Présenté de cette façon, Excellence est donc un récit générationnel, sur les relations conflictuelles entre un père et son fils, par extension une réflexion sur l'autorité et la société et son carcan. Le tout dans un monde où la magie est une réalité, entre les mains des plus puissants. Mais fait important, pour ne pas dire fondamental : Spencer, et la famille Dale, sont noirs. Une couleur de peau qui ne devrait pas définir un ou des individus, sous n'importe quelle latitude, pour aucune raison, mais qui ici fait écho avec notre monde réel, où l'actualité récente aux Etats-Unis nous rappelle que certains sont un peu moins égaux que d'autres, pour des raisons de pigmentation de l'épiderme et d'origines sociales. Les membres de l'Egide par exemple sont censés intervenir dans la vie d'individus qui ont été "élus" et reconnus comme méritants, les autres ne valant pas grand chose. Ou encore, dans cet univers là, tel que pensé par le scénariste Brandon Thomas, les femmes ne peuvent pas accéder à la magie de l'Egide! La caste dominante reproduit les même schémas, avec une infime portion de privilégiés, dont peu importent les intentions, est autocentrée sur la conservation et la protection de ces privilèges, qu'il est hors de question de remettre en cause, encore moins de manière violente, virulente. Il se trouve que Spencer est violent, qu'il a la rage en lui, un peu comme ce mouvement de réaction catalogué sous le slogan "Black lives matter" qui a bousculé et bouscule encore une Amérique, qui préfère souvent regarder ailleurs pour ne pas voir ses invraisemblables lacunes. Parallélisme limpide, et fort bien vu et construit. L'histoire est de surcroit bien servie par le dessin de Khary Randolph (assisté d'Emilio Lopez). Le trait est dur, anguleux, les personnages suintent la colère, la frustration, le tout étant accentué par une mise en page et une construction des planches (beaucoup de contre plongées ou d'explosions graphiques, notamment lors de la manifestation des pouvoirs magiques) qui se veut tout sauf rassurante et banale. D'ailleurs c'est le seul défaut (?) de ce Excellence, la nécessité d'une (re)lecture attentive, d'une vraie immersion, pour que se dessinent les intentions et les moyens mis en œuvre par des artistes, qui ont ici bâti en quelques épisodes un univers riche et fabuleux, dont l'écho avec nos propres travers sera le fil conducteur pour notre exploration personnelle.
EXCELLENCE : RAGE AGAINST THE MAGIC CHEZ DELCOURT
LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : NOS CORPS ALCHIMIQUES
- La sortie de l'album Léa ne se souvient pas comment fonctionne l'aspirateur que l'on doit au scénario d'Éric Corbeyran, au dessin de Gwangjo et c'est édité chez Des ronds dans l'O
- La sortie de l'album La petite dernière que l'on doit au scénario de Susie Morgenstern, au dessin de Johann G.Louis et c'est édité chez Dargaud
- La sortie du troisième tome de la série Dans les yeux de Lya intitulé Un coupable intouchable que l'on doit au scénario de Carbone, au dessin de Cunha et c'est édité chez Dupuis
- La réédition de l'album Anna que l'on doit au scénario de Stéphane Bétbeder, au dessin de Christophe Bec et c'est édité chez La boite à bulles
- La sortie du premier tome des Suites Algériennes que l'on doit à Jacques Ferrandez et c'est édité chez Casterman
- La sortie de l'album Sélénie que l'on doit à Fabrice Lebeault et c'est édité chez Delcourt
PULP : LE NOUVEAU CHEF D'OEUVRE DE BRUBAKER ET PHILLIPS CHEZ DELCOURT
Vous pouvez être tout de suite rassurés, le duo Ed Brubaker / Sean Phillips est parfaitement à son aise lorsqu'il s'agit d'écrire des polars bien poisseux, construit d'une manière particulièrement intelligente. D'ailleurs avec Pulp ils fournissent une énième démonstration de leur(s) talent(s) par le biais d'un one shot à la pagination assez contenue, mais qui ne se perd pas en disgressions inutiles. Une petite leçon de storytelling pour un album qu'on vous recommande les yeux fermés, ou tout du moins grand ouverts au moment de le lire. Pulp nous ramène dans l'Amérique d'autrefois, celle des privé qui arpentent les rues et les bars comme dans les vieux films au cinéma, celle où les gangsters et les héros sont vieillissants et où les conversations se terminent souvent autour d'une bouteille, la tête fracassée par les déceptions et les vapeurs de l'alcool, par des choix cornéliens… la vie tout court, qui ne fait pas de cadeau. Prenez Max Winters par exemple. Le type ne roule pas sur l'or, il est même dans une mauvaise passe, malgré son âge avancé, et il se contente de publier des récits de cow-boy qui sont publiés dans des magazines bon marché. Plus le temps passe et moins son éditeur le rémunère au mot. C'est que des petits jeunes ont pris la relève et se révèlent être