pour échapper à ses poursuivants. Il s'avère que ce monde fantastique où les règles de la physique et de la réalité ne sont pas les mêmes que dans le nôtre est en fait le berceau de son enfance, dont il a oublié jusqu'au souvenir. Des pages particulièrement belles pour peu qu'on aime le style manga, car en effet, jamais nous n'avions vu une aussi convaincante synthèse opérée entre le comic book traditionnel et la bande dessinée japonaise, dans une histoire mainstream. Di Nicuolo est en ce sens particulièrement intéressant.


Si l'Ordre est chargé de veiller sur les sept secrets, son fonctionnement assez dogmatique, et sa tendance à ne pas accepter la remise en question d'une mission aux contours nébuleux, font qu'on n'écarte pas non plus l'hypothèse d'un vaste complot, et que les "méchants" que sont les Quêteurs ne le sont pas foncièrement autant que cela. Le conflit est en tous les cas ouvert et Amon, qui un peu ici l'antagoniste majeur de cette histoire, est une figure négative très nuancée, qui pourrait bien avoir raison sur pas mal de points. La trahison est aussi au menu, et pas des moindres, puisque vous constaterez que l'Ordre est infiltré depuis toujours, et que cela ne concerne pas que des personnages secondaires ou peu charismatiques. Bref, Tom Taylor brouille toujours autant les pistes, et nous maintient dans un état de vague permanent. Impossible de saisir où il veut en venir, ce que sont réellement ces secrets, qui a raison et qui veut juste manipuler l'autre.  Peut-être bien d'ailleurs qu'il n'y a que des nuances de gris dans cette histoire, et certainement pas de dualité trop manichéenne. Comme déjà souligné, c'est Di Nicuolo qui donne à l'ensemble cette touche si moderne, qui fait que n'importe quel lecteur habituellement allergique au Marvel Style se sentira malgré tout très à l'aise. Ici c'est la manière d'insuffler dynamisme et énergie cinétique qui prime. Les visages, les scènes de combat étirées sur des doubles pages, la construction même du récit, lorgnent plus vers le manga shonen que le comic book américain. Et pourtant, ne vous y trompez pas, c'est du comics, du fun, du rafraichissant. Les Sept Secrets ne ressemblent à rien d'autre, et sont une de ces surprises un peu décalées qui créeront polémiques et division chez les fans, mais expérimentent avec suffisamment d'intelligence et d'audace pour être recommandés au plus grand nombre. 

Tome 1 : la critique ici 





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FANTASTIC FOUR L'HISTOIRE D'UNE VIE : OBSESSION FANTASTIQUE


 L'histoire d'une vie, c'est Spider-Man qui en avait inauguré le concept. Qui consiste à raconter l'évolution d'un ou plusieurs personnages de l'univers Marvel à travers les décennies, tandis qu'il est réellement affecté par le passage du temps, c'est-à-dire la vieillesse, les drames, et un univers qui change au point de devenir petit à petit hostile ou méconnaissable. Bien entendu, cette aventure narrative n'a de sens que si jamais les éléments les plus significatifs de ce personnage sont maintenus en place. Ainsi, avec les Quatre Fantastiques aujourd'hui, nous allons retrouver le Docteur Fatalis, Galactus, le Silver Surfer, ou des ennemis comme le Penseur fou, sans oublier des faits comme le mariage de Ben et Alicia et la naissance de Franklin Richards. Mais tout ceci est amené différemment. Tout d'abord, la manière dont se forment l'équipe n'est pas tout à fait la même, tout en restant assez identique. Ensuite, le Docteur Fatalis n'est pas un collègue d'université de Reed Richards, mais un scientifique, tout comme lui, qui va l'aider dans ses travaux pour contrer la venue prochaine de Galactus, avant de déraper et d'utiliser ses talents pour asseoir une forme de domination mondiale, qui est selon lui la seule façon d'unir la planète et d'affronter ce qui va venir. Galactus, parlons-en... C'est une véritable obsession pour Richards, c'est-à-dire Mister Fantastic. Il est entré en contact télépathique avec l'alien et il sait que le dévoreur de planète va venir tôt ou tard boulotter la terre. Il a beau avertir les autorités internationales, personne ne semble prendre la menace au sérieux. Du reste, c'est tout à fait crédible quand on voit qu'aujourd'hui le climat est déréglé et que tout le monde sait que nous allons affronter une crise majeure, sans pour autant que nous ayons l'air de nous en émouvoir réellement (je parle bien sûr des responsables politiques). La venue de Galactus, qui peut advenir dans 5, 10, ou 30 ans est une telle obsession pour Reed qu'elle finit par provoquer le délitement de sa vie sentimentale et personnelle. L'histoire d'une vie tourne donc à l'histoire d'un gâchis, à tout point de vue. 




