LE CAPITAINE FLAM REPREND DU SERVICE CHEZ KANA


 Après le succès tonitruant de Goldorak il y a 3 ans, voici venir les aventures du Capitaine Flam chez Kana. Pour cet album qui fait partie des parutions qui animent la rentrée, le scénariste Sylvain Runberg a décidé de s'appuyer sur ce que l'on pourrait qualifier de premier arc narratif du célébrissime dessin animé de la Toei Animation. Il prend le soin de résumer les origines du protagoniste en quelque pages, à savoir le meurtre de ses parents et sa formation scientifique, indispensables pour comprendre la suite, et il enchaîne sur une de ces missions en apparence si complexe que personne n'est à la hauteur de la tâche, sauf à convoquer le franc tireur le plus célèbre de toute la galaxie, celui qui peut résoudre les problèmes les plus épineux, Curtis Newton… mieux connu en tant que Capitaine Flam. Le gouvernement intersidéral décide de l'envoyer sur la planète Denef où une terrible épidémie est en train de décimer la population. D'un instant à l'autre, tous les humains qui la peuplent sont susceptibles de devenir des espèces de créatures simiesques, dont la rage n'a d'égale que l'absence d'esprit et de conscience. Une transformation horrible en monstres déchaînés qui ne semble avoir ni explication rationnelle, ni être destinée à connaître une fin rapide. Il faut dire que sur la planète Denef, la situation a rapidement dégénéré. Ce qui est censé être à la base un monde servant à la réinsertion d'anciens occupants des différentes colonies pénitentiaires de l'univers est finalement devenu une sorte de territoire sauvage, où les humains imposent une ségrégation brutale à ceux qu'ils appellent les Primos, les descendants de la civilisation originelle de Megara. Mais ces derniers ont retrouvé un peu de leur honneur et une volonté farouche de combattre, avec l'apparition de l'Empereur Eternel. Celui-ci se présente comme la réincarnation d'un dieu antique de Megara et personne ne connaît sa véritable identité, puisqu'il porte un casque qui lui permet de faire durer le suspense, jusqu'à la toute fin de notre album. Le Capitaine Flam, épaulé par ses fidèles alliés (Mala, Crag, le Pofesseur Simon) embarque à bord de son astronef avec une recrue de choix : la belle est redoutable Johann Landore, agent spécial chargée de veiller sur le bon déroulement de cette affaire et qui n'a pas une opinion extraordinaire de lui, au moment de décoller. Nous autres qui avons déjà vécu tout ceci (plus ou moins) à la télévision ne pouvons nous empêcher de lire les bulles en entendant raisonner dans un coin de notre tête les voix du doublage de la version française. Car oui, c'est extrêmement efficace, rondement mené et on est ramené irrésistiblement aux belles heures de notre jeunesse. Même si la bande dessinée que nous sommes en train de lire recycle clairement certaines thématiques et affine les personnalités des héros, en fonction de préoccupations plus modernes.


Là où Alexis Tallone était attendu au tournant, c'était dans l'interprétation graphique de l'univers du Capitaine Flam et de ses différents personnages. Nous sommes ici dans un style qui emprunte énormément au manga contemporain, ce qui en soi reste assez logique, compte tenu de l'origine de l'animé de la Toei Animation. Les personnages sont tous très bien caractérisés et certains sont même sérieusement rajeunis, au risque de dépayser les puristes. Mala est beaucoup plus crédible en tant que combattant redoutable et créature artificielle, tandis que Johann est présentée dans une version beaucoup moins douce et naïve que l'originale. Elle permet le contraste et la discussion permanente avec le Capitaine Flam; les éventuels enjeux de séduction sont eux globalement évacués au profit d'une dynamique aussi complémentaire que potentiellement conflictuelle. Pour le reste, le dessin ne trahit aucunement ce que nous connaissions déjà et l'adapte intelligemment au goût d'un lectorat moderne, qui n'a pas forcément en tête le modèle de départ, même si il y a fort à parier que le public cible de cet album reste, évidemment, les quadras ou plus. Ce Capitaine Flam là est un peu plus agressif que celui des origines; les scènes de combat et d'action un peu plus tranchantes, et bien entendu, toute la trame de cette histoire essaie de coller un peu plus à des questions sociales sociétales et éthiques qui nous sont propres aujourd'hui. Ce qui pouvait être un simple clin d'œil aux grandes heures d'un divertissement appartenant à notre passé est en réalité un album de qualité, soigné, qui atteint son but avec maestria, et qui nous donne dès l'instant où nous tournons la dernière page, furieusement l'envie de voir débarquer une suite. Nous ignorons à l'heure actuelle si Runberg et Tallone donneront un prolongement à tout ceci, si d'autres arcs narratifs du Capitaine Flam seront adaptés chez Kana, mais clairement, nous serions prêt à signer sur l'instant pour que cela advienne. En attendant, voici de quoi unir en 160 pages deux ou trois générations différentes, avec un travail qui a, il faut l'admettre, une base de départ excellente, c'est-à-dire les œuvres de science-fiction de Edmond Hamilton, qui depuis les années 1940 n'ont jamais cessé de constituer une référence en la matière (et qui ne demandent qu'à être redécouvertes). 

Attention : notre numéro d'octobre, à sortir le 7 octobre, proposera un dossier spécial Capitaine Flam.


La version collector du Capitaine Flam de Kana

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THANOS LE RETOUR (PAS SI FOU) DU TITAN FOU

 

Un peu de respect pour le Titan Fou, que diable. je veux dire, Thanos ne peut pas être servi à toutes les sauces. Le personnage est parfait pour une saga cosmique épique, avec des relents spirituels et/ou métaphysiques. Un adversaire de taille, qui en remontre à tout l'univers Marvel, et offre aux scénaristes l'occasion de plonger dans les méandres les plus tortueux de l'âme des héros. En alternative, on peut s'en servir pour du bon vieux comic book bourrin, un cataclysme majeur, l'extermination comme seul horizon des événements. Mais descendre Thanos de son piédestal, l'amener à frayer avec des héros terriens dans un contexte moins noble, c'est un pari risqué, pour ne pas dire voué à l'échec. Pour en finir avec Thanos, vous savez qu'il n'est pas totalement ce nihiliste que l'on présente régulièrement. Non, il a au moins une passion dans la vie mais malheureusement… c'est la mort. D'ailleurs, pour les beaux yeux de cette compagne tant désirée mais qui se dérobe systématiquement à lui, il a tout de même souhaité à un moment donné détruire la moitié de l'univers. Tout cela pour vous dire que lorsqu'on voit débarquer dès le début de cette histoire une jeune fille (Roberta) d'apparence gothique et dont l'existence semble bien morne (elle travaille dans une sorte de drugstore spécialisé dans le médical) on commence à avoir un petit soupçon. Lorsque la jeune fille se recueille sur sa propre tombe (avouez-le, c'est assez original) et que celle qui se dit sa mère se présente en caisse et affirme reconnaître sa fille décédée, le soupçon devient de plus en plus évident. Et lorsque enfin Thanos débarque et décide d'emporter toute la ville de Fresno, où elle travaille et habite, de la mettre sous cloche pour l'aspirer dans l'espace, alors même le lecteur le plus naïf a compris quels sont les véritables enjeux. 




