Bienvenue dans ce qui va être l'album le plus cosmopolite de l'histoire de Batman. Il faut dire que le projet Batman The World est particulier : il s'agit de proposer au lecteur toute une série de petites histoires mettant en scène la chauve-souris à travers le monde, à chaque fois dans un pays différent, et de confier l'ensemble à des artistes provenant des pays respectifs en question. Evidemment, dans cet ouvrage publié par Urban Comics, c'est aux États-Unis que nous commençons notre périple en terre inconnue, puisque Brian Azzarello et Lee Bermejo sont des habitués de la franchise et sont parfaits en éclaireurs avisés; l'occasion d'avoir une fois de plus des planches ultra réalistes et léchées, des sortes de composition photoréalistes au contraste exagéré, baignant dans une atmosphère au néon. C'est plus joli qu'intéressant à lire d'ailleurs. Juste après nous faisons un saut du côté de Paris, avec l'aventure française scénarisée par Mathieu Gabella, tandis que Thierry Martin s'occupe du dessin. Batman et Catwoman ont rendez-vous au musée du Louvre, le premier cité pour arrêter la seconde, qui comme d'habitude a décidé de commettre un petit larcin. Il faut l'intervention de Wonder Woman pour que les choses tournent bien, mais peut-être était-ce en fait dans les intentions de la cambrioleuse que de voir débarquer l'Amazone... vous comprendrez pourquoi en lisant ces pages qui se terminent par un petit stratagème malin, permettant de revenir sur les sentiments qui unissent les personnages. Le tour du monde continue ensuite avec l'Espagne et l' artiste Paco Rocca, et on constate que Bruce Wayne est capable de vraiment s'ennuyer à chaque fois qu'il remise son costume au placard et promet à Alfred de prendre des vacances. Décidément ça n'est pas pour lui, le concept de farniente! On file vers l'Italie avec Alessandro Bilotta et Nicola Mari, qui placent Batman face à Ianus, un ennemi qui tire son nom du dieu romain Janus doté de deux visages, un regardant vers le passé, l'autre est tournée vers l'avenir; là encore l'ennemi n'est pas celui qu'on pense et l'histoire est un peu ésotérique et alambiquée, pas forcément super accessible de prime abord. En tous les cas les lectures sont agréables et en effet les styles fort variés, ce qui renforce le côté attachant de l'anthologie.
Mais pour qu'un tel projet ne soit pas juste un effet de manche mais quelque chose de pertinent, il faut bien entendu que le tour du monde couvre les quatre coins du globe (expression étrange puisqu'on parle d'un globe...). C'est alors que vers la fin de l'album nous partons en Asie pour suivre des aventures écrites et dessinées par des artistes coréens, chinois et japonais. Là le style est vraiment différent et nous avons même droit à ce que serait Batman à la sauce manga (avec Yuichi Okayada) vu à travers les yeux d'un journaliste à qui on empêche d'écrire au sujet du bien que Batman ferait à la communauté. L'épisode de Batman en Chine est assez particulier car il met aussi en scène une adolescente qui bosse dans un restaurant et qui est fortement inspirée par le héros, au point à un moment d'endosser une sorte de costume de Robin. On se rend compte au fil des pages que la plupart de ces micros récits sont anecdotiques, font sourire ou bien -et c'est dommage- se contentent de calquer ce que nous connaissons déjà, à savoir un Bruce Wayne qui mène l'enquête, un ennemi à débusquer et quelques mandales bien senties. Mais c'est comme très souvent dans une anthologie de la sorte la pluralité des dessins et la choralité des propositions qui finissent par susciter l'adhésion. En effet, on se rend compte tout de même qu'on a ici un panel assez étonnant et inédit sous les yeux, et il y en a pour tous les goûts. Ma petite préférence personnelle dans cet album va à l'aventure que Batman va vivre en Russie. C'est une espèce de mise en abyme de la création littéraire et en bande dessinée, avec la vie d'un homme, depuis ses toutes jeunes années jusqu'à l'âge adulte, alors qu'il devient dessinateur. Depuis tout petit il fait une fixation sur Batman, suite à un crayon qu'on lui a offert et qui portait une gomme en forme du personnage à son extrémité. A partir de là toute son existence tournera plus ou moins autour du héros de Gotham, qu'il finira par rencontrer. La manière dont ce parcours est présenté est superbe, les planches (de Natalia Zaidova) très détaillées et fouilles rendent l'ensemble des plus agréables. Au final, ce Batman The World est un événement qui n'a pas d'impact direct sur la légende du Dark Knight, mes forme en réalité un joli patchwork "clin d'œil" pour tous les fans qui auront ainsi la confirmation définitive du caractère cosmopolite et universel de leur justicier favori, dont le nom fait trembler tous les criminels de la planète. Enfin presque... puisque l'Afrique semble ne pas exister.
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