NEMESIS ROGUES' GALLERY : LE RETOUR ET LA REVANCHE POUR NEMESIS


 Mark Millar a toujours eu un faible pour les figures amorales qui se jouent admirablement des travers de la société et du néocapitalisme, et Nemesis reste l’un de ses monstres de laboratoire les plus jouissivement détestables. Né comme une sorte de Batman pervers et animé par des valeurs opposées, Nemesis a tout pour lui, sur le papier : l’intelligence, la discipline, des ressources infines… et zéro conscience morale. Sa première incarnation n’était qu’un riche oisif en mal de sensations fortes ; depuis, Millar a remanié le concept, multiplié les mini-séries et intégré le personnage dans son Millarverse, aux côtés de Kick-Ass, Hit-Girl et autres titres à succès, qui ont fusionné lors du crossover Big Game. Rogues’ Gallery démarre dans une position humiliante pour le héros démoniaque : quadriplégique, gardé comme un lingot dans un hôpital de haute sécurité, suite à une déculottée infligée par l’alliance des justiciers maison (le crossover sus-nommé). Mais chez Millar, comme dans toute l'industrie du comic book en réalité, les super-vilains ne restent jamais cloués au lit bien longtemps. D'ailleurs ce qui se produit dans cet album rappelle vaguement les vicissitudes d'un certain Benjamin Pondexter, alias Bullseye, lors des années 1980. Ici, un vieux mentor (clone à peine dissimulé de Ra’s al Ghul, immortel, manipulateur et parfaitement imbitable, Millar ne va jamais chercher bien loin) lui rend ses jambes… contre un service et une somme colossale, évidemment. La suite : un improbable récit “Batman & Robin” sauce ketchup/hémoglobine, où Nemesis entraîne un sidekick baptisé “Rookie”, qu’il coache et pervertit une bonne fois pour toutes, avec le sourire carnassier d’Adam West en pleine crise psychotique. Ce duo, entre mignardise vintage et hyperviolence à la Kill Bill, fonctionne sur un ton étrange : derrière les tripes qui giclent (Millar oblige), il y a presque du cœur. Presque. Car Nemesis reste ce sociopathe intégral qui, s’il vous tend la main, c’est pour mieux vous la couper à hauteur de poignet. Et autour d’eux se dresse une galerie d’ennemis plutôt bien écrits, décidés à lui faire payer ses casseroles passées. Bref, pas juste des punching-balls à exploser en pleine page, mais des types avec de vraies motivations pour passer à l'action.



Il n'y a pas grand monde qui mérite l'absolution avec Mark Millar, en particulier tous ceux qui possèdent l'argent, le pouvoir, qui fréquentent le milieu des entrepreneurs qui dirigent le monde en grand secret, ou tout simplement le show-biz. On les retrouve par ailleurs tous sur une sorte d'île d'Epstein, là où toutes les turpitudes sont autorisées, puisque c'est bien connu, lorsque l'argent coule à flot, la loi et la justice ferment un œil, pour ne pas dire les deux. Résultat : les actions ignobles de Nemesis et de son side-kick en deviennent par moment acceptables, voire à encourager puisque ceux qui subissent les effets de leur violence sont en fait des personnes qui l'ont bien mérité ! C'est un peu le tour de force de cet album, nous faire vibrer en permanence pour des individus qui sont de véritables ordures mais qui la plupart du temps écrasent de leur botte la tête de richissimes dépravés, qui ne valent guère mieux. Et tant pis si ceux qui leur donnent la chasse ont eux par contre tous subis un drame personnel et familial. C'est le propre des comic books et des œuvres de fiction, de temps en temps, de nous ranger du côté des méchants, de la pire engeance, histoire d'opérer une catharsis salutaire. Côté dessin, Valerio Giangiordano livre un travail solide : lisible, rythmé, parfois raide dans les expressions, mais capable de rendre un combat aussi viscéral qu’un uppercut en IMAX. Lee Loughridge apporte une couleur vibrante qui fait claquer chaque impact et accentue le plaisir coupable. Au fond, Rogues’ Gallery n’est pas tant un retour aux origines qu’une variation inattendue : moins thriller pur que casse sophistiqué à la Kingsman, avec un parfum de Silver Age perverti. C’est sale, c’est brutal, et parfois, c’est presque attendrissant… ça reste cependant du Mark Millar, entertainment calibré et décomplexé, ne demandez pas la Lune non plus.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ANGE LECA (MONSTRES AMERICAINS)


