LA COVER DE LA SEMAINE (semaine 10)

Comme chaque dimanche, l'heure est venue de voir un peu ce que les sorties de mercredi dernier nous ont apportés, au niveau de la couverture. Des covers de toute beauté, avec à la clé une question existentielle : quelle est la plus réussie? C'est parti donc avec un assortiment qui vaut le détour, illustrée par une sélection riche et nourrie.

Au menu : 

All-New Hawkeye #4 de Ramon Perez
All-New Wolverine #5 de Bengal et Michael Cho
All-New X-Men #4 de Mark Bagley
Batman #49 de Yanick Paquette
Catwoman #49 de Joshua Middleton
Constantine: The Hellblazer #9 de Riley Rossmo
Darth Vader #16 de Mark Brooks
DC Comics Bombshells #9 de Ant Lucia
Deadpool #7 variant de Skottie Young
Gotham Academy #15 de Mingjue Helen Chen
Low #11 de Greg Tocchini
Ms. Marvel #4 de David Lopez
New Romancer #3 de Brett Parson
Old Man Logan #2 variant de Michael Cho
Red Wolf #3 de Julian Totino Tedesco
Silk #4 de Helen Chen
Spider-Gwen #5 variant de Michael Cho
The Legend of Wonder Woman #2 de Renae De Liz
Weirdworld #3 de Mike Del Mundo





















MARVEL UNIVERSE HS 1 : DEADPOOL Vs THANOS

Après avoir éliminé le Marvel Universe au complet, et s'être frotté à des zombies et des versions de lui-même, Deadpool est aux prises avec Thanos, et passe un sale quart d'heure d'emblée, bien qu'on devine que pour s'en débarrasser, ce n'est pas chose aisée. Dans cette mini-série, on a droit à un peut tout et n'importe quoi. Une sorte de relation à trois qui va impliquer le mercenaire disert, Thanos, et la Mort en personne. Le péril est l'impossibilité désormais de mourir dans tout l'univers, qui dérègle fortement la balance cosmique, et éloigne le péril suprême qui plane au dessus de la tête de toutes les créatures, à savoir la fin de leurs existences. Au milieu de tout cela, des blagues pas forcément heureuses, un humour pas très subtil et surtout sans grand sens de la profondeur et sans grande inspiration. Bien que ce ne soit finalement pas si important dans l'économie de ce titre potache, et en pleines Secret Wars (en Vf), c'est le flashback face à Fatalis (en tenue de détente, petit shorty et masque en fer, jambes loin d'être épilés) qui est le plus drôle dans cette affaire. Passé ce face à face qui fait sourire, le reste est en panne sèche. Le duel entre Deadpool et Thanos se justifier par le fait que ce dernier a lancé une malédiction à l'encontre de son adversaire, voilà quelques temps, lui interdisant les portes de la mort, en le rendant immortel. Il faut dire que Wade Wilson avait également manifesté des vues intéressées sur la personne royale de sa Majesté Death, qui est, comme chaque lecteur de comics Marvel le sait, la seule et unique flamme du Titan fou, pour qui il a déjà eu l'idée saugrenue de sacrifier la moitié de la population de l'univers (Infinity Gauntlet). Cette fois Thanos n'a pas le choix, car celle qu'il désire s'est manifestée uniquement à Deadpool, pour lui faire part de sa captivité, et demander de l'aide. Qui a bien pu avoir l'audace et le pouvoir pour emprisonner la mort elle-même. Les deux larrons improbables mènent l'enquête. 

