JONNA : MONSTRES ET MERVEILLES DE CHRIS ET LAURA SAMNEE (CHEZ 404 COMICS)


Il n'aura pas fallu beaucoup de titres pour que le nouvel éditeur 404 comics trouve sa place sur le marché français. Il faut dire que la qualité permet très souvent de pallier la quantité, et nous avons pour l'instant un parcours éditorial sans faute, qui continue avec ce qui est probablement la pièce maîtresse du catalogue, à savoir Jonna de Chris et Laura Samnee. L'histoire qui nous est présentée met en scène deux jeunes filles : Rainbow, qui est à la recherche de sa petite sœur Jonna, donc, qui a disparu le jour où pour la première fois sont apparus des monstres particulièrement repoussants est dangereux, et qui sont la cause d'une sorte d'extinction programmée de l'humanité. La recherche de Rainbow va durer très longtemps, elle va interroger tout ceux qui pourraient lui apporter des informations (mais en vain), se lancer dans cette quête existentielle et familiale, avec un espoir indéfectible. Et c'est une bonne idée car oui, malgré l'évidence, elle va finir par retrouver Jonna, qui vit désormais comme une sorte de sauvageonne et ne semble plus trop reconnaître celle avec qui elle avait partagé autrefois l'existence. La gamine est en plus particulièrement entreprenante, dotée d'une agilité hors du commun et possède une force une puissance capable d'abattre les monstres qui se dressent sur sa route. On devine qu'elle n'est pas juste ce qu'elle semble être, mais pour l'instant, il ne nous est pas donné de tout savoir à son sujet; force est de constater qu'il règne autant de mystère que de charisme autour de cette petite silhouette acrobate et teigneuse. 




Tout de suite on nous présente un duo qui joue sur les extrêmes. D'un côté la sœur aînée utilise la raison, la réflexion, tandis que la cadette est tout entière dans le corporel, l'instinct, réagit au quart de tour. Elle semble bien difficile à maîtriser; on ne met pas en cage ce genre de petit fauve sympathique. La grande force de cet album, dès qu'on commence à tourner les pages, c'est qu'il s'en dégage quelque chose de si attachant que les épisodes défilent et nous emportent sans la moindre difficulté, alors que subrepticement le discours se teinte tout de même de zones d'ombres qui se font plus sinistres, épisode après épisode. Certains reprochent à Jonna de ne pas présenter assez de matière "à lire" (du texte, donc) et de ne pas raconter grand chose, mais le vrai point fort, c'est l'art des Samnee, comment illustrer et faire vivre une histoire avec un story-telling remarquable, et un trait épuré et faussement naïf, qui apparaît d'entrée comme une évidence. Les couleurs de Matt Wilson sont au diapason, et contribuent à instaurer une ambiance fiabesque, merveilleuse, et sont particulièrement bien retranscrites par le choix de la qualité du papier, dont la texture évite toute bavure ou reflet inélégant. Oui, ça se lit vite, mais c'est aussi une force, cette fluidité, cette classe, qui concerne tout le monde, du plus jeune lecteur (le projet est né comme un cadeau des artistes à leurs enfants) aux lecteurs plus chevronnés, qui trouveront ici une grande bouffée d'oxygène et du Samnee revigorant. Le tout dans un chouette ouvrage, 404 ayant déjà acquis l'habitude de hisser la qualité du récipient à hauteur de la bonté de ce qu'il contient (ici on trouve également une belle jaquette pour l'édition limitée, un plaisir à déplier et admirer). De quoi envisager sereinement et heureusement les mois à venir. 



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ALICE GUY


 Dans le 112e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Alice Guy, album que l’on doit à José-Louis Bocquet pour le scénario et Catel Muller pour le dessin, édité chez Casterman. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album Degas, la danse de la solitude que l’on doit au scénario de Salva Rubio, au dessin d’Efa et c’est édité chez Le Lombard

– La sortie de l’album Autopsie d’un imposteur que l’on doit au scénario de Vincent Zabus, au dessin de Thomas Campi et c’est édité chez Delcourt

– La sortie de l’album Sousbrouillard que l’on doit au scénario d’Anne-Caroline Pandolfo, au dessin de Terkel Rijsberg et c’est édité chez Dargaud

– La sortie de l’album Leconte fait son cinéma que l’on doit au scénario de Joub, au dessin de Nicoby et c’est édité chez Dupuis

– La sortie de l’album Générations Poing levé, 10 histoires de sportifs.ves militants.es que l’on doit au scénario de Karim Nedjari, au dessin de Chloé Célérien et c’est édité chez Marabulles

– La réédition en un volume de Ma vie posthume, album que l’on doit au scénario d’Hubert, au dessin de Zanzim et c’est édité chez Glénat





WOLVERINE BLACK, WHITE & BLOOD : SPECTACLE EN GRAND FORMAT

 