 Dans le 205e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Monstres américains, deuxième tome des aventures d’Ange Leca, album que l’on doit au scénario conjoint de Tom Graffin et Jérôme Ropert ainsi qu’au dessin de Victor Lepointe, un ouvrage publié chez Grand angle. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’adaptation du roman de Cédric Sapin-Defour Son odeur après la pluie signée par José Luis Munuera pour les éditions Le Lombard


- La sortie de l’album Vincent avant Van Gogh que l’on doit à Sergio Salma ainsi qu’aux éditions Glénat


- La sortie de l’album Lointain mes mots que l’on doit au scénario d’Anaële Hermans, au dessin de Sandrine Revel et c’édité chez Dargaud


- La sortie de l’album Linge sale, amour et céréales, un titre que signe Pozla et que publient les éditions Dargaud


- La sortie de l’album Queen Lil que l’on doit à Stéphane Lemardelé, aidé par Laurent Busseau, un album publié chez La boite à bulles


- La réédition dans son sens original de l’album Les années douces, œuvre du mangaka Jirô Taniguchi, qui adapte ici un roman d’Hiromi Kawakami, un album publié aux éditions casterman





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JENNY SPARKS : L'ESPRIT DU XXe SIECLE AVEC TOM KING


 Tom King persiste à écrire ses histoires comme des thèses universitaires ou des roman à clé : introduction floue, arguments dispersés, conclusion qu’on ne saisira qu’au dernier chapitre… s’il est d’humeur à nous en livrer une. Jenny Sparks suit la recette à la lettre, mais avec un ingrédient en plus : une héroïne qui, à force d’arrogance et de sarcasme, donne envie de lui couper le courant. Pour l'empathie, vous repasserez; imbuvable, qu'on vous dit ! Dans ce récit étiqueté Black Label, Sparks est recyclée en chasseuse de super-héros détraqués. C’est dire si Captain Atom, errant en pleine crise mystique et grillant des passants entre deux crises d’identité, ne pouvait pas mieux tomber. L’opposition entre ces deux importés (Atom venu de Charlton, Sparks exilée du Wildstorm Universe) permet à King de questionner la place de ces pièces rapportées dans le puzzle DC. Symboles d’un autre temps, ils se heurtent à une époque qui ne sait plus très bien quoi faire de ses idoles, surtout quand l’une a été façonnée par l’ombre d’Hiroshima et l’autre par l’ivresse et l'urgence punk du XXe siècle. Batman traverse le premier épisode comme un figurant de luxe, presque avalé par les ombres, tandis que la croix rouge de Sparks et l’éclat métallique d’Atom éclaboussent les pages. Mais difficile de s’attacher à Jenny : elle est intelligente, oui, mordante, certes… mais aussi péremptoire, imbue d’elle-même et constamment figée dans l'idée de sa supériorité. C’est le genre de personnage qui, même quand elle sauve la planète, vous donne envie de changer de trottoir. L'histoire se déplace ensuite dans un bar où Atom retient cinq otages, et poursuit deux lignes dramatiques : la montée en puissance quasi divine de Captain Atom et la résurrection absurde mais chargée de symbolique de Sparks, le 11 septembre 2001. King ne laisse pas de doute : ce jour a montré que le XXIe siècle ne serait pas celui des lendemains qui chantent, mais des coups de tonnerre qui claquent plus fort que les promesses. On n'a toujours pas fini d'en payer le prix, comme l'actualité le démontre régulièrement.