Au départ, ça ressemble à un hit annoncé, avec d'un coté un mercenaire déjanté qui affole souvent les chiffres de vente et bénéficie de l'effet cinématographique, et de l'autre le grand méchant le plus hype du moment, et futur star du prochain film des Avengers. Et puis en fait, pas grand chose. La rencontre tant attendue de l'univers loufoque du premier cité, avec la majesté sinistre du second accouche d'un produit hybride qui ne se prend pas au sérieux, mais ne prend pas non plus très au sérieux ses lecteurs.  Tim Seeley a commis une grosse faute en écrivant ce titre, à mon avis. Celle de faire descendre Thanos de son piédestal pour l'abaisser au même statut que Deadpool. Du mauvais Deadpool, c'est à dire ce personnage parfois utilisé et usé jusqu'à la corde, pour soutirer quelques ventes de plus, avec des vannes approximatives pour maintenir un fragile édifice qui autrement s'effondrerait sur le néant.  Certaines scènes ne sont plus de l'ordre du divertissement, ou du clin d'oeil aux lecteurs avides de références pop-culture, mais tout simplement un étalage de mauvais goûts, sans grand intérêt. Par exemple, quand Deadpool roule un patin, toute langue dehors, au cadavre de Charon, dans les enfers. Elmo Bondoc fait de son mieux pour rehausser l'ensemble avec des dessins que j'estime globalement réussis, suffisamment détaillés et cohérents, même si nous notons ça et là de petites baisses de régime dans quelques cases un peu plus rapidement expédiées. Deadpool Vs Thanos est au milieu du gué et refuse de faire la traversée : Ce n'est pas une vraie comédie avec une tonne de jokes assénées avec un timing redoutable (Duggan & Posehn par exemple, qui ont en plus le mérite de rendre humain et attachant Wade, avant d'aborder Deadpool, le héros), ce n'est pas non plus ce face à face grandiloquent et redouté, avec Thanos dans les parages. C'est juste une récréation qui met les plats dans le plat, et profite des caractéristiques du mercenaire disert pour raconter tout et n'importe quoi. A peu près n'importe comment. 



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JUPITER'S LEGACY TOME 1 : LUTTE DE POUVOIRS

Que ce soit avec The Authority, Civil War ou bien les Ultimates Mark Millar a toujours pris plaisir à mélanger le monde fantastique du super héroïsme avec celui beaucoup plus réaliste et cynique de la politique américaine et internationale. Ce style particulièrement acide et qui donne de l'urticaire est la marque de fabrique d'un scénariste incontournable, qui a choisi ces dernières années de fonder son propre label pour tisser un univers en marge des grosses compagnies du comic-book. Avec Jupiter's Legacy Mark Millar ne se dément pas et va même encore plus loin si cela est possible dans le concept de méta-humains qu'il a mis sur pied. Ici les super-héros existent depuis les années 30 (le récit démarre en 1932, année où est apparu le Superman de Siegel et Shuster) et ils ont aidé l'humanité à venir à bout des plus grands ennemis de l'Histoire, à savoir la Grande Dépression en 1929 puis la Seconde Guerre mondiale. L'Utopien et sa femme Lady Liberty ont pris en main le monde entier et ce sont leurs exploits qui ont guidé l'humanité jusqu'au 21e siècle; puis ils ont eu deux fils, Chloé et Brandon, les co-protagonistes de cette histoire, qui doivent assumer l'héritage de leurs parents et accepter d'être bien malgré eux d'être les stars du moment, à une heure ou une nouvelle crise financière est en train de détruire l'économie et ou des nouveaux théâtres de guerre apparaissent chaque jour sur le globe. Mais est-ce bien quelque chose qui les intéresse..? Ces deux-là ont tout un tas de problèmes, ce sont des enfants gâtés et malmenés, ils cherchent la célébrité et versent dans les excès. En gros c'est un peu comme si vous aviez confié des supers pouvoirs à Lady Gaga ou Paris Hilton... ils manquent de cet esprit altruiste et de cette éthique morale qui sont nécessaires lorsqu'on revêt un costume de super-héros et qu'on a pour mission de protéger les plus faibles contre les super-vilains. On retrouve la fille en situation d'overdose et avec une grossesse inattendue, alors que le fiston fréquente les boîtes branchés et branchent les filles dans les toilettes. Les pauvres n'ont rien demandé, après tout!

