SPIDER-MAN UNIVERSE 9 : (VENOM) AU ROYAUME DES TUEURS

La vie de Flash Thompson n'est pas de tout repos. Elle ressemble même à celle d'un homme brisé, qui sent le cours des événements lui échapper inexorablement. Possédé par un démon, détenteur du symbiote Venom qu'il ne parvient pas vraiment à maîtriser, Flash a perdu son père et sa mère le fuit; effrayée par ce qu'il est devenu. Dans son fauteuil roulant, l'ancien compagnon de fac de Peter Parker n'est qu'un handicapé qui se sent inutile, sans son alter ego qui lui permet de travailler au service du gouvernement ou de fricoter avec les Secret Avengers. A travers un premier épisode introductif (un de ces fameux .1), Cullen Bunn permet aux nouveaux lecteurs, qui prennent le train en marche, de bien saisir le topo. Mais le plus intéressant, c'est de voir Flash retrouver un de ses anciens compagnons de jeunesse, un jeune homo sexuel qu'il prenait plaisir à maltraiter pour trouver un exutoire à sa propre colère. Autrefois, il était ignoble, vraiment, comme le lui rappelle Parker lui même, dans un touchant monologue. L'ancien champion sportif du campus n'a pas concrétisé les espoirs placés en lui, il s'est étiolé, a perdu de son panache, est devenu un loser pathétique sauvé par ce symbiote qui a autrefois empoisonné le quotidien de Spider-Man, puis de Eddie Brock. Ce qui lui permet, tout de même, de tenter d'oublier sa récente rupture avec Betty Brant, en fréquentant la blonde Valkyrie en personne. Marco Checchetto oeuvre sur les vingt premières pages, et ça c'est une fichue bonne nouvelle, car son style sombre et concis est toujours fort appréciable.

Appréciez cette introduction, car le reste, franchement, n'est pas du même tonneau. En fait, ça ressemble presque à une purge. Flash part à Philadelphie pour entamer une nouvelle vie, un peu comme a pu le faire Kaine en déménageant à Houston dans la série Scarlet Spider. Les avatars de Spider-Man font leurs cartons, mais il n'est pas dit que le lecteur y gagne grand chose. Ici, à peine arrivé, Venom se retrouve face aux U-Foes pour sauver la vie d'une amie journaliste. Le seul fait notable de ces épisodes bourrins et au style surchargé et peu lisible, c'est de savoir quand et comment le symbiote va prendre le dessus sur l'humain, et dans quelle mesure cela va affecter la vie du héros. On notera que Bunn n'ose guère pousser cette logique jusqu'à l'extrême, et que si Flash a des moments d'absences, où son hôte est aux commandes et n'en fait qu'à sa tête, ça ne dure jamais trop longtemps et les conséquences sont loin d'être aussi irréparables qu'elles ne pourraient le devenir. Thompson retrouve un boulot en quelques jours (en période de crise c'est assez fort quand on est handicapé...), il loue un grand appart et rencontre ses nouveaux voisins (forcément un peu barges), et commence à patrouiller avec la plus grande prudence pour ne pas qu'on puisse faire de rapprochement entre lui et Venom. En toile de fond, l'arrivée d'Eddie Brock se dessine. Cette fois l'ancien journaliste assume l'identité de Toxine, le rejeton de Carnage. Je sais, il faut suivre avec lui, ça n'est pas très simple. Les dessins sont mauvais dans ces épisodes. Ils n'ont pas de caractère, sont brouillons dans les plans rapprochées et les scènes de bataille, et certaines planches sont particulièrement peu lisibles. Les coupables se nomment Thony Silas, Roger Robinson, ou Decan Shalvey. Vous l'avez remarqué, Marvel mise peu sur ce titre; Immonen, Coipel ou Epting sont réservés à bien d'autre cieux que cette série qui se révèle bien trop dispensable sur la distance. Si retrouver Venom fait toujours un peu plaisir, l'impression de décadence qui flotte dans la vie de Flash finit par gagner ces épisodes maussades qu'on oubliera aussi vite qu'on les lira (peut être). 


BATMAN CATACLYSME : LA TERRE TREMBLE A GOTHAM

Saviez-vous que la ville de Gotham était située sur une faille sismique, et donc susceptible de disparaître de la carte en cas de secousses trop violentes? Bruce Wayne était loin de se douter de ce qui l'attendait, jusqu'au jour où le sol se mit à trembler, et sa ville à s'effondrer, dans un scénario apocalyptique et inattendu. Le plus grand séisme de l'histoire de la longue existence de Gotham vous attend, dans les pages de ce nouveau mastodonte édité par Urban comics. Quelques temps auparavant, la terre avait aussi tremblé (dans la vraie vie) à Los Angeles, et les auteurs se sont inspirés des caprices de la nature pour tisser cette trame poignante et désarmante, car cette fois, que peut Batman face à un ennemi dématérialisé, face à la fureur des plaques techtoniques, quand son univers est rasé de la carte en quelques secondes? Victimes piégés sous les édifices en ruine, pilleurs qui s'en donnent à coeur joie, héros poussés dans leurs derniers retranchements, juste pour survivre, ou organiser les secours, le menu de ce volume, suite directe à la série des Knightfall récemment publiés, est un des plus attirants qui soit, car il sonne la rupture avec le petit théâtre classique des cinglés de Gotham, pour donner la part belle à un événement inouï et inéluctable.