Histoire de brouiller un peu plus les pistes, King convoque Superman, qui non seulement discute tactique avec Sparks, mais nous apprend au détour d’une phrase qu’ils ont eu une aventure à l’université. Un clin d’œil à ces années où Clark pouvait s’amouracher d’une sirène sans que personne ne lève un sourcil. Mais ici, cela ajoute une dimension presque inconfortable : l’arrogance de Sparks se double désormais d’un carnet d’adresses qui frôle la liste VIP de la Justice League ou de Jeffrey Epstein. Jeff Spokes, de son côté, offre un festival visuel : découpage en neuf cases à la Watchmen, tensions dans les regards, contrastes entre l’électricité nerveuse de Sparks et la froideur minérale d’Atom. Ce dernier, figure réinterprétée d’un Doctor Manhattan qui aurait gardé ses gants et ses complexes, se détache du temps, cherche à transcender sa condition et réclame la reconnaissance comme Dieu, avec un grand G et un égo assorti. Les cinq otages ? Peut-être cinq avatars d’une humanité que ni la foi, ni la puissance, ni les éclairs divins de Sparks ne sauveront jamais. King semble nous dire qu’au fond, les dieux sont souvent démodés, avant même d’être installés sur leur piédestal. Et si Sparks est bien l’esprit du XXe siècle, ce siècle est clairement toxique et frelaté. Au final, avec ce volume, Tom King livre un verdict sans appel : le monde ne se répare pas à coups de constats cyniques, encore moins en se cherchant des dieux providentiels pour faire le travail à notre place. Pendant sept numéros, King préfère les joutes verbales aux explosions, les microexpressions aux super-bastons, pour disséquer une idée simple et pourtant universellement bafouée : ceux qui refusent d’apprendre de leurs erreurs se condamnent à les répéter. Jenny Sparks, arrogante, brillante, insupportable, sert ici de miroir impitoyable à l’humanité, confrontée à un Captain Atom en pleine crise de toute-puissance. Qu’il s’agisse donc du 11 septembre, du Covid, de la Grande Crise Economique/Climatique ou de toute autre secousse tellurique, King montre que la fuite en avant, la recherche d’un coupable extérieur, restent nos sports collectifs favoris. Et si Jenny Sparks n’offre pas le réconfort d’un happy end ni l’adrénaline d’un blockbuster, elle claque comme une gifle : soit on change, soit on crame, et pas seulement sous la foudre d’une Anglaise électrisante.



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FANTASTIC FOUR L'HISTOIRE D'UNE VIE (EN POCHE)


 Fantastic Four, l'histoire d'une vie, dans la collection poche de Panini, pour moins de huit euros. Selon nous, ça méritait bien une piqure de rappel : 

L'histoire d'une vie, c'est Spider-Man qui en avait inauguré le concept. Qui consiste à raconter l'évolution d'un ou plusieurs personnages de l'univers Marvel à travers les décennies, tandis qu'il est réellement affecté par le passage du temps, c'est-à-dire la vieillesse, les drames, et un univers qui change au point de devenir petit à petit hostile ou méconnaissable. Bien entendu, cette aventure narrative n'a de sens que si jamais les éléments les plus significatifs de ce personnage sont maintenus en place. Ainsi, avec les Quatre Fantastiques aujourd'hui, nous allons retrouver le Docteur Fatalis, Galactus, le Silver Surfer, ou des ennemis comme le Penseur fou, sans oublier des faits comme le mariage de Ben et Alicia et la naissance de Franklin Richards. Mais tout ceci est amené différemment. Tout d'abord, la manière dont se forme l'équipe n'est pas tout à fait la même, tout en restant assez identique. Ensuite, le Docteur Fatalis n'est pas un collègue d'université de Reed Richards, mais un scientifique, tout comme lui, qui va l'aider dans ses travaux pour contrer la venue prochaine de Galactus, avant de déraper et d'utiliser ses talents pour asseoir une forme de domination mondiale, qui est selon lui la seule façon d'unir la planète et d'affronter ce qui va venir. Galactus, parlons-en... C'est une véritable obsession pour Richards, c'est-à-dire Mister Fantastic. Il est entré en contact télépathique avec l'alien et il sait que le dévoreur de planètes va venir tôt ou tard boulotter la terre. Il a beau avertir les autorités internationales, personne ne semble prendre la menace au sérieux. Du reste, c'est tout à fait crédible quand on voit qu'aujourd'hui le climat est déréglé et que tout le monde sait que nous allons affronter une crise majeure, sans pour autant que nous ayons l'air de nous en émouvoir réellement (je parle bien sûr des responsables politiques). La venue de Galactus, qui peut advenir dans 5, 10, ou 30 ans est une telle obsession pour Reed qu'elle finit par provoquer le délitement de sa vie sentimentale et personnelle. L'histoire d'une vie tourne donc à l'histoire d'un gâchis, à tout point de vue. 