Thanos n'est pas seulement un des plus grands méchants de tout l'univers mais c'est aussi, dans sa manière d'aimer, d'imposer sa volonté à la mort elle-même, une sorte de super harceleur. Quelqu'un qui ne comprend pas qu'on lui refuse quelque chose, qui pense que ses désirs font forcément loi et que l'autre n'est fait que pour les satisfaire. C'est donc une approche relativement moderne et pertinente de la part de Christopher Cantwell, tandis que du côté des super-héros, ce sont les Illuminati qui s'interposent entre le Titan fou et sa prétendue bien aimée. Le problème, c'est que ces quatre épisodes sont assez évanescents. Certes, les dernières planches indiquent que tout ceci n'est que le prologue à quelque chose de beaucoup plus important. En attendant, nous n'avons pas grand chose à nous mettre sous la dent, voire même, nous trouvons parfois certaines scènes qui se veulent humoristiques mais qui sont juste déplacées et out of character : il suffit de mentionner Thanos au volant dans une voiture par exemple, ou en train de crier sur un serveur. Par contre, l'arrivée de Hulk, annoncée à travers une série de vignettes où on le voit (enfin, ses gros pieds) bondir d'un état à l'autre est bien réalisée et constitue une des trouvailles géniales de l'ensemble. Un album finalement assez plat dessiné par Luca Pizzari (parfait pour l'esprit moderne de Marvel, mais que ne placerais pas aux commandes d'une série Thanos) aidé de German Peralta, très loin d'intégrer le panthéon des aventures avec Thanos, et qui aura peut-être comme seule véritable raison d'être d'amorcer une future grande histoire à la hauteur de la noirceur de son protagoniste. Nous verrons bien.



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WHAT IF..? DONALD DUCK BECAME THOR : LA REVIEW


 Peu importe que vous soyez désormais habitués ou pas, c'est ainsi ! Il va y avoir de plus en plus d'histoires avec les personnages les plus connus de l'univers Disney, qui vont vivre des aventures qui nous intéressent particulièrement, nous autres les fans de comic books, puisque il s'agira de réécrire les grands moments de l'univers Marvel, revisités à la sauce de nos gentils canards ou souris. Donald Duck avait déjà été le protagoniste d'une publication dans laquelle il devenait Wolverine, c'est maintenant le tour du Dieu du tonnerre, qu'il va incarner par le plus grand des hasards. C'est en emmenant en Norvège ses petits neveux, Riri Fifi et Loulou, pour un voyage culturel et archéologique, que les choses vont se gâter. Le scénariste de cette histoire, Ricardo Secchi, travaille à partir d'un synopsis écrit par Steve Behling et il récupère les éléments principaux du premier épisode historique mettant en scène Thor, pour les rejouer de manière humoristique et permettre à Donald d'émuler ce géant des comics Marvel. Par exemple, la célèbre démarche du docteur Donald Blake, qui boite bas, est reproduite chez Donald en raison de sa maladresse : il s'est donné un violent coup de pelle sur les palmes en creusant avec ses neveux ! Le même Donald rentre en contact avec des créatures en pierre venues sur notre planète pour l'envahir. Poursuivi, il trouve refuge dans une grotte et là, il va se transformer en Thor, de la même manière que le super-héros au long cheveux blonds le fait régulièrement au début de sa carrière (en frappant un bâton sur le sol). Le combat peut donc s'engager entre un Donald métamorphosé et des aliens plus résistants que prévu, mais qui malgré leur compétences technologiques vont évidemment devoir s'incliner. Au passage, les deux scénaristes parviennent à présenter une version Disney du Destroyer et l'épisode n'est pas aussi anodin qu'il pourrait sembler. Il y a même une petite pointe de désespoir à un certain moment, mais qui est très vite tempéré par l'humour et les blagues propres à l'univers Disney. L'ensemble est mis en images de manière très convaincante par Lorenzo Pastrovicchio, qui est un des véritables maîtres italiens de l'univers Disney. Il tente d'adapter quelques peu son style pour le rendre le plus cohérent possible avec les deux univers qui doivent cohabiter et ça marche admirablement bien. Contrairement à l'histoire avec Wolverine, celle du Donald/Thor est un peu moins loufoque, insiste un peu moins sur les clins d'œil envers les lecteurs, mais fait peut-être preuve d'un peu plus de cohérence et d'unité. En tous les cas, c'est plaisant à lire et nous sommes très curieux de voir quand cela sera publié en France et dans quelle revue ou magazine. En Italie, Topolino (le Journal de Mickey) a proposé la version traduite quasiment le même jour de sortie qu'aux États-Unis.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : L'AVENTURIER


 Dans le 183e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente L’aventurier, adaptation d’un roman d’Arthur Schnitzler par Alessandro Tota au scénario, Andrea Settimo au dessin qui est publié aux éditions Glénat dans la collection Treize étrange. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Les crieurs du crime que l’on doit au scénario de Sylvain Venayre, au dessin d’Hugues Micol et c’est co-édité par Delcourt et les éditions La découverte

- La sortie de l’album Belmondo, peut-être que je rêve debout que l’on doit au scénario de Laurent-Frédéric Bollée, au dessin de Jean-Michel Ponzio et c’est édité chez Glénat dans la collection 9 et demi

- La sortie de l’album G.I. Gay que l’on doit au scénario de Didier Alcante, au dessin de Juan Bernardo Muñoz et c’est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie de La part du feu, le second et dernier tome du diptyque San Francisco 1906 que l’on doit au scénario de Damien Marie, au dessin de Fabrice Meddour et le tout est édité chez Grand angle

- La sortie d’Un enfer pour un autre, le troisième et dernier tome de la série Slava que l’on doit à Pierre-Henry Gomont et qui est publiée aux éditions Dargaud

- La réédition de l’album Histoires incroyables du Basket ! que scénarise Tony Lourenço, un titre mis en dessin par de nombreux artistes et qu’édite Petit à petit dans sa collection des Docus BD.



