EXCELLENCE : RAGE AGAINST THE MAGIC CHEZ DELCOURT


 L'adolescence est l'âge de la rébellion, je ne vous apprend rien. Spencer Dales est en pleine révolte, contre tout et tout le monde, par exemple. Il faut dire que son enfance ne fut pas des plus heureuses. Rejeton de l'une des dix grandes familles influentes à posséder le don de la magie, il est appelé à rejoindre l'Egide, une société secrète construite sur un système de castes, où les maîtres magiciens se réservent le droit d'influencer la vie des autres, en l'améliorant. Hélas pour Spencer, ses dons tardent à se manifester, et le paternel, un des plus puissants mages et un formateur assez brusque et peu enclin à l'empathie, semble lui préférer un autre élève, comme s'il n'était pas vraiment son fils désiré, en raison de sa difficulté dans l'apprentissage. De quoi nourrir un ressenti assez profond, qui devient un abysse infranchissable quand Spencer décide de briser  un des tabous ultime fixés par l'Egide, à savoir utiliser la magie pour sauver la vie de sa mère mourante, contre l'avis et les ordres du père. C'est que pour appartenir à cette élite, il est nécessaire de respecter de nombreuses règles, un code de conduite rigide, qui suppose par exemple de ne jamais tomber amoureux des personnes qu'on est censés aider à s'améliorer, ou ne jamais utiliser de baguettes magiques "non certifiées", les "vives baguettes", qui ne sont pas sans avoir des conséquences sur le psychisme de ceux qui enfreignent les règles. Les punitions pleuvent, et peuvent aller à l'exclusion, la privation des privilèges. L'Egide est construite sur un modèle très hiérarchique, ou le respect des supérieurs, la conscience d'avoir une place prédéfinie, un espace à ne pas outrepasser, fait partie des motifs qui poussent aussi Spencer à se rebiffer. La gamin ne croit plus en ces impératifs qui lui sont servis comme seul horizon possible depuis l'enfance, il remet en cause l'intégralité du monde dans lequel il peine à trouver sa place, il est la voix des dominés ou minorités, qui ne comptent plus se laisser dicter la marche à suivre, par des dominants qui se complaisent dans la manifestation de leur grandeur supposée. 



Présenté de cette façon, Excellence est donc un récit générationnel, sur les relations conflictuelles entre un père et son fils, par extension une réflexion sur l'autorité et la société et son carcan. Le tout dans un monde où la magie est une réalité, entre les mains des plus puissants. Mais fait important, pour ne pas dire fondamental : Spencer, et la famille Dale, sont noirs. Une couleur de peau qui ne devrait pas définir un ou des individus, sous n'importe quelle latitude, pour aucune raison, mais qui ici fait écho avec notre monde réel, où l'actualité récente aux Etats-Unis nous rappelle que certains sont un peu moins égaux que d'autres, pour des raisons de pigmentation de l'épiderme et d'origines sociales. Les membres de l'Egide par exemple sont censés intervenir dans la vie d'individus qui ont été "élus" et reconnus comme méritants, les autres ne valant pas grand chose. Ou encore, dans cet univers là, tel que pensé par le scénariste Brandon Thomas, les femmes ne peuvent pas accéder à la magie de l'Egide! La caste dominante reproduit les même schémas, avec une infime portion de privilégiés, dont peu importent les intentions, est autocentrée sur la conservation et la protection de ces privilèges, qu'il est hors de question de remettre en cause, encore moins de manière violente, virulente. Il se trouve que Spencer est violent, qu'il a la rage en lui, un peu comme ce mouvement de réaction catalogué sous le slogan "Black lives matter" qui a bousculé et bouscule encore une Amérique, qui préfère souvent regarder ailleurs pour ne pas voir ses invraisemblables lacunes. Parallélisme limpide, et fort bien vu et construit. L'histoire est de surcroit bien servie par le dessin de Khary Randolph (assisté d'Emilio Lopez). Le trait est dur, anguleux, les personnages suintent la colère, la frustration, le tout étant accentué par une mise en page et une construction des planches (beaucoup de contre plongées ou d'explosions graphiques, notamment lors de la manifestation des pouvoirs magiques) qui se veut tout sauf rassurante et banale. D'ailleurs c'est le seul défaut (?) de ce Excellence, la nécessité d'une (re)lecture attentive, d'une vraie immersion, pour que se dessinent les intentions et les moyens mis en œuvre par des artistes, qui ont ici bâti en quelques épisodes un univers riche et fabuleux, dont l'écho avec nos propres travers sera le fil conducteur pour notre exploration personnelle.  