Il est intéressant de noter que la fin de cet album est encore plus réussie que le début. La difficulté pour Mark Russell était d'écrire quelque chose d'autre, de s'éloigner des canons établis, sans décevoir les fans tatillons. La manière dont se déroule la rencontre du quatuor, son premier voyage dans l'espace, la découverte des pouvoirs, tout ceci est semblable et en même temps réellement différent de ce qu'ont raconté Stan Lee et Jack Kirby. Le rapport entre Reed Richards et Ben Grimm est vraiment explosif car ce dernier n'accepte pas la manière dont il a été utilisé, ce qui a littéralement détruit sa vie personnelle. La Femme Invisible l'est à tout point de vue, comme d'ailleurs n'importe femme dans la société des années 1960 ou 1970. L'obsession de Richards finit par lui coûter son épouse, et si dans les comics traditionnels le flirt de Susan avec Namor n'est jamais poussé très loin, ici il va en être bien différemment. La famille "fantastique" va aussi connaître un terrible drame et c'est finalement avec le temps qu'elle pourra se recomposer, ou même pour être plus précis, enfin être pleinement composée. Du coup, plus les enjeux s'élèvent, plus la tension grimpe, plus les Quatre Fantastiques méritent enfin cette appellation qu'on leur prête souvent, c'est-à-dire de la plus célèbre et formidable famille Marvel. Les deux dernières décennies, pour simplifier les deux derniers épisodes, sont vraiment poignantes; le temps a fait son effet, les FF sont enfin devenus ce qu'ils devaient être, et pour autant le moment est arrivé d'affronter la grande menace pour laquelle ils semblent s'être réunis depuis le départ. Une autre excellente surprise de l'album est la qualité du dessin de Sean Izaakse. Il est particulièrement efficace d'un bout à l'autre, ajoute une touche de modernité à ses planches tout en respectant le traditionnel style Marvel. Ses personnages sont tous très bien dessinés et il infuse de la conviction et du détail dans ces six numéros, pour en faire quelque chose d'esthétiquement réussi. Si les premières pages pouvaient nous faire redouter une saga qui a tendance à s'éloigner de son sujet, en réalité L'histoire d'une vie nous semble aboutie et vraiment pertinente car elle parvient à rétablir en cours de route  la situation, pour déboucher sur ce que nous attendions, c'est-à-dire un autre regard fascinant sur la longue et prolifique carrière des Fantastiques.  Après Spider-Man, une autre bonne surprise à classer au rayon de ces hommages vibrants à un univers narratif entré dans la légende.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : TROUS DE MÉMOIRE


 Dans le 204e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Trous de mémoires que l’on doit à Nicolas Juncker, un ouvrage publié chez Le Lombard. Cette semaine aussi ,le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album De cuir et d’acier que l’on doit à Jeff Legrand pour le scénario, Geoffrey Champin pour le dessin et c’est publié chez Familiar éditions


- La sortie de l’album Bon vent que l’on doit à François Ravard, un titre préfacé par Zep et publié aux éditions Glénat