 
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NOVA L'INTÉGRALE 1976-1978 : RICHARD RIDER LE HÉROS INEXPÉRIMENTÉ


On dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. Toujours est-il que lorsque Marv Wolfman propose les aventures de Nova à Marvel, il espère très sérieusement émuler le succès du jeune Peter Parker, tel que dépeint par Stan Lee au début des années 1960. L'idée lui est venue d'un projet personnel qu'il a développé et modifié au fil des ans : son protagoniste s'appelle Richard Rider, il est encore à l'université et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas très à l'aise en société ou populaire sur le campus. Aujourd'hui, on parlerait clairement de harcèlement, notamment exercé par un camarade de promo qui n'hésite pas à le houspiller, le faire tomber, le ridiculiser même devant la seule fille du groupe qui lui manifeste de l'intérêt. Il faut préciser que Richard ne fait pas grand-chose pour améliorer la situation; il n'est pas brillant en cours, n'est pas très bon en sport et il ne déborde pas d'énergie. Sauf que sa vie va être bouleversée à jamais grâce (ou à cause) d'un extraterrestre, un Centurion Nova, engagé dans une lutte sans merci face à Zorr, une mocheté sidérale et surpuissante. Avant de mourir, le Centurion projette ses pouvoirs dans l'espace, qui finissent par échouer sur Terre (à Long Island, pas dans le Calvados, comme par hasard) où ils investissent le corps de Richard Rider. Dès lors, il va devenir Nova, un jeune super-héros inexpérimenté qui va d'abord commencer par tenter de comprendre comment fonctionnent ses pouvoirs. Il est amusant de voir la naïveté avec laquelle les choses sont amenées, au point même qu'il est capable d'entendre la radio de la police dans son casque (mieux encore, c'est sa propre mère au standard qui donne des informations). Avec de tels dons formidables (transmis sur un modèle qui flirte la copie carbone du processus Abin Sur/Hal Jordan chez DC Comics), le nouveau justicier pourrait titiller les étoiles et surclasser toutes les petites frappes de la Terre. Mais bizarrement, il reste très prudent, timoré, comme il l'a finalement toujours été depuis sa tendre enfance. Ses premiers affrontements n'ont rien de très glamour. Des "pointures" comme Powerhouse, le Condor, ou même le Diamant, ça n'est que du menu fretin comparé aux années qui vont suivre. Mais ça suffit à mettre Richard dans un sacré pétrin !




Avant de devenir un super héros qui se respecte et l'idole des foules (bien plus tard) il faut en passer par là, y compris se mesurer au Sphinx et s'en aller défier Thor, durant un de ces célèbres combats d'antan, où toutes les excuses étaient bonnes pour que deux super-héros se tapent dessus avant de se rabibocher. Ici, Thor est manipulé, comme de bien entendu. On verra passer aussi Spider-Man, quelques Avengers et même Nick Fury, au fil des épisodes, mais aussi l'Homme-Sable, qui portait à l'époque cet horrible costume sans aucune justification fonctionnelle réelle, uns de ces intuitions délirantes des années 1970 qui confine au hideux. Nova est loin d'être sûr de savoir ce qu'il faut faire, il sous-estime clairement sa force, se fait piéger par des vilains de seconde zone qui le gaze ou l'assomme sans trop de mal, et il doit aussi sauver sa propre famille du danger, quand ce n'est pas un de ses meilleurs amis, dont l'oncle est devenu une créature sans visage après un plongeon dans un lac et un voyage dans le futur (les hallucinogènes étaient utilisés à forte dose dans la Maison des Idées). Le premier dessinateur important à l'œuvre dans cette intégrale, c'est Sal Buscema; et ça tombe bien car c'est quelqu'un que j'adore. Vous avez demandé un artiste capable d'insuffler de l'énergie dans chaque épisode, de la première à la dernière planche, vous avez trouvé le bon client ! Qui mieux que Sal(vatore) pour les scènes d'explosion, les mandales dans la mâchoire, voir des personnages éjectés qui traversent la case... du grand art ! Du grand art, c'est aussi le terme que l'on peut appliquer pour Carmine Infantino, qui est littéralement un monument de l'histoire de tant de comic books. Il a signé de nombreuses pages des plus grandes heures de très grands héros et son trait raffiné permet à Nove de gagner en crédibilité, en profondeur. Au final, une intégrale qui affiche tous les défauts et tous les coups de génie de son époque. C'est bien pour cela qu'on aime cette collection, non ? 



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POUSSIÈRE D'OS : L'ÉTRANGE MONDE POST-APOCALYPTIQUE DE BEN STENBECK


 Collaborateur habituel de Mike Mignola, Ben Stenbeck s'aventure hors du domaine horrifique "bien balisé" du Mignolaverse pour une première série personnelle de science-fiction : Poussière d'Os, une mini-série en quatre épisodes qui se déroule à la fin de l’ère humaine sur Terre, publiée par Image Comics aux States et Delcourt en France. Attention, on va faire du hors-piste ! Sur une planète dévastée par la sécheresse et la famine, les derniers survivants de l’humanité s'accrochent en formant des tribus violentes, pour lesquelles le sang et la mort des autres peuvent aussi être synonymes d'un jour de plus en ce bas-monde. Un enfant sauvage attire l’attention d’un robot extraterrestre (d'une intelligence artificielle, en somme) chargé de cataloguer les vestiges de la civilisation humaine. La vision dystopique de Stenbeck rend Mad Max presque idyllique en comparaison, mais son trait délicat et les tons pastel de ses couleurs confèrent même aux scènes les plus brutales une étrange beauté. Il y a de la poésie dans ce no man's land où il ne fait guère bon (sur)vivre. Des détails subtils, comme une vieille paire de lunettes de soleil ou un couvre-chef fabriqué à partir de plaques d’immatriculation, mettent le lecteur sur la piste d'un futur qui semble moins éloigné qu’on pourrait le croire. Par contre, il ne faut pas chercher d'explications, de leçons sur le devenir de notre race (genre, le réchauffement climatique), ce n'est pas le propos. Stenbeck construit habilement son univers et se met dans la poche le lecteur grâce à la perspective inédite des extraterrestres qui documentent la fin de l’humanité, sans être censés interférer avec les autochtones misérables qu'ils découvrent. Enfin, jusqu'à ce qu'un d'entre eux franchisse le pas, ça va de soi. La mini série évite de tomber dans le stéréotype de la science-fiction improbable où les habitants d’un futur lointain parlent dans un jargon incompréhensible : ici, les personnages s’expriment peu, et quand ils le font, leur langage est altéré, familier, comme si même cet aspect témoignait du délitement de l'univers. Au passage, le traducteur (Laurent Queyssi) a dû bien s'amuser avec ce français à adapter à la situation. 



Les observateurs extraterrestres dans Poussière d'Os sont véritablement insolites, on ne parvient pas à les cerner, ni pour ce qui est de leurs réactions en apparence émotives, ni sur leur fonctionnement physique/biologique/mécanique. Lorsqu’une connexion improbable commence à se nouer entre un ces "enregistreurs" et l’enfant sauvage, on peine à comprendre à quel niveau cela peut se jouer, avec quels enjeux. Clairement, cette étrangeté qui confère à la série sa singularité peut dès lors constituer un obstacle à son succès commercial. Les œuvres aussi atypiques que Our Bones Dust (titre en VO) peinent parfois à trouver leur public, car elles défient les attentes et les conventions du genre. Pourtant, c’est précisément cette audace qui rend l’expérience de lecture si mémorable et fascinante pour ceux qui osent s’y aventurer. C'est ici parfaitement le cas : il faut accepter de se laisser mener par le bout du nez, de se confronter à une violence qui n'a apparemment pas de règle, si ce n'est celle de la survie à tout prix, voir apparaître des personnages qu'on ne parvient pas à analyser et dont finalement, on ne saura pas grand-chose d'ici la fin, si ce n'est quelques déductions qui dépendront également de la sensibilité et de la culture de chacun. Bref, un mystère, une expérience, une œuvre qui forcément s'avère clivante mais assurément singulière. Pour le reste, Delcourt a eu la très bonne idée d'ajouter tout un tas de bonus, avec des couvertures alternatives, des illustrations, des croquis, ce qui permet de profiter jusqu'au bout du talent de Stenbeck.