Il est intéressant de noter que la fin de cet album est beaucoup plus réussie que le début. La difficulté pour Mark Russell était d'écrire quelque chose d'autre, de s'éloigner du canon établi, sans décevoir les fans tatillons. La manière dont se déroule la rencontre du quatuor, son premier voyage dans l'espace, la découverte des pouvoirs, tout ceci est semblable et en même temps réellement différent de ce qu'ont raconté Stan Lee et Jack Kirby. Le rapport entre Reed Richards et Ben Grimm est vraiment explosif car ce dernier n'accepte pas la manière dont il a été utilisé, ce qui a littéralement détruit sa vie personnelle. La Femme Inivisible l'est à tout point de vue, comme d'ailleurs n'importe femme dans la societé des années 1960 ou 1970. L'obsession de Richards finit par lui coûter son épouse, et si dans les comics traditionnels le flirt de Susan avec Namor n'est jamais poussé très loin, ici il va en être bien différemment. La famille "fantastique" va aussi connaître un terrible drame et c'est finalement avec le temps qu'elle pourra se recomposer, ou même pour être plus précis, enfin être pleinement composée. Du coup, plus les enjeux s'élèvent, plus la tension grimpe, plus les Quatre Fantastiques méritent enfin cette appellation qu'on leur prête souvent, c'est-à-dire de la plus célèbre et formidable famille Marvel. Les deux dernières décennies, pour simplifier les deux derniers épisodes, sont vraiment poignantes; le temps a fait son effet, les FF sont enfin devenus ce qu'ils devaient être, et pour autant le moment est arrivé d'affronter enfin la grande menace pour laquelle ils semblent s'être réunis depuis le départ. Une autre excellente surprise de l'album est la qualité du dessin de Sean Izaakse. Il est particulièrement efficace d'un bout à l'autre, ajoute une touche de modernité à ses planches tout en respectant le traditionnel Marvel style. Ses personnages sont tous très bien dessinés et il infuse de la conviction et du détail dans ces six numéros, pour en faire quelque chose d'esthétiquement réussi. Si les premières pages pouvaient nous faire redouter une saga qui a tendance à s'éloigner de son sujet, en réalité L'histoire d'une vie nous semble aboutie et vraiment pertinente car elle parvient à rétablir en cours de route  la situation, pour déboucher sur ce que nous attendions, c'est-à-dire un autre regard fascinant sur la longue et prolifique carrière des Fantastiques.  Après Spider-Man, une autre bonne surprise à classer au rayon de ces hommages vibrants à un univers narratif entré dans la légende.



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SUPERGIRL WOMAN OF TOMORROW : L'ÉPOPÉE EXISTENTIELLE


 Il est forcément un peu plus difficile de susciter la considération et le respect, voire la crainte, quand on est une agréable jeune fille aux cheveux blonds, portant la jupette, d'aspect menu et engageant, plutôt qu'un type ultra musclé chargé en testostérone. D'ailleurs, Kara Zor-El a beau être "super", elle n'en reste pas moins une girl là où son cousin est lui présenté comme un man et non pas un boy; une petite différence sémantique qui démontre bien que l'héroïne a toujours dû mettre les bouchées doubles pour trouver sa place au sein de l'univers DC comics. Notons qu'il en existe différentes incarnations, et que sa carrière éditoriale est pour le moins chaotique. À première vue, on pourrait la croire plus faible, et d'ailleurs certains ennemis de Superman n'hésitent pas à s'en prendre à elle pour se venger, lorsqu'ils la croisent dans l'espace. Mais ce serait une erreur. C'est ce que nous montre assez rapidement Tom King dans cette nouvelle mini série en 8 volets, qu'Urban Comics présente dans sa collection Black Label. L'histoire démarre sur une lointaine planète, dans une ferme de roche, où une jeune fille (Ruthye) assiste au meurtre de son père, des mains de Krem des collines d'ocre, un assassin impitoyable, qui laisse son épée enfoncée dans le poitrail de sa victime.  Commence ainsi une vengeance personnelle contre Krem, avec l'idée d'enrôler un mercenaire pour obtenir réparation dans le sang, en se servant de la fabuleuse épée abandonnée par Krem, comme monnaie d'échange pour la transaction. Mais rien ne se passe comme prévu pour la pauvre jouvencelle. Fort heureusement, dans le même bar où se déroule la négociation, nous retrouvons Supergirl, bien occupée à fêter son 21e anniversaire (c'est-à-dire selon la loi américaine celui de sa majorité, autrement dit elle a désormais le droit de consommer de l'alcool) en se mettant minable grâce à la bouteille. Et quand une demoiselle en détresse rencontre une super héroïne en proie au doute et à la recherche de son destin personnel, les conditions sont réunies pour mettre sur pied une petite épopée spatiale attachante et fantasmagorique, qui va nous emmener rencontrer des mondes singuliers et interroger ce qui constitue notre humanité, à des années lumières au fin fond du cosmos.