Tout d'abord l'objet en soi. Le format. Panini Comics a mis les petits plats dans les grands, en proposant un album qui dépasse de loin ce qui est habituellement proposé en librairie; du coup le travail des artistes présents à l'intérieur de l'ouvrage est valorisé; ils voient leurs histoires magnifiées par des dimensions plus que respectables. Mais de quoi s'agit-il vraiment? Vous aurez peut-être remarqué que ces derniers temps une nouvelle marotte a saisi les différents éditeurs, à savoir présenter des anthologies, des sélections de récits plus brefs qu'à l'accoutumée (une dizaine de pages la plupart du temps) reliés entre eux par un fil conducteur artistique, l'emploi de certaines couleurs par exemple, plutôt que d'autres. Ici il s'agit de Wolverine, qui a pour spécialité la découpe au kilomètre, la grande subtilité et des griffes acérées. Du coup Black, white and blood, ça veut dire que le travail des dessinateurs consistera à illustrer le tout dans un splendide noir et blanc riche en contraste, mais aussi avec du rouge, comme l'hémoglobine qui coule à flot. Ce qui est intéressant avec cet album, c'est que les dessinateurs qui participent sont la plupart du temps des personnes qui connaissent bien le mutant griffu, et certains d'entre eux sont carrément capables de livrer des prestations dantesques, comme c'est le cas dès l'ouverture des hostilités avec un Adam Kubert qui orchestre le duel entre Wolverine et le Wendigo. C'est super sauvage, ça explose, et on a même droit à une double splash page qui va vous faire décoller les mirettes. En plus ça se passe à l'époque où le personnage est encore le prisonnier des expériences tragiques de l'arme X, avec tout cet attirail technologique sur le dos. Parmi les autres dessinateurs de grand talent, Salvador Larroca aussi réalise quelque chose de très intéressant pour les yeux. On a rendez-vous à Madripoor, avec en guest star Kitty Pryde, qui démontre qu'elle aussi sait être impitoyable en cas de besoin. Et c'est ce bon vieux Chris Claremont qui écrit ces pages, ce qui ne se refuse jamais. 



Rosenberg et Cassara évoquent eux les liens qui unissent Wolverine et Nick Fury, le Shield. Ce qui est logique, car nous sommes là en face de personnages qui vieillissent très lentement, et se fréquentent depuis des décennies, y compris dans des contextes belliqueux d'un autre âge; un autre petit récit fort soigné, avec une conclusion franchement très hardie, même pour Wolverine (entendons-nous bien sur les limites de son facteur autoguérisseur, qui ne peut tout de même pas réparer l'irréparable). Sur ce sujet, le Wolverine de Brisson et Kirk, face à des requins et la menace d'une noyade, a compris les particularités de cette faculté mutante, et les artistes exposent une perspective peu réjouissante, mais qui a du sens, et donne quelques sueurs froides, à bien y penser. On trouve aussi du Chris Bachalo dans cette ouvrage, mais pour une fois, bien que nous sommes de fervents admirateurs du style du bonhomme, on reste assez perplexes devant le côté brouillon ou pas très lisibles de ses planches, qui sont loin d'être les plus belles de sa carrière. Juste avant, Ridley et Fornes mettent en scène Wolverine, Mariko, et leur fille, et force est de le constater, l'absence de vraie fibre parentale chez Logan est patente, et la source d'une tragédie familiale poignante, très bien illustrée par l'artiste espagnol, qui se bonifie de mois en mois (attendez de lire son Rorschach, vous comprendrez, après Batman). Plaisir des yeux avant tout, donc, mais aussi ouvrage qui fait référence à une longue et riche existence éditoriale, ce petit géant sorti chez Panini est clairement réservé à celles et ceux qui aiment sincèrement le canadien teigneux, et qui le suivent depuis pas mal de temps. C'est soigné, classieux, plein d'action et d'émotion. Il est donc éternel, ce Wolverine? 