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LES 90 ANS DE DONALD DUCK : BON ANNIVERSAIRE MON CANARD (PART 1)




 Donald Duck, le canard le plus célèbre de l’univers Disney, célèbre ses 90 ans cette année. Né sous le crayon des animateurs Art Babbit et Dick Huemer en juin 1934, Donald a fait sa première apparition dans le film d’animation “La Petite Poule Avisée” (The Wise Little Hen). Au menu, l'histoire d'une mère poule qui doit planter son grain, et de deux paresseux (le cochon Peter Pig et Donald Duck) qui trouvent tout un tas de bonnes excuses pour ne pas lui venir en aide. Trois mois plus tard, entre le 18 septembre et le 16 décembre, c'est au tour de l'adaptation en bande dessinée de voir  le jour grâce à Ted Osborne et Al Taliaferro, dans les pages du dimanche de grands quotidiens nationaux. La première de plus de 50 000 aventures avec Donald ! Avec son costume de marin et son caractère bien trempé, le personnage (de son nom complet, Donald Fauntleroy Duck) s’est rapidement distingué comme un contrepoint au tempérament plus posé de Mickey Mouse. Au fil des années, Donald est devenu un personnage emblématique grâce à sa personnalité colérique et son éternelle malchance. Ses habits trouvent une double explication : il s'agissait à la fois d'associer une tenue qui évoque l'eau, élément indispensable pour le canard, mais aussi des vêtements portés réellement par les gamins en Amérique à cette époque. Sa voix unique, nasillarde et grinçante, imaginée par Clarence Nash, et son langage incompréhensible sont devenus sa marque de fabrique au cinéma et dans l'animation. Donald a aussi été immortalisé par Carl Barks, qui a enrichi son univers en créant des personnages comme l'Oncle Picsou (Scrooge McDuck), les Rapetou (Beagle Boys) et Miss Tick (Magica De Spell). Don Rosa est l'auteur d'un célébrissime arbre généalogique de la famille du personnage, basé sur un sketch de Barks, justement. Donald a son permis et roule dans une Beichfire Runabout, le véhicule qui l'accompagne depuis 1938 dans ses péripéties. La plaque d'immatriculation (313) est un clin d'œil à sa date de naissance, le treize mars. Donald vit de nombreuses aventures au fil des décennies, souvent accompagné de ses trois neveux, Riri, Fifi et Loulou (Huey, Dewey, and Louie), qui ont fait leur première apparition eux aussi en 1938. Ensemble, ils forment la Duck Family et vivent des histoires palpitantes, tant dans les dessins animés que dans les bandes dessinées. Au départ, le trio en faisait voir de toutes les couleurs à leur oncle, les cannetons étaient de véritables pestes, mais ils se sont progressivement adoucis, sont devenus plus responsables, ont joué un rôle plus positif, notamment à travers leur appartenance au club des Castors Juniors. Ms Ducks step out, en 1940, est un récit important pour Donald : c'est la première apparition de Daisy, qui va devenir sa fiancée immuable et souvent déçue. Autres membres du cast qu'il est impossible de négliger, le cousin Gontran, qui a autant de chance que Donald peut être poissard, ou encore Lagrogne et Grumble (ce dernier principalement dans les histoires produites en Italie, qui est une des grandes sources pour les aventures Disney), des voisins irascibles avec qui Donald passe le plus clair de son temps à se disputer. Il faut dire que notre canard part au quart de tour, que même s'il est généreux et voit les choses du bon côté, il lui en faut peu pour exploser et devenir hargneux pour un temps. D'où l'expression, voler dans les plumes…



Pour marquer ce 90ème anniversaire, Disney+ ajoute un nouveau court métrage d’animation à sa bibliothèque intitulé “D.I.Y. Duck”, réalisé par Mark Henn. Dans ce film, Donald se lance dans le défi apparemment simple de changer une ampoule, mais les choses se compliquent rapidement. Donald Duck n’est pas seulement un personnage de fiction ; il est devenu un symbole culturel, représentant avec humour les frustrations et les défis du quotidien. Son impact sur la culture populaire est indéniable, et son héritage continue de s’enrichir avec le temps. Dès le départ, Donald et Mickey semblent deux personnages aux antipodes, qui se répondent, se complètent idéalement. Et les faveurs du public ne vont pas forcément au plus brave, au plus malin. Car certes, Mickey était intelligent, rapide dans ses raisonnements, capable de résoudre de nombreux problèmes et jamais pris de court, au bout du compte. Il nous entraînait derrière lui, nous le poursuivions, et suivre toutes ses péripéties et les solutions qu'il mettait en œuvre pour triompher avait de quoi nous retourner la tête. Quel sacré petit bonhomme que cette souris ! Mais Donald ne pouvait pas et ne peut toujours pas se permettre d'avoir des défauts. Commettre quelques faux pas, très bien, mais certainement pas être enragé, envieux, mesquin. C'est une condamnation sociale et artistique ! Un drôle de héros, quand même. Et pourtant, dès le début, ce canard habillé en marin, qui aura pour principale passion son hamac pendant quatre-vingt-dix ans (à ce jour), deviendra une idole capable de rivaliser avec le vrai héros, et dans nos cœurs, de le supplanter. C'est un paradigme littéraire : l'astuce et l'honnêteté morale de Mickey nous sont nécessaires mais la malchance et le caractère soupe-au-lait de Donald nous plaisent. Mickey est meilleur que nous, plus fort, Donald est pire que nous — du moins, c'est ce que nous espérons secrètement depuis le début. Mickey peut devenir antipathique, parfois, Donald jamais (c'est impossible). Ou alors ce serait éprouver de l'aversion pour qui et ce que nous sommes ! Et il n'y a pas que Donald dans cette affaire. Aucun des personnages de son univers ne peut devenir désagréable sur le long terme, pas même l'oncle milliardaire et avare ; pas même le cousin Gontran, outrageusement chanceux, qui ridiculise et l'emporte sur Donald à chaque fois, et fait battre les cils et le cœur (?) de Daisy. Leur importance est uniquement à considérer dans l'optique de faire briller le perdant ; ils servent à la narration, et ils nous servent, nous lecteurs ou spectateurs, à comprendre et aimer les caractéristiques de notre héros. Nous lui pardonnons tout, nous l'aimons. C'est ça, le vrai amour, non? Sacré Donald Duck… 