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LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : NOS CORPS ALCHIMIQUES


 Dans le 93e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente l'album Nos corps alchimiques que l'on doit à Thomas Gilbert et c'est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Léa ne se souvient pas comment fonctionne l'aspirateur que l'on doit au scénario d'Éric Corbeyran, au dessin de Gwangjo et c'est édité chez Des ronds dans l'O

- La sortie de l'album La petite dernière que l'on doit au scénario de Susie Morgenstern, au dessin de Johann G.Louis et c'est édité chez Dargaud

- La sortie du troisième tome de la série Dans les yeux de Lya intitulé Un coupable intouchable que l'on doit au scénario de Carbone, au dessin de Cunha et c'est édité chez Dupuis

- La réédition de l'album Anna que l'on doit au scénario de Stéphane Bétbeder, au dessin de Christophe Bec et c'est édité chez La boite à bulles

- La sortie du premier tome des Suites Algériennes que l'on doit à Jacques Ferrandez et c'est édité chez Casterman

- La sortie de l'album Sélénie que l'on doit à Fabrice Lebeault et c'est édité chez Delcourt



 
 

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PULP : LE NOUVEAU CHEF D'OEUVRE DE BRUBAKER ET PHILLIPS CHEZ DELCOURT


Vous pouvez être tout de suite rassurés, le duo Ed Brubaker / Sean Phillips est parfaitement à son aise lorsqu'il s'agit d'écrire des polars bien poisseux, construit d'une manière particulièrement intelligente. D'ailleurs avec Pulp ils fournissent une énième démonstration de leur(s) talent(s) par le biais d'un one shot à la pagination assez contenue, mais qui ne se perd pas en disgressions inutiles. Une petite leçon de storytelling pour un album qu'on vous recommande les yeux fermés, ou tout du moins grand ouverts au moment de le lire. Pulp nous ramène dans l'Amérique d'autrefois, celle des privé qui arpentent
 les rues et les bars comme dans les vieux films au cinéma, celle où les gangsters et les héros sont vieillissants et où les conversations se terminent souvent autour d'une bouteille, la tête fracassée par les déceptions et les vapeurs de l'alcool, par des choix cornéliens… la vie tout court, qui ne fait pas de cadeau. Prenez Max Winters par exemple. Le type ne roule pas sur l'or, il est même dans une mauvaise passe, malgré son âge avancé, et il se contente de publier des récits de cow-boy qui sont publiés dans des magazines bon marché. Plus le temps passe et moins son éditeur le rémunère au mot. C'est que des petits jeunes ont pris la relève et se révèlent être encore moins chers ! Les temps sont impitoyables pour les auteurs de pulps justement, mais là où cet album devient une mise en abyme intéressante, c'est que l'histoire que raconte Max n'est pas totalement le fruit de son imagination… en effet l'auteur s'inspire de ses  propres faits d'armes, à l'époque où il se baladait le colt à la main et menait une vie de hors-la-loi, recherché par les détectives de la Pinkerton. La jeunesse de Max correspond vraiment à une Amérique oubliée qui est passée à autre chose, qui s'est complexifiée, densifiée, qui a perdu grand nombre de ses illusions.  Les héros ou les aventuriers sont rincés, ils finissent par être simplement oubliés. L'âge d'or des grandes chevauchées est dorénavant révolu, tout comme celui des pulps d'ailleurs, puisque la crise produit son effet (nous sommes au début des années 1930) et que les auteurs ne sont plus respectés. Eux présentent leurs histoires et les éditeurs se permettent de les retoucher, de les réécrire, ou tout simplement de les jeter à la corbeille (et là on peut aussi comprendre que la critique est toujours valable, conjuguée au présent). Le protagoniste de notre récit n'est pas non plus en grande forme au niveau de la santé. A chaque fois que Max fait un effort de trop, à chaque fois qu'une émotion l'étreint, c'est la crise cardiaque qui guette ou l'emmène directement à l'hôpital, comme lorsqu'il subi une agression violente en pleine rue. Il faut dire que l'ambiance est particulièrement délétère avec une montée préoccupante du nazisme en Amérique. L'extrême droite s'affiche ouvertement dès qu'elle en a l'occasion, dans une nation qui est profondément divisée. N'oublions jamais ces "détails" de l'histoire, et de resituer les choses dans un contexte historique crédible, c'est salutaire.