Batman n'est pas seul, heureusement. Nightwing est à ses cotés, mais aussi Huntress, Catwoman, Oracle (qui supervise les secours depuis son fauteuil roulant), les forces de police de la ville, la solidarité de tout un petit monde qui doit s'organiser au plus vite pour apporter les premiers secours, dans les heures et les jours qui suivent le cataclysme. Mais aussi : qui est ce cinglé qui déclare être la cause de ce seïsme, et qui menace une réplique encore plus destructrice si une rançon faramineuse ne lui est pas versée? Est-ce un tragique plan diabolique, ou de l'intox? De mars à mai 1998, cette longue saga tient en haleine des milliers de lecteurs, et sert de préambule à une longue période de presque deux ans, intitulé No Man's land, durant laquelle Gotham doit se reconstruire à travers un douloureux processus de ville ouverte où la concept même de société est sérieusement remis en question. Les dégâts sont lourds aussi pour Batman, qui perd au passage son manoir familial et la Batcave qui menace de devenir une tombe bien ironique pour le héros. D'une qualité parfois inégale, l'ensemble reste fortement impressionnant et teinté de désespoir comme rarement nous en trouvons dans ce genre de comic-book mainstream. Une plaie béante dans la vie et la ville de notre chauve-souris préférée. Au scénario les grands noms de l'époque mènent la barque (Dixon, Moench, O'Neil...) et aux dessins c'est un florilège de styles et d'artistes (Aparo, Nolan, Buckingham, Mc Daniel et son trait si particulier qui fit miracle chez Daredevil, avec Fall From Grace...). Presque 500 pages réunies pour la première fois dans une belle édition librairie en Vf, pour la joie des amateurs du Batman des années 90.


ALL-NEW GHOST RIDER #1 : LA REVIEW

Je dois vous l'admettre en préambule, je ne me suis pas éclaté à lire du Ghost Rider depuis bien longtemps. Je crois même que mes vrais bons souvenirs liés au personnage remontent à l'époque où Danny Ketch enfourchait une moto en flamme, dans les années 90. Depuis, il y a eu d'autres tentatives de relancer le Rider, mais rarement la qualité a été au rendez-vous (les deux films souffrent un peu du défaut semblable). Même Jason Aaron n'avait rien produit d'inoubliable à mes yeux, et je préfère taire l'incarnation plus récente, avec un Ghost Rider au féminin sans sens aucun. Place donc cette semaine au All-New Ghost Rider, un titre un peu pompeux bien dans la ligne de ce que tente de faire Marvel ces temps-ci. Alors, du neuf, véritablement, ou une autre pathétique série vouée à fermer ses portes dans moins d'un an, boudée par des lecteurs désabusés?
Cette fois le héros s'appelle Robbie Reyes. Il travaille dans un garage, retape des voitures pour quelques dollars, et habite un quartier minable de Los Angeles où les gangs jouent du flingue à longueur de journée. Pour ne rien arranger, il doit aussi s'occuper d'un jeune frère en chaise roulante, qui passe son temps à lire des comics et à se faire agresser par les loubards du coin. Robbie a un plan pour remporter un peu d'argent et aidé le frangin : participer à des courses clandestines de voitures, où des bolides s'affrontent dans les rues désertes de L.A tout en parvenant à échapper à la police. Enfin, pas toujours, puisque notre malheureux héros va non seulement se faire prendre, mais également se faire descendre et revenir sous la forme du nouvel avatar de la vengeance. Fast and Furious à coté, c'est de la métaphysique quantique. Franchement, je me suis vraiment ennuyé, comme prévu. Que du convenu, de l'attendu, du déjà vu, même si le Rider finit par être plutôt un Driver, ce n'est qu'une question de vocabulaire. Felipe Smith sort un travail de commande pour Marvel, qui ne présente aucunement les caractéristiques du chef d'oeuvre en devenir. Coté dessins, c'est purement et simplement hideux (merci Tradd Moore). Constructions anguleuses et corps informes, influences du manga mal digérées et transférées aux comics, couleurs par moments criardes, il y a peu à sauver dans ce All-New Ghost Rider. Libres à vous de vous laisser gagner par l'ivresse de cette série, mais c'est vraiment que vous ne supportez pas l'alcool. On parie sur l'annulation de cette on-going avant la fin de l'année? 