encore moins chers ! Les temps sont impitoyables pour les auteurs de pulps justement, mais là où cet album devient une mise en abyme intéressante, c'est que l'histoire que raconte Max n'est pas totalement le fruit de son imagination… en effet l'auteur s'inspire de ses propres faits d'armes, à l'époque où il se baladait le colt à la main et menait une vie de hors-la-loi, recherché par les détectives de la Pinkerton. La jeunesse de Max correspond vraiment à une Amérique oubliée qui est passée à autre chose, qui s'est complexifiée, densifiée, qui a perdu grand nombre de ses illusions. Les héros ou les aventuriers sont rincés, ils finissent par être simplement oubliés. L'âge d'or des grandes chevauchées est dorénavant révolu, tout comme celui des pulps d'ailleurs, puisque la crise produit son effet (nous sommes au début des années 1930) et que les auteurs ne sont plus respectés. Eux présentent leurs histoires et les éditeurs se permettent de les retoucher, de les réécrire, ou tout simplement de les jeter à la corbeille (et là on peut aussi comprendre que la critique est toujours valable, conjuguée au présent). Le protagoniste de notre récit n'est pas non plus en grande forme au niveau de la santé. A chaque fois que Max fait un effort de trop, à chaque fois qu'une émotion l'étreint, c'est la crise cardiaque qui guette ou l'emmène directement à l'hôpital, comme lorsqu'il subi une agression violente en pleine rue. Il faut dire que l'ambiance est particulièrement délétère avec une montée préoccupante du nazisme en Amérique. L'extrême droite s'affiche ouvertement dès qu'elle en a l'occasion, dans une nation qui est profondément divisée. N'oublions jamais ces "détails" de l'histoire, et de resituer les choses dans un contexte historique crédible, c'est salutaire.
JUPITER's LEGACY SUR NETFLIX : NOTRE AVIS SUR LA SERIE
Les générations se parlent, se toisent, mais ne se comprennent pas toujours. Une évidence qui se vérifie dans de nombreuses familles somme toutes banales, et qui trouve un écho particulièrement pertinent dans celle qui est au centre du récit de Jupiter's Legacy, première des nombreuses séries issues du "MillarWorld" à être adaptées par Netflix, pour le petit écran. Mark Millar est souvent accusé d'écrire directement en pensant au format cinéma ou télévisé, mais jusque là, l'attente n'avait pas été concrétisée, si ce n'est les plutôt drôles et réussis longs métrages centrés sur le petit monde de Kick-Ass. Ici, les superhéros sont avant tout un prétexte pour une réflexion sur le temps qui passe, la manière dont une société et le noyau familial peuvent évoluer, les limites morales, éthiques, qu'impliquent la possession de grands pouvoirs. Il faut dire que le patriarche de la famille au centre de notre attention, un certain Utopian est du genre psycho-rigide. Pour lui les limites sont claires, et les surhommes sont là pour inspirer la population (américaine, bien entendu, toute la série est autocentrée sur le mythe américain), certainement pas pour imposer un point de vue économique ou politique, encore moins pour s'ériger en tant que juge et bourreau, et tuer. Le meurtre, tabou ultime, même en cas d'urgence absolue. Son frère, doté de pouvoirs psychiques extraordinaires, aurait tendance à penser différemment, et à vouloir reprendre les rênes d'une société en plein délitement, pour ne pas parler du fiston, Brandon, qui se sent perpétuellement mis sur la sellette, considéré comme un individu immature et incapable de prétendre à l'héritage familial, malgré ses propres dons hors du commun. Chloe, la sœur, présente un cadre pathologique encore plus préoccupant, avec une vie dissolue et irresponsable, noyée dans les vapeurs de l'alcool, elle aussi traumatisée par l'absence d'un père castrateur, incapable de confiance et d'amour véritable envers sa progéniture. Ou tout du moins de l'exprimer correctement, en temps et en heure. Tout l'équilibre du super héroïsme made in Jupiter's Legacy repose donc sur un code, une loi claire et jamais remise en cause, dont l'Utopian est le dépositaire absolu. Le monde a bien changé, la menace des criminels a franchi un cap (des cambriolages d'autrefois aux grandes corporations d'aujourd'hui) mais rien ne parait devoir entamer cette conviction granitique, ce crédo issu d'une ère révolue, celle de la fin des années 20 et de la grande dépression économique. Le présent et le présent sont par ailleurs associés à travers de nombreuses scènes de flash-back, qui ont l'intérêt de lever le voile sur l'obtention des pouvoirs de tous les personnages de la série, mais aussi d'expliciter l'inflexible code moral déjà évoqué, qui trouve ses racines dans une affaire familiale qui a mal tournée, où là encore les secrets et un manque de déontologie ont amené la catastrophe.