Une dernière danse, alors, un dernier coup d'éclat. Max n'a guère le choix, s'il veut assurer une existence décente à sa femme après son trépas, qui ne saurait tarder. Mais voilà, son travail d'écrivain ne lui rapporte que des miettes, et le peu qu'il gagne, il le perd dans une rixe, et l'argent finit dans les poches de l'engeance
 antisémite qui l'agresse. L'idée de reprendre un revolver pour s'en servir, et d'aller prendre les billets là où ils sont lui traverse bien l'esprit, mais clairement il est hors du coup, et par un heureux concours de circonstance, Max fait une rencontre décisive. Un homme issu de son passé turbulent de "outlaw" l'empêche de commettre l'irréparable, et lui propose une dernière chance de faire le bien autour de lui, avant de tirer sa révérence. En apparence un plan presque parfait, dans les faits, ce sera bien plus compliqué…
Comme toujours Brubaker fait preuve d'une maîtrise époustouflante. Aucune page de trop, aucun moment faible, c'est tendu comme une corde que le récit décoche sa trame, et fait mouche. Pulp, c'est un savoir faire, un produit typique d'une époque achevée, et c'est aussi le genre d'aventure que va vivre Max, une ultime fois, lui qui gagne son existence à écrire des romans de ce type, qui sont basés sur ses propres escapades de hors-la-loi. Le Max Winters de Brubaker est au final un homme, un humain imparfait, rempli de failles, qui est orienté vers le bien tout en ayant sa part d'ombres, et qui parfois a choisi le mal. Son but ultime est louable, et on en vient à justifier ses idées de "revanche sociale", puis carrément à adhérer de tout cœur dès lors que ses besoins personnels se mêlent à une croisade contre les nazis américains. Mais le monde est différent, le far west est bien loin, et les trafics d'influence, les politiciens, les financements occultes, ont plus d'effets que les balles perdues ou les rixes de saloon. Nimbée d'une fatigue existentielle et historique, le monde s'apprête à opérer un mouvement de bascule qui marquera profondément l'Histoire moderne, et Max Winters, comme beaucoup d'autres, n'ont déjà plus le logiciel adéquat pour appréhender ce qui est et ce qui va suivre. Le baroud d'honneur ne peut être que poignant, et ce Pulp est magnifique, pour cela également. Au service de l'histoire, un Sean Phillips en état de grâce. Le trait dur et marqué, mis en valeur par une maîtrise du cadrage cinématographique, des ombres soignées qui burinent à souhait les visages et marquent les corps de personnages un peu paumés, tout frise la perfection, de la première à la dernière case. D'autant plus que le fiston, Jacob, se met au diapason et use de couleurs sablonneuses ou grisâtres qui renforcent le lien avec ces pulps d'autrefois, avec cette idée de monde en plein délitement, qui disparait, inéluctablement. Tout cela ressemble fort à une leçon, et à un album indispensable, à dévorer d'une traite.