MARVEL DELUXE CAPTAIN AMERICA : LE REVE EST MORT

La mort d'un personnage iconique. La fin d'un rêve, d'un idéal, par la même occasion. Ce mois-ci, dans la splendide collection Marvel Deluxe, nous pouvons relire cet événement qui a bouleversé l'Amérique entière, l'assassinat du vengeur étoilé, sur les marches d'un tribunal, ultime étape vers une défaite consommée. C'est que Steve Rogers n'était plus à son sommet, à l'époque. Défenseur de la liberté d'expression la plus totale, y compris celle conférant à tous les individus dotés de super pouvoirs le droit de patrouiller de nuit, sous un masque, et de faire régner la justice sans rendre de comptes à personne, Captain America a subi une cinglante défaire contre un de ses meilleurs amis et alliés, Tony Stark. La question mérite d'ailleurs d'être débattue. Est-ce suffisant de posséder un don, un super pouvoir, pour s'arroger le droit de se substituer aux forces de l'ordre, et le visage caché sous un masque, aller appliquer son propre concept de justice et de ce qu'est le bien? Captain America revêt le costume le plus lourd de sens, et ses actes, ses choix, bien qu'indépendant du pouvoir en place et des attentes du gouvernement, conservent toujours dans le fond une connotation politique et idéologique forte, qui rend d'autant plus tragique et parlante cette "mort" du héros qui fit couler tant d'encre.

La Guerre Civile chez Marvel, c'était avant tout une double conception idéologique, libertaire et policière, de ce que doit être un état, et de la responsabilité et des libertés du citoyen. La mort de Steve Rogers, magistralement mise en scène par Brubaker, sent le renoncement du quidam moyen à une partie de ses droits, pour une illusoire sécurité face à des menaces toujours plus insidieuses. Steve Epting atteint son apogée avec des planches fouillées et truffées de moments forts, un style sombre et cinématographique, d'une lisibilité exemplaire. Même si nous savons, avec le recul, combien ce décès était hautement exagéré, et ne faisait partie que d'un vaste plan machiavélique orchestré par l'habituel Red Skull, ce sont les conditions, le cadre, la dynamique, de ce que nous pourrions appeler une des mises à mort les plus lâches de l'histoire des comic-books, qui frappe l'imagination. . Panini poursuit donc la réédition luxueuse d'un run indispensable et fortement conseillé, pour le plus grand plaisir des lecteurs, et cela à un moment capital pour le vengeur étoilé, avec la sortie en salle du second film qui lui est dédié, et dont vous trouverez une critique détaillée dans les prochains jours, sur UniversComics.


SUPERIOR FOES OF SPIDER-MAN : UNE BELLE SURPRISE CHEZ SPIDER-MAN

Ce ne sont pas forcément les séries annoncées à renforts de gros coup de com' qui remportent les suffrages. J'en veux ce que vous pouvez lire depuis ce mois-ci dans les pages du mensuel de Spidey. Superior Foes of Spider-Man, c'est la vraie belle bouffée d'oxygène de l'univers du tisseur, promis juré. Les héros de ce titre sont tous de gentils losers, des vilains de seconde zone qui n'ont jusqu'ici connu que l'échec devant Spider-Man, mais apparemment, d'une certaine manière, ils en redemandent...
Boomerang, le Scarabée (dans une incarnation au féminin), le Shocker (ici dans une version vraiment minable, on le sent au bout du rouleau), ou encore Overdrive, et Speed Demon sont les heureux membres de la mouture actuelle des Sinister Six. Ils ne sont que cinq, mais qu'à cela ne tienne, les voici sur le pont, entre gros coups fumants qui se préparent mais n'aboutissent jamais, tranches de vie du quotidien à en pleurer de bêtise, ou à éclater d'un rire absurde (le cambriolage d'un magasin pour animaux, et l'enlèvement d'un chiot qui a le tort d'avoir un mauvais patronyme), on prend un réel plaisir à voir évoluer ces calibres XXS qui n'ont aucune chance d'entrer un jour au panthéon de la criminalité new-yorkaise, plus sûrement de remporter une belle cellule miteuse dans le premier pénitencier venu. Nick Spencer livre là une prestation remarquable, en rendant attachants une galerie de paumés en costume, tandis que Steve Lieber apporte un coté cartoony et décomplexé avec des dessins épurés et en apparence simplistes, mais qui collent diablement bien à l'ambiance du titre. Les seconds couteaux de l'univers de Spider-Man se dévoilent à travers des réunions de "travail" et autres petites tromperies et machinations en interne (la vraie fausse rencontre avec le Punisher est un petit bijou dans le genre), et le lecteur rentre vite dans le jeu, tant l'atmosphère est légère, pétillante, et drolatique. Superior Foes of Spider-Man est publié depuis mars dans le mensuel Spider-Man, Panini, en vente pour moins de cinq euros dans tous les kiosques qui se respectent. 