Toute la difficulté est d'éviter de flirter avec les extrêmes. Que ce soit celui du mal qui se complait dans la destruction (une scène particulièrement longue et sanglante permet de lancer véritablement la série et d'exposer plus clairement ses enjeux) ou du bien qui se vautre dans ses propres oripeaux plutôt que d'affronter la réalité et ses nuances de gris. Les personnages de Jupiter's Legacy n'ont d'autre choix, s'ils veulent aller de l'avant, que d'embrasser et appréhender la complexité d'un monde, qui a clairement acté le changement générationnel. Du coup on se demande si le choix d'un va-et-vient permanent entre deux Amériques, deux époques aussi différentes, est si pertinent que cela. Tout d'abord car cette technique vient trop souvent rompre avec la tension et le rythme de l'histoire (qui par ailleurs est loin d'être spasmodique, on est parfois à un poil de la contemplation stérile, il s'en faut de peu), ensuite car l'obtention des pouvoirs est en réalité assez anecdotique, par rapport à ce que Mark Millar énonce dans son œuvre en bande-dessinée. Ici le showrunner Steven S. DeKnight se doit d'étaler la sauce et d'épicer le plat, pour combler les huit épisodes commandés, mais si cette dilution fonctionne sur le plan technique (oui, le travail d'adaptation est réussi et le cahier des charges coche toutes les cases) elle peine à convaincre sur celui de l'émotion, de la jouissance pure et simple d'un récit autrement plus concis, passionnant, explosif, au format comics. Autre handicap de poids, la tentation de présenter ce produit comme une sorte de Watchmen, ou pire encore, de The Boys (je parle bien sûr des avatars télévisuels). Jupiter's Legacy n'a pas du tout la patine décapante et furieusement foutraque du second cité, ni l'intelligence et la profondeur du premier. Et dulcis in fondo, ne peut pas non plus miser sur des effets spéciaux bluffants et le spectaculaire de scènes homériques pour rafler la mise, car c'est surtout l'aspect un peu trop cheap qui prédomine, avec des décollages/atterrissages qu'on a déjà rencontré plus crédibles sur Playstation, et des chorégraphies dans le pugilat qui se contentent du minimum, sans y croire. Dit comme cela, on pourrait presque croire au naufrage, et pourtant Jupiter's Legacy garde suffisamment de bagout pour nous convaincre d'aller au terme de cette première saison, mais sans coup de génie, sans ces petites bulles effervescentes qui pétillent longtemps sous la langue. On a le sentiment d'avoir moins soif, ça fait son office, mais l'étiquette grand cru serait assurément un mensonge grossier. Bref, Jupiter's Legacy? Pourquoi pas...
LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MADEMOISELLE BAUDELAIRE
JYLLAND TOME 1 - MAGNULV LE BON : SUPERBE SERIE VIKING CHEZ ANSPACH
Comme vous le savez si vous êtes férus de littérature nordique, les Vikings n'étaient pas un peuple porté sur la sensiblerie ou les bonnes manières; il était tout à fait normal pour eux de s'en aller piller d'autres tribus et de revenir à la maison le drakkar comble de trésors frauduleusement acquis. C'est ce qui se produit avec messire Sten, qui est parvenu à mettre la main sur un butin si formidable qu'il doit en laisser une grande partie sur une île déserte, sous la surveillance d'un de ses hommes. Sten est l'incarnation du viking viril toujours prompt à guerroyer, mais en même temps il a ce côté retors, cette malice, pour ne pas dire cette fourberie, qui en fait plus un adepte de Loki que de Thor. De retour à la maison, sur les terres du Jylland (c'est-à-dire plus ou moins le Danemark continental) Sten a toutefois une fort désagréable surprise. En effet, son père, le souverain local, un certain Magnulv, a décidé de se convertir au christianisme et donc d'abandonner les anciens dieux nordiques, ce panthéon qui régissait jusque-là la vie de tous. Une conversion qui permet une pacification générale entre tous les clans, mais qui n'est certainement pas du goût d'un fils aussi fougueux et intraitable. Il voit d'un très mauvais œil ce changement radical des coutumes d'autant puisqu'il doit renoncer au butin de son précédent pillage. Inutile de ruer dans les brancards et de sortir le glaive pour trucider un peu tout le monde, y compris le missionnaire venu évangéliser ce joli petit microcosme, l'intrigant comprend qu'il s'agit avant tout de tuer une idée, plus qu'un individu précis... et pour tuer une idée il faut se creuser les méninges et préparer un plan machiavélique. Ce premier tome est d'ailleurs une petite merveille de ruse et de tromperie, de jeux politiques et de pouvoirs. Par exemple Sten est aussi l'amant de la fille du conseiller du roi, qu'il utilise pour obtenir des informations précieuses dont il serait privé autrement. Le Jylland est de surcroît en pleine fibrillation, son roi va bientôt mourir, et le fils prodigue ne pense qu'à une seule chose, monter sur le trône, qu'il usurpera ainsi à son frère aîné, prêt à rétablir la grandeur de la croyance d'antan, qui servait bien ses propres intérêts.
UNIVERSCOMICS LE MAG' #11 : CARREMENT MECHANTS
UniversComics Le Mag' #11 de mai 2021. 80 pages. Gratuit.
JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)
Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...

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Comme chaque samedi désormais, nous vous proposons de plonger dans l'univers de la bande dessinée au sens le plus large du terme,...
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UNIVERSCOMICS LE MAG' 46 Octobre 2024 / 60 pages / gratuit Disponible ici (lecture + téléchargement) : https://madmagz.app/fr/viewer/...
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La semaine dernière, nous nous étions posés la question des plus beaux costumes de Spider-Man, depuis la création du personnage. Cette se...