- La sortie de l’album Pillard de guerre que signe Philippe Pelaez au scénario, Francis Porcel au dessin et qui est publié chez Grand angle


- La sortie de l’album Ancolie que l’on doit à Salomé Lahoche et que publient les éditions Glénat


- La sortie de l’album Tu ne marcheras jamais seule que l’on doit à L’homme étoilé, un titre publié aux éditions Le Lombard


- La réédition d’Âme rouge, troisième volet des aventures de Blacksad qui bénéficie ici d’un grand format spécial anniversaire, un titre signé Juan Díaz Canales au scénario, Juanjo Guarnido au dessin et c’est publié chez Dargaud.



 
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MARVEL EPIC COLLECTION : THE COMING OF GALACTUS


 S’il est une collection que nous chérissons particulièrement chez Marvel, c’est bien la Epic Collection, qui permet de redécouvrir de vastes cycles issus des plus grandes séries de la Maison des Idées. Ces solides volumes de 400 à 500 pages, dotés d’une couverture souple, offrent un contenu des plus généreux, enrichi de nombreux bonus. Panini a tenté de les adapter en VF, mais le public n'a pas suivi, et le projet est tombé tristement à l'eau. L’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui est consacré aux Quatre Fantastiques de Stan Lee et Jack Kirby, et il est d’une importance capitale. On y retrouve trois moments fondateurs de la longue saga de ces héros emblématiques que le cinéma met à l'honneur en cette fin juillet. Premier temps fort : la confrontation avec des ennemis qui sont en quelque sorte leurs doubles maléfiques, les Terrifics (Frightful Four en VO). Eux aussi sont quatre, eux aussi ont des super-pouvoirs, mais ils les mettent au service du mal, animés d’une obsession tenace : éliminer les Fantastiques. Le plus dangereux est sans conteste le Sorcier, tandis que l’Homme-Sable et le Piégeur passent davantage de temps à se quereller qu’à nuire efficacement. On y retrouve également Médusa, ce qui ne manque pas de surprendre lorsqu’on connaît son rôle futur et ses véritables origines. Le deuxième grand moment de l’album est la découverte d’une race secrète, ayant évolué en parallèle de l’humanité, cachée depuis des siècles sur notre propre planète : les Inhumains. Médusa y réapparaît, cette fois comme membre d’un groupe dissident ayant fui le Grand Refuge, passé sous le joug de Maximus, le frère de Flèche Noire. Au passage, Johnny Storm, alias la Torche, tombe éperdument amoureux de Crystal, une jeune Inhumaine blonde et charmante qui ne tardera pas à jouer un rôle majeur dans l’univers Marvel. Leur idylle, à peine ébauchée, est déjà contrariée par l’incompréhension entre deux mondes. Les Inhumains, alors encore rigides et peu nuancés, gagneront en complexité et en profondeur au fil des années. Ils auront même une série sur le petit écran, mais une des pires du genre, pour laquelle le mot dispensable est bien gentil…



Troisième moment essentiel, et non des moindres : l’arrivée de Galactus sur Terre. Cette saga, qui donne son titre au recueil, débute par l’arrivée de son héraut, le Silver Surfer, chargé de lui dénicher des planètes à consommer lors de ses fringales cosmiques. Mais le Surfer, après avoir rencontré Alicia Masters, une sculptrice aveugle à l'humanité rayonnante, commence à douter de sa mission. Galactus, de son côté, apparaît encore sous une forme brute, dépourvue de l’aura majestueuse qu’on lui connaîtra plus tard. Son pouvoir est néanmoins colossal, et l’enjeu de cette confrontation n’est autre que la survie de la Terre. Appuyés par le Gardien Uatu, les Fantastiques livrent là un combat dantesque. L’un des grands sommets narratifs du Silver Age, qui témoigne de la puissance créative du tandem Lee/Kirby et de leur influence durable sur des générations de lecteurs. On notera cependant, en feuilletant ces pages historiques, quelques relents datés : un Reed Richards passablement paternaliste, prompt à rabrouer Susan, qui deviendra son épouse dans ces épisodes (eh oui, le mariage figure dans ce volume !). Quant à la Femme Invisible, elle semble parfois plus préoccupée par sa nouvelle coiffure que par les menaces planétaires, au grand dam de ses partenaires qui n’y prêtent guère attention… Du Stan Lee dans toute sa splendeur, avec ses élans verbeux, ses stéréotypes, mais aussi cette verve unique et ce souffle romanesque inimitable. Ajoutez à cela la puissance visuelle de Jack Kirby, qui déploie ici toute sa classe visionnaire, et vous obtenez un incontournable. Un concentré de mythologie Marvel à savourer sans modération, dont la version sur grand écran est une des grandes attractions de l'été. 