X-FORCE OMNIBUS : LES ANNEES 90 DES MUTANTS

1991 n'est pas une année comme les autres pour les amateurs de mutants. La série New Mutants, tout d'abord, ferme ses portes après plus d'une centaine de numéros et un succès évident. Marvel n'étant pas atteint de folie furieuse, les raisons qui poussent la direction à un tel choix sont simples : la nouvelle star débarquée sur le titre, Rob Liefeld, a reçu l'investiture pour relancer les personnages (dans un line-up modifié) et leur donner un sacré coup de jeune. Liefeld, et son style ultra lysergique, avec des proportions parfois absurdes, mais tout en mouvement, en action, recueille alors les faveurs du public américain et déchaîne les passions. Il transforme les anciens élèves de Xavier en un team paramilitaire, voire même terroriste, aux yeux d'une partie de l'opinion et du gouvernement. A leur tête, nous trouvons Cable, voyageur temporel mystérieux dont les méthodes expéditives collent parfaitement à l'air du temps. X-Force n'est pas là pour rigoler, ni même pour faire de prisonniers.

Dans la nouvelle équipe, nous trouvons Sam Guthrie (Cannonball) qui s'affirme de plus en plus comme le pupille de Cable, et se découvre être un X-Ternel, c'est à dire presque immortel (bien pratique quand il est réduit en charpie par Sauron dans un combat). Mais aussi la blondinette Boom-Boom, la lycanthrope Feral, échappée des Morlocks, Shatterstar, un guerrier surgonflé rescapé du monde télévisuel de Mojo, ou encore Warpath, le frère de Thunderbord, ce jeune indien tué lors de ses premiers pas avec les X-Men, bien des années plus tôt. D'autres personnages interviennent régulièrement, comme le jolie rouquine Syrin, la fille du Hurleur (Sean Cassidy), Domino, amante et compagne de combat de Cable, qui surgit au départ sous les traits d'un ... sosie, pendant que l'original croupit dans un château en Sardaigne, détenue par un certain Tolliver. Deadpool fait ses premières apparitions dans ces pages, au service de ce dernier. Nous y croisons également Stryfe, une sorte de jumeau mystérieux de Cable, dont les plans confus et énigmatiques vont tenir en haleine les lecteurs pendant des mois, jusqu'au grand crossover X-Cutionner's song (un de mes préférés de toujours, cela dit en passant). Un tas de trames se mêlent dans les délires de Liefeld (Roberto Da Costa pris sous la coupe d'un certain Gideon, avant d'en être la proie, l'apparition du Fléau, la chasse à l'homme contre Cable orchestrée par ses anciens compagnons barbouzes...) avant que Fabian Nicieza ne vienne mettre un peu d'ordre, et dénouer des fils bien emberlificotés. Au dessin, nous avons déjà parlé de Rob, qu'on aime (surtout à l'époque, le numéro 1 fit exploser les chiffres de vente) ou déteste singulièrement. A son départ (plutôt rapide) les remplaçants livrent des planches dégueulasses (Pacella, une horreur) jusqu'à ce que Greg Capullo débarque. Un petit plaisir pour les yeux, avec cet artiste aujourd'hui consacré et idolâtré dans le milieu. Bref, c'est tout un pan de l'histoire des années 90 que vous allez retrouver dans cet Omnibus. Pas subtil pour un sou, mais truffé d'action de la première à la dernière case. Les nostalgiques de ces années-là se doivent d'avoir cet immense pavé dans leur collection, d'autant plus qu'il est disponible en solde, pour une grosse trentaine d'euros, sur des sites marchands comme Cheapcomics ou Archonia. Une idée cadeau? 


