THE AVENGERS #1 #4 : NAISSANCE D'UN GROUPE ET RETOUR D'UN MYTHE


 On remonte le temps, jusqu'à la source de toutes choses. Pour être exact, jusqu'à deux épisodes fondamentaux de la saga des Avengers. Le premier et le quatrième. 

Et c'est alors que vint le jour où les plus grands héros de la terre se réunirent pour la première fois ! Pour qu'un tel événement puisse se produire, il faut une raison valable; en l'occurrence ce sera Loki, le prince du mensonge, qui comme à son habitude est tout occupé à tramer dans l'ombre contre son demi-frère Thor. Il utilise la brute épaisse qu'est Hulk à l'époque, pour semer la zizanie. Il lui suffit de créer une simple illusion d'optique et le géant vert passe aux yeux de tous pour une menace incontrôlable, et du coup les Avengers - qui n'existent pour le moment qu'en tant que formation officieuse - tentent de l'arrêter. Ce n'est pas chose facile, car Iron Man ne possède qu'une armure très rudimentaire, un gros tas de ferraille avec des transistors, qui fait bien rire des décennies plus tard. Hank Pym et Janet Van Dyne forment un couple glamour et super-héroïque, mais cette dernière passe plus de temps à mater les épaules et la chevelure de Thor, sans parler de son maquillage, et elle aide ses compagnons d'une manière fort discutable. Notons également le renfort de Rick Jones, faire-valoir officiel d'un peu tout le monde dans l'univers Marvel, qui travaille en collaboration avec une bande de potes radioamateurs, la Brigade des Teens, avec petits gilets et cravates de rigueur. Ce sont les minets qui donnent un coup de main dans la marge. Tous ensemble ils retrouvent la trace de Hulk dans un cirque, où celui-ci, outrageusement grimé, se fait passer pour un colosse à la force herculéenne. Très vite démasqué, il aura son rôle à jouer dans la conclusion de cet épisode mythique, où les Avengers vont se retrouver face à Loki, pour un mano a mano final, au terme duquel ils vont enfin pouvoir prêter serment, pour la première fois. Stan Lee, à l'époque,  ne passait pas trop de temps sur son scénario. Il se contentait d'une idée directrice, de donner quelques conseils avisés sur l'intrigue, et c'était le bon Jack Kirby qui se tapait tout le travail, autrement dit combler les blancs et mettre en images les planches de chaque épisode. Les amateurs de vintage seront ravis, encore que Kirby n'avait pas atteint le sommet de sa carrière, loin de là, et qu'il allait produire des choses beaucoup plus extraordinaires et dynamiques par la suite. On notera que c'est Janet Van Dyne, alias la Guêpe, qui évoque pour la première fois le terme d'Avengers. Autrement dit c'est elle qui aurait pu déposer la marque pour la faire fructifier par la suite. Certes, elle est déjà très riche, elle en a pas besoin. En France il est possible de lire ces aventures en se procurant l'Intégrale 1963-1964 publiée chez Panini. L'occasion de constater qu'à l'époque les dialogues constituaient à eux seuls une source inépuisable de sourires, ou de consternation, pour le lecteur moderne. Les héros devisent tout seuls, et ne peuvent s'empêcher de décrire leurs actions, juste avant de les mettre en pratique, ou bien de tout expliquer avec lourdeur, les moindres faits et gestes. Je suis encore très dubitatif quand je vois Iron Man s'emparer d'une poutre en fer, pour la malaxer entre ses mains, et en faire en quelques secondes un véritable grappin géant, aux finitions parfaites. Il faut donc suspendre incrédulité au maximum pour apprécier cet épisode, qui conserve toutefois un charme fou, le parfum d'une légende en devenir. Et en parlant de légende, trois numéros plus tard…


À la création des Avengers en 1963, il manque un membre capital dans l'équipe, pour que la mayonnaise puisse prendre à la perfection. C'est dans le numéro 4 de la série que Captain America fait son grand retour sur scène. Si à la base il fut l'un des tout premiers héros à pouvoirs, à voir le jour durant la seconde guerre mondiale pour y connaître des aventures formidables, il avait été depuis remisé au placard, en attendant le bon moment pour resurgir de sa boîte. C'est Namor, le prince des mers, qui est un peu responsable de son come-back. Comme toujours pris d'un accès de colère incontrôlable, il s'en va jouer des poings sur la banquise, et déranger d'inoffensifs eskimos. Ces derniers vénéraient notre bon Capitaine, enfermé dans un bloc de glace, considéré comme une idole. Au bout du compte Namor propulsa dans les flots le bloc de glace, qui partit à la dérive, finit par fondre, et est repêché -énorme coup de chance- par les Avengers. La grosse surprise! Si vous et moi tentons de nous faire cryogéniser, le résultat sera dans le meilleur des cas des engelures, dans le pire un aller simple pour le cimetière. Pas Captain America, qui dès que la glace a fondu, bondit de son lit et semble déjà prêt à combattre l'ennemi, tout en racontant ce qui lui est arrivé avant de se faire congeler, c'est à dire passer le clair de son temps à invoquer Bucky, mort au champ de bataille. C'est qu'il s'en passait à l'époque, en 22 pages, avec Stan Lee et Jack Kirby. A peine ranimé, Steve Rogers doit venir au secours de ses amis Avengers, qui se sont fait pétrifier et transformer en statues immobiles, par un alien aventurier, prisonnier sur notre planète depuis trop longtemps. Captain America parvient à rétablir la situation et les héros repêchent tous ensemble sa navette spatiale enfouie sous les eaux, pour permettre à l'extraterrestre de rentrer chez lui. Au passage ils affrontent une fois de plus Namor, qui passe vraiment pour une tête de nœud de première catégorie. La Guêpe est peu présente dans ces dernières pages, car comme elle le dit elle-même dans les dernières vignettes, elle était partie se repoudrer le nez. Que voulez-vous y faire, autre temps autres mœurs, autre façon de placer la femme au centre des débats. L'important finalement, c'est que le Vengeur étoilé est de retour. Kirby reste assez sobre dans sa mise en scène, par rapport à ce qu'il était capable de faire, surtout ce qu'il fera par la suite. Cet épisode fait partie des indispensables que tout lecteur se doit de connaître. Encore heureux qu'en se réveillant la première fois, Captain America n'ait pas hurlé Hail Hydra à ses nouveaux amis.  Mais ça c'est une autre histoire, pour quelques décennies plus tard