On embarque donc avec Tom King pour un voyage merveilleux. À travers les mondes, le cosmos, pendant de longs mois. Supergirl et sa protégée vont affronter toute une série d'aventures qui seront autant de jalons vers l'acceptation et la compréhension de soi. Ne croyez pas que la toute-puissance de la charmante blondinette lui permette de faire face à tout et n'importe quoi; tout d'abord parce qu'une partie de ce périple va se dérouler sur une planète baignée d'un soleil vert qui se révèle être hautement toxique pour qui vient de Krypton, et c'est cette fois au contraire Ruthye qui va devoir protéger l'héroïne. Mais aussi parce que cette poursuite à travers les étoiles, pour mettre la main sur Krem et obtenir réparation, constitue une preuve de force intérieure : est-il nécessaire de tuer quand la magnanimité permettrait d'opter pour un autre châtiment ? C'est là que tout le génie de Tom King frappe le lecteur, avec deux dernières pages absolument splendides qu'il est impossible d'aborder concrètement sans spoiler l'histoire, mais qui ne correspondent pas forcément à tout ce à quoi vous pouvez vous attendre en lisant ce qui précède. Cette histoire au demeurant fort belle et poétique est rythmée par un phrasé et une langue soignée, excellemment traduite en français par Jérôme Vicky. Le dessin est de Bilquis Evely, et s'il peut surprendre notamment pour ce qui est du visage de Supergirl (assez anguleux, voire caricature, avec le bleu des yeux qui mange ou illumine le reste) le côté féerique de l'ensemble compense largement cet aspect un peu moins gracieux que d'habitude. Les planches sont vivantes, truffées de petits détails, et surtout elle ne se ressemblent pas ou tout du moins leurs différences finissent par s'accorder, pour orchestrer un ensemble de mondes, ce qu'on appelle un univers graphique. Un long voyage, une quête personnelle, presque un récit légendaire comme on le comprend en fin de parcours, nous sommes là face à une bande dessinée qui échappe à la norme, l'envie de convoquer la surenchère et le bain de sang, pour donner la parole à un personnage aussi fort que fragile, aussi sous-évalué que potentiellement magnifique, et qui l'espace de huit longs épisodes nous enchante régulièrement. Woman of tomorrow a donc tout pour être également woman of the summer, le temps que nous y sommes. Woman, et pas juste girl