KILLING JOKE : LE JOKER SELON ALAN MOORE

Vous êtes comme tout le monde, vous aimeriez bien en savoir plus sur les origines du Joker. Personnage complètement fou, comment un individu peut devenir ce clown macabre que rien n'arrête, aucune morale, aucune limite? Entre passé et présent, Alan Moore nous offre là une occasion unique d'aller lorgner du coté des secrets du Joker, dans un des récits les plus adultes et les plus aboutis consacrés à l'univers de Gotham. Ici, en point d'orgue de ses méfaits, nous le voyons débarquer chez le commissaire Gordon, qu'il enlève et séquestre ensuite dans un parc d'attractions, après avoir tiré à bout portant sur Barbara, sa fille, qui va subir de lourdes séquelles, au point de rester plusieurs années dans un fauteuil roulant. Le traitement réservé à Gordon père est cruel et choquant. Nous le retrouvons nu dans une cage, torturé physiquement et mentalement, dans des attitudes et des déviances qui empruntent autant au sado-masochisme qu'à la perversion la plus méchante. Nu comme un ver, terrorisé, le prisonnier subi des traitements qui vont au delà de ce que nous pouvions lire jusqu'alors. Exit le Joker un peu barge du ciboulot, et particulièrement baroque, tel qu'on nous l'avait vendu pendant des lustres. Place également aux conséquences à long terme, sur le petit monde de Gotham, puisque Barbara va devoir s'asseoir de longues années dans un fauteuil à roulettes, suite aux lésions de la colonne vertébrale. The Killing Joke, c'est émotionnellement très fort, et sans aucune concession avec les happy end ou les trames consensuelles qui pullulaient plus encore chez Dc Comics que chez Marvel, à l'époque de sa parution. 

Les dessins de Brian Bolland ne sont pas en reste. Si vous aimez le travail minutieux, les planches riches en moult détails, mais qui savent rester d'une lisibilité exemplaire, vous allez être à la noce. Si vous ne possédez pas encore cette histoire devenue un grand classique des lecteurs de Batman, je ne saurais que vous encourager à investir dans cet album, qui est l'adaptation de la version Deluxe américaine (bonus, édition recolorisée, préface de Tim Sale). On y découvre jusqu'où la folie et le désespoir peuvent transformer un individu, on flirte avec le point de rupture que chacun de nous possède en son âme, ce moment et cette limite passés lesquelles notre humanité s'effrite pour ne plus révéler que les recoins les plus sombres que nous ignorions jusque là. Un parcours en forme de descente aux enfers duquel le Joker n'est jamais revenu. Scénaristiquement transformé à jamais par Alan Moore, et plastiquement revisité par Bermejo dans un autre récit phare, des années plus tard, c'est là que résident les sources du mal, celles magnifiées à l'écran par le regretté Heath Ledger. Effrayant et indispensable. 


CAPTAIN AMERICA : TOME 1 EN LIBRAIRIE

Le long run de Brubaker est achevé, l'heure est venue pour le Vengeur étoilé de tourner la page. Exit les trames qui infusent dans l'espionnage, les relents de guerre froide et de conspiration, et place à une toute nouvelle ambiance, qui va créer le décalage très vite. Avec Rick Remender, Steve Rogers a une vie bien remplie, et il ne chôme pas. Après un petit flash-back intéressant centré sur les premières années de notre héros (les années 20, quoi, car il est censé fêter ses 90 ans) et la vie de famille pas toujours facile alors, nous le retrouvons en pleine acrobatie sur la carlingue d'un avion en perdition, face au Green Skull et ses hommes. Ce sont des terroristes écologistes qui ont la bonne idée, pour sauver la nature et l'environnement, de tenter d'éradiquer l'humanité, en commençant par Big Apple. Logique, non? Le repos du guerrier est surprenant, puisque Sharon Carter, sa fiancée du moment, lui propose carrément ... le mariage! On pourrait dès lors s'attendre à ce que Remender sorte les confettis, les dragées, et que le lecteur soit invité à la parade nuptiale (et la nuit de noce, hé, on peut la voir?). Mais c'est reparti, plutôt deux fois qu'une! Un traquenard dans une ligne abandonnée du métro, et voilà Captain America projeté dans une dimension étrange et à la saveur apocalyptique : la dimension Z, pour Zola (Arnim), le savant fou. Au programme la-bas, combats, torture et un héritier.

Après FrankenCastle, Remender ose à nouveau l'impensable : projeter Steve Rogers dans une réalité artificielle, et ceci durant des années. Le temps ne s'écoule pas de la même manière chez nous et la-bas, et dans cet univers qui emprunte tout aussi bien à Dune, Mad Max, ou Planet Hulk, le Vengeur étoilé va être soumis à une suite d'épreuves inattendues et qui vont le pousser dans ses derniers retranchements. Le dessin est confié à John Romita Jr. Du coup, j'entends déjà les hourras extasiés et les cris d'horreur des détracteurs. Disons que ce coup-ci c'est du Romita plus appliqué et moins expéditif. Il fait de son mieux, c'est évident, et les amoureux de son style vont donc admirer du JrJr en forme. Il faut dire que ses crayons trouvent une résonance assez juste avec le cadre hors norme dans lequel Steve Rogers est plongé, et dans lequel il doit lutter pour sa vie, mais aussi celle de l'enfant qu'il prend sous sa coupe. Le fils de Zola devient l'héritier de notre Avenger, qui va se découvrir une fibre paternelle inébranlable, et lutter contre l'adversité, les éléments, et son propre corps (infecté par Zola) pour sauver ce qui peut l'être. Du Captain America très insolite, piégé dans un univers inédit et si différent de ce que nous connaissions jusque là. Une aventure hors norme qui pourra décontenancer les amoureux des récits dans la veine du Winter Soldier, mais qui a la qualité de bousculer l'ordre établi ces dernières années, et de puiser dans les fondamentaux même du personnage, puisqu'à son retour, Steve aura à nouveau passé des années (pour lui, pas pour nous, à cause du paradoxe temporel) isolé et "ailleurs" (la première fois c'était en animation suspendue, encore pire), l'obligeant une seconde fois à se réadapter à un présent qui n'est plus tout à fait le sien. Une série qui mérite bien le détour. 


