Histoire de brouiller un peu plus les pistes, King convoque Superman, qui non seulement discute tactique avec Sparks, mais nous apprend au détour d’une phrase qu’ils ont eu une aventure à l’université. Un clin d’œil à ces années où Clark pouvait s’amouracher d’une sirène sans que personne ne lève un sourcil. Mais ici, cela ajoute une dimension presque inconfortable : l’arrogance de Sparks se double désormais d’un carnet d’adresses qui frôle la liste VIP de la Justice League ou de Jeffrey Epstein. Jeff Spokes, de son côté, offre un festival visuel : découpage en neuf cases à la Watchmen, tensions dans les regards, contrastes entre l’électricité nerveuse de Sparks et la froideur minérale d’Atom. Ce dernier, figure réinterprétée d’un Doctor Manhattan qui aurait gardé ses gants et ses complexes, se détache du temps, cherche à transcender sa condition et réclame la reconnaissance comme Dieu, avec un grand G et un égo assorti. Les cinq otages ? Peut-être cinq avatars d’une humanité que ni la foi, ni la puissance, ni les éclairs divins de Sparks ne sauveront jamais. King semble nous dire qu’au fond, les dieux sont souvent démodés, avant même d’être installés sur leur piédestal. Et si Sparks est bien l’esprit du XXe siècle, ce siècle est clairement toxique et frelaté. Au final, avec ce volume, Tom King livre un verdict sans appel : le monde ne se répare pas à coups de constats cyniques, encore moins en se cherchant des dieux providentiels pour faire le travail à notre place. Pendant sept numéros, King préfère les joutes verbales aux explosions, les microexpressions aux super-bastons, pour disséquer une idée simple et pourtant universellement bafouée : ceux qui refusent d’apprendre de leurs erreurs se condamnent à les répéter. Jenny Sparks, arrogante, brillante, insupportable, sert ici de miroir impitoyable à l’humanité, confrontée à un Captain Atom en pleine crise de toute-puissance. Qu’il s’agisse donc du 11 septembre, du Covid, de la Grande Crise Economique/Climatique ou de toute autre secousse tellurique, King montre que la fuite en avant, la recherche d’un coupable extérieur, restent nos sports collectifs favoris. Et si Jenny Sparks n’offre pas le réconfort d’un happy end ni l’adrénaline d’un blockbuster, elle claque comme une gifle : soit on change, soit on crame, et pas seulement sous la foudre d’une Anglaise électrisante.
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