La relation entre parents et fils ressemble parfois à une tragédie shakespearienne aux accents oedipiens. Difficile de grandir sainement quand les modèles parentaux sont des parangons de vertu, des êtres aux super-pouvoirs toujours parfait, gentils, efficaces, serviables. La mère de Chloe, à presque cent ans, reste une femme belle et entourée de soupirants qui fait de l'ombre à sa fille, par exemple. Reste un cas d'école, l'oncle Walter, doté d'un cerveau super développé et capable de manipuler les esprits, féru d'économie, qui souhaite redresser les finances de la planète par le biais d'un système qui lui est propre, sans scrupules, tel un apprenti sorcier. Millar s'en donne à cœur joie et ne cesse de surprendre le lecteur avec de nombreux coups de théâtre et un changement imprévu de direction en cours de route. Ses personnages sont intéressants car non seulement ils incarnent le révisionnisme super-heroique, à savoir cette nouvelle génération de héros plus réalistes et modernes, qui supplantent les anciens, mais ils sont aussi l'essence même de ce qui permet au lecteur de s'évader de la réalité et de se fondre dans un récit en bande dessinée. Chloé et Brandon en réalité les créatures putatives d'auteurs comme Alan Moore et Frank Miller, et cet album est chargé en clin d'œil et citations de Hamlet à King Kong en passant par la série Lost ou Star Wars. L'héroïsme est passé à la moulinette post-moderne de la praticité, de la réalité géo-politique et de ses enjeux, puis digéré et assimilé par l'esprit nihiliste des temps qui rend toute chose, tout espoir, aussi vain qu'illusoire. Frank Quitely se charge d'illustrer l'ensemble avec le style particulier qui lui est propre, délaissant les fonds de case et le détail réaliste pour se concentrer sur les personnages, leurs luttes intestines, leurs déboires. Un parti pris vers l'humanisation de super humains. Dans Jupiter's Legacy Millar réussit même à se citer lui-même à plusieurs reprises; une oeuvre dérangeante véritablement intrigante qui fonctionne à plusieurs niveaux et qui vient nous rappeler combien le génial écossais est un auteur de grand talent qui manque cruellement au grandes majors du comic-book américain, qui n'ont ni les moyens ni la verve nécessaire, la plupart du temps, pour se libérer des carcans et produire des oeuvres aussi originales et marquantes. 


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DEADPOOL : LES ORIGINES (MARVEL VINTAGE)

Le succès rencontré par Deadpool lors de ses premières apparitions dans le titre New Mutants fut tel, en son temps, que Marvel eut très vite l'idée de lancer une première mini-série, puis une seconde, afin de tester le potentiel du personnage en solo, face aux lecteurs. The Circle Chase, qui inaugure cette initiative, est scénarisée par Fabian Nicieza et illustrée par Joe Madureira. Oui, vous avez bien lu, cet artiste ultra doué qui fait exploser chacune de ses pages avec un sens inné de l'action et du spectaculaire, et qui en était encore aux prémices de sa carrière. On se replace d'emblée dans la continuité de ce que Liefeld a raconté (avec Fabian Nicieza) avec les Nouveaux Mutants. A savoir que c'est un certain Tolliver qui est à la base du récit. Son décès a entraîné une lutte farouche entre concurrents qui se disputent le privilège de mettre la main sur son testament. Pas de documents chez le notaire ou de fortune caché, mais plutôt l'arme la plus redoutable du monde, qui sera pour le premier qui parviendra à rassembler les bonnes informations, et s'en emparer. Histoire oblige, c'est du coté de Sarajevo que nous retrouvons Deadpool, au milieu des balles perdues et d'une guerre moribonde qui n'a cesse de laisser derrière elle morts et destruction. Un groupe lourdement armé est chargé de l'éliminer, et pour compliquer les choses, voilà que ce bon vieux Wade Wilson a quelques pépins avec son facteur auto-guérisseur, qui n'est plus aussi efficace et performant qu'autrefois. Dommage, car des poids lourds vont se joindre à la course au testament de Tolliver. Le lecteur va donc croiser, pour des raisons multiples, le chemin de Black Tom Cassidy, du Fléau, de Kane Garrison (l'Arme X). Ne cherchez pas à lire entre les lignes pour aller cueillir un peu de saine philosophie, ou vous gargariser de méta-bande dessinée, ici nous sommes face à quatre épisodes d'action explosive pure et dure, où le but est d'en jeter un maximum aux yeux des fans des années 90. Dire que ça n'a pas très bien vieilli relève de l'évidence, mais ceux qui ont découvert ces pages avec le mensuel Strange gardent toujours de l'affection pour ce type de comics testostéronés. Ma foi, ça se laisse lire. 