BATMAN SAGA 22 EN KIOSQUE : LA 900 eme DE DETECTIVE COMICS

Ce mois-ci dans Batman Saga, on fête un anniversaire. Pour être précis, c'est la série Detective Comics qui est à l'honneur, puisqu'il s'agit du 900 eme numéro. Certes, Batman a fait son apparition sur ces pages après une grosse trentaine de parutions, il n'empêche que c'est un résultat historique, que nous obtenons en additionnant les sorties d'autrefois, à la nouvelle version née en même temps que les New 52. C'est aussi l'occasion de replacer le personnage de Man-Bat au centre des débats. Kirk Langstrom est un scientifique de génie, mais qui joue de malchance. Si au départ ses intentions sont louables (il souhaite guérir les personnes atteintes de surdité grâce à des expériences génétiques sur les chauve-souris, appliquées à l'homme), il devient la victime de ses propres inventions, et se transmute en une créature horrible et surpuissante, qui est un peu le pendant animal de Batman (les mots "bat" et "man" étant judicieusement inversés). La situation empire quand des personnes mal intentionnées (le nouveau Pingouin, rebaptisé Pingouin Empereur) dérobe le sérum de Langstrom, et lâche sur Gotham une version virulente qui se transmet par voie aérienne. Les habitants de la ville subissent des mutations spectaculaires, et c'est le chaos le plus total. Il faudra bien l'intervention de Batman, de Kirk Langstrom et de sa femme, pour remettre un peu d'ordre dans la ville. Une histoire somme toute classique et sans grosses surprises, qui bénéficie du trait noir et ultra raffiné de Jason Fabok, le meilleur épigone à ce jour de Finch. Numéro anniversaire oblige, on lira ensuite toute une série de back-up qui permettent de mieux comprendre ce qui vient de se passer : de la réaction de l'épouse de Langstrom, au récit d'un flic qui a subi lui aussi la mutation, en passant par les agissements du Pingouin Empereur qui se remplit les poches grâce son plan diabolique, on ne nous épargne presque aucun détail. Une trame à facettes multiples, et aux points de vue variés, et aussi un double petit récit mettant en scène Batman et son ami Superman, face à un feu-follet infernal qui semble même capable de mettre la pâtée au kryptionnien. C'est Alex Maleev qui s'illustre sur ces pages, alors ça vaut la peine d'y jeter un oeil, forcément. 

Le sommaire de Batman Saga prévoit aussi deux autres séries. Tout d'abord, Batman and Red Hood, en lieu et place de Batman and Robin. Forcément, puisque Damian n'est plus, et que Bruce cherche par tous les moyens à surmonter le deuil de son fiston, en passant par tous les stades classiques de ce genre de situation. Ce mois-ci, c'est la rage qui prédomine, et le pauvre Jason Todd en fait les frais. Batman n'hésite pas à la ramener en Afrique, là où le pauvre second Robin a trouvé la mort, autrefois, des mains du Joker, afin de vérifier si par hasard le traumatisme ne lui ferait pas venir à l'esprit de bons conseils sur "comment revenir à la vie". Vous avez dit cruel et insensible? Tomasi et Gleason poursuivent leur bonhomme de chemin avec un titre souvent chargé en pathos et en psychologie, suffisamment en tous les cas pour le rendre recommandable. Pour finir, place aux femmes, et à Batgirl. Barbara aussi se sent coupable, puisqu'il a bien fallu mettre un terme aux agissements de son frère psychopathe, quitte à le supprimer (encore que sans le corps, qui veut bien croire à sa disparition?) pour sauver le reste de la famille. La méchante du jour, c'est Shauna Belzer, et sa marionnette, mais la pire nouvelle, c'est la traque qui se prépare, aux ordres du commissaire Gordon. Batgirl n'est plus en odeur de sainteté, à Gotham. Le travail graphique de Sampere et Rodriguez est toujours aussi propre, et Gail Simone mène sa barque avec une parfaite connaissance de l'univers de l'héroïne. Bref, c'est plutôt sympathique. Comme souvent, avec la revue Batman Saga. 