TMNT : LES TORTUES NINJA L'INTEGRALE TOME 1 CHEZ HI COMICS


 Petit rappel de l'histoire éditoriale récente des Tortues Ninja en France : après que Soleil ait publié 4 premiers tomes de la série d'Eastman et Waltz, c'est Hi Comics qui a racheté les droits et ajouté les personnages à son catalogue. Au départ, le nouvel éditeur a simplement enchaîné à partir de l'équivalent du tome 5 et par la suite, il a republié ce qui l'avait déjà été (devenu entre temps le paradis de la spéculation) dans un gros volume de seize épisodes appelé "tome 0". Ce sont ces épisodes, ainsi que quelques inédits qui se concentrent en particulier sur un protagoniste à chaque fois, qui sont au menu du premier volume de l'Intégrale. Bonne nouvelle donc, on repart depuis les origines, ce qui permet cette fois à tout le monde de vraiment pouvoir comprendre tout ce qui se joue dans ce titre à succès. Faisons ainsi la connaissance de April O'Neil, qui est stagiaire chez Stockgen, et à qui on a fait croire qu'elle doit juste travailler sur des missions agroalimentaires de routine. Sauf qu'en réalité, le laboratoire où elle exerce est en train de mettre au point un sérum formidable et affiner quelques petites manipulations génétiques de premier ordre à des fins militaires. April travaille dans un contexte particulier puisqu'il y a des petites tortues au bureau, mais aussi souvent un rat qui vient se balader et qui va avoir un rôle fondamental dans ce qui va suivre. Vous avez compris, ce sont là tous ces personnages qui par la suite occuperont le devant de la scène en tant qu'animaux anthropomorphes combatifs et attachants. Un soir d'intrusion dans le laboratoire, des produits sont déversés : nos petites bébêtes se retrouvent en liberté, entrent en contact avec la substance toxique et vont se réveiller sous une forme inédite. Pas tous ensemble en fait, puisqu'il manque Raphaël. Les premiers mois, celui-ci est éloigné de ses compagnons (ce qui au passage permet de mieux comprendre qui est Old Hob, le Chat Borgne, qui subit un procédé semblable à celui des Tortues) qui vont le rechercher indéfectiblement pendant longtemps. Plus violent, moins tacticien et surtout privé de l'affection du père et mentor que représente Splinter pour les autres, Raphaël découvre toutefois le travail d'équipe et l'amitié avec Casey, un jeune homme qui est régulièrement battu par son père et qui se défoule le soir, en endossant un masque de hockey, pour aller tabasser des petites frappes dans la rue. Tout ceci est très important, car il est indéniable que la série TMNT repose en bonne partie sur le concept de franche camaraderie et de transmission filiale/familiale. Et si vous voulez comprendre pourquoi ces épisodes ont très bien fonctionné, pourquoi ils sont le socle sur lequel s'appuie une franchise désormais adoré des fans chez Hi Comics, jetez donc un œil à cette intégrale. 


Les Tortues Ninja ont souffert d'une certaine forme d'infantilisation, les personnages n'étaient pas forcément pris au sérieux et rattachés systématiquement à un très bon dessin animé certes, mais qui avait peu de chance de parler à celles et ceux qui ne l'ont pas connu en prise directe et se gargarisent des grandes bandes dessinées matures d'aujourd'hui. Le pari d'Eastman et Waltz, c'était de récupérer tout ce qui a été fait jusque-là (il y en a eu des tentatives différentes et des relaunch...) pour offrir une version plus mûre, violente, pertinente et toujours très intéressante. Ce premier tome de l'Intégrale vous permet donc de comprendre tout ce qui (peut-être) vous avait échappé jusqu'ici, y compris la génèse des Tortues et l'apparition de la secte ninja Foot, qui trouve d'emblée de sérieux concurrents en la personne de ninjas qui pratiquent la savate, grand art de la boxe française.  On y découvre également une histoire de vies antérieures et de souvenirs qui démontrent que le rapport paternel/filial entre Splinter et les Tortues n'est pas seulement l'union fortuite d'une expérience qui a dégénéré, mais quelque chose de très fort, qui s'est tissé dans le temps, une sorte de drame épique qui ressuscite de nos jours et qui explique quelques-uns des grands coups de théâtre à venir, dans les prochains tomes. Du côté du dessin, les deux principaux artistes de ce volume sont Dan Duncan et Andy Kuhn; on appréciera notamment le premier cité pour sa capacité à aller à l'essentiel, son trait brut et parfois caricatural, anguleux à souhait sans être agressif. Il y a en réalité dans les Tortues Ninja tout ce qu'on aime trouver dans une série de comics mainstream, c'est-à-dire des personnages attachants avec des liens qui n'en finissent pas d'apparaître ou de s'étoffer, des ennemis charismatiques dont on n'arrive pas à se débarrasser, des retournements de situation et de l'action, parfois avec de véritables conséquences lourdes à la clé. Ajoutez à cela des personnages secondaires qui sont vraiment soignés et vous obtenez les TMNT, dont la seconde jeunesse est promise à une jolie prolongation, avec la sortie en salle d'un animé qui s'avère soigné et enlevé. Cowabunga time again !


Fans des Tortues ? Deux choses :
1. Venez nous rejoindre et parlez des TMNT sur notre page FB
2. Ce dessin (et d'autres sur les TMNT) du Chat Encreur est à vendre. Contactez-nous si intéressés (universcomics.lemag@gmail.com)



TOUTES POUR UN : LES MOUSQUETAIRES AU FÉMININ D'OLIVIER GAY CHEZ DRAKOO


 Une véritable perle de bonne humeur et fichtrement bien écrite par Olivier Gay est disponible chez Drakoo cet été : Toutes pour un est un album complet (on revient sur ce point dans la seconde partie de notre papier) qui met en scène un jeune domestique appelé Aether, en service auprès du couple royal du royaume de Valania. Plutôt bien fait de sa personne, mais très naïf et tête en l'air, Aether ne remarque même pas que son amie d'enfance, Meeri, est totalement éprise de lui. Escrimeuse hors pair, elle a accepté une existence modeste à travailler à ses côtés, quitte à renoncer à une carrière brillante, l'arme au poing. De toute manière ce n'est pas le problème principal, puisqu'un beau jour des sortes de cafards géants envahissent Valania et menacent d'exterminer tous le palais royal et ses habitants. Il faut un acte de courage inconsidéré de la part de notre jeune héros, qui s'empare d'une épée accrochée dans la salle des armes et qui sauve la situation lorsque la lame s'embrase et s'active à son contact. Il faut dire que l'arme possède des pouvoirs magiques qui ne fonctionnent uniquement qu'en sa présence; Pour les autres, elle est absolument normale. Aether et Meeri, plus la princesse Tatiana Louisdottir et Opale, commandante en chef d'un vaisseau droit sorti d'un univers steampunk, mettent le cap sur Palestia, un des royaumes voisins, dans l'espoir d'y trouver un refuge et de l'aide.  C'est alors que commence une sorte d'intrigue amoureuse plurielle, avec tous les personnages féminins qui finissent à un moment donné, pour une raison ou une autre, par considérer que la seule présence masculine qui les accompagne est digne d'intérêt. Et on sent poindre le désir, et avec lui la jalousie, bien que les envies et les pulsions ne soient pas assumées verbalement, et que tout est exposé dans la gestuelle, les grimaces, les regards.  


Toute l'histoire repose sur un humour continuel qui fait mouche, les réparties sont très bien trouvées, les gags suffisamment bien amenés pour vraiment faire sourire, et surtout chose principale, il n'y a pas de temps mort et la gestion de l'aventure et de la partie humoristique et particulièrement efficace, bien équilibrée. On saute d'un royaume à l'autre, chaque nouvelle contrée permet d'introduire de nouveaux personnages qui s'insèrent à merveille dans le récit, qui s'enrichit même, dans sa dernière partie, d'une histoire de trahison qui donne plus d'épaisseur à la trame globale. Le tour de force d'Olivier Gay est donc aussi d'avoir mis dans cette histoire un nombre intéressant de personnages secondaires, qui sont tous bien campés, ont tous droit à une caractérisation rapide mais fonctionnelle. Ils en sont attachants, tout bonnement. Bien entendu, pour que cet album soit pleinement réussi, il fallait des dessins à la hauteur et sur ce point vous pouvez être totalement rassurés. Jonathan Aucomte est inspiré, toutes ses planches sont soignées. On y remarque une attention portée sur les détails de premier ordre et les expressions faciales permettent de renforcer la drôlerie de l'ensemble, sans pour autant tomber dans la caricature. Il y a dans le catalogue Drakoo de petites perles qui méritent d'être découvertes et choyées, et ce récit complet est de cette trempe. Il faut savoir que tout le premier tiers avait été publié à l'automne 2021 sous la forme d'un tome1, intitulé "Les gardiennes d'Aether". Ici, nous trouvons donc ce qui devait constituer une trilogie, dans un format un poil plus petit, mais qui reste parfaitement jouissif. Avec des mousquetaires au féminin, déchainées, et un héros un peu benêt et convoité, le tout baignant dans la magie et l'humour. Le public visé est la catégorie "young adult" mais je peux vous garantir que même pour un quadra qui voit la cinquantaine arriver, Toutes pour Un est simplement pétillant et rafraîchissant. Essayez !