Place ensuite à Mark Waid, scénariste émérite, qui a déjà touché, dans sa carrière, à plus ou moins tous les héros de la galaxie Marvel. Sins of the past nous emmène dans un bar miteux où Deadpool sirote sa bière et offre au lecteur dégoûté les ravages de son visage peu ragoûtant, sans le masque. Là encore le voici pris à parti par des adversaires armés, et là encore un concours de circonstances lui permet de faire équipe avec les membres de la famille Cassidy (Le Hurleur et sa fille, la rouquine Theresa). Cyrène est jeune, jolie, n'a pas froid aux yeux, bref il n'en faut pas tant pour faire tourner la tête du mercenaire qui s'imaginerait bien faire deux trois petites choses avec la donzelle...sauf qu'il a conscience d'être une caricature humaine, et que cette réalité le bouleverse régulièrement, au point de se montrer bourru et distant lorsque la demoiselle veut simplement être prévenante. Tout ce beau monde est une fois de plus confronté au Fleau, qui agit pour le compte de Black Tom Cassidy, infecté par un virus qui le dévore et le transforme en une sorte d'affreux végétal à l'écorce répugnante. Histoire de famille donc, avec secrets et trahisons à l'irlandaise, et un Deadpool pris entre plusieurs feux, tout occupé également à mettre la main sur le docteur Killebrew, qui a participé à sa "création" dans le cadre de l'Arme X, et a échapper à Peyer, un ancien barbouze qui a laissé des plumes au combat par ce qu'il estime sa faute. Là encore l'action et le spectaculaire l'emporte largement sur la trame du récit, bien que des moments intimistes assez brefs ajoutent plus d'humanité dans cette seconde partie. Le dessin de Ian Churchill est très expressif et ombrageux, avec un petit coté McFarlane et des personnages tout en puissance qui explosent la case et semblent en sortir avec impétuosité. On relèvera aussi quelques planches signées Lee Weeks et Ken Lashley (lui aussi sous forte influence années 90, et pour cause!) qui complètent l'ensemble. Cela donne un album intéressant et à valeur de document historique, de ce que pouvait être le style et les attentes dans cette décennie si frénétique, avec en toile de fond l'évolution d'un personnage qui commençait à s'affirmer, encore loin de la star qu'il est devenu de nos jours, par la grâce du film sorti cette semaine. Les origines, quoi. 




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DEADPOOL TOME 3 : LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND

Deadpool n'a jamais été un modèle de stabilité psychologique mais c'est encore pire depuis qu'il abrite dans son esprit celui de l'ancien agent du SHIELD Émilie Preston. Celle-ci est morte dans le tome 1 de la série actuelle et depuis c'est le mercenaire le plus bavard de la planète qui héberge ce qui reste d'elle. Conséquences imprévues de cette cohabitation, Deadpool s'est rendu compte qu'il est est régulièrement kidnappé et anesthésié par une mystérieuse organisation, qui en profite pour lui prélever des organes. Bien entendu il se doute que son facteur auto guérisseur a quelque chose à voir dans cette affaire des plus sordides... Ce tome 3 joue sur plusieurs niveaux et se relève très intelligent; il démarre avec un récit situé dans les années 70 où Deadpool fait équipe avec les héros à louer de l'époque, à savoir Iron Fist et Luke Cage (version tiare sur le front). L'épisode est intégralement écrit et dessiné dans le style de l'époque, c'est-à-dire avec un vocabulaire, des tics de narration et un look graphique totalement convaincant, comme si vous y étiez à nouveau. Le méchant de l'histoire s'appelle L'Homme blanc, doté d'une sorte de pistolet capable de pétrifier les victimes. Il s'en prend à une commerçante dont la fille particulièrement avenante et séduisante fais tourner la tête de Wade Wilson. A l'issue d'un combat aussi rocambolesque que délirant l'homme blanc est à son tour pétrifié, et il va passer plusieurs décennies dans cet état immobile jusqu'à ce que malencontreusement il soit réveillé à notre époque. Cette parenthèse faussement tirée des seventies débouche donc ensuite sur une aventure totalement contemporaine dont les origines ont été inventées de toutes pièces et ont des conséquences directes sur l'avenir proche du personnage. si l'Homme blanc fini par être neutralisé Deadpool en apprend plus sur les ennemis qui l'utilisent comme un cobaye chargé de pièces de rechange; à partir de là l'humour se crispe et l'aventure devient plus tragique qu'à l'accoutumée. 