LES COMICS DANS LES 80'S - EIGHTIES FOREVER


 La décennie des années 80 a mis du temps à se remettre des accusations infondées de ringardise qui ont longtemps plané sur elle, avant que le temps et la nostalgie ne fassent leur effet. D'ailleurs, ce sont les années 90 aujourd'hui, qui ont bénéficié du même phénomène, pour autant les mythiques eighties sont plus glorifiées que décriées, dans les milieux geek, bédéphile et cinéphile, par exemple. Il faut dire qu'au rayon comics, nous avons été particulièrement gâté. L'évolution du média a connu un tournant majeur, aussi bien dans la manière d'écrire les histoires, de les dessiner, de les produire. Les thèmes et la place centrale du super-héros ont été totalement reformulés, notamment en fin de décennie, avec un vent frais venu d'Angleterre, qui a soufflé très fort de l'autre côté de l'Atlantique (Moore, Gaiman...). Jim Shooter, rédacteur en chef de la Maison des Idées, qui s'était fixé pour objectif de rajeunir l'univers Marvel, est parvenu, à sa façon, à le guérir d'une phase inquiétante de crise créative. Il n'a rien bouleversé, en réalité. En effet, Shooter a surtout essayé de conserver au maximum les caractéristiques basiques des personnages, mais en même temps il a poussé les auteurs à imaginer des rebondissements incroyables, des changements et des évolutions impensables. De nombreux héros, par exemple, ont changé d'apparence ou ont été remplacés par des avatars moins expérimentés, dans les différentes séries, et des tas d'histoires surprenantes ont été publiées, qui ont poussé les fans à se déchirer. Iron Man, par exemple, connaît la terrible déchéance de l'alcool, et il est remplacé par son ami de toujours (à l'époque pratiquement un "larbin" qui allait enfin pouvoir s'affranchir grâce à l'armure) Jim Rhodes, alors que partout le mythe du golden boy, de l'argent roi, des années Reagan, soulignent combien la success story est la seule valeur importante aux yeux de la société, sans jamais se retourner sur ceux qui n'y accèderont pas et vivront dans la misère (comme Stark qui passe des semaines dans la rue, abrité dans un carton). Les héros se radicalisent un peu plus, pour affronter un monde où la force et la violence imprègnent bien des idéaux. Tornade opte pour un nouveau look punkette et brise les codes, alors que les histoires des mutants deviennent progressivement de plus en plus sombres. Comment laisser de côté la nouvelle équipe de Facteur X, c'est à dire des premiers X-Men qui reviennent sur le devant de la scène en se faisant passer pour des chasseurs de mutants (on les croie, à tort, décédés). L'affrontement face à Apocalypse est un des grands moments des années 80, et le point d'orgue est cette horrible mutilation que subit Angel, qui hérite d'une paire d'ailes tranchantes comme des rasoirs high-tech et devient Archangel, chevalier d'Apocalypse. Le grand événement des Secret Wars est certes décidé et planifié sur la base de la réussite d'une ligne d'action figures, mais il est le détonateur pour d'autres modifications d'envergure, comme le départ de Benjamin Grimm des Fantastiques, remplacé par Miss Hulk. Cette défection provisoire est d'autant plus capitale, qu'à son retour il découvrira Alicia Masters, sa petite amie historique, dans les bras (et le lit...) de son compagnon d'arme Johnny Storm. Qui parle de Secret Wars parle bien entendu du costume noir de Spider-Man. Nous vous invitions à lire l'interview de Ron Frenz, dans ce numéro, pour tous les détails. Mais cet avatar crépusculaire sera le point de départ d'idées audacieuses, avec en ligne de mire Venom, un Spidey négatif et sans scrupule, ou presque. Thor aussi traverse une mauvaise passe. On le retrouve barbu, affaibli, obligé de se protéger derrière une armure qui détonne si on la compare à la toute puissance supposé du plus célèbres des dieux nordiques. Walter Simonson laissera une trace indélébile sur le personnage, et chez Marvel, tout court. Pire encore, pour bien comprendre où en est la nation américaine, Steve Rogers est contraint par le gouvernement américain d'abandonner le rôle de la Sentinelle de la Liberté, Captain America. Sa place sera prise par le fougueux et violent John Walker. Si vous avez regardé la récente série Disney + consacrée au Faucon et au Winter Soldier, vous avez compris combien cette décision est encore aujourd'hui une source d'inspiration évidente. Le 24° annual de The Amazing Spider-Man présente un autre changement, non pas dans l'apparence du personnage, mais dans sa vie privée. Peter Parker épouse la magnifique Mary Jane dans une histoire touchante écrite par David Michelinie et Jim Shooter, et dessinée par feu Paul Ryan, ici dans l'une de ses premières réalisations chez Marvel. Un "oui" et un contrat qui changent la donne, faisant définitivement entrer l'icone de Stan Lee dans la période adulte. Finie la fac, adieu les déboires sentimentaux, Spider-Man, sous son costume, doit désormais gérer une vie de famille, et pourquoi pas, envisager bientôt une paternité. Des héros qui changent, qui grandissent, qui deviennent des hommes, des femmes, souvent dans l'épreuve, dans la douleur.



Chez DC Comics les années 80 sont marquées par une certaine forme de révisionnisme et de déconstruction du mythe du super-héros. Ce n'est pas si simple car le personnage principal Superman est si incontournable et si puissant qu'il est très difficile de lui opposer des adversaires à la hauteur. on peut considérer que cela démarre en 1982 avec Alan Moore, qui utilise un personnage historique du nom de Marvelman, né en 1953, pour entamer une nouvelle ère dans la manière de raconter les histoires. Marvel Comics s'oppose pour des questions de copyright et le personnage devient Miracleman. Petit à petit les thèmes abordés sont plus existentialistes et sociaux, l'impression d'une bande dessinée plus adulte et moins naïve émerge.  Alan Moore et Stephen Bissette s'occupent également de Swamp Thing, un comic book d'horreur qui place l'humanité devant ses défauts, qui anticipe la chute des dieux et propose des éléments écologiques intéressants. Bien entendu au milieu de la décennie la très grande saga Crisis on Infinite Earths, mini-série en 12 parties, redessine complètement l'univers narratif de la distinguée concurrence, mais nous y revenons un peu plus loin dans ce numéro. Les super-héros doivent aussi accepter leur part de faiblesse, ils peuvent se tromper et leurs actes engendrer des tragédies d'importance majeure; c'est le cas de Green Lantern par exemple, qui ne peut intervenir efficacement pour éviter la destruction de Coast City. Tout ceci le portera à se laisser dévorer par la peur et devenir l'hôte idéal pour l'entité appelée Parallax. La mort rôde de plus en plus dans les comics et même les héros peuvent participer à des massacre jusque-là improbables. La déconstruction des super-héros dont nous avons déjà parlé atteint son point culminant avec le Watchmen d'Alan Moore, qui reste encore aujourd'hui un des chefs-d'œuvre intemporels du genre. Là encore il est inutile de s'étendre sur le sujet, il existe même des ouvrages tout entiers qui lui sont consacrés, et tôt ou tard nous y reviendrons nous aussi en profondeur. Des super-héros usés jusqu'à la corde, désormais conscients de leurs limites, luttant dans un monde où toutes les nuances de gris rendent impossible une interprétation cohérente des enjeux, où le mensonge permanent semble prendre le pas sur la vérité. C'est dans un contexte aussi sinistre que Frank Miller propose son Dark Knight Returns, une version inédite de Batman, qui là aussi marque les esprits à jamais. Tout ce qui se déroule dans les années 80 vise à crédibiliser le comic book comme média. Plus seulement une lecture enfantine ou récréative, mais peu à peu quelque chose de beaucoup plus profond, avec des thèmes beaucoup plus dérangeants;  des histoires qui laissent une trace dans l'âme de celui qui les dévore, et qui interrogent véritablement notre place dans la société, dans le monde; Une mutation qui va connaître dans la décennie suivante son paroxysme, à la limite même de l'overdose, au point d'atteindre presque parfois le grand n'importe quoi dans la manière de mettre à mal les icônes. Mais c'est bien dans les années 80 que ces dernières ont connu leurs premiers véritables revers réguliers, c'est bien dans cette décennie que les masques sont tombés et que le merveilleux, qui était jusque-là le plus souvent encore de mise, devient définitivement un lointain souvenir, dévoré par un présent de plus en plus anxiogène. Une décennie marqué par des talents comme ceux de Gaiman (Sandman débute en 1988), Moore, Miller, Byrne, Simonson, Claremont, Shooter, et tant d'autres encore; les eighties, forever.