THOR LOVE & THUNDER : LE PLUS GRAND CABARET DU MONDE


 Thor Love and Thunder est un peu la version cinématographique de ces soirées étudiantes qui s'écoulent entre plusieurs packs de bière et de la vodka à bon marché. Tant que la consommation reste raisonnable, on peut envisager de s'amuser et d'utiliser l'état d'ébriété pour accentuer le côté festif de l'instant. Mais si jamais chacun s'enfile deux litres d'alcool frelaté à 16 %, ça se termine la tête sous la table, dans la bassine à vomi, et l'expérience est beaucoup plus douloureuse et navrante. Taika Waititi se fiche désormais royalement de tout; il est convaincu d'être génial, postmoderne, capable de descendre toutes les icônes de leur piédestal pour les transformer en de vulgaires marionnettes pop, censées nous faire rire toutes les trente secondes, avec des gags qui sont pourtant assez souvent éculés ou grossiers. C'est ainsi qu'il nous présente ce quatrième volet de la saga de Thor, qui était pourtant née sous d'autres hospices, la tragédie shakespearienne de Kenneth Branagh notamment, et qui se retrouve une décennie plus tard à se vautrer dans la blague potache. Ici le dieu du tonnerre est clairement incomplet; il lui manque son engin, à entendre dans le sens de marteau, même si le prolongement phallique est de toute façon évident, et il entretient avec son substitut, la hache Stormbreaker, un rapport assez étrange qui va être l'occasion d'un running gag réellement poussif. Il lui manque aussi l'amour. Cela fait des années qu'il s'est séparé de Jane Foster, pour autant il ne l'a jamais vraiment oubliée. Jane, parlons-en. La célèbre scientifique est atteinte d'un cancer et elle se meurt lentement. Quelques minutes plus tard, nous la retrouvons à l'écran sous l'armure et le casque de Thor, c'est-à-dire de Mighty Thor, la version féminine du personnage. Et là, je ne plaisante pas, il n'y a aucun effort pour crédibiliser cette transformation radicale. De vagues réminiscence d'un contact passé avec le marteau, la vue d'un ouvrage sur les mythes scandinaves qui ravive des souvenirs, et hop, l'affaire est entendue. Même chose pour le jeu du quiproquo, la lente découverte de la véritable identité du nouveau Thor d'aspect féminin. Dès la première scène, les masques tombent, le fils d'Odin reconnaît Jane. Il n'en a pas l'air plus surpris que cela, c'est surtout le fait qu'elle manipule son ancienne arme fétiche qui le perturbe réellement. Vite évacuée la période d'apprentissage et les doutes inhérents à une nouvelle mission, en l'espace d'un claquement de doigts  Jane Foster rivalise déjà avec n'importe quel dieu de n'importe quel Panthéon. Ça tombe bien, face aux deux Thor va se dresser Gorr (Christian Bale), le massacreur de dieux. Là aussi, par rapport à la version comics, le mot massacre est ce qui correspond le mieux pour expliciter cette adaptation. Toute la puissance dramatique, la majestuosité de l'ennemi qui menace toutes les créatures divines du cosmos, est ici réduite à un être assez pathétique, qui ne serait rien sans la nécrolame dont il s'est imprudemment emparé. Pire encore -et je ne vous révèlerai pas les détails afin de ne pas vous gâcher la surprise- mais le final du film réserve un sort complètement ridicule au grand méchant. On se regarde embarrassés sans savoir s'il convient de prendre au sérieux tout ce qu'on vient de voir. Mais apparemment oui, il le fallait.


Taika Waititi a décidé qu'il était dorénavant en mesure d'imposer la pantalonnade complète au spectateur. Deux heures, durant lesquelles la légende de Marvel Comics est rigoureusement passée à la moulinette de Fluide Glacial. Voilà le résumé de ce film. Si cela peut être justifié dans les premières minutes (avec les Gardiens de la Galaxie, pour une sorte de bataille catastrophe qui en soi n'est pas si mauvaise, et permet d'introduire le thème musical récurrent de Love & Thunder, c'est à dire le bon gros hard rock américain des Guns n'roses) ça l'est beaucoup moins par la suite, quand le personnage de Gorr nous est présenté. L'idée initiale est louable, et on saisit bien ce qui est déjà le point de départ de la réflexion dans les comic books, à savoir une haine féroce vouée à tous les dieux du cosmos, qui s'amusent et se repaissent de la souffrance de ceux qui les vénèrent, sans jamais lever le petit doigt pour en modifier l'existence, en positif. Mais là où Jason Aaron avait le loisir de construire durant de longs mois, pour tisser une tapisserie de grande ampleur et au souffle épique, le réalisateur n'a que deux heures pour imbriquer toutes les parties du puzzle (Gorr, le boucher des dieux, Jane Foster qui devient Thor), sachant qu'il va perdre un temps considérable à insérer des scènes farces et attrapes à tout propos. Le comble étant l'arrivée de "nos héros" dans une sorte de conseil divin présidé par Zeus en personne, incarné par un Russell Crowe en jupette, dans ce qui ressemble d'avantage à une séquence extraite de Benny Hill qu'à un moment clé de l'histoire des Marvel Studios. Mais revenons-en à Natalie Portman, et au traitement unworthy (indigne, quoi) dont elle est l'objet. Son accession au titre de Thor, sa période nécessaire d'adaptation, ses sensations, ses peurs, son émerveillement, tout cela est éludé. Hors écran. Ou pour parler plus clairement, ça n'intéresse pas Waititi, qui est beaucoup plus occupé à farcir son film de blagounettes irritantes. Jane est malade, elle a un cancer au stade 4, mais même cette terrible épreuve est en réalité juste l'opportunité d'ajouter du pathos, jusqu'à l'inévitable tête à tête avec le fils d'Odin, et la révélation tire-larmes. La dignité du combat contre ce cancer passe aussi à la trappe, ou en tous les cas il est présenté et exposé à l'aune de ce qu'il peut faire ressentir au grand héros masculin. Ce n'est pas le cancer de Jane qui occupe la scène, mais la perte inévitable de la bien aimée qui guette Thor. C'est en cela également que ce film est une adaptation totalement hors sujet du run de Jason Aaron, bien plus malin, fin, articulé, inspiré. Ajoutez des affrontements assez mal chorégraphiés ou simplement infantiles (associer des petits minots à Thor pour défier Gorr, c'est assez idiot, ou alors j'ai mal compris, le grand méchant n'est pas si terrible que ça ?) et vous obtenez un long métrage qui rapportera probablement gros (le public aujourd'hui n'est pas si difficile, faites le rire et donnez lui du pop corn…) mais qui artistiquement parlant n'est que l'ébauche grossière de ce qu'il pouvait et devait être. 