C'est tout le run de Duggan et Posehn qui s'illumine de la sorte, et se révèle pour ce qu'il est vraiment. Non pas une énième blague potache avec des références pop et des blagues sous la ceinture, mais une oeuvre beaucoup plus sensible, où Deadpool n'apparaît plus comme ce mercenaire cinglé qui n'en fait qu'à ses têtes, et devient une victime tragique et pathétique, dont les sentiments affleurent de manière si évidente qu'il ne parvient plus à les dissimuler. Nous allons donc revenir en détail sur les tortures subies durant son traitement du cancer, qui s'est transformé en expériences tordues et illégales. Un parallèle fort intéressant est tracé avec ce qui est arrivé à Wolverine (dans la saga Weapon X de Windsor Smith), et notamment la peur à combattre quand l'individu renoue avec la liberté (chacun gère cela à sa façon, qui par la violence animale, qui par l'humour et l'absurde, voire la folie). Les auteurs offrent aussi une descendance au héros, ce qui permet clairement de voir poindre l'homme derrière le personnage. De plus, cette fille présumée qui est insérée dans un contexte des plus tragiques, accentue davantage la fragilité de Deadpool, qui par la grâce de ces épisodes a la possibilité formidable de devenir quelqu'un d'autre, tout en gardant bien entendu les caractéristiques qui font du personnage un des chouchous des lecteurs. Deadpool peut enfin être Wade Wilson, en se débarrassant d'une épreuve, d'une menace permanente dont nous ignorions tout mais que les auteurs sont parvenus à rendre crédible en quelques mois, et par la grâce de moments forts en émotions (qui eut pensé écrire ce genre de choses sur cette série?) qui nous prouve qu'il est toujours possible, avec de bonnes idées et un talent inné pour la narration, de surprendre le lecteur et de lui mitonner l'impensable, pour son plus grand bien. A peine s'il me reste la place pour ajouter que le dessin de Declan Shalvey, ici dans un style plus conventionnel que celui adopté dans Moon Knight, permet une lisibilité agréable de l'ensemble, que je vous recommande chaudement. ce que j'ai lu de mieux au sujet de Deadpool depuis... la création de Deadpool. Promis juré. 


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OLDIES : NAMOR DANS LES ANNEES 90 (JOHN BYRNE ET JAE LEE)

Namor, le Prince des mers, c'était avant tout une série régulière de qualité (publiée dans Strange) avec deux énormes artistes, fort différents, qui se sont succédés. 
Bien qu'étant un des doyens de l'univers Marvel, bien qu'ayant connu un "golden age" des plus florissants et étant le tout premier mutant à avoir eu les honneurs d'une série mensuelle, le personnage de Namor n'a pas pour autant un nombre d'estimateurs à la hauteur de son curriculum. Il faut dire que coté crédibilité, le héros se prête facilement au persiflage : nous avons affaire à un souverain soupe au laid, toujours prêt à péter un câble à la moindre contrariété, qui passe le plus clair de son temps à déambuler dans un slibard moulant et qui doit, forcément, dégager une certaine odeur de poissonnerie, ce qui n'est jamais un atout pour les relations sociales. Rendre Namor glamour, mission improbable? Demandez donc à John Byrne, il vous répondra qu'à l'impossible, nul n'est tenu. En 1990, il décide de proposer sa version du Sub-mariner, revue et corrigée pour le public de la fin du siècle. Exit le super héros incompris et rageur, place à un mutant enfin libéré de ses angoisses, plus posé, qui se lance dans le monde de la haute finance pour protéger efficacement les mers dont il est le gardien écologiste implacable. Scénario et dessins, on n'est jamais aussi bien servi que par soi même, surtout lorsqu'on a du talent.
Première mesure, expliquer les sautes d'humeur d'un Namor irritable. Pour ce faire, notre héros rencontre dès les premières pages Cab Alexander, un vieux scientifique amateur, et sa fille, dont il va même tomber amoureux. Cab lui explique avoir deviné la source du problème : un déséquilibre sanguin occasionné par le trop plein, ou la carence en oxygène, consécutive à la dualité terrestre/amphibienne du prince des mers. Dès lors, Namor décide de profiter de sa nouvelle stabilité caractérielle pour investir la finance, via une compagnie écran, la Oracle incorporated. C'est en puisant dans les innombrables trésors qui jonchent les fonds marins qu'il va lever les fonds et lancer sa nouvelle croisade. Qui va lui valoir de perfides nouveaux ennemis, comme les jumeaux Marrs, rivaux à la bourse. Ce qui ne l'empêchera pas de tomber amoureux de la soeurette. Car oui, le Sub Mariner est un chaud lapin. Byrne met ensuite le mutant aux prises avec une créature engendrée par la pollution ambiante, un certain Slug, et lui fait éviter une catastrophe écologique provoquée par des fanatiques de l'environnement. Suivront les créatures végétales de K'un Lun (les H'yltris) et le retour sur scène de Iron Fist, que tout le monde croyait mort. Une visite en Allemagne, à peine réunifiée, pour un mano a mano contre les restes du III° Reich, guidé par Master Man le super soldat vert de gris. Le tout avec brio, humour, un sens certain de la narration fluide, et des dessins lumineux et toujours d'une lisibilité appréciable. Byrne restera 25 numéros durant, afin de céder le flambeau à un artiste alors quasi inconnu.