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JUPITER's LEGACY SUR NETFLIX : NOTRE AVIS SUR LA SERIE



 Les générations se parlent, se toisent, mais ne se comprennent pas toujours. Une évidence qui se vérifie dans de nombreuses familles somme toutes banales, et qui trouve un écho particulièrement pertinent dans celle qui est au centre du récit de Jupiter's Legacy, première des nombreuses séries issues du "MillarWorld" à être adaptées par Netflix, pour le petit écran. Mark Millar est souvent accusé d'écrire directement en pensant au format cinéma ou télévisé, mais jusque là, l'attente n'avait pas été concrétisée, si ce n'est les plutôt drôles et réussis longs métrages centrés sur le petit monde de Kick-Ass. Ici, les superhéros sont avant tout un prétexte pour une réflexion sur le temps qui passe, la manière dont une société et le noyau familial peuvent évoluer, les limites morales, éthiques, qu'impliquent la possession de grands pouvoirs. Il faut dire que le patriarche de la famille au centre de notre attention, un certain Utopian est du genre psycho-rigide. Pour lui les limites sont claires, et les surhommes sont là pour inspirer la population (américaine, bien entendu, toute la série est autocentrée sur le mythe américain), certainement pas pour imposer un point de vue économique ou politique, encore moins pour s'ériger en tant que juge et bourreau, et tuer. Le meurtre, tabou ultime, même en cas d'urgence absolue. Son frère, doté de pouvoirs psychiques extraordinaires, aurait tendance à penser différemment, et à vouloir reprendre les rênes d'une société en plein délitement, pour ne pas parler du fiston, Brandon, qui se sent perpétuellement mis sur la sellette, considéré comme un individu immature et incapable de prétendre à l'héritage familial, malgré ses propres dons hors du commun. Chloe, la sœur, présente un cadre pathologique encore plus préoccupant, avec une vie dissolue et irresponsable, noyée dans les vapeurs de l'alcool, elle aussi traumatisée par l'absence d'un père castrateur, incapable de confiance et d'amour véritable envers sa progéniture. Ou tout du moins de l'exprimer correctement, en temps et en heure. Tout l'équilibre du super héroïsme made in Jupiter's Legacy repose donc sur un code, une loi claire et jamais remise en cause, dont l'Utopian est le dépositaire absolu. Le monde a bien changé, la menace des criminels a franchi un cap (des cambriolages d'autrefois aux grandes corporations d'aujourd'hui) mais rien ne parait devoir entamer cette conviction granitique, ce crédo issu d'une ère révolue, celle de la fin des années 20 et de la grande dépression économique. Le présent et le présent sont par ailleurs associés à travers de nombreuses scènes de flash-back, qui ont l'intérêt de lever le voile sur l'obtention des pouvoirs de tous les personnages de la série, mais aussi d'expliciter l'inflexible code moral déjà évoqué, qui trouve ses racines dans une affaire familiale qui a mal tournée, où là encore les secrets et un manque de déontologie ont amené la catastrophe. 




Toute la difficulté est d'éviter de flirter avec les extrêmes. Que ce soit celui du mal qui se complait dans la destruction (une scène particulièrement longue et sanglante permet de lancer véritablement la série et d'exposer plus clairement ses enjeux) ou du bien qui se vautre dans ses propres oripeaux plutôt que d'affronter la réalité et ses nuances de gris. Les personnages de Jupiter's Legacy n'ont d'autre choix, s'ils veulent aller de l'avant, que d'embrasser et appréhender la complexité d'un monde, qui a clairement acté le changement générationnel. Du coup on se demande si le choix d'un va-et-vient permanent entre deux Amériques, deux époques aussi différentes, est si pertinent que cela. Tout d'abord car cette technique vient trop souvent rompre avec la tension et le rythme de l'histoire (qui par ailleurs est loin d'être spasmodique, on est parfois à un poil de la contemplation stérile, il s'en faut de peu), ensuite car l'obtention des pouvoirs est en réalité assez anecdotique, par rapport à ce que Mark Millar énonce dans son œuvre en bande-dessinée. Ici le showrunner Steven S. DeKnight se doit d'étaler la sauce et d'épicer le plat, pour combler les huit épisodes commandés, mais si cette dilution fonctionne sur le plan technique (oui, le travail d'adaptation est réussi et le cahier des charges coche toutes les cases) elle peine à convaincre sur celui de l'émotion, de la jouissance pure et simple d'un récit autrement plus concis, passionnant, explosif, au format comics. Autre handicap de poids, la tentation de présenter ce produit comme une sorte de Watchmen, ou pire encore, de The Boys (je parle bien sûr des avatars télévisuels). Jupiter's Legacy n'a pas du tout la patine décapante et furieusement foutraque du second cité, ni l'intelligence et la profondeur du premier. Et dulcis in fondo, ne peut pas non plus miser sur des effets spéciaux bluffants et le spectaculaire de scènes homériques pour rafler la mise, car c'est surtout l'aspect un peu trop cheap qui prédomine, avec des décollages/atterrissages qu'on a déjà rencontré plus crédibles sur Playstation, et des chorégraphies dans le pugilat qui se contentent du minimum, sans y croire. Dit comme cela, on pourrait presque croire au naufrage, et pourtant Jupiter's Legacy garde suffisamment de bagout pour nous convaincre d'aller au terme de cette première saison, mais sans coup de génie, sans ces petites bulles effervescentes qui pétillent longtemps sous la langue. On a le sentiment d'avoir moins soif, ça fait son office, mais l'étiquette grand cru serait assurément un mensonge grossier. Bref, Jupiter's Legacy? Pourquoi pas... 