THE SUPERIOR SPIDER-MAN : TOME 1 EN LIBRAIRIE

Avouez-le, vous aussi vous avez parfois été irrité par le coté boy-scout naïf et inapte à la vie sociale de Peter Parker. Le pauvre a passé des décennies à se trouver des excuses pour ne pas entrer dans la vie adulte, se réfugiant derrière la fragilité physique de sa tante (qui a fini par se remarier et lui montrer l'exemple de ce que signifie avancer dans l'existence), ou balançant son mariage avec Mary-Jane dans les orties à la première occasion, lorsque Mephisto est venu lui proposer un pacte inique (la fameuse et décriée saga One more Day). Parker est pusillanime, trop gentillet, trop coincé. Ses pouvoirs sont fabuleux, mais à part sortir de belles vannes en plein combat, ses méthodes sont trop douces et inefficaces. A chaque criminel capturé correspond dans la foulée une évasion de prison, ou l'apparition d'une nouvelle mouture encore plus dangereuse. Bref, le petit monde de Spider-Man a beau être passionnant et fonctionner de manière durable, il a aussi de quoi faire rire sous cape le lecteur souhaitant découvrir quelque chose d'un peu plus radical et moderne. Avec l'opération Marvel Now, la donne change, et comment. Le Docteur Octopus, un des ennemis de toujours du tisseur, parvient à transférer sa psyché dans le corps du jeune Parker, emprisonnant l'esprit de notre héros dans son enveloppe corporelle malade et mourante. Un échange standard qui aboutit à la création d'un Superior Spider-Man, c'est à dire un monte en l'air privé de scrupules, aux agissements bien plus violents et impitoyables. Une sorte d'Araignée cynique et sur de lui, qui n'en oublie pas pour autant de faire le bien, mais d'une autre façon. Ultra cool et décrié, le personnage en (re)devient diablement intéressant, et cette série, accueillie avec beaucoup de méfiance, se révèle sur la distance une vraie bonne surprise, à consommer sans modération.

Peter Parker n'est plus, donc, seule une partie de sa conscience continue de se manifester pour "aiguiller" Otto Octavius, qui s'est emparé de son corps. Ce n'est pas une mince affaire car Octopus n'est pas ce qu'on pourrait appeler un chic type, loin de là. Pire encore, le fait de le voir se rapprocher dangereusement de la belle Mary-Jane ne laisse rien augurer de bon à ce pauvre Peter l'ectoplasme. En attendant, il faut admettre que ce Spider-Man là est un peu plus radical que son prédécesseur, et s'en sort plutôt bien, en mettant tout le génie et toute la science qu'il possède au service de sa croisade. Une nouvelle mouture des Sinister Six va en faire les frais, sous les yeux des journalistes convoqués pour assister à l'événement. Les Six, c'est le bébé d'Octopus, son fan club attitré, et ces arrivistes là n'ont qu'à bien se tenir. Imaginez un peu : le vilain aux tentacules, dans le corps juvénile de Peter, avec les ressources scientifiques des labos Horizons à disposition. Vous pensez vraiment qu'ils ont une chance, ces criminels du dimanche? Coté dessins, c'est du tout bon, pour corser le tout. Stegman est vraiment devenu un artiste totalement adapté pour ce genre de rendez-vous, dynamique et lisible dans le même temps, tandis que Camuncoli apporte une touche plus claire et classieuse dans ses planches, plus posée. Ce premier volume est donc une excellente occasion pour se lancer dans l'univers 2.0 du tisseur de toile, qui débute dans ces pages un de ses chapitres les plus fous, qui plus est rondement mené par un Dan Slott inspiré. 


BATMAN : LE FILS PRODIGUE

Quand on parle de l'univers de Gotham City, l'adjectif "prodigal" convient parfaitement à Robin, le fils prodigue. Mais quel Robin, pour quel Batman? Cette saga prend son envol juste après la conclusion de Knightfall (c'est une sorte d'appendice), qu'Urban Comics a proposé récemment dans son intégralité, en plusieurs volumes. Bruce Wayne finit par récupérer son costume de chauve-souris, et triompher de son remplaçant, Jean Paul Valley, mais il n'est pas pour autant prêt de suite à reprendre du service. Il décide donc de laisser le premier Robin, à savoir Dick Grayson, devenu entre temps adulte sous le nom de code de Nightwing, assurer la suite de l'intérim. Dick accepte, et il a à ses cotés Tim Drake, un Robin avec qui l'entente semble naturelle et spontanée. S'il avait quelques doutes quand à ses capacités d'assumer la fonction, le nouveau Batman se rassure assez rapidement , en affrontant des criminels du calibre du Ratcatcher (et ses hordes de rongeurs), Killer Croc, le Ventriloque, et surtout Double-Face. Harvey Dent est un os dur à ronger, et il a été libéré par erreur du pénitencier, à cause d'un bug informatique. A peine dehors, l'ancien procureur lance une croisade visant à infecter le réseau informatique de Gotham, pour créer un incroyable chaos dans le système carcéral et judiciaire de la ville. Pour Dick Grayson, qui a de biens mauvais souvenirs de sa dernière confrontation avec Double-Face, il s'agit d'une mission stressante et périlleuse, qui en dira plus long sur ses capacités à endosser la cape du Batman, sans avoir à en rougir. 