Le run de Byrne a donc été un très grand moment de lecture, pour beaucoup de jeunes Marvel fans de l'époque. Difficile de faire mieux, en arrivant derrière. On avait atteint un véritable pic de qualité qui faisait craindre le pire pour son successeur. Sauf que ce dernier, à la surprise générale releva le défi avec brio. Place donc à Jae Lee, un coréen d'origine de dix neuf ans à l'époque, avec à son actif une simple pige chez Marvel, pour la revue anthologique Marvel comics presents. Mais quand on a du talent, on peut compenser aisément le manque d'expérience. Le Namor de Jae Lee est radicalement différent de celui de Byrne, il n'essaie pas de singer ou de rendre hommage à son aîné, mais bien d'imposer une nouvelle direction artistique au titre, en le gratifiant de pages ultra expressionnistes, sombres et paroxystiques. Le Prince des mers y apparait massif, doté d'un physique dopé aux anabolisants et noueux, une force sauvage de la nature aux veines saillantes. Les différents personnages n'ont de cesse de se lover dans l'ombre et en sortir brièvement, alors que les cases implosent, saignent, fondent ou se mêlent. Le classicisme de Byrne est foulé aux pieds par un vent de modernité, une déferlante technique impressionnante, qui va redynamiser un comic-book plutôt gâté par le sort, avec de tels artistes à sa tête. Pour le scénario, Byrne prolonge quelques mois, le temps de dénouer les fils de l'intrigue précédente : Namor est devenu amnésique, privé de ses souvenirs (il ignore même son identité) par Master Khan, et il erre dans le midwest américain ou il prête main forte à des activistes écologistes, avant de tomber nez à nez avec Fatalis himself, à bord d'un chalutier de nouvelle génération, qui menace de porter atteinte à la faune marine. C'est ensuite Bob Harras qui prend la relève dans l'écriture, le temps de ramener le Prince des mers à Altantis, où une lourde menace pèse sur son peuple, celle de légendes et de mythes oubliés et craints, qui reviennent à la vie pour détruire le royaume fabuleux de Namor. De biens beaux épisodes qui furent publiés à l'époque sur les pages de Strange (pour les allergiques à la VO) qui méritent absolument toute votre considération. C'est aussi l'occasion de voir naître un dessinateur inspiré, encore limité par une folle envie d'épater, et en recherche d'une maturité artistique, mais qui va laisser une empreinte substantielle dans les années suivantes. A la suite de Jae Lee, le titre va passer entre d'autres crayons moins experts (Geoff Isherwood notamment) qui tenteront sans succès de lorgner vers une synthèse maline du travail de John et Jae. Rien à faire, c'est la panne sèche, un scénario faiblard, et le déclin. 


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SUPERMAN : DOOMED (AVEC DOOMSDAY)