BARBIE : LE FILM DE GRETA GERWIG PASSE AU CRIBLE "UNIVERSCOMICS"


 La sortie en salle du film Barbie est symptomatique de deux phénomènes. Une certaine infantilisation auto-infligée du public, mais aussi la panne de créativité évidente des studios, qui se tournent aujourd'hui vers la moindre adaptation possible d'un comic book, d'un jeu vidéo ou même d'une action figure (d'un jouet). Ces deux convergences réunies expliquent le succès attendu de Barbie, d'autant plus que la campagne publicitaire qui a précédé le long-métrage ressemble au matraquage d'une brigade de la BRAV-M durant une manifestation de gilets jaunes : implacable, personne n'est épargné et ça tape fort. Ceci étant dit, rien n'empêche que ce film soit une véritable réussite… ce qu'il aurait pu être, s'il avait exploité davantage le filon de la perméabilité qui s'opère entre le monde fictif du Barbieworld et notre univers bien réel, où rien ne fonctionne exactement comme chez les jolies poupées. Sans se contenter d'en dégager l'outrance, le ridicule. En gros, si le film avait choisi de ressembler un peu plus à Toy Story et un peu moins à un brûlot féministe. Car vous l'aurez compris, c'est cette seconde voie qui est privilégiée, passée la première demi-heure. Avec par ailleurs une leçon étrange, puisqu'il ne s'agit pas d'apporter un peu d'égalité ou de pointer du doigt des situations de déséquilibre scandaleux, mais de remplacer une domination (le patriarcat) par une autre, son exacte contraire, comme s'il n'était pas possible de trouver un juste milieu dans la fantomatique "guerre des sexes". D'ailleurs, si je n'ai rien à redire au sujet de la puissance et l'écrasante domination de l'homme à travers l'histoire, par rapport à la femme (si on considère l'accaparement des richesses, des postes de pouvoir et décisionnels) le film fait volontairement l'impasse sur la capacité qu'à la femme, juste parce qu'elle est femme - et donc aux yeux de l'homme féminine - d'avoir aussi des opportunités qui échappent à ses compétences et découlent de son être apparent… mais c'est un autre sujet et je préfère ne pas m'étendre; vu le climat actuel, ce serait comme jouer de la casserole dans un meeting de la majorité présidentielle, ça finirait mal. Curieusement, c'est lorsque le regard de la réalisatrice s'attarde sur Ken que Barbie (le film) devient ce qu'il doit être. Après tout, quoi de plus horrible, quel destin plus infâme, que de n'être rien. Juste un accessoire dont l'existence dépend du caprice d'une poupée blonde. Sans Barbie (le jouet) pas de Ken. Il est là pour la faire briller, pour la sublimer. Lui n'est qu'un pantin, émasculé. Et ça, on le comprend et le voit, dans le long métrage.



Au moins, les acteurs sont excellents et le film n'ennuie jamais. Barbie est en soi un très bon divertissement qui s'adresse un peu à tout le monde et c'est peu ou prou ce qu'on lui demandait. La fin est même très réussie; quelques minutes poignantes sans être trop lourdes. On reste donc sur un produit assez étonnant, compte tenu de l'idée saugrenue de départ, avec un réel capital sympathie. Barbie est en fait en prise directe avec la jeunesse féministe de 2023 et ses contradictions: la jolie blonde futile constitue l'hérésie autrefois fantasmée, si difficile à accepter et à intégrer dans une conscience de genre qui est aujourd'hui profondément remise en question, par des jeunes qui rejettent systématiquement l'idée même d'appartenir à un genre. Mais Barbie (le film), avec son packaging et ses excès roses outranciers, ses produits dérivés et son discours clairement capitaliste (Mattel s'offre même une longue publicité de presque deux heures) est capable de réussir un grand écart périlleux et d'emporter l'adhésion de ces mêmes nouveaux militants, que le fun et l'humour vont rapidement domestiquer. Il y a fort à parier que ce sera un des grands succès incontournables au box-office de 2023. Il ne me revient pas de dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose et d'ailleurs ce serait une interrogation stérile. Reste juste l'impression récurrente que ce qui devrait être un outil formidable et à encourager, le féminisme, a tendance à se transformer souvent en une arme, pour mener un combat au sens un peu trop littéral du terme. Barbie reste donc un film à recommander, tout en sachant que les attentes et les révélations métaphysiques et méta narratives que vous trouverez étalées comme de la confiture, dans bien des critiques de bien des journaux, ressemblent tout de même au service commandé de journalistes qui savent tout simplement prendre la bonne vague, au contraire de Ken sur une plage du Barbieworld. Entertainement, c'est déjà beaucoup.


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FAMILY TREE : LA FIN DU MONDE ARBORICOLE DE JEFF LEMIRE


 Quand vous savez que vous avez entre les mains une histoire écrite par Jeff Lemire, une constante vous saute tout de suite aux yeux : le thème de la famille, notamment la transition entre les générations. Immanquablement, c'est aussi le cas avec Family Tree, puisqu'au centre de l'histoire, nous trouvons une fillette de huit ans (Meg) qui grandit seule avec sa mère et son frère aîné, depuis que le père, un beau jour, a décidé de disparaître des radars, sans prévenir. En réalité, le type a une bonne excuse et il n'a guère eu le choix, mais cela on le découvrira au fil des pages. Pour l'instant, disons que la seule chose à savoir, c'est que Meg a depuis quelques temps des démangeaisons sur le corps. Et lorsque la mère se préoccupe de ce qui dérange sa fillette, c'est pour se rendre compte que les plaies apparentes sont vraiment singulières. Comme s'il y avait de l'écorce, des feuilles, des branches qui poussaient sur l'épiderme. Il faut dire que l'incroyable est en train de se produire : Meg se transforme en un arbre ! Dit comme ça, ça peut être absolument extraordinaire, mais le pire, c'est qu'en réalité ce récit c'est celui d'une fin du monde annoncée, d'une planète qui est arrivée au bout de ce qu'elle peut supporter, avec des humains qui ont exploité toutes les ressources jusqu'à ce qu'il ne reste rien et qui vont être punis - à moins que ce ne soit une deuxième chance qui leur soit offerte - par une transformation totalement inouïe. Meg est appelée à devenir un arbre, mais pas n'importe lequel. La première véritable créature végétale qui était autrefois un être humain, à prendre racine et qui va libérer des graines, des spores, pouvant entraîner la transformation du reste de l'humanité. Un chamboulement aussi terrifiant que bucolique. 




Malgré les apparences, Family Tree est une bande dessinée qui a été pensée et écrite bien avant la crise du coronavirus. Jeff Lemire a laissé une entière liberté à Phil Hesther, un vétéran du milieu avec qui il souhaitait depuis longtemps collaborer, pour interpréter et mettre en images ses idées. C'est donc Hesther qui s'est véritablement chargé de la traduction concrète des mots en dessins, avec un style volontairement claustrophobe et anguleux, qui réserve de jolis moments bucoliques quand il se concentre sur les arbres, mais qui la majeure partie du temps se révèle âpre, sans concession et fil droit à l'essentiel. Sa maîtrise des ombres, sa capacité de faire se détacher les figures du reste de l'image et d'imprimer de la violence et de l'horreur, sans forcer le trait, sont évidentes et efficacement épaulées par l'encrage de Eric Gapstur. Family Tree n'est pas le chef-d'œuvre de Jeff Lemire; on peut même considérer qu'il s'agit d'un Lemire mineur. Pour autant, on y retrouve certains tics (positifs) d'écriture, comme par exemple l'attachement aux personnages qui sont tous présentés d'une manière à les rendre proches du lecteur (l'exemple du grand-père, en particulier), même s'ils vivent des situations complètement improbables. Il est un peu déroutant de décider si au final cet album est une histoire apocalyptique pessimiste ou au contraire un manifeste d'optimisme, qui permettrait à l'humanité de se réinventer d'une autre manière. Car c'est aussi une des façons de lire ces douze épisodes que Panini rassemble en une seule fois. En fait, comme presque toujours, la mort n'est qu'une étape de passage avec l'auteur canadien, comme si tout ce qui se terminait n'avait de sens que dans la mesure où cela pouvait être aussi un nouveau départ, à condition de savoir le reconnaître et l'exploiter. C'est la raison pour laquelle nous sommes toujours fascinés et émus devant ce que produit Lemire… et même lorsqu'il n'atteint pas le pinacle de son talent, il est clairement capable de laisser une trace dans nos esprits, qui tarde à s'effacer et qui portera peut-être ses fruits, un jour prochain. À défaut de se tourner clairement vers le grand public, Family Tree est une œuvre honnête et surprenante. 