TOUT SUR DUNE : L'OUVRAGE ULTIME POUR L'UNIVERS DE DUNE


 S'il y a déjà une chose sur laquelle on ne peut décidément pas opposer d'opinion contraire, c'est la réussite du plan "communication" autour du film de Denis Villeneuve. La sortie de Dune est un événement planétaire, que cela vous intéresse ou pas. De notre côté nous sommes de grands fans de science-fiction et bien entendu, la longue saga de Frank Herbert ne peut que retenir notre attention. N'hésitons pas à qualifier son œuvre de pilier fondamental du genre, de la littérature d'anticipation, et c'est un plaisir immense de savoir qu'une adaptation enfin digne de ce nom est arrivée sur grand écran. Reste maintenant à se poser le problème de comment en jouir au maximum. Si vous avez envie d'approfondir vos connaissances sur l'univers de Dune, si vous avez envie tout simplement de le découvrir et de ne pas vous contenter des couches superficielles ou du service minimum, il existe un ouvrage indispensable. L'adjectif n'est pas galvaudé dans le cas de Tout sur Dune, car après l'avoir vu, on constate qu'il y a véritablement tout à l'intérieur! Que ce soit la genèse du roman et des films, la vie de son auteur Frank Herbert,  ses descendants (qui prolongent son travail, par ailleurs), tous ceux qui ont collaboré un jour à la légende à travers les dessins de couverture, des éditions originales ou la traduction en langue française. Ou encore une analyse fouillée des différents personnages, entre la maison royale des Harkonnen et bien entendu l'incontournable Paul Atreides, sans négliger les Femen et leurs "distilles" étudiés jusque dans l'étymologie... ce pavé de plus de 300 pages va vous régaler par des analyses pertinentes et des dossiers minutieux; il est remarquablement bien écrit, c'est un patchwork qui n'en finit pas, un puits sans fond dans lequel vous allez pouvoir puiser tout ce que vous aurait souhaité découvrir et même ce que vous n'auriez jamais osé espérer lire. On y apprend un tas de choses et pour tout dire, les connaissances qui y sont exposées vont bien au-delà de l'univers de Dune et elles englobent une certaine idée de la science-fiction, de notre société, de notre histoire, comme ces excellents articles qui vont au-delà de l'impact du film pour en analyser les répercussions sociologiques.



On a plaisir à souligner également que notre collaborateur Anthony Huard, le psy des comics, qui participe chaque mois au Mag', signe également un papier fort pertinent sur la psychologie, la manière de lire Dune à travers la psychanalyse et l'épreuve de la peur. C'est toute l'intégrale du cycle qui est déchiffrée dans Tout sur Dune. Chacun de ses personnages, chacun des termes ou des images qui ont fait la gloire des romans. L'ancienne version qu'était le Mook est devenue, avec l'ajout d'une cinquantaine de pages, des interviews inédites, un ouvrage de poids qui se distingue de la concurrence par son érudition, sa polyvalence, sa capacité à intéresser n'importe quel lecteur exigeant, qu'ils soit ou non un fan hardcore de Dune. C'est publié aux éditions l'Atalante et Leha, chapeauté et orchestré par le talent versatile de Lloyd Chéry, et c'est vraiment le projet définitif qui accompagne cette nouvelle mouture cinématographique avec brio. Tout sur Dune, c'est le genre de produit éditorial qu'on rêverait de retrouver pour chaque grande sortie marquante au cinéma, et on le referme avec un respect infini pour celles et ceux qui ont contribué à quelque chose de rare, et de précieux. 