Doomsday n'est pas un personnage comme les autres, puisque cette force de la nature extra-terrestre est parvenue à terrasser Superman. Une mort surprenante, des mains de cet ennemi ultra redoutable, qui est devenu de la sorte la menace ultime, capable d'instiller la peur chez l'Homme d'Acier, de le faire trembler et douter. Avec l'arrivée des New 52, tout ceci a été modifié, mais globalement la base est restée peu ou prou la même. Doomsday est un produit kryptonien, le résultat de folles expériences génétiques. C'est un monstre surpuissant qui n'a qu'un seul but dans l'existence, à savoir annihiler toute vie qu'il croise sur son chemin vers l'anéantissement complet. Confiné dans la zone fantôme, il est pourtant parvenu à en sortir, et voici ce fléau lâché sur notre planète. Dès ses premiers pas sur une île du Pacifique, tout est calciné, détruit, pulvérisé. Doomsday n'est pas qu'une colossale bête dotée d'une force inimaginable, c'est aussi une sorte de virus sur pieds, et rien sur Terre ne peut s'y opposer. Rien, ou presque, car Superman n'écoute que son courage, et se jette dans la bataille. Voici donc enfin, dans l'univers Dc rebooté récemment, le moment où les deux antagonistes se tapent dessus. Cette fois Superman ne va pas mourir, et l'affrontement dantesque est aussi l'occasion pour le héros de compter sur sa nouvelle compagne, Wonder Woman, qui est à ses cotés lorsqu'il s'agit de faire étalage de force et de détermination. Oubliez le choc du passé, dans notre présent Superman parvient à pulvériser Doomsday dès le départ, on le voit d'ailleurs littéralement déchirer en deux son adversaire, dans un accès de rage. Un épisode plus expéditif que prévu, narré par Scott Lobdell, Greg Pack, et Charles Soule (Doomed #1) et dessiné avec brio (des planches très spectaculaires) par un Ken Lashley qui est un choix logique quand il faut mettre en scène un cataclysme de la sorte. Cela dit, vous l'aurez compris, l'album en librairie est un petit pavé, et l'histoire ne peut s'arrêter ainsi... Avant de mourir Doomsday a relâché une sorte de toxine malveillante et Superman a du, pour contrecarrer la menace, utiliser son super souffle pour en aspirer la totalité. Au contact de son organisme, celle-ci va avoir de bien curieux effets, sur le physique et le caractère du kryptonien. Vous avez dit "Superman méchant" ? 


Si Doomsday n'a pas eu raison de Superman grâce à la force brute, la toxine opère de bien étranges changements. Pour résumer la situation en une phrase laconique, voilà que Superman devient Doomsday. Sur son corps apparaissent des excroissances osseuses qui en font un monstre. Dans l'esprit c'est encore pire. Une rage folle le pousse à commettre des atrocités, et il est de plus en plus difficile pour lui de garder un semblent de contrôle sur ses actes et décisions. Wonder Woman est une alliée précieuse car elle fait tout ce qu'elle peut pour aider l'homme dans le costume. Clark Kent est un parangon de bonté et de volonté, aussi est-elle persuadée qu'elle peut aider son amant à maîtriser cette menace insidieuse. Mais c'est pratiquement une illusion, car plus Superman lutte, plus il sent dans un recoin de l'esprit que Doomsday et lui finiront par ne faire qu'un. La catastrophe se produit lorsqu'une fine poussière radioactive, issue de fragments de kryptonite, est relâchée dans l'atmosphère terrestre. Elle parasite les pouvoirs de ceux qui viennent de Krypton, et sur Superman l'effet est immédiat : il ne parvient plus à dominer la bête, et le seul recours qui lui reste est de filer droit dans l'espace et abandonner la Terre, sur laquelle il ne peut plus vivre désormais autrement que sous la forme d'une créature sanguinaire et avide de massacre, comme le Doomsday qu'il a combattu. La saga finit tout de même par traîner un peu en longueur, il faut bien l'admettre, et pour ma part j'aurais préféré que le vrai Doomsday subsiste plus longtemps et que le combat mano a mano soit plus dramatique. Je vous laisse toutefois aller jusqu'au bout du récit pour vous faire une opinion concernant l'épilogue. Globalement on pointera du doigt le niveau fort plaisant des dessinateurs, avec entre autres Aaron Kuder, qui fait un boulot remarquable avec le personnage, et Tony Daniel, un des maîtres du comics réaliste, même si ses planches sont un poil figées. Doomed est une excellente idée pour ceux qui aiment les confrontations bourrins, les Bd où le cataclysme semble toujours sur le point d'exploser, où le désespoir guette devant l'anéantissement final. Explosif, violent, spectaculaire, pas philosophique pour un sou, mais certainement calibré pour atteindre sa cible et ne plus la lâcher. A noter que tous les épisodes présents ici ont bien sur été publiés précédemment dans Superman Saga, au premier trimestre 2015. 



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