OPPENHEIMER : LE BIOPIC DE CHRISTOPHER NOLAN (ET LES COMICS)


 Beaucoup d'entre vous s'étonneront de trouver sur le blog UniversComics un article consacré au biopic de Christopher Nolan, Oppenheimer, qui est dédié au célèbre physicien en charge du projet Manhattan, durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour autant, le sujet me semble correspondre à une des grandes obsessions scientifiques et sociales qui sont à la base d'une grande partie de l'histoire des comic books modernes de super-héros. On a très souvent dit que le genre nait avec le conflit contre l'Allemagne nazie, mais la nature même des pouvoirs de la plupart des personnages va être très rapidement inspirée par les progrès scientifiques… et la peur générée à l'issue de la découverte de la fission de l'atome. On pourrait parler des X-Men bien entendu; ils sont une conséquence directe du phénomène. Mais aussi de Bruce Banner alias Hulk, d'une litanie impressionnante de monstres ou de redresseurs de torts tels Spider-Man (l'araignée qui l'a mordu était radioactive au départ) ou les Quatre Fantastiques (les rayons cosmiques qui en l'état n'existent pas, fonctionnent de la même manière que les radiations, après un champignon atomique). De plus, le film est traversé par une autre obsession typiquement américaine du 20e siècle, la méfiance face à la montée du communisme et de Staline en Russie : à tel point que même si les deux nations sont alliées contre l'Allemagne nazie, en réalité le gouvernement américain semble bien plus préoccupé par la rivalité avec les soviétiques. Le moindre soupçon, la moindre sympathie affichée ou supposée avec le bloc de l'Est valait une condamnation quasi immédiate et la mise au ban, notamment dans les années 1950, avec la folie délirante du Maccarthysme dont Oppenheimer sera victime, après avoir donné l'arme ultime à l'Amérique. Tout ceci également est fort présent dans les comics des années 1960, avec un ennemi qui est systématiquement communiste, systématiquement caricaturé et présenté de manière sournoise, à tel point qu'aujourd'hui il est presque risible de reprendre en main certaines histoires d'Iron Man par exemple, où le discours est simplifié à l'extrême et où l'ennemi vient régulièrement d'Union Soviétique, de Chine ou d'autres pays satellites.



Concernant le film en soir, et bien… Pour obtenir la fission de l'atome, les scientifiques ont utilisé un bombardement de neutrons. Sur le même ordre d'idée, Nolan décide de bombarder le spectateur d'un flot ininterrompu de paroles, de plans et d'informations, pour faire aboutir son Oppenheimer, biopic de celui qu'on surnomme le père de la bombe atomique. L'histoire est finalement assez linéaire. De jeune prodige de la science quantique aux velléités un peu trop communistes pour être honnêtes, à superviseur du projet Manhattan pour que l'Amérique se dote de la première bombe atomique et devance ainsi les nazis, à l'air du Maccarthysme et de la remise en question doctrinale. L'idée puis la fabrication et l'obtention de l'arme absolue, couplées à un discours éthique et un regard scrutateur sur celui qui a initié et régulé le mouvement, voilà le résumé de trois heures qui peuvent paraître longues, si vous vous attendez à une quelconque spectacularisation des événements. La bande son est partie intégrale du projet, tandis que les acteurs (une pléthore de professionnels de haut vol, guidés par un Cillian Murphy absolument parfait et criant de vérité) sont tous irréprochables. Loin de moi la volonté de dire que le film est un chef-d'œuvre intemporel et qu'il mérite les épithètes vertigineux qui ont accompagné son arrivée, mais c'est clairement un Nolan abouti et soigné, de l'image à sa construction, qui parvient à faire pardonner son temps faible (la dernière demi-heure) par un ultime retournement de point de vue magistralement orchestré. La même arme qui a vraisemblablement empêché la fin de l'humanité durant la guerre froide (et dieu sait si nous avons été à deux doigts d'y basculer) est aussi celle qui nous garantit potentiellement l'anéantissement un jour prochain. Une terrible dualité qui est également celle qui habite Oppenheimer, de la première à la dernière minute d'un film très maîtrisé.

Et en période de canicule, trois heures avec la climatisation, ça donne à réfléchir.





LOIS LANE : ENNEMIE DU PEUPLE CHEZ URBAN COMICS


 Lois Lane est absolument tout, sauf une potiche destinée à servir de faire valoir pour son super héros de mari. Pourtant, elle a épousé Superman. Enfin, pour être honnête, elle a épousé Clark Kent, un journaliste à succès du Daily Planet, qui peut souvent apparaître un peu pataud aux yeux de ceux qui le fréquentent, mais qui en grand secret est le plus formidable super-héros de tous les temps. D'ailleurs, puisque personne n'est au courant normalement de la double identité de Superman, Loïs est en difficulté lorsque fait surface une photo volée la montrant en train d'échanger un baiser avec le kryptonien. Que voulez-vous, aujourd'hui il est bien difficile de cacher ce genre de choses, d'autant plus que Lois connaît les risques du métier. C'est une journaliste célèbre, elle ose mettre son nez là où les autres ne vont jamais et elle s'en prend même directement à la Maison Blanche, au point de se voir retirer son accréditation pour les questions-réponses avec la presse, au Capitole. C'est qu'elle est sur le point de soulever un scandale phénoménal, une affaire d'état qui risque de laisser des traces au plus haut niveau de la nation. Son enquête l'amène aussi sur les traces d'une collègue russe qui a été assassinée dans son pays, pour avoir là aussi vraisemblablement tenter d'approcher d'un peu trop près une vérité qui dérange. Notre journaliste intrépide s'est payée les services de Renée Montoya, qui est devenu la nouvelle Question depuis la disparition tragique (prétendue) de Vic Sage. Pourtant, ce dernier est de retour sur le devant de la scène et nous avons donc deux personnages différents avec le masque énigmatique de l'enquêteur, qui sont là pour faire progresser l'intrigue et protéger Loïs. Toute la première partie de l'album pose une série de questions pertinentes sur le rapport entre les citoyens et la presse, la capacité du journalisme de révéler au grand public des choses jusqu'ici cachées et une interrogation sur la véritable nécessité, la véritable envie de ce même public, de savoir les choses quand elles ne correspondent pas à ce qu'il souhaite entendre. Greg Rucka parvient à nous intéresser d'emblée avec un récit qui aurait pu apparaître austère mais qui sait aussi coller au plus près de ses personnages, mettre en avant leurs aspects humains, leur embarras, y compris dans des scènes un peu loufoques comme lorsque Loïs découvre sous la douche son fils Jon Kent et qu'elle le confond un peu trop rapidement avec son mari. Bref, on passe de la légèreté à la gravité la plus complexe et c'est un grand plaisir de tourner les pages de cette longue aventure en 12 épisodes.