BATMAN THE WORLD : LE TOUR DU MONDE SELON BATMAN


 Bienvenue dans ce qui va être l'album le plus cosmopolite de l'histoire de Batman. Il faut dire que le projet Batman The World est particulier : il s'agit de proposer au lecteur toute une série de petites histoires mettant en scène la chauve-souris à travers le monde, à chaque fois dans un pays différent, et de confier l'ensemble à des artistes provenant des pays respectifs en question. Evidemment, dans cet ouvrage publié par Urban Comics, c'est aux États-Unis que nous commençons notre périple en terre inconnue, puisque Brian Azzarello et Lee Bermejo sont des habitués de la franchise et sont parfaits en éclaireurs avisés; l'occasion d'avoir une fois de plus des planches ultra réalistes et léchées, des sortes de composition photoréalistes au contraste exagéré, baignant dans une atmosphère au néon. C'est plus joli qu'intéressant à lire d'ailleurs. Juste après nous faisons un saut du côté de Paris, avec l'aventure française scénarisée par Mathieu Gabella, tandis que Thierry Martin s'occupe du dessin. Batman et Catwoman ont rendez-vous au musée du Louvre, le premier cité pour arrêter la seconde, qui comme d'habitude a décidé de commettre un petit larcin. Il faut l'intervention de Wonder Woman pour que les choses tournent bien, mais peut-être était-ce en fait dans les intentions de la cambrioleuse que de voir débarquer l'Amazone... vous comprendrez pourquoi en lisant ces pages qui se terminent par un petit stratagème malin, permettant de revenir sur les sentiments qui unissent les personnages. Le tour du monde continue ensuite avec l'Espagne et l' artiste Paco Rocca, et on constate que Bruce Wayne est capable de vraiment s'ennuyer à chaque fois qu'il remise son costume au placard et promet à Alfred de prendre des vacances. Décidément ça n'est pas pour lui, le concept de farniente! On file vers l'Italie avec Alessandro Bilotta et Nicola Mari, qui placent Batman face à Ianus, un ennemi qui tire son nom du dieu romain Janus doté de deux visages, un regardant vers le passé, l'autre est tournée vers l'avenir; là encore l'ennemi n'est pas celui qu'on pense et l'histoire est un peu ésotérique et alambiquée, pas forcément super accessible de prime abord. En tous les cas les lectures sont agréables et en effet les styles fort variés, ce qui renforce le côté attachant de l'anthologie. 


Mais pour qu'un tel projet ne soit pas juste un effet de manche mais quelque chose de pertinent, il faut bien entendu que le tour du monde couvre les quatre coins du globe (expression étrange puisqu'on parle d'un globe...). C'est alors que vers la fin de l'album nous partons en Asie pour suivre des aventures écrites et dessinées par des artistes coréens, chinois et japonais. Là le style est vraiment différent et nous avons même droit à ce que serait Batman à la sauce manga (avec Yuichi Okayada) vu à travers les yeux d'un journaliste à qui on empêche d'écrire au sujet du bien que Batman ferait à la communauté. L'épisode de Batman en Chine est assez particulier car il met aussi en scène une adolescente qui bosse dans un restaurant et qui est fortement inspirée par le héros, au point à un moment d'endosser une sorte de costume de Robin. On se rend compte au fil des pages que la plupart de ces micros récits sont anecdotiques, font sourire ou bien -et c'est dommage- se contentent de calquer ce que nous connaissons déjà, à savoir un Bruce Wayne qui mène l'enquête, un ennemi à débusquer et quelques mandales bien senties. Mais c'est comme très souvent dans une anthologie de la sorte la pluralité des dessins et la choralité des propositions qui finissent par susciter l'adhésion. En effet, on se rend compte tout de même qu'on a ici un panel assez étonnant et inédit sous les yeux, et il y en a pour tous les goûts. Ma petite préférence personnelle dans cet album va à l'aventure que Batman va vivre en Russie. C'est une espèce de mise en abyme de la création littéraire et en bande dessinée, avec la vie d'un homme, depuis ses toutes jeunes années jusqu'à l'âge adulte, alors qu'il devient dessinateur. Depuis tout petit il fait une fixation sur Batman, suite à un crayon qu'on lui a offert et qui portait une gomme en forme du personnage à son extrémité. A partir de là toute son existence tournera plus ou moins autour du héros de Gotham, qu'il finira par rencontrer. La manière  dont ce parcours est présenté est superbe, les planches (de Natalia Zaidova) très détaillées et fouilles rendent l'ensemble des plus agréables. Au final, ce Batman The World est un événement qui n'a pas d'impact direct sur la légende du Dark Knight, mes forme en réalité un joli patchwork "clin d'œil" pour tous les fans qui auront ainsi la confirmation définitive du caractère cosmopolite et universel de leur justicier favori, dont le nom fait trembler tous les criminels de la planète. Enfin presque... puisque l'Afrique semble ne pas exister. 



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MES MAUVAISES FILLES


 Dans le 111e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Mes mauvaises filles, album que l’on doit à Zelba, édité chez Futuropolis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album Amore que l’on doit au scénario de Zidrou, au dessin de David Merveille et c’est édité chez Delcourt

– La sortie de l’album Lettres perdues, album que l’on doit à Jim Bishop et aux éditions Glénat

– La sortie de l’album Antonio que l’on doit à Michèle Standjofski et aux éditions Des ronds dans l’O

– La sortie de l’album Bons baisers de Limón que l’on doit à Edo Brenes et aux éditions Casterman

– La sortie de l’album L’échelle de Richter que l’on doit au scénario de Raphaël Frydman, au dessin de Luc Desportes et c’est édité chez Gallimard

– La sortie de l’album Le sens de la vie et ses frères que l’on doit à Éric Veillé et aux éditions Cornélius