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NIGHT EATERS TOME 1 : ELLE DÉVORE LA NUIT




 Milly et Billy sont deux jumeaux avec un problème commun : leur mère. Une sacrée personnalité encombrante, jamais contente, bougonne, revêche même. Qui impose ses choix, castre et fait la tête. Chouette ambiance. Pourtant, ils ont ouvert un restaurant hawaïen qui fonctionne assez bien (enfin, si le covid le permet, car la crise planétaire que nous avons traversé sert en partie de toile de fond à l'ensemble), mais entre ça et abandonner des études, vous comprendrez que les parents s'inquiètent. Ipo est donc un personnage d'approche difficile, dont le passé est dévoilé au début de chaque partie de Night Eaters, sous forme de brefs flashback, dans les années 1950. Et à l'époque, la mère des jumeaux est encore célibataire. Elle est superbe et sait se battre, au point qu'elle devient la doublure officielle pour des scènes de combats et des cascades dans des films d'action asiatiques. Au temps présent, Ipo a fini par émigrer aux States, elle est devenue une femme qui semble accorder plus d'importance à ses plantes, à son jardin, qu'aux humains, à l'exception de son mari, qui a l'air de savoir comment se positionner par rapport à elle et qui supporte son manque de sympathie. En face de la maison d'une couple, une autre bâtisse, délabrée et abandonnée, attire l'attention des agents immobiliers, mais sans jamais trouver preneur. Il faut dire que tout à l'air de tomber en ruines, et que même l'intérieur est sinistre. Et puis, un meurtre y a été commis, comme on va assez vite le découvrir. Marjorie Liu nous plonge dans l'horreur par petites doses, comme s'il s'agissait d'enter dans une piscine sans souffrir l'eau froide. Un pas devant l'autre, dans un climat angoissant, pesant, avec des apparitions, des illuminations cauchemardesques, qui nous font basculer dans autre chose. L'art de doser les ingrédients pour réussir son plat. 



L'horreur vient donc de la découverte d'un squelette enterré, d'un meurtre qui s'est produit dans la maison d'en face. Mais c'est aussi parce qu'il va être question de démons, de créatures surnaturelles qui ont besoin d'un corps pour s'incarner dans notre plan d'existence. Et en parallèle à tout cela, Night Eaters est aussi une histoire qui parle de filiation, de la manière dont il est difficile de transmettre des valeurs et des sentiments entre des parents et leurs enfants, surtout quand les parents ne sont pas tout à fait comme les autres et que les enfants sont, sans le savoir, tout aussi particuliers. Marjorie Liu fait preuve d'une science éprouvée de la narration et si l'ensemble commence sur un tempo plutôt lent, on finit par se prendre au jeu de cette ambiance glauque mais attachante, qui culmine dans 50 dernières pages où tout est (presque) révélé aux lecteurs. Les dessins de Sana Takeda s'abreuvent plus aux source du manga qu'à celles du comic book traditionnel et ils sont par endroits délicieux, même si personnellement j'ai toujours beaucoup de mal lorsque les personnages sont représentés en train de transpirer, avec des grosses gouttes de sueur qui leur coulent du front. Habitude nippone. Les couleurs sont aussi très réussies et se mettent au diapason d'une histoire qui devrait normalement s'étaler sur trois tomes. Toujours est-il que le premier est une véritable réussite, suffisamment singulier pour ne ressembler à rien d'autre et nous donner envie de vite découvrir (vite !) le prochain.



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PUNK THE F*CKING STORY : LE DOCU BD CHEZ PETIT A PETIT


 Qui a dit qu'il était nécessaire d'être un virtuose des instruments pour se lancer dans la musique et fonder un groupe à succès ? La preuve la plus évidente que c'est faux, c'est l'histoire du punk. Un genre qui a révolutionné l'industrie musicale à une époque où elle commençait à ronronner et à répliquer encore et toujours les mêmes recettes. Petit à Petit nous plonge cette fois dans une bouillonnante f*cking story pour ce qui constitue un des meilleurs docu-BD que nous ayons eu entre les mains à ce jour. Tout démarre en 1969 avec la création d'un groupe à contre-courant, le MC5, qui évoluait à Detroit dans le Michigan (par ailleurs, ce sera aussi le berceau de la musique électronique aux États-Unis); le punk n'est encore qu'une vague idée mais les mouvements contestataires, la plupart issus de l'extrême gauche,  ont envie d'en découdre avec les pouvoirs en place et ressentent la nécessité de donner un grand coup de pied dans la fourmilière du conformisme, pour en faire jaillir de nouvelles forces. Qui sont à la base d'un mouvement transgressif, et dont les première idoles portent le nom illustre d'Iggy Pop ou des New York Dolls. Au cours des années 1970, c'est en Grande Bretagne que la rage juvénile va pouvoir prospérer, notamment dans les pub rock qui sont la vitrine parfaite pour des groupes à guitare dont la flamboyance et l'urgence de s'exprimer permettent de compenser allègrement un manque de fondamentaux évident. Tout ceci nous amène à la création des Sex Pistols et à l'influence du styliste britannique Malcolm McLaren, que nous allons croiser à de nombreuses reprises dans cet ouvrage. Les Pistols reste probablement à ce jour le groupe le plus identifiable de la période, notamment pour le côté sulfureux et les scandales qu'ils vont soulever au cours d'une carrière somme toute très brève. Le mouvement punk se veut radical et idéologiquement bien défini; le docu-BD nous le raconte à travers un déroulé des faits chronologique mais aussi thématique très pertinent, établi par Thierry Lamy. Nous assistons à la fois à un véritable défilé des groupes qui ont fait l'histoire du genre, chacun ayant droit à son petit épisode (les Ramones, les Buzzcocks…) tout en se concentrant ensuite sur des aspects très importants du mouvement punk, comme la présence des femmes dans tous ces groupes, ou encore tout ceux que l'on pourrait qualifier "d'héritiers".