Concernant le personnage de Lois Lane en tant que tel, une fois de plus Yann Graf fait un excellent travail dans une préface qui vous permet de connaître ou de vous rappeler de l'essentiel, avant même d'aborder la lecture. Pour ce qui est de la dynamique de l'histoire, on retrouve tous les mécanismes qui régissent aujourd'hui le journalisme : à savoir la difficulté de faire exploser au grand jour un scandale d'état, sachant que les politiciens et les pouvoirs financiers sont prêts à tout pour vous faire taire, y compris les actes les plus inavouables. Cela peut aller des ragots, de la manipulation de l'information en elle-même, jusqu'à l'élimination physique. De plus, lorsqu'on gratte certaines affaires, on se rend compte qu'elles sont en réalité liées à la pègre ou à des intérêts supranationaux, qui sont ici parfaitement représentés par des associations comme le Léviathan. Une criminalité qui se hisse au-dessus des nations et dont les intérêts tentaculaires parcourent le monde entier. Lois est au centre de l'histoire mais sa relation avec Superman est aussi très importante : quand on vous menace et que votre mari est le plus grand super héros existant, même si aux yeux du public ce n'est pas le cas, il est forcément tentant de lui demander de prendre les choses en main, de taper sur quelques têtes. Sauf que non, en tant que journaliste indépendante et têtes brûlée, Lane ne souhaite pas que le super-héros se mêle des affaires de la presse. Elle prétend parvenir elle-même à la résolution de l'histoire et échapper à tous les pièges qu'on sème sur sa route. Comme aux yeux du monde entier son époux est un simple journaliste, cela n'est pas sans conséquence, y compris de l'avis de Renée Montoya, qui est pourtant sa garde du corps et co-enquêtrice attitrée dans cette histoire. Il y a même des moments où nous avons l'impression que celle-ci reproche clairement à Lois ce qu'elle pense être une affaire extra-conjugale, ou en tous les cas qu'elle n'approuve pas totalement son comportement. Rucka n'oublie pas d'égratigner une société américaine extrêmement puritaine où la perspective d'une tromperie au sein d'un mariage est souvent vécue comme une affaire bien plus importante qu'un scandale politique ou financier d'ampleur international. Encore une fois, c'est le public qui décide de la vérité qu'il veut lire ou entendre et ce type de potins est bien plus facile et croustillant à encaisser ! Le dessin est signé Mike Perkins et nous sommes face à des planches qui jouent dans la cour du style réaliste, avec une mise en couleurs particulièrement sombre, voire étouffante par endroits, qui contribue à souligner les méandres de l'enquête et l'opacité de l'investigation. Il y a une réelle attention aux visages, aux expressions, aux anatomie et l'ensemble est d'une qualité indéniable. Le tout forme un gros volume de douze épisodes d'un coup, qui se laisse lire à une vitesse folle et qui s'achève sur la constatation évidente qu'il est possible d'écrire de très bonnes histoires sur des personnages n'ayant aucun super pouvoir en apparence, mais qui dans les faits savent se comporter en héros fonceur, bien plus qu'un type engoncé dans un costume avec une cape. Lois Lane méritait vraiment ce type de projet.


Plus de 190 000 visiteurs ces trente derniers jours, la page Facebook vous dit merci ! 

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : DU BOUT DES DOIGTS


 Dans le 156e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Du bout des doigts, album que l'on doit à Cyril Bonin et qui est édité chez Grand angle. Cette semaine aussi, on revient sur 6 expositions autour de la bande dessinée que vous pouvez faire cet été :

- Les expositions Titeuf et Naruto de la Cité de la bande dessinée et de l'image à Angoulême

- Les expositions consacrées à Aurélie Neyret et Judith Vanistendael au Centre belge de la Bande dessinée de Bruxelles

- L'exposition La fabrique de héros proposée par la maison d'édition Dupuis à Charleroi

- L'exposition Spirou dans la tourmente de la Shoah au Mémorial de la Shoah à Paris

- L'exposition D'un monde à l'autre consacrée au travail de Chloé Cruchaudet à la Maison de la culture d'Amiens

- L'exposition Étranges cités de Nicolas de Crécy qui met en avant le travail de cet artiste au musée Thomas Henry de Cherbourg-en-Cotentin




E-RATIC CHEZ BLACK RIVER : 10 MINUTES POUR ÊTRE UN HÉROS


 Quand vous êtes un ado pas très sûr et complexé, avec une mère célibataire qui peine à trouver du boulot pour payer le loyer et un frère "athlète" du lycée, qui n'a que peu de points communs avec vous, il est possible que l'arrivée dans une nouvelle petite bourgade qui ne paie pas de mine (et l'inscription sur le campus local) puisse tourner au film d'horreur. Rien à faire pour Oliver Leif, cette nouvelle réalité est bien difficile à assumer et on sent que le gamin est en manque de repère. Oui mais voilà, il possède une particularité très étonnante : dix minutes par jour, il est capable de manifester des supers pouvoirs qui en font une sorte de Spider-Man revisité. Il y a forcément beaucoup de clins d'œil au personnage de Lee et Ditko (voir Bendis et Bagley) dans la création de Kaare Andrews. Le look, ce qu'il est capable de faire, la manière dont cela est représenté, mais aussi l'ambiance très "teenager", la perte d'un être cher et même des petits détails, comme la charmante blondinette qu'il rencontre sur le campus et qui porte le nom de Kirsten (ça fait penser à une actrice qui fut en son temps une bien jolie Gwen Stacy). Mais nous sommes en 2023, les choses ont bien changé et l'innocence des années 1960 s'est transformée en un monde où il suffit d'avoir un portable à la main pour tenter de filmer des événements extraordinaires (qu'on vous a pourtant demander de taire) pour devenir "quelqu'un". Et puis l'établissement scolaire dans lequel se retrouve Oliver est tout de même assez particulier : la communauté enseignante est soit complètement inapte (l'occasion de brocarder les travers des Américains aujourd'hui) soit composée de types qui ont apparemment de lourds secrets à cacher (c'est le cas de Alvarez, qui enseigne la sociologie, mais semble doté d'une voix qui pousse ceux qui l'entendent à accomplir ses désirs. Bien pratique, quand on souhaite prendre la place du proviseur, qui comme par hasard se défenestre le jour où il nomme comme adjoint la collègue de français). 



Visuellement parlant, c'est une claque. On a l'impression de lire une histoire qui représente la fusion de nombreux styles, quelque chose capable de s'adresser aussi bien à un public adolescent qu'à un lecteur chevronné, à une aventure aux contours simplistes mais à l'ambition évidente. Andrews est un dessinateur remarquable et il le prouve, d'autant plus que les couleurs de Brian Reber se mettent au diapason, explosent de franchise et de lumière, et même les scènes les plus statiques sont portées par un rythme qu'impose le montage intelligent et la charge cinétique des différentes vignettes. Ce qui est bien pratique d'ailleurs, compte tenu des pouvoirs du jeune héros. Par contre, en tant que scénariste, Andrews a encore une marge de progression. Certaines transitions sont abruptes et son envie de bien faire, de manier à la fois l'humour, l'action, la satire et le spectaculaire, finit par faire se télescoper tout cela, au détriment de la lisibilité. Par contre on pourra souligner la capacité de donner à chacun des personnages un moment pour briller. Ce qui permet d'aborder des thèmes comme le besoin plus qu'existentiel d'exister, à travers le regard des autres et avec les réseaux sociaux. C'est désormais une priorité pour la plupart des jeunes ! Ou encore l'envie de trouver un moule dans lequel se fondre, pour appartenir à une communauté… et son contraire, la singularité à tout prix, être différent par peur de n'être personne. E-Ratic se referme avec la nette impression d'avoir lu quelque chose d'extrêmement pétillant, l'effet d'une bonne boisson gazeuse fraîche et bien sucrée, par temps de canicule. La nature des pouvoirs du héros est une allusion évidente à la pandémie que nous venons de connaître, bien évidemment, mais elle trouve aussi son explication dans la volonté de AWA de créer un univers partagé et dont la pierre d'achoppement est la mini-série The Resistance, qui a été publiée par Panini Comics. Même si ici il n'y a aucun renvoie particulier ou nécessaire pour faire la jonction, il est tout de même intéressant de constater que le grand œuvre final s'étend donc en langue française chez plusieurs éditeurs. Vous cherchez une lecture sympathique et fichtrement bien dessinée, vous l'avez peut-être trouvée chez Black River. 