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FANTASTIC FOUR FIRST STEPS : DES PREMIERS PAS AVEC STYLE ET PARESSE


Spoiler possible (au sujet de comment arrêter Galactus uniquement)

 Avec The Fantastic Four : First Steps, Marvel Studios tente une nouvelle fois de réhabiliter ses pionniers mal-aimés du grand écran. Après une succession d'échecs plus ou moins retentissants en guise de fardeau, et un MCU en perte de vitesse (ne nous voilons pas la face), cette itération réalisée par Matt Shakman, sur fond de sixties réinventées et de crises existentielles, se veut à la fois reboot, manifeste esthétique et film à taille humaine. Mission réussie ? Pas tout à fait. Enfin, ça dépend de ce qui vous pousse à le voir, en fait. Sur le papier, l’idée est séduisante : abandonner le poids de la super continuité pour livrer un film autoportant, centré sur la dynamique familiale des Quatre Fantastiques. Et de fait, le film commence fort. Reed, Sue, Johnny et Ben ont déjà leurs pouvoirs, leur notoriété et leur QG sur Terre-828, une réalité alternative où l’architecture rétrofuturiste, les voitures volantes et les montres parlantes ont remplacé les références aux Avengers. Plus besoin de se farcir quinze films et six séries pour comprendre qui est qui : ici, chacun arrive en scène avec son rôle et sa charge symbolique. Et au diable la sempiternelle origin story, alors traitée à la manière d'un documentaire, film dans le film. Mais derrière cette liberté apparente se cache un paradoxe. En démarrant dans le vif du sujet, Shakman gagne du temps, mais perd en intensité. L’attachement aux personnages, censé être immédiat, tarde à se produire. L’intelligence scénaristique, qui condense les enjeux familiaux et cosmiques dans une intrigue resserrée, ne suffit pas toujours à pallier un déficit d’émotion qui s'avère assez criant, à plusieurs reprises. L’atout majeur du film reste son duo central : Pedro Pascal, en Reed Richards, incarne assez bien l’archétype du savant brillant rongé par ses doutes, tandis que Vanessa Kirby électrise l’écran en Sue Storm. C’est elle, véritable colonne vertébrale du récit, qui mène l’action, résout les conflits, et donne au groupe une humanité crédible. La scène de dialogue avec l’Homme-Taupe – réjouissante apparition burlesque de Paul Walter Hauser – résume à elle seule l’équilibre étrange du film : entre sincérité et second degré, absurdité et drame. L’intrigue, quant à elle, repose sur un dilemme audacieux : Galactus accepte de ne pas détruire la Terre, il réclame en retour… le fœtus de Sue. Un twist inattendu, presque dérangeant, qui aurait pu nourrir un drame dense sur la parentalité, le sacrifice et l’autonomie. Malheureusement, l’idée, puissante sur le papier, se dilue dans un final trop expéditif. La confrontation avec le Dévoreur de Mondes – massif mais fade – manque d’ampleur, et le prix à payer, pourtant déchirant, est traité sans réelle gravité.