 Comme cela est très souvent le cas avec la collection des docu-BD chez Petit à petit, les différentes parties de cet album sont illustrées par des artistes qui se donnent le change, mais il y a un point commun entre presque tous : c'est le style de l'ensemble, qui tend vers la bande dessinée de la contre-culture américaine ou la caricature sous adrénaline. L'ensemble est très cohérent mais aussi très bien documenté (les textes sont de Nicolas Finet); en règle générale, le parcours d'un groupe ou un sujet en particulier est évoqué sur 5 pages et puis une double page de rédactionnel sert à faire le résumé, avec des photos d'époque et une contextualisation nécessaire pour mieux saisir les différents aspects du mouvement punk. Et à la fin, une discographie sélective vous propose de vous plonger dans 44 disques indispensables, y compris des albums appartenant à l'héritage du punk, comme par exemple le hard rock de Motorhead. Il est aussi question de reggae, dans une des toutes dernières parties. Tout le paradoxe du punk est mis en lumière dans cette f*cking story : à la fois l'urgence de créer sans en avoir les connaissances techniques, l'envie d'en découdre avec un quotidien morne et une société sclérosée, et dans le même temps, la nécessité de trouver une place dans une industrie musicale qui a toujours eu l'intelligence de savoir assimiler les outsiders, pour finalement faire fructifier leur image. C'est ainsi que le punk et son énergie libératrice et juvénile n'a jamais disparu, mais au contraire, a été transplanté, modifié, digéré, pour donner naissance à d'autres mouvements. On pourra juste regretter le peu d'importance accordé à la scène punk en France, mais il est vrai que les groupes à avoir briller ne sont pas très nombreux par ici. Il faut le reconnaître, parmi tous les docu-BD qu'a proposé Petit à petit ces dernières années, celui-ci est un des mieux construits et des plus éloquents. Vous pouvez vous jeter dessus à la première occasion. 



Un autre docu-BD ? Essayez Amy Winehouse

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DARK RIDE TOME 2 : UN DEUXIÈME TOUR DE MANÈGE CHEZ DELCOURT


Il y a des petites séries qui débarquent comme ça, sans tambour ni trompette, mais qui s'avèrent être à classer parmi les toutes meilleures du genre. Bonne surprise donc que Dark Ride, dont le premier tome chez Delcourt nous avait déjà très largement convaincus (la preuve). La suite est disponible en ce début septembre et Joshua Williamson continue d'explorer le mystère qui règne autour du parc d'attraction de Devil Land, spécialisé dans l'horreur, mais surtout sur la famille qui le gère. Et quelle famille ! Le père (Arthur Dante) a certes eu un parcours d'entrepreneur exceptionnel mais il a vendu son âme au diable. Les deux enfants (Samhain et Halloween Dante) sont les héritiers de quelque chose de particulièrement ténébreux. Le premier cité enquête désormais avec Summer, la sœur du jeune homme qui a disparu dans un premier temps dans le parc, alors qu'il venait d'y être embauché comme saisonnier, pour finalement être découvert pendu dans la plus renommée des attractions. En s'enfonçant dans les profondeurs du parc, ils vont faire des découvertes de plus en plus macabres, à commencer par un lieu où atterrissent tous les déchets laissés par les clients et qui semble le domaine privé par d'un dingue qui vaut un culte à la seconde épouse (et mère des deux enfants déjà évoqués) d'Arthur Dante. L'enfance, et même la naissance des deux jumeaux est également explorée, à travers des flashbacks qui nous ramènent à la fin des années 1980, lorsque leurs parents se sont rencontrés; des interludes qui ne font que rajouter du frisson à l'ensemble et étoffent le malaise. Bref, nous sommes encore loin de détenir toutes les clés, mais Williamson mène son récit tomber battant, avec beaucoup de maestria.



Ce qui pourrait être un récit horrifique comme tant d'autres devient au fil des épisodes une sombre histoire familiale, dont les ramifications sont loin d'être terminées, puisqu'il s'agit maintenant de la petite fille de Samhain, qui est elle-même prise dans la spirale maudite qui se dessine. Le personnage d'Arthur, le père qui était jusqu'ici resté dans l'ombre et dont nous ne savions presque plus rien, si ce n'est ces petites séquences extraites du passé qui nous montre le genre d'individu qu'il peut être, devient cette fois un des éléments clés de l'histoire, puisqu'il revient directement sous les feux des projecteurs. Et à sa manière (évidemment), il parvient à infléchir quelque peu l'opinion du lecteur sur ce qui est en train de se jouer. L'ensemble est dessiné par Andrei Bressan, et tout comme nous l'avions déjà signalé au moment de la parution du premier tome, chaque planche est extrêmement réussie. Nous ne sommes pas dans un style ultra réaliste mais dans quelque chose qui cadre parfaitement à ce qu'on attend d'un comic book moderne, capable de synthétiser différents styles et différentes époques, de se révéler extrêmement agréable dans le storytelling, y compris pour les moments les plus statiques. La mise en couleurs de Adriano Lucas est elle aussi indéniablement réussie et participe à la création d'une atmosphère aussi envoûtante qu'angoissante. Alors oui, ce n'est pas forcément le titre dont vous entendrez le plus parler dans les prochaines semaines, car Dark Ride n'a peut-être pas derrière lui une machine médiatique redoutable prête à s'emballer comme pour d'autres parutions de 2024. Mais je vous assure que cette série, parue au départ sur l'étiquette Skybound de Robert Kirkman, est vraiment quelque chose que vous devriez essayer, avec l'assurance de passer un très bon moment de divertissement. Il y aura en tout trois tomes, nous attendons donc le dernier de pied ferme !



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JOKER L'HOMME QUI CESSA DE RIRE : RIRA BIEN QUI RIRA LE DOUBLE


 C'est sa caractéristique principale, c'est ce qui le rend aussi dingue, même lorsqu'il commet les pires turpitudes. Alors du coup, pour quelle raison le Joker pourrait-il bien s'arrêter de rire… d'autant plus que ces derniers temps, le clown sinistre a dû s'éloigner de Gotham et en son absence, les équilibres criminels de la ville se sont reconstitués, avec les habituelles pointures qui se partagent le gâteau. Du coup, lorsque le Joker est de retour à Gotham, ça fait un peu désordre et ça se passe dans la violence. Mais le véritable problème, l'interrogation majeure qui se pose au lecteur dans les premiers épisodes, c'est que ce joker là n'est pas unique. Pendant qu'il tente de remonter la pente à Gotham (et ce n'est pas facile, car il est vraiment dans un sale état après s'être fait cribler de balles, y compris en pleine tête) un autre Joker a débarqué lui dans la cité des anges, et de là-bas, il orchestre une vaste opération à l'échelle nationale, contre un grand nombre de pontes de la mafia et de la criminalité. Il y aurait donc un imposteur aux dents longues et un Joker original complètement cabossé, traqué par Red Hood et pour une fois à la limite de perdre son célèbre sens de l'humour dérangeant. Pendant que nous lisons ces épisodes, que nous nous faisons balader à travers tout ce récit chaotique, nous devons également lire (ou devrais-je dire supporter) les blagues éculées d'un narrateur pas très drôle, des petits pavés de texte qui ne font que rendre plus grinçant l'ensemble. Et si vous aimez cette plongée dans la fragmentation de l'identité d'un des personnages les plus fous de l'histoire des comics, alors vous adorez aussi les petites back-up stories qui complètent chacun des douze épisodes de ce volume. Nous y découvrons de petites aventures totalement déjantées du Joker, souvent face à quelques-unes des super héroïnes les plus plantureuses de l'univers DC, le tout baignant dans un humour noir et absurde, magnifié par le trait grand guignolesque de Francesco Francavilla, ou celui plus traditionnel de Will Robson.