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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MADEMOISELLE BAUDELAIRE


Dans le 92e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente l'album Mademoiselle Baudelaire que l'on doit à Yslaire et c'est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l'album Beethoven : le prix de la liberté que l'on doit à Régis Penet au dessin comme au scénario et c'est édité chez La boite à bulles
- La sortie du premier tome de Jukebox motel adaptation du roman de Tom Graffin par Marie Duvoisin et c'est édité chez Grand angle
- La sortie de l'album L'attente que nous devons à Keum Suk Gendry-Kim et aux éditions Futuropolis
- La sortie de l'album Fourmies la rouge que nous devons à Alex W. Inker et aux éditions Sarbacane
- La sortie de l'album Joe la pirate que nous devons au scénario d'Hubert et au dessin de Virginie Augustin et c'est édité chez Glénat
- La sortie de l'album Comment devient-on raciste ? sur un scénario de Carole Reynaud-Paligot et Évelyne Heyer, un dessin d'Ismaël Méziane et c'est édité chez Casterman



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JYLLAND TOME 1 - MAGNULV LE BON : SUPERBE SERIE VIKING CHEZ ANSPACH


Comme vous le savez si vous êtes férus de littérature nordique, les Vikings n'étaient pas un peuple porté sur la sensiblerie ou les bonnes manières; il était tout à fait normal pour eux de s'en aller piller d'autres tribus et de revenir à la maison le drakkar comble de trésors frauduleusement acquis. C'est ce qui se produit avec messire Sten, qui est parvenu à mettre la main sur un butin si formidable qu'il doit en laisser une grande partie sur une île déserte, sous la surveillance d'un de ses hommes. Sten est l'incarnation du viking viril toujours prompt à guerroyer, mais en même temps il a ce côté retors, cette malice, pour ne pas dire cette fourberie, qui en fait plus un adepte de Loki que de Thor. De retour à la maison, sur les terres du Jylland (c'est-à-dire plus ou moins le Danemark continental) Sten a toutefois une fort désagréable surprise. En effet, son père, le souverain local, un certain Magnulv, a décidé de se convertir au christianisme et donc d'abandonner les anciens dieux nordiques, ce panthéon qui régissait jusque-là la vie de tous. Une conversion qui permet une pacification générale entre tous les clans, mais qui n'est certainement pas du goût d'un fils aussi fougueux et intraitable. Il voit d'un très mauvais œil ce changement radical des coutumes d'autant puisqu'il doit renoncer au butin de son précédent pillage. Inutile de ruer dans les brancards et de sortir le glaive pour trucider un peu tout le monde, y compris le missionnaire venu évangéliser ce joli petit microcosme, l'intrigant comprend qu'il s'agit avant tout de tuer une idée, plus qu'un individu précis... et pour tuer une idée il faut se creuser les méninges et préparer un plan machiavélique. Ce premier tome est d'ailleurs une petite merveille de ruse et de tromperie, de jeux politiques et de pouvoirs. Par exemple Sten est aussi l'amant de la fille du conseiller du roi, qu'il utilise pour obtenir des informations précieuses dont il serait privé autrement. Le Jylland est de surcroît en pleine fibrillation, son roi va bientôt mourir, et le fils prodigue ne pense qu'à une seule chose, monter sur le trône, qu'il usurpera ainsi à son frère aîné, prêt à rétablir la grandeur de la croyance d'antan, qui servait bien ses propres intérêts.