SPAWN THE UNDEAD INTÉGRALE CHEZ DELCOURT COMICS


Peut-on parler de monstre au sujet de Spawn? Depuis sa création, le personnage baigne dans des ambiances horrifiques et il faut bien l'admettre, son apparence physique n'est pas des plus ragoûtantes. Quand vous le croisez dans une ruelle la nuit, vous avez plus envie de vous mettre à hurler que de vous arrêter pour prendre un selfie avec lui. Créature tragique par excellence, prise dans le feu d'une guerre éternelle entre les anges et les démons, revenue sur terre après un pacte qui a mal tourné et dont il est finalement la victime, Spawn possède en soi suffisamment de tristesse et de pathos pour s'attirer la sympathie, la compréhension. Tout en conservant une apparence proche du morceau de viande grillée et faisandée certes, mais bien présentée derrière une cape  et des chaînes du plus bel effet, si vous aimez le gothique.  Le mois d'août 2021, en pleines vacances estivales, Delcourt a eu la très bonne idée de proposer l'intégrale de la série Spawn the undead en 9 numéros. Je parle de bonne idée car nous quittons les histoires classiques de la série régulière pour nous pencher sur des récits indépendants, qui explorent avant tout le drame humain, ce qui peut se passer dans la tête et dans la vie des gens, des "ratés", et la manière dont Spawn peut influencer certaines décisions, certaines trajectoires. Parfois en se montrant intransigeant, d'autrefois juste par sa présence et de la compassion. C'est ainsi que lorsqu'un homme monte sur un pont pour tenter de se suicider et qu'il est séduit par un ange, qui lui fait miroiter des possibilités de rachat venu du ciel, notre rejeton des enfers se charge de le "purifier" et de l'aider à prendre une décision en toute connaissance de cause, sans influence extérieure... même si cela signifie au final un grand plongeon dans le vide et donc la mort! Spawn c'est aussi celui qui vous guette, vous surveille et n'attend que le bon moment pour vous emportez avec lui, si vous avez eu le malheur un jour de vouloir passer un pacte avec un démon mineur, que vous avez tenté de rouler dans la farine. Il est là, il vous suit, vous ne le voyez pas mais lui ne perd pas une miette de ce que vous faites. La créature de Todd McFarlane est plus inquiétante que jamais lorsqu'elle n'a pas besoin de faire un étalage spectaculaire de ses pouvoirs pour imposer sa présence et sa destinée, et c'est Paul Jenkins qui raconte ces 9 petites histoires qui en valent vraiment la peine! 




Mais la meilleure histoire de cet album publié chez Delcourt est indiscutablement celle qui met en scène un homme paraplégique, victime d'un très grave accident de la route durant lequel sa compagne a trouvé la mort. Nous avons une vision extrêmement pessimiste de l'amour et du besoin de compagnie, avec un discours un peu pathétique mais surtout par moment très juste et cruel. Désormais réduit à l'état de légume et contraint de rêver une existence qui ne reviendra plus, la victime est-elle vraiment toujours amoureuse de celle qui n'est plus là où est-ce uniquement le besoin, l'horreur de se sentir aussi désemparé et solitaire dans cette incarnation, incapable de se mouvoir, qui dicte ses pensées? Chaque jour l'homme regarde le soleil se lever avec un chat sur les genoux, qui contient en fait l'âme de celle qu'il a perdu, ou pour être exact de celle qu'il a tué. Ici celui qui permet le passage d'un état à un autre, celui qui permet de trouver le repos ou qui accompagne les âmes vers de nouveaux territoires où elles pourront véritablement accomplir leur destin, c'est donc Spawn. C'est aussi le cas dans un récit ou une femme totalement agoraphobe et ne parvenant plus à sortir de chez elle, et à vivre correctement son couple, réussit à retrouver un semblant de normalité le jour où elle est en mesure de pardonner à celle qui l'a élevée et l'a maltraitée durant son enfance. La bassesse humaine, ce qui nous empêche de vivre et de réaliser pleinement notre potentiel, la peur donc, c'est aussi ce qui anime ces petits récits qui tous ensemble nous présentent un personnage fort différent de celui de la série régulière, très loin des effets de manche et des combats propres aux super-héros ou en tous les cas aux comics mainstream. La réflexion avec Paul Jenkins est la plupart du temps très aboutie et juste, et les dessins de Dwayne Turner sont de leur côté cliniquement saisissants. Ils contribuent à une ambiance par endroit cauchemardesque, d'autant plus que la mise en couleur est extrêmement efficace. On pourra juste lui reprocher que certaines fois le même personnage présente un visage un peu trop différent d'une case à l'autre, comme s'il avait du mal à maintenir une caractérisation uniforme sur une vingtaine de pages. Spawn the undead, l'intégrale, est à mon sens une sortie indispensable pour tous ceux qui veulent vraiment connaître le potentiel de la créature de Todd McFarlane, qui est ici particulièrement et habilement mise en valeur.