Maintenant, il faut être parfaitement honnête : était-il vraiment nécessaire d'étaler cette histoire sur douze numéros ? Matthew Rosenberg finit par mettre en scène une double baston qui devient assez stérile; d'un côté nous avons un Joker aux portes de la mort, entouré de bandelettes telles une momie et qui survit dans les égouts de Gotham, en compagnie de Solomon Grundy. De l'autre, nous suivons un autre Joker à Los Angeles, beaucoup plus flamboyant, mais qui finit lui aussi par se faire tabasser. Certains des épisodes deviennent uniquement des moments consacrés au combat, ça frappe, ça saigne, ça tire, ça tente de plaisanter… mais au bout d'un moment, les blagues éculées du Joker ne font pas rire grand monde, tout ça n'avance pas. La vraie bonne nouvelle de ce Joker qui cessa de rire c'est la présence continue de Carmine  Di Giandomenico. L'artiste italien, qui possède toujours un style très personnel, clivant mais fascinant dans la construction de ses figures, et qui se révèle parfaitement adapté à la noirceur de Gotham, nous livre ici une autre prestation très solide, sans avoir besoin de recourir à la moindre pause. Nous le savions déjà, il s'agit d'un stakhanoviste du dessin, un des rares capables de soutenir un rythme très rapide de production sans que cela ne se ressente trop sur la qualité du produit fini. Un vrai dessinateur à l'ancienne. De plus, les couleurs de Arif Prianto dans cet album lui conviennent parfaitement. C'est pour lui que l'ouvrage vaut surtout la peine d'être acheté, pour le fait qu'il parvient aussi à maintenir cette unité graphique, même si je le répète, les histoires back-up viennent à chaque fois obliger le lecteur à prendre une pause. Pour ma part, cela ne m'a pas dérangé car elles sont drôles, totalement décalées et c'était peut-être, à un moment donné, elles que j'attendais le plus ! En conclusion, vous trouverez les deux épisodes consacrés au Joker, insérés dans le crossover Knight Terrors. Ils sont l'œuvre de Rosenberg (toujours) et Stefano Raffaele, et ma foi, si ça se laisse lire, il n'y a là rien d'inoubliable à l'intérieur. Bref, un gros pavé qui coûte tout de même quarante euros mais qui ne va pas au bout de toutes ses promesses. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : (JOURNAL DE) 1985




 Dans le 182e épisode du podcast Le bulleur, je vous présente Journal de 1985, prolongement du roman 1984 de Georges Orwell que l’on doit à Xavier Coste et qui est publié aux éditions Sarbacane. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie du deuxième tome de la série La belle espérance, une série que l’on doit au scénario de Chantal Van den Heuvel, au dessin d’Anne Teuf et c’est publié chez Delcourt

- La sortie de l’album Loin que l’on doit à Alicia Jaraba, un titre sorti chez Grand angle

- La sortie de l’album Les yeux doux, un titre que l’on doit au scénario d’Éric Corbeyran, au dessin de Michel Colline et c’est sorti chez Glénat dans la collection 1000 feuilles

- La sortie de l’album Une rose seule, adapté d’un roman de Muriel Barbery par l’autrice Kan Takahama, un album paru chez Rue de Sèvres

- La sortie de l’album Sergio Leone, la révolution du western, premier tome de la nouvelle Ciné trilogy que l’on doit à Amazing Améziane, un album paru chez les Éditions du Rocher

- La réédition sous la forme d’une intégrale regroupant les 4 tomes de la série Olive que l’on doit au scénario de Véro Cazot, au dessin de Lucy Mazel et c’est édité chez Dupuis.



 
 

THE LAST RONIN : LOST YEARS CHEZ HICOMICS


 Vous avez peut-être eu l'occasion de lire The Last Ronin, qui fut un des succès récents chez Hi Comics et un des albums indispensables, lorsqu'on est fan des Tortues Ninja (notre article ici). Bien évidemment, si cet univers ne rencontre pas votre intérêt, tout ce qui va suivre n'a guère de sens. The Last Ronin, c'était surtout le dernier combat de Michelangelo, seul rescapé de la célèbre bande de mutants chère à Maître Splinter, protagoniste de la résolution définitive de la rivalité ancestrale entre les clans Foot et Hamato. Reste néanmoins à répondre à la question suivante : quelles sont les aventures vécues par Michelangelo entre le moment où il s'est retrouvé orphelin de ses trois frères et celui où il va vivre les événements dépeints dans The Last Ronin ? Autrement dit mettre au point ce qu'on appelle une préquelle, pour un récit qui est en soi une suite possible de tout ce que nous avons déjà lu jusque-là, une sorte de fin pour les Tortues Ninja, dans un futur hypothétique. Kevin Eastman et Tom Waltz nous proposent donc une sorte de voyage à travers l'Asie et l'Europe pour un personnage qui va passer du Japon à la Corée en passant par la Chine, la Mongolie, le Kazakhstan et même l'Italie… à chaque fois, Michelangelo va se heurter au rejet, à la méfiance suscitée par sa condition si particulière, qui fait de lui un monstre aux yeux de bien du monde. Mais il va aussi faire des rencontres décisives, comme par exemple le maître Yip, qui va lui transmettre un enseignement précieux pour la suite de sa mission, ou bien un campement nomade en Mongolie, où il va momentanément trouver repos, affection, presque une seconde famille, à un moment où il en a particulièrement besoin puisqu'il perd un temps l'usage de ses yeux.



Certes, nous savons déjà que Michelangelo finira par triompher des pires épreuves qui se dressent devant lui, y compris une série de combats à mort dans des arènes de fortune, face à des adversaires tout aussi innocents que lui, pour la plupart. Pour autant, cette sorte de croisade/road trip à la recherche d'un individu ou d'une organisation au nom sinistre de Ver de la mort s'avère d'une violence et d'une introspection fort pertinentes, qui surprendraient notablement le lecteur peu habitué à ce qu'est en réalité l'univers des Tortues Ninja et qui en serait resté au vieux dessin animé naïf d'autrefois. L'histoire se déroule en deux temps, puisque d'un côté nous avons le passé (c'est-à-dire le voyage tragique de Michelangelo, qui est en fait un futur hypothétique par rapport à notre temps présent, je ne sais pas si vous me suivez) mais aussi le présent, qui concerne avant tout une April O'Neil désormais âgée et qui est devenue la grand-mère tutrice d'une nouvelle génération de tortues : quatre petites créatures qui apprennent à se battre et probablement promises à un grand destin. Contrairement à celles que nous connaissons déjà, elles ne sont pas juste distinguées par un bandeau de couleur mais semblent représenter différentes formes, voire différents types de tortues. Elles sont aussi différenciées par un caractère ou des aptitudes différentes, mais possèdent un patronyme commun, décidé sur la base de la traduction du chiffre "un" en plusieurs langues. Pour ce qui concerne la partie graphique, deux artistes sont au travail (SL Gallant et Maria Keane au dessin et à l’encrage pour le passé, ainsi que Ben Bishop pour le présent) et nous trouvons parfois quelques planches de Kevin Eastman lui-même. Comme dit au début de cette petite chronique, Lost Years n'a quasiment aucune chance de séduire un lecteur qui a décidé d'entrer parce qu'il a vu de la lumière. Pour ce qui est de celui qui par contre nourrit une réelle affection pour les Tortues Ninja, il est inutile de dire que c'est une sortie qui ne se refuse pas !