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THE CAPE : RÉÉDITION CHEZ HI COMICS D'UN CLASSIQUE D'APRÈS JOE HILL


 C'est une histoire de famille, entre deux frères. Eric, le vilain petit canard, et Nicki, le prédestiné, celui qui réussit ses études et à qui un futur de gagneur tend les bras. Ces deux-là ont passé leur enfance à se poursuivre, à reconstruire les scènes de leur comic books préférés, déguisés en super héros. Nicki porte juste un masque tandis qu'Eric possède un vieux morceau de tissu, une cape qui fait de lui, en général, le vilain de l'histoire. Jusque-là rien de bien exceptionnel, c'est même probablement une scène d'une banalité affligeante si on considère la manière dont ont grandi tant de petits Américains, qui sont aujourd'hui des adultes. Sauf qu'un jour, c'est l'accident ! Patatrac, Eric fait une chute accidentelle du haut d'un arbre et la tragédie va lui laisser des séquelles. Non seulement il va se retrouver pendant de longs mois à l'hôpital, mais il conservera par la suite de très violents maux de tête qui rendront son existence pénible. Mais le plus étonnant dans l'histoire, c'est qu'avant la chute, pendant quelques instants, les deux garçons ont eu l'impression que l'infortuné pouvait voler. À partir de là, la vie continue. Au fur et à mesure que l'accidenté se remet, les différences se creusent par rapport au frérot, qui parvient à accéder à la prestigieuse école d'Harvard et à devenir un médecin réputé, dans son hôpital. Eric réussit certes à trouver une petite amie, qui lui permet de passer de bons moments, mais leur relation finit par battre de l'aile, devant le manque d'ambition et les échecs répétés qui s'accumulent. Du coup, ça se termine inéluctablement en séparation. Qui dit séparation dit aussi souvent dépression, sauf que là, en plein creux de la vague, notre ami Eric remet la main sur la fameuse cape, que sa mère avait pourtant promis d'avoir jetée… et oh surprise, il n'avait pas rêvé, le voici capable de voler !




Il s'agit ici de l'adaptation d'une nouvelle de Joe Hill, le fils de Stephen King pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, au format comic book, par Jason Ciaramella. La question qui se pose n'est pas nouvelle; que feriez-vous avec un grand pouvoir, si vous aviez aussi au fond de vous une grande haine, ou qu'en tous les cas vous traversiez une période horrible de votre existence ? C'est exactement ce qui se produit avec Eric. Un sentiment de frustration, de ne pas être à la hauteur par rapport aux attentes, une famille qui n'a pas su être là comme et quand il le fallait, et une relation sentimentale qui prend l'eau, avec une petite amie qui semble lui préférer son frère. Bref, il n'en faut pas plus pour que celui qui tout à coup découvre qu'il peut voler, pète littéralement un câble comme le veut l'expression consacrée. Le fait de pouvoir voler est une chose, mais tuer sans se faire prendre, arriver à ses fins sans avoir la police à ses trousses, c'en est une autre… ça a l'air simple dit comme ça, endosser une cape et foncer vers la lune, mais en fait, au moindre faux pas, la réalité vous rattrape. C'est exactement ce qui va se passer ici, et plutôt que de paniquer ou de se rendre, Eric va passer à la vitesse supérieure et régler ses comptes d'une horrible manière. Très sincèrement, c'est une lecture plaisante, qui plus est bien mise en image par un Zack Howard fortement aidé par la vibrante palette de couleur de Nelson Daniel. Cette bande dessinée, qui avait déjà été proposée chez Milady, revient donc au catalogue de Hi comics et s'avère particulièrement recommandable pour tous ceux qui aiment ce genre de récit, où les rôles sont inversés, où celui qui a des pouvoirs n'est pas là pour le bien de l'humanité mais pour extérioriser toute la souffrance et l'insécurité qui l'habitent. À noter qu'au début du mois de juillet, l'éditeur (re)publie également ce qui est une sorte de préquel, The Cape 1969. Puis le dernier volet de la trilogie, The Fallen, qui est prévu fin août. Se laisser tenter est une bonne idée si vous ne connaissez pas encore ce(s) récit(s).


Celui-ci est prévu le 24 août
Dernier volet de la trilogie






JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...