OMNIBUS DAREDEVIL PAR FRANK MILLER : LE GRAND RECAP' D'UN MONUMENT DES COMICS MARVEL


 Nous sommes presque à l'orée des années 80, et il faut bien être honnête, Daredevil n'est pas la priorité chez Marvel, qui continue de publier les aventures du héros par inertie, sans y croire plus que ça. Du reste les dessinateurs se succèdent, et pourtant il se passe des choses sur la série. Lorsque Frank Miller est annoncé pour son arrivée, au numéro 158, peu imaginent que l'histoire est sur le point de s'écrire. Au départ donc, c'est Roger McKenzie qui poursuit sa prestation au scénario, et bonne pioche, Miller peut bénéficier de l'encrage d'un certain Klaus Janson, avec qui le mariage est naturel. Les premières pages permettent d'évacuer la présence d'un super vilain capable de se déphaser brièvement avec le temps réel (le Chasseur), et donc d'apparaître intangible, même s'il doit solidifier à nouveau son corps pour frapper. Obsédé par sa vengeance contre Daredevil (qui l'a battu dans le passé), il connaît sa double identité, mais tout cela ne lui évitera pas de finir d'une bien horrible façon, incrusté en partie dans une pierre tombale. Ce qui retient surtout l'attention dans la série, c'est plutôt son coté vaudevillesque. Murdock est aveugle, mais c'est un sacré tombeur ! Dans ces années-là, la situation est la suivante : il est en couple (plus ou moins) avec la fille d'un riche industriel, Heather Glenn, qui ne supporte plus sa double existence (oui, elle sait, ce n'est jamais bon signe…). Mais La Veuve Noire est revenue faire un tour dans les parages, et la secrétaire de Matt, une certaine Becky, attend fidèlement dans l'ombre que son patron jette son dévolu sur elle. Il faut dire qu'elle ne fait pas le poids à coté de la froide beauté d'Heather, ou d'une super espionne : elle est en fauteuil roulant… Bien vite, Daredevil se retrouve opposé à Bullseye. Oui, le dingo par excellence, capable de tout transformer en une arme. Le "Tireur" comme on l'appelait alors en Vf s'en prend tout d'abord à la Veuve pour atteindre notre Tête à Cornes. La pauvre prend cher, mais ça a le don d'irriter DD qui se rend alors au parc d'attractions de Coney Island pour l'affrontement final (blague). Entre temps Bullseye a eu une idée de génie : envoyer des seconds couteaux défier son adversaire, pour en étudier les réactions, les techniques de combat. Ce qui ne lui évitera pas une vraie humiliation, au point d'en perdre momentanément la boule. Très sensible, en fin de compte.


L'époque McKenzie est en fait loin d'être inintéressante, elle comprend certes des moments faibles (un épisode avec Hulk lâché dans New-York, que Daredevil parvient à raisonner, tout en finissant dans un bien sale état aux urgences…) mais aussi de petites pépites, comme l'enquête patiemment conduite par le journaliste Ben Urich, qui a compris que Matt Murdock est aussi un super type costumé, et rassemble indices puis preuves, avant une confrontation à l'hôpital, dont la résolution est probablement un peu trop hâtive. Miller lui fait des siennes à travers le dessin, dans un style bien plus réaliste et conventionnel que ce qu'il fera par la suite, mais son story telling, sa façon de rendre chaque planche cinématographique, son rendu de la ville sombre et de la population qui y grouille, son utilisation de certaines vignettes allongées ou étirées, permet de donner une vie, un cachet, un caractère crapuleux à son travail, et c'est exactement ce qui convient à Daredevil. Personne depuis Gene Colan n'avait été capable de comprendre et traduire cela. Reste à approfondir le personnage, lui offrir une crédibilité grâce à des trouvailles extraordinaires (une parmi d'autres, la plus significative, Elektra) mais cela ne tardera pas. On s'en rend compte quand on feuillette le numéro 164, où Daredevil raconte ses "origines" à un Ben Urich qui a tout compris. Les grandes lignes de la tragédie fondatrice sont là, mais il manque tout de ce souffle épique qui transforme un adolescent handicapé en un héros sans peur et capables de prouesses. Ici tout est emballé très vite, et ce qui en découle est certes un super héros fonctionnel, mais qui n'a pas encore cette épaisseur que Miller va lui conférer, en creusant de nouveaux espaces dans l'existence de Matt Murdock, pour en bouleverser le parcours. Un peu de patience, voyons !


Durant le cours de l'année 1980, Frank Miller prend peu à peu les commandes de la série. Tout d'abord il prête main-forte à Roger McKenzie pour ce qui est du scénario; ensuite il dessine un épisode écrit par David Michelinie, avant de prendre en main de manière définitive la destinée du Diable Rouge. Avant cela donc, on retrouve le Gladiateur, un personnage un peu pathétique et qui fait une fixation sur la Rome antique, et sur la psychologue qui l'a aidé à affronter son trauma. Puis c'est au tour d'un numéro où Daredevil se confronte à un grand patron qui licencie ses employés sans se soucier des conséquences, jusqu'à ce que l'un d'entre eux réclament ses indemnités de chômage avec un exosquelette! Mais faisons un bond jusqu'au #168, car c'est là que débute réellement la prestation de Miller. D'entrée de jeu il place ses pions, c'est-à-dire qu'il étoffe et crédibilise énormément tous les personnages qui gravitent autour du héros, et ça commence bien entendu par Elektra, une superbe ninja grecque, premier amour de Matt Murdock, qui revient hanter les nuits de son ancien amant.  Elektra est belle, surentrainée, c'est une machine de guerre particulièrement sexy mais pas encore aussi inflexible et détachée de tout, telle qu'elle le sera par la suite. On peut même la voir verser des larmes ou être profondément émue au souvenir de ce qui a été avec Matt, et vraisemblablement ne sera plus (rires…). Mais elle n'est pas la seule à gagner d'emblée le droit de devenir une star de la série. Revoici Bullseye, ce tireur un peu maniaque capable de tout transformer en une arme, qui va être également une pièce maîtresse de Frank Miller. Avec lui chaque affrontement devient l'occasion de plonger dans la psyché torturée de cet assassin qui nourrit un énorme complexe vis-à-vis de Daredevil; ce dernier parvient toujours à le battre à la loyale, au point que son exaspération en devient une folie furieuse. À l'époque Daredevil sauve même la vie de son ennemi in extremis, alors que celui-ci est terrassé et allait se faire passer dessus par le métro. C'est que tout bon super héros qui se respecte se doit de laisser faire la justice, plutôt que de choisir la vengeance, et Frank Miller est clair là-dessus, il n'y croit qu'à moitié... et à chaque fois il trouve toujours un subterfuge pour nous montrer que la loi connaît des limites, qui sont très rapidement atteintes. Bullseye par exemple a une tumeur au cerveau, et cette maladie va lui permettre de plaider la folie et donc d'être innocenté des crimes qu'il a commis les mois précédents. Avec Frank Miller, le redresseur de torts à un rôle ingrat qui confine souvent avec la futilité, alors que c'est souvent la structure même de la société qu'il convient tout d'abord de redresser. Endosser un costume, à quoi bon, si c'est pour jouer selon les mêmes règles qui régissent notre existence à visage découvert? Et comment faire face à ceux qui s'affranchissent des règles, de la morale, et donc de la justice?