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UNIVERSCOMICS LE MAG' 45 SEPTEMBRE 2024 : LES 50 ANS DE WOLVERINE


UniversComics Le Mag' 45

Septembre 2024  84 pages

Dispo ici :

https://www.facebook.com/groups/universcomicslemag/permalink/1049493353253554/

https://dailyuploads.net/dc5wr37ip18g/UNIVERS-COMICS-Le-Mag_45-Wolverine-fete-ses-50-ans.pdf

https://uploadnow.io/f/rtTVhhX

Lire en ligne : https://v1.madmagz.com/fr/magazine/2136361

Les 50 ans de #Wolverine

Sommaire 

- Wolverine, l'ami Serval en 5 décennies

- Les infos comics (De Donald/Wolverine à Bryan Talbot)

- La collectionnite : qu'est-ce qui nous pousse à collectionner des bd ?

- Portfolio, le travail d'#AdamMurphy

- Le cahier critique. Avec les sorties de l'été chez Panini Comics France, Urban Comics Delirium Delcourt Comics Hachette Collections Drakoo 

- Preview : Découvrez la série #Julia chez Alter Comics 

- L'actualité de la communauté avec les dessins et illustrations du mois

- Sélection des sorties VF du mois de septembre


Un merci XXL à #TomVelez, l'auteur de la superbe couverture du mois, et à #BenjaminCarret, le graphiste des couv' du Mag, pour sa gentillesse et son talent.

Comme toujours, n'hésitez pas à nous laisser un petit mot (sympa de préférence, mais toutes les critiques constructives sont les bienvenues) et rendez-vous en octobre. Pour nous aider ? Super simple : likez/partagez pour le référencement. On a besoin de vous, bonne lecture. 

LE RETOUR DE "LA VISION" DE TOM KING EN MUST-HAVE


 Retour chez Panini de la maxi série de Tom King, qui a su plaire au plus grand nombre, et donc concilier œcuménisme et exigence artistique réelle. Cette fois, sous forme d'un Must-Have à 25 euros, début septembre. La Vision n'est pas fait(e) de chair et de sang. Ce n'est pas non plus une simple créature mécanique, plutôt un synthézoïde, c'est à dire un androïde doté de circuits cybernétiques si complexes qu'il semble être aussi humain que vous et moi, en certaines occasions. D'ailleurs, au long de sa carrière, la Vision a connu l'amour et le mariage avec Wanda Maximoff, puis est devenu père de deux enfants. Hélas, les choses ont vite dégénéré (il serait trop long de tout vous expliquer ici, encore plus comment un être tel que lui pourrait "déposer" la petite graine) et le voici à nouveau sur le chemin de la maîtrise totale des émotions, à travers une expérience paradoxale : s'installer dans une petite bourgade paisible de Virginie, pour y vivre avec sa famille. Car oui, l'Avenger est désormais en couple, avec deux nouveaux jumeaux pour progéniture. Tous les quatre sont des synthézoïdes, les deux petits des croisements des schémas cérébraux de papa/maman, encore en développement, comme de vrais adolescents. Un mystérieux narrateur annonce d'emblée l'arrivée de personnages sur la scène, et leur mort tragique dans les flammes, alors que l'ambiance paisible et caricaturale de la petite maisonnette, avec jardin et american way of life rassurante, s'oppose totalement à la prophétie énoncée, celle de la fin des Avengers et même de notre monde, au terme de cette aventure ! La Vision a sauvé la planète environ 37 fois, comme cela sera énuméré dans un épisode, mais pourra t-il sauver sa propre famille, Virginia, Viv et Vin, lorsque les événements tragiques vont commencer à se succéder, comme un terrible effet domino ? Tout commence alors que le Moissonneur rend visite à l'épouse synthézoïde et la menace, ainsi que ses enfants. Il s'agit là du frère de Simon Williams, dont les schémas cérébraux ont été employés pour bâtir la personnalité de Vision. Le vilain ressent une haine viscérale, et souhaite faire disparaître ces aberrations de la nature, mais il n'est pas de taille, bien qu'en mesure de produire des dégâts notables, comme envoyer la petite Viv sur la touche, en salle de réparation intense. Illusions, incertitudes, logique et illogisme, c'est autour de ces concepts que la vie quotidienne est rythmée au foyer, avec les discussions des époux synthétiques, et les micro-événements de tous les jours, de la visite de courtoisie entre voisins méfiants, à l'adaptation des "enfants" dans un milieu scolaire "hostile".



Une évidence s'impose : cet album ne ressemble en rien à aucune autre parution super-héroïque de ces dernières années. Ici la Vision est au centre d'un récit qui parle certes de meurtre, mais surtout des petits mensonges qui sont les fondations du bonheur, du besoin de cacher tout ou partie de la réalité pour ne pas souffrir, du sentiment d'aliénation que le quotidien des résidences pavillonnaires américaines finit par exercer sur ces familles, prises au piège de la recherche de la perfection apparente. C'est à dire proposer une image lisse et respectable pour l'extérieur, quitte à ce que lorsque la porte se ferme, les choses soient bien différentes au foyer. Vous retrouverez d'ailleurs cette ambiance comme toile de fond de la série Wandavision, surtout dans sa première moitié. Tom King sépare subtilement la trame en trois pistes distinctes. Les errances de la femme de Vision, qui ne se contrôle pas et se laisse gagner par les émotions (même synthétiques) et doit en payer le prix, remords compris. Le mari super-héros, qui pour vivre pleinement cette nouvelle expérience opte pour des choix sans retours, et les enfants, qui se heurtent à une adolescence compliquée, où les interrogations restent la plupart du temps sans réponse précise. En prime, la référence littéraire constante dans cet album est le Marchand de Venise, de William Shakespeare, qui interroge le sens et l'existence du sentiment de vengeance, et de l'amour si absolu qu'il engendre forcément le sacrifice. Nous sautons allégrement des considérations philosophiques à la science-fiction chère à Isaac Asimov, tout en gardant le format et les automatismes d'un comic-book, et si je peux me permettre, d'un extraordinaire comic-bookSi ce thriller fonctionne aussi bien, c'est grâce à Gabriel Hernandez Walta, dont le style épuré et immédiat cherche avant tout à capter l'essence des émotions sans surcharger ses planches, et les couleurs toujours pertinentes de Jordie Bellaire, qui assombrit le propos et parvient à miner la sécurité du foyer par le simple jeu des teintes choisies, qui évoluent au fil des pages. Indispensable, ça va sans dire. Bref, Must-Have. 



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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...