COPRA VOLUME 1 : MICHEL FIFFE OÙ LA LIBERTÉ DE CRÉER



C'est vraiment un casse-tête pour le critique de s'atteler à un article au sujet d'une création de Michel Fiffe. C'est ainsi que chez Delirium débarque en ce mois de septembre Copra. Nous qui aimons bien toujours coller une étiquette aux choses pour les ranger, les classer plus facilement, nous sommes là devant un problème insoluble, et aurais-je envie de dire, un problème bienheureux. En apparence nous tenons entre les mains quelque chose qui ressemble à un fanzine élaboré, avec des dessins ébauchés mais pas toujours dégrossis. En réalité quand l'œil s'attarde et qu'il cherche à en voir plus, on tombe sur des prouesse techniques assez incroyables. D'abord parce que Michel Fiffe est avant tout un créateur, quelqu'un de réellement inventif. Copra est un hommage évident, fruit de son amour inconsidéré des comics et des super-héros, mais l'artiste n'est pas pour autant une simple éponge, qui absorbe ce qu'il a vu et ce qu'il a lu. Il le transforme à sa façon. Dans la même vignette on peut passer des plus petits détails minutieux, à une simple ébauche des formes, qui se révèle grâce à la couleur principalement. Il suffit de voir la façon dont parlent les personnages, la façon dont ils se meuvent et dont ils usent de leurs pouvoirs, tout est une recherche continuelle de nouveauté, sans pour autant que nous ayons l'impression qu'il s'agisse d'artifices savamment préparés. La sensation est d'une grande spontanéité, de l'inventivité en roue libre, propres à un auteur complet déroutant. Son Copra, plus prosaïquement, c'est avant tout une équipe de super types qui ressemble un peu à la Suicide Squad, mais aussi à la Doom Patrol. On les charge de missions peu reluisantes et vraisemblablement mortelles, que personne d'autre n'accepterait, et les "pauvres" ne bronchent pas. L'histoire est extrêmement complexe dans les faits, et nécessite une lecture attentive; il y a un peu de Grant Morrison dans la manière de présenter les choses chez Fiffe. 




L'histoire s'ouvre d'emblée sur une intervention délicate où œuvre la fine équipe. Il y est question de récupérer un artefact alien qui s'est planté dans la tête d'une malheureuse victime, dont tout le monde aimerait bien s'emparer. La mission tourne au fiasco, un village entier est rasé au sol et plus de 30 000 morts viennent ponctuer la tragédie. L'équipe Copra est naturellement recherchée et sera désormais en cavale. Quelques pages suffisent pour que l'évidence explose; nous sommes en présence là encore d'un Ovni, dont Delirium s'est un peu fait la spécialité. Fiffe se réfère ici aux années 80, à une époque plus naïve où les artistes avaient le devoir de livrer chaque mois une grosse vingtaine de pages, assorties de cliffhangers à effet, de morts choquantes, d'action spectaculaire, et c'est ce qu'il fait à son petit niveau, sans jamais douter ou chercher l'adoubement d'une quelconque critique. Au départ présenté sous forme de parution autoproduite dès 2012 (400 copies par numéro, pas de quoi enflammer le marché), Copra a connu un succès d'estime inattendu, est devenu un objet culte, avant de séduire jusqu'à Image Comics. Il en faut de l'inconscience, pour tout gérer, tout absorber, sur la chaine de fabrication d'un comic book mensuel. Fiffe relève le défi, un peu artisan comme vous et moi, un peu Simonson, un peu Kirby ou Ditko, surtout. Il digère et met en scène ses propres versions de la Suicide Squad, comme déjà dit, du Docteur Strange, du Punisher, semble en transe, comme en phase d'écriture automatique, mais une transe passionnelle, de celle qui font oser tutoyer les cimes du délire, sans se soucier du qu'en dira t-on. Copra, c'est en fait impossible à raconter, je vous l'ai déjà dit. Il n'y a qu'une chose à faire, ouvrir l'album (très bel objet, remarquable édition française soulignons-le) et accepter ce qui sera une expérience, une vision "d'autre chose" et inédite. Ce n'est pas si courant, c'est même salutaire! 




                                   

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : TANANARIVE


 Dans le 110e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Tananarive, album que l’on doit au scénario de Mark Eacersall et au dessin de Sylvain Vallée, édité chez Glénat. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie tu troisième tome de la série Le dernier Atlas, que l’on doit au scénario de Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval, au dessin d’Hervé Tanquerelle, de Fred Blanchard pour le design et de Laurence Croix pour les couleurs et c’est édité chez Dupuis

– La sortie de l’album Taxi ! Récits de la banquette arrière, titre que l’on doit à Aimée De Jongh et aux éditions La boite à bulles

– La sortie de l’album Chen, les enfants perdus que l’on doit au scénario d’Aurélien Ducoudray, au dessin d’Antoine Dodé, mis en couleurs par Miran Kim et c’est édité chez Glénat

– La sortie de l’album La désolation que l’on doit au scénario d’Appolo, au dessin de Christophe Gaultier et c’est édité chez Dargaud

– La sortie du second tome de Supergroom intitulé La guerre olympique, série que l’on doit au scénario de Fabien Vehlman, au dessin de Yoann et c’est édité chez Dupuis

– La sortie de l’album La petite voleuse de la Tour Eiffel que l’on doit au scénario conjoint de Jack Manini et Hervé Richez, au dessin de David Ratte et c’est édité chez Grand angle





UNIVERSCOMICS LE MAG' #15 SEPTEMBRE 2021 : BACK TO THE 80's

 


🔥🔥🔥 UniversComics Le Mag' #15 de septembre 2021
80 pages. Gratuit.
Téléchargez votre PDF :
Lire en ligne :
Back to the eighties. Les années 80.
Sommaire:
⏰Les années 80, la belle décennie
📚 Quelques idées de lecture 80s (Crisis OIE, Kraven last hunt, Starbrand, Justice League Int.)
❓ What If...? : Anthony Huard revient sur quelques numéros de légende.
⚠️ Les Guerres Secrètes, cap sur 1984 avec Alexandre Chierchia
🦸‍♂️Interview : #RonFrenz se livre, au micro de #FilippoMarzo de Comics Reporter
📖Le cahier critique avec au menu la #SuicideSquad au cinéma, Joker/Harley chez Urban Comics, Bleed them dry chez HiComics et le film #ShangChi
👻Le portfolio du mois de septembre
🤓Preview. On embarque avec "La Belgica" tome 1 chez Editions Anspach
🕵️Focus sur le très intrigant Can't get no (satisfaction) de Rick Veitch chez Delirium
👀Notre guide des sorties Vf de septembre
Couverture de #FernandoNevesRocha et graphisme de Monsieur Mighty Benjamin Carret Art Page (le nouvel artbook est sorti!