Le reste du casting tient la route, sans vraiment sortir du lot. Johnny Storm amuse sans éclat, malgré une relation intrigante avec la Silver Surfer (Julia Garner, magnétique mais sous-exploitée). Ben Grimm, quant à lui, est relégué à l’arrière-plan, victime d’un montage visiblement amputé. Une bluette vaguement esquissée avec une institutrice (Rachel Rozman, rien à voir avec Alicia Masters) n’y change rien : La Chose reste ici un second couteau émouvant mais sacrifié. Visuellement, First Steps est un festin. Couleurs vives, décors stylisés, musique de Michael Giacchino aux accents sixties : l’univers alternatif séduit l’œil, même si l’ensemble finit par ressembler à une belle maquette sans âme. Le film hésite sans cesse entre plusieurs tons : space opera, fable familiale, parodie méta, épopée mélancolique… et finit par n’être vraiment aucun des quatre. C'est bubble-gum à souhait, joli, mais ça ne sert aucun ressort scénaristique (et ça permet de botter en touche pour ce qui est de raccrocher les wagons. Pour l'arrivée des F4 aux côtés des Avengers, il faudra patienter). En comparaison directe avec le Superman de James Gunn, sorti la semaine dernière, la défaite est patente. Là où Gunn parvient à infuser une modernité émotionnelle et sociétale dans un mythe archétypal, First Steps reste prisonnier d’une prudence stérile. On devine l’envie de bien faire, de surprendre, de réinventer. Mais tout semble bridé : les pouvoirs sont utilisés à minima (Mister Fantastic n'est pas si fantastique), l’humour est timide, les enjeux sont désamorcés. Hors de question de déplaire à une partie du public (sauf les défenseurs hardcore de Norrin Rad, bien entendu), là où Superman assume pleinement une vision anti trumpiste du monde et de l'Amérique. L'absence de prise de risque qui nous irrite tant, c'est par exemple lorsqu'il est question d'aborder de front la réaction de Reed Richards, lorsqu'il réalise que le sacrifice de son fils pourrait être le seul moyen de stopper Galactus. Le film aurait vraiment pris de l'ampleur s'il avait tenté d'insinuer sérieusement le doute, mis la petite famille au pied du mur ; au lieu de cela, tous ces choix atroces sont rapidement évacués (si j'y pense ? Non, Sue, je blaguais) tout comme d'ailleurs les réactions de la foule. Imaginez un peu une planète entière sur le point d'être dévorée, mais qui aurait encore une chance de s'en sortir, si pour cela on sacrifiait à sa cause un nouveau-né… Vous pouvez parier que la population se déchaînerait contre les Fantastiques et ferait tout ce qui lui est possible pour s'emparer du bambin. Tout au plus, on se contente de quelques huées et de journalistes qui boudent. C'est assez hautement improbable, tout comme il est dommage que la figure christique du Silver Surfer soit galvaudée et résumée, à un certain point, en une autre histoire de maternité. Au peuple irréductible de "le Surfer est un homme", objectons qu' il a en partie raison et en partie tort, puisque nous sommes de toute manière dans un univers parallèle non canonique, ce qui exclut pas à l'avenir de faire intervenir un Norrin masculin traditionnel, lorsque le travail de couture aura été réalisé, c'est-à-dire lorsque les Fantastiques auront rejoint la timeline classique du MCU. Ce sera pour très bientôt comme on peut s'en rendre compte dans une des deux scènes bonus à la fin du film. La seconde est totalement inutile et si vous partez avant la fin du générique, sachez que vous ne perdrez absolument rien pour la compréhension de ce qui suivra. Alors, échec ou (re)fondation prometteuse ? Disons que The Fantastic Four: First Steps est un film qui veut tout reprendre à zéro… sans oser prendre de vrais risques. Il avance prudemment là où il pouvait (dé)foncer. La famille est là, le terrain est balisé, nous voici rassurés. Pour le grand frisson, on verra plus tard.



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DR WERTHAM : DE LA PSYCHIATRIE AU COMICS CODE ET LA CENSURE

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