Parler de tout ceci, c'est bien sûr parler de Wilson Fisk, alias le Caïd. Ce roi de la pègre s'est retiré des affaires, et il tente de se racheter une conduite au Japon, en compagnie de celle qu'il aime plus que tout, sa femme Vanessa. Un vrai petit toutou le Wilson, qui pour les beaux yeux de son épouse décide de sauver les apparences et de mettre beaucoup d'eau dans son vin. Oui mais voilà, la guerre des gangs s'apprête à reprendre à New-York, et certains trament dans l'ombre pour faire revenir Wilson aux affaires, d'autres pour l'éliminer une bonne fois pour toutes. C'est ainsi que Vanessa est enlevée, et que le mari courroucé est obligé de rentrer en Amérique, pour récupérer l'être aimé moyennant une énorme rançon. La transaction se passe bien, le Kingpin a géré à sa façon et il a mis minable tous ses adversaires (y compris Daredevil, qui a voulu lui soutirer des dossiers, et s'est cassé les dents sur un colosse inamovible) mais c'est la trahison d'un membre de son clan qui va précipiter les événements. Une explosion, un édifice qui s’effondre, et sous les décombres, des tonnes de béton, de nombreux gangsters et… Vanessa, qui disparaît de la scène d'effroyable manière. Wilson perd la tête, et c'est dès lors la vengeance qui l'anime, et le ramène vers le trône qu'il occupait avant. Sans savoir que Vanessa a survécu, et erre dans les égouts de la ville… Leçon magistrale de Miller. Story telling resserré, avec un suspens permanent, des rebondissements à chaque épisode, et un Daredevil qui prend cher, semble perdu (ligoté et plongé dans le système hydraulique de la ville) et se sauve in extremis. Le montage des planches, l'action, devient un tourbillon, un magma vivant (magnifié par l'encrage de Klaus Janson), qui utilise aussi admirablement le sens de la répétition, de la succession de brefs petits instantanés, et invente épisode après épisode de nouvelles manières de présenter un polar urbain super héroïque, où strate après strate l'univers de Daredevil se densifie, se complexifie, et où les enjeux pèsent de plus en plus lourd. C'est à juste titre que la série devient mensuelle en 1981, et qu'elle devient véritablement incontournable! Au point d'être en 2023 portée aux nues par la grande majorité des lecteurs, et de mériter ce genre d'Omnibus chez Panini. Il y aurait encore tant à dire, pour boucler le boucle, comme on dit, mais votre mission sera simple, si vous l'acceptez : aller (re)découvrir le Daredevil de Miller, pas plus tard que maintenant. Si ça ne figure pas sur vos étagères, vous savez comment remédier. 



BATMAN NOCTURNE TOME 1 : OUVERTURE AVEC RAM V ET LES SECRETS DE GOTHAM


 Batman Nocturne est annoncé comme un tome 1 mais en réalité, il s'agit d'un recueil de plusieurs épisodes de la série de Detective Comics, agrémentés de quelques histoires complémentaires (ce qu'on appelle en américain les backup stories) ainsi que d'un annual (histoire dont la parution est irrégulière -à la base chaque année - et dont la pagination est plus conséquente). Nous pénétrons dans un monde extrêmement poétique et littéraire, aussi bien dans les thèmes qui sont abordés (nous avons l'impression de lire un récit inspiré des drames de Shakespeare et qui se structure tel un livret d'opéra) qu'à travers les ambitions artistiques, c'est-à-dire la prose raffinée du scénariste indien Ram V (oui encore lui, il est décidément très actif ces derniers mois) et le dessin très élégant de Rafael Albuquerque. Nous mettons en avant les qualités artistiques de l'album mais il faut aussi en souligner les ambitions. Tout d'abord, la ville de Gotham est au centre des débats. Pas la ville telle qu'elle est aujourd'hui, mais sa généalogie. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un tente d'enquêter dans le passé de la cité pour dégager de nouveaux éléments, qui viennent enrichir le mythe de Batman. Ici on s'intéresse à l'époque où Gotham s'appelait encore Gathome et où ceux que nous connaîtrons plus tard sous le nom de Arkham (les Orgham) possèdent un pouvoir important. Oui, la révélation principale de ce premier tome c'est que la famille Arkham est en réalité à la base une lignée de nobles, dont comme par hasard le descendant actuel est sur le point de débarquer un Gotham, pour une visite impromptue qui s'annonce particulièrement mouvementée. Ajoutez à cela une sorte de vide de pouvoir qui s'est créé depuis les derniers événements (racontés dans la série ces derniers mois), la pègre locale va devoir se restructurer. Quant à l'asile d'Arkham, il n'en reste plus grand chose; c'est un peu comme si tout était à reprendre et qu'à travers les révélations issues du passé, un nouveau futur pouvait apparaître.



Mais comme nous sommes à Gotham, ne voyez pas dans l'expression "nouveau futur" un avenir radieux et solaire. Non seulement Batman va devoir se confronter à de nouveaux ennemis (et aussi la Ligue des Ombres), mais il va devoir surtout se mesurer à lui-même, c'est-à-dire à sa psyché, qui pour une fois ne semble pas à l'épreuve de toutes les vicissitudes. Faire face à son corps également, qui semble le trahir ! Notre justicier serait-il victime de crises d'angoisse, de panique, ou bien l'âge aurait-il fini par le rattraper ? Ou encore, quelqu'un le manipule-t-il ? Toujours est-il qu'il a beaucoup de mal à se maintenir à flot et à imposer le respect dont il est coutumier. Les backup stories sont elles centrées sur le commissaire Gordon. On pourrait penser que l'heure de la retraite est arrivée et que l'ancien flic intègre va en profiter, mais c'est mal le connaître. Il doit composer avec la disparition de son fils, qui le marque toujours, mais aussi un nouveau personnage qui apparaît et qui va le pousser lui aussi dans une nouvelle direction. Enfin, le long annual en fin d'album est lui consacré à la ville de Gotham, plus précisément lorsqu'elle s'appelait encore Gathome. On y retrouve certains des éléments tirés du passé, notamment apportés à l'époque de  Grant Morrison, et beaucoup d'idées à exploiter pour étoffer la généalogie de la cité. Batman Nocturne est un album très intrigant, dense, artistiquement très abouti, mais aussi peut-être austère et difficile d'accès à celui qui ne connaît que superficiellement le monde de Batman, et risque alors de passer à côté d'un grand nombre de pistes et de signes.




AQUAMAN ANDROMEDA : VINGT MILLE LIEUES SOUS L'HORREUR


 Ami des profondeurs insondables, soyez les bienvenus au point Némo : c'est là, au fin fond de l'océan, que l'humanité enterre tous les déchets provenant de la conquête spatiale, qu'elle ne sait pas où entasser autrement. Or, voici qu'un jour un objet en provenance de l'espace, non identifié, finit par s'abattre exactement au point Némo, comme s'il était au courant de nos conventions terriennes. Un bateau militaire est rapidement dépêché sur place et un sous-marin expérimental très performant, l'Andromeda, secrètement envoyé sur le site, afin d'établir un premier contact avec ce que les militaires et les haut responsables des différentes nations pensent être probablement une forme de vie extraterrestre. Les scientifiques et intervenants à bord du sous-marin sont issus de différentes nationalités et se forgent rapidement la conviction qu'ils sont aussi dispensables : en cas de pépin, personne n'est au courant de ce qu'ils sont censé faire et du coup, s'ils venaient à disparaître, personne ne les pleurerait vraiment. Les profondeurs sous-marines, ce ne sont en réalité pas que de jolis poissons multicolores qui font le bonheur des chaînes "nature et découvertes", c'est aussi et surtout un lieu propice aux récits horrifiques, où les ténèbres vous enserrent, la pression vous écrase, où aucun être humain ne peut véritablement vivre, sauf celui qui est l'incarnation du croisement entre l'Homme et Atlantide, c'est-à-dire Aquaman. Le roi des mers est toujours là pour prêter main-forte quand les choses dérapent, pour apparaître fugacement telle une légende, punir les coupables et sauver ceux qui peuvent et doivent l'être. Un Aquaman presque spectral, qu'on voit intervenir de page en page dans une armure absolument magnifique, synthèse très réussie de coraux marins, de couches sédimentées et d'habits royaux. Il n'y a pas à dire, il a fière allure, avec ce look inédit pondu par Christian Ward. 