SPACE BASTARDS : LE KICK & COLLECT CHEZ LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS


C'est la jungle là dehors, et par jungle j'entends le marché du travail, notamment l'ubérisation inévitable de tout un pan de la société. Désormais la lutte pour une simple petite livraison devient l'enjeu de travailleurs qu'on ne respectent plus, et qui parfois font la file devant les "hotspots" afin d'obtenir cette commission dont ils ont vraiment besoin. Ce phénomène, qui est présent dans nos rues, à la portée de tous, on peut aussi l'étendre à une échelle cosmique. Vous savez que même le service postal est aujourd'hui le plus souvent bradé à des prestataires privés qui remplace progressivement le secteur public, et bien c'est un peu pareil dans Space Bastards publié chez les Humanoïdes associés. Ici tous les coups sont permis, la seule chose que vous devez faire, c'est acheminer votre paquet à l'autre bout de l'univers, tout en évitant de vous le faire voler par un collègue ("colis transféré" bel euphémisme pour cette "transaction"), et pour ça il vous faut échapper aux guet-apens, aux balles, aux explosions, aux voleurs, aux coups du sort... bref le service postal intergalactique vous offre la liberté la plus totale, une vie d'aventure et de frissons, mais c'est aussi une course folle où l'issue est de récupérer un maximum de gains, ou de trouver la mort. Du coup ce sont les paumés, les marginaux, qui acceptent de vivre cette existence, et c'est donc avec une galerie de portraits savoureuses que l'album va s'ouvrir. Le lecteur sera d'emblée placé en territoire connu, puisque les dessins de Darick Robertson, toujours aussi expressifs, burlesques, dotés d'un encrage assez gras (qui n'est pas sans rappeler ce que fait Texeira par exemple) vous accueillent pour le plaisir de tous. Bien entendu le ton est extrêmement sarcastique, l'humour présent un peu partout, avec les scènes qui peuvent être choquantes ou dérangeantes, ou complètement hilarantes. Il y a du vomi et des boyaux, des robots sexuels et des aliens passablement érotomanes, de la violence bien gore et des dialogues qui vont faire froncer les sourcils, bref ça ressemble en effet à The Boys, c'est évident. Le climat n'est pas trop différent, si ce n'est que le récit est maintenant situé dans l'espace, et qu'il y a un discours social derrière tout cela. 



Les scénaristes Eric Peterson et Joe Aubrey, qui ont bien galéré pour monter le projet Space Bastards, notamment en utilisant, sans grand succès au départ, la formule du financement participatif, sont parvenus à aligner quelques jolies têtes brûlées qui rendent l'ouvrage fort sympathique. Notons Dave S Proton, un novice qui vient de perdre son emploi, et qui voit dans un enrôlement au service postal intergalactique un moyen de s'affirmer et de subvenir à ses propres besoins. Il va devenir vite un vrai renard, et parviendra à s'adapter à la folie ambiante. Il faut dire que sa "formation" a été confiée au départ à Mani Corns, un instructeur qui hésite entre Kilowog et Billy Butcher sous amphétamines, ultra violent et à l'épreuve des bombes (au sens littéral). Le type est un colosse sans foi ni loi, et rien ne l'arrête. Zordakk est un alien gélatineux, un vague cousin de Doop, mais pour qui l'existence se résume à la gaudriole, à user de ses multiples verges pour satisfaire des besoins sexuels hors normes, y compris avec des robots conçus pour cette tâche particulière. Sharpton est l'industriel raté, avec plus de gouaille et d'audace que de vraie vision professionnelle, celui dont les délires deviennent vite une règle de vie pour les nouveaux livreurs de la galaxie. C'est aussi un prétexte à une parodie de la manière dont la question amérindienne est gérée ou réglée aux Etats-Unis, et si c'est drôle et osé par moments, ça reste trop superficiel, malheureusement. Layla Fontane est une femme d'action, longtemps cantonnée aux seconds rangs, qui ici assume enfin ses capacités et porte sur ses épaules la partie "féministe" de l'histoire, qui est très discrète, admettons-le. Le grand "vilain", façon de parler, s'appelle Wayne, et rappelle le Bruce du même nom, autocentré sur le profit et le capitalisme sauvage à travers la galaxie. C'est avec ces paumés, cette armée pathétique ou poil à gratter, que Space Bastards plonge le lecteur dans un feu d'artifice outrancier, qui joue avec les limites de la bienséance, pour en tirer un album à ne pas mettre en les mains du petit frère qui rentre en sixième et demande à lire un comic book, pour voir ce que c'est. Comparé à ceci, Deadpool ressemble au Journal de Mickey. Vous embarquez? 



CHASM : LE FARDEAU DE KAINE (UN FARDEAU POUR LES LECTEURS)

 En mars 2024, Marvel a publié un gros fascicule intitulé Web of Spider-Man , censé donner un aperçu de quelques unes des trames sur le poin...