Le fils prodigue est une saga en douze parties qui tente d'aborder le thème de la filiation (Tim Drake doit aussi composer avec les attentions de son père, qui veut récupérer le temps perdu, au détriment des activités super-héroïques secrètes du fiston) et de la succession, mais qui laisse en fait peu de place à un approfondissement psychologique pertinent et détaillé, et joue la carte de l'action pure et simple. Les séries Batman, Detective Comics, Shadow of the Bat, et Robin, sont concernées par ce crossover. Chuck Dixon est le scénariste en chef pour ce qui est de la trame globale, tandis qu'aux dessins, plusieurs artistes aux styles fort différents se relaient selon le titre choisi. Mes préférés sont Lee Weeks, dont le Batman a une classe rétro folle, et Phil Jimenez, qui offre à Robin des planches minutieuses et ultra bien léchées. Urban Comics joue comme d'habitude la carte du gros volume relié (424 pages) avec couverture rigide d'une indéniable beauté froide, qui fera belle figure sur vos étagères. Un petit pavé qui mérite presque, sur le fond et les qualités artistiques de l'ensemble, de prendre le dessus sur ce qui a précédé (Knighfall) et qui s'avère même indispensable si vous en pincez pour le personnage de Dick Grayson, un de ceux qui auront vraiment profité de l'irruption d'Urban sur le marché, pour toucher le public français. 


INFINITY : LE PREMIER NUMERO A DEUX EUROS

Infinity, c'est parti. Panini met les petits plats dans les grands pour vous convaincre de vous y mettre. Le premier numéro de ce nouveau grand crossover cosmique se décline en plusieurs couvertures, à un prix fort raisonnable : deux euros uniquement, dans votre kiosque de confiance. Du coup, inutile de résister, et autant tenter l'expérience. C'est Jonathan Hickman qui s'occupe du scénario, ce qui explique que l'essentiel de la trame reprend son travail récent sur les série des Avengers. Cela fait plusieurs mois qu'il tisse en filigrane ce qui va désormais se produire. Notamment l'irruption sur la scène d'une nouvelle race extra-terrestre, les Bâtisseurs, dont la puissance n'est plus à démontrer. Les voici traversant l'univers en laissant derrière eux un sillage profond fait de destruction et d'anéantissement, et leur trajectoire laisse à présager qu'ils seront bientôt sur Terre. Les Avengers scindent leurs forces en deux groupes pour faire face à la menace, bénéficiant notamment des renforts de choc initiés par Hickman, avec entre autres un nouveau Starbrand, Hyperion, ou encore une nouvelle mouture de Captain Universe. Mais ce n'est pas tout, loin de là! Thanos et son Ordre Noir également ont des visées sur notre planète, et tout laisse à penser qu'ils pourraient bien profiter de la confusion actuelle pour assouvir des rêves de domination jamais assouvis totalement. 

Le début de Infinity laisse à penser que nous allons vivre un grand moment de l'histoire cosmique Marvel. Cependant, il y a ici un tel foisonnement de personnages, de présences familières (les Avengers), nouvelles (les Bâtisseurs, l'Ordre Noir) ou de clin d'oeil old-school (les Chevaliers galadoriens, chers aux lecteurs de Rom, à l'âge d'or de Strange) que le lecteur novice risque de choper une bonne migraine avant d'avoir tout assimilé. Les dessins sont à la hauteur, flirtant même avec le sublime dans certaines scènes spatiales de haute volée. Les noms alignés ici sont des pointures, entre Jim Cheung, Opena, et Weaver. Attention cependant, acheter la simple revue provisoire Infinity ne suffira pas pour jouir totalement du grand événement de l'année. il est plus que recommandé de se procurer Avengers, le mensuel éponyme, pour avoir un aperçu complet des visées de Jonathan Hickman. Le reste, c'est à dire les tie-in, les séries impliquées momentanément, sera réparti dans les revues abritant les différents titres concernés. Infinity est une oeuvre complexe et aux ramifications profondes, mais aussi un récit minutieux face auquel il convient de se munir d'une certaine patience, voire même d'une bonne encyclopédie Marvel mise à jour pour ne pas se perdre en route.


CHASM : LE FARDEAU DE KAINE (UN FARDEAU POUR LES LECTEURS)

 En mars 2024, Marvel a publié un gros fascicule intitulé Web of Spider-Man , censé donner un aperçu de quelques unes des trames sur le poin...