Ram V, le scénariste indien de cette histoire, est en train de se bâtir une très solide réputation ces dernières années, avec des récits d'horreur capables de mêler aussi bien la métaphysique que la monstruosité la plus repoussante. Ici, il est question d'une menace qui n'est pas exactement ce qu'elle semble au départ, dont l'origine va se révéler peu à peu et qui a le pouvoir d'agir non pas sur la réalité extérieure mais sur la vie intérieure de chacun des acteurs présents dans le sous-marin Andromeda.  Ils ont tous leurs propres failles, leurs démons et ce sont ces derniers qui vont être le véritable danger, qui va servir de carburant dans cette aventure, qui est tout de même un peu emberlificotée. Il faut être honnête, il ne se passe finalement pas grand-chose dans ce qui est un thriller d'épouvante psychologique en conditions extrêmes et ultra confinées. On aurait pu rêver à une histoire un peu plus simple, un peu moins abstraite, néanmoins on se consolera avec le dessin de Christian Ward : pour peu que vous soyez des fans de ce type de travail, vous allez probablement vous régaler. Ici, nous sommes dans le digital le plus pur avec un traitement des couleurs qui est à la fois proche du féerique, mais aussi de la pénombre, de l'étouffement. Ward a cette faculté de faire apparaître l'irréalité, pour en tirer quelque chose de crédible et de bien présent. Il alterne les vignettes de petite taille et les plans qui respirent, capable d'infuser à Andromeda cette grandeur majestueuse et silencieuse qui convient à ce genre d'album. Nous l'avons ainsi plus apprécié comme une démonstration artistique intéressante que comme un véritable récit passionnant. Quant à Aquaman, notre roi des mers, il est finalement assez discret et joue son rôle de légende plus que d'homme proche de ses semblables. Du reste, qui peut vraiment être proche d'Aquaman ?



THE NEW WARRIORS INTÉGRALE : 1990-1991 LA NAISSANCE DES WARRIORS


 Vous pouvez oublier la poésie et l'humanisme un instant, nous replongeons dans les années 1990. Une époque où les comics misaient plutôt sur la violence et les groupes paramilitaires pour exister, y compris lorsque les héros sont de jeunes adolescents qui ont encore tout à découvrir, aussi bien de la vie que de leurs pouvoirs. Fabian Nicieza et Mark Bagley se retrouvent alors aux commandes d'une nouvelle série, les New Warriors : le nom est déjà un programme en soi ! Le tout suite à la présentation de la formation dans deux épisodes de Thor, qui bénéficièrent d'un accueil somme toute positif (publiés dans cette Intégrale). Le premier numéro fait office de manifeste pour ces nouveaux personnages (ou en tous les cas de "seconde zone") qui doivent être présentés au lecteur, aussi bien en ce qui concerne leurs formidables capacités que leurs motivations personnelles. Pas le temps de finasser, il faut aller droit au but, d'autant plus que le grand méchant du jour, Terrax, est un ancien héraut de Galactus qui dispose d'une puissance incommensurable. Pour faire vite, disons que nous trouvons la petite cousine du Prince des mers (Namorita), un collégien malingre capable de devenir une sorte de boule de flipper humaine (Speedball), la version juvénile d'un futur membre des Gardiens de la Galaxie (ici appelé Marvel Boy), Nova (Richard Rider) de retour aux affaires, ainsi qu'une jolie rouquine arrachée à l'emprise d'Emma Frost, capable de dompter les micro-ondes (Firestar) et un afro-américain consumé par la vengeance, à la tête d'une fondation milliardaire. Dwayne (alias Night Trasher/Fighter) est le leader des Warriors. Ses parents ont été assassinés, il n'a pas de pouvoir, c'est un justicier urbain, bref ça ressemble quand même vaguement à du Batman sans expérience et enragé. Le groupe va devoir apprendre à fonctionner ensemble; d'un côté l'enthousiasme de la jeunesse fait qu'ils sont capables de surmonter des crises incroyables, comme lorsqu'ils se retrouvent projetés sur la Lune, pour affronter un ennemi désireux de pirater le programme spatial et l'envoi de déchets dans l'espace, ou encore face au Fléau, au pouvoir mystique primordial, que même Thor ne parvient pas à faire fléchir (les épisodes dont nous parlions plus haut). D'un autre côté, les difficultés ne sont pas que d'ordre super-héroïque, puisque même à la maison et dans la vie personnelle, les choses se gâtent régulièrement, entre interdiction de sortir et punitions, famille sur le point de divorcer ou père violent qui n'hésite pas à frapper femme et enfant.



Car oui, avec le recul, force est de constater que la série New warriors propose des thèmes qui allaient devenir particulièrement tendance dans les années suivantes. Il est question d'écologie par exemple, avec la déforestation de la forêt amazonienne ou la sale habitude de considérer l'espace comme une poubelle potentielle où déposer tous nos déchets. Notre bande de jeunes super-héros va d'ailleurs avoir affaire avec des activistes écoterroristes qui ont mis sur pied une équipe de dingues à pouvoirs, pour commettre leurs exactions au Brésil. La mère de Speedball, qui est une actrice de renom aux États-Unis, a également pris part à ce mouvement qui compte l'utiliser comme vitrine, avant de s'en débarrasser une fois sur le terrain. On trouve aussi les affres de la violence parentale et tout simplement les problèmes de rapport entre les générations. Pour revenir à Speedball, le gamin a l'impression que chez lui personne ne l'écoute et que ses parents (avocat politicien et actrice) lui imposent une carrière future qu'il préférerait pouvoir choisir. Même chose pour Marvel Boy qui est humilié par un père violent, qui rejette catégoriquement les pouvoirs de son fils. Night Fighter lui éprouve un besoin de vengeance, puisque son père a été assassiné. C'est la raison pour laquelle il a initié cette croisade et qu'il est autant à fleur de peau dans les premiers épisodes, au point que certaines de ses réactions suscitent même l'effarement de ses coéquipiers. N'oublions pas les guest stars propres aux années 1990 (le Punisher, who else ?) et d'autres recrues potentielles qui vont apparaître, à commencer par Silhouette, capable de se fondre dans l'ombre, et petite amie potentielle de Dwayne. Le dessinateur du titre est donc Mark Bagley; si aujourd'hui nous le connaissons comme l'artiste le plus durable et représentatif pour le Spider-Man des trente dernières années, il était à l'époque en tout début de carrière et Marvel Comics allait découvrir au fil des mois sa capacité d'être toujours fiable, de fournir de nombreuses planches à l'heure, avec un style dynamique et clair. Certes, beaucoup de visage se ressemblent (Firestar et Mary Jane Watson semblent deux sœurs jumelles) mais dans l'ensemble, quelle régularité, sans véritable temps faible. Ce premier volume de l'Intégrale New Warriors ressemble en définitive à un de ces cadeaux tombés du ciel, que bien des collectionneurs réclament à corps et à cris depuis des années. On aurait juste rêvé d'un travail éditorial plus approfondi (le prélude d'une page et demie de Christian Grasse est banal et mal rédigé/traduit) pour magnifier un ouvrage qui a toutes les chances de faire partie de votre wish list estivale. Faites-vous plaisir. 




COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...