Les éditions Anspach continuent de grandir, peu à peu, et cette fort belle série est assurément une des grandes belles surprises en provenance de Belgique, cette année. Les personnages sont tous bien caractérisés par Bruno de Roover, qui agence là une histoire sans temps mort, qui parvient en une quarantaine de pages a tout dire, embrassant d'un coup d'un seul plusieurs thèmes passionnants comme la religion ou la bassesse de l'esprit humain, proposant alors une petite fresque d'aventure et d'action dont on a déjà hâte de lire la suite. Bonne nouvelle, elle arrivera très vite, puisque le second tome de Jylland est programmé pour très bientôt (les trois tomes en dix-huit mois), déjà édité pour le public flamand. Le conflit des générations est aussi au centre du premier volet, avec une opposition totale entre un roi moribond, clairvoyant et épris de paix (ah la sagesse des anciens...) et un fils qui ne lui fait pas honneur, fourbe et violent, au point même de tramer contre son propre frère! C'est aussi du tout bon au dessin avec un artiste polonais, Przemyslaw Klosin, qui insuffle réalisme et vitalité à des planches de toute beauté, mention spéciale sur l'attention portée aux expressions des visages et à la plastique des corps. Bien difficile, pour être sincère, de trouver un défaut à Jylland, qui est traversé par un vrai souffle épique et un parfum de corruption et de drame familial (les dernières pages nous promettent des règlements de compte sanglants dans le second tome...). Pour nous, une lecture indispensable ce printemps. 

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UNIVERSCOMICS LE MAG' #11 : CARREMENT MECHANTS

 



UniversComics Le Mag' #11 de mai 2021. 80 pages. Gratuit.

CARREMENT MECHANTS !
Au sommaire :
* Les super vilains, le dossier méchant
* Le mal vaincra. Sélection de lectures pour super vilains
* #DoctorDoom tombe le masque avec #AnthonyHuard
* #TylerCross tout sur le personnage et la série avec #EddyManiette
* #Harry Osborn. Le Green Goblin en question!
* Interview : #AndreaDiVito est l'invité du Mag'
* Le cahier critique. Le meilleur du mois écoulé chez
404 Comics
Ankama Editions
#PaniniComicsFrance et
Delcourt Comics
* Le portfolio, les dessins du mois
* Preview : ne manquez pas le sublime #Pulp à sortir en mai chez #DelcourtComics. De Ed Brubaker et Sean Phillips
* Focus : on admire les premières pages de #Jylland, très belle série viking chez
Editions Anspach
. on a vraiment accroché!
* Guide des sorties du mois de mai
Comme toujours, merci à toutes et à tous, pour votre fidélité, votre clémence (le Mag' n'est pas une revue professionnelle, et la rédaction est bénévole) et votre bienveillance. Aux lecteurs donc, mais aussi aux artistes et éditeurs qui nous soutiennent, et contribuent à ce que nous puissions proposer ce mensuel gratuit, dont vous êtes les destinataires. Pour que l'aventure continue, rien à payer, juste à partager, sur les réseaux sociaux, dans les forums, les groupes, parlez-en autour de vous, c'est ainsi qu'on sera là encore le mois prochain!
Cover de
Inkturon ART
qu'on remercie très chaleureusement. Allez-y pour une commission, contactez l'artiste!
Et encore merci à la magie de #BenjaminCarret

JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...