Milly et Billy sont deux jumeaux avec un problème commun : leur mère. Une sacrée personnalité encombrante, jamais contente, bougonne, revêche même. Qui impose ses choix, castre et fait la tête. Chouette ambiance. Pourtant, ils ont ouvert un restaurant hawaïen qui fonctionne assez bien (enfin, si le covid le permet, car la crise planétaire que nous avons traversé sert en partie de toile de fond à l'ensemble), mais entre ça et abandonner des études, vous comprendrez que les parents s'inquiètent. Ipo est donc un personnage d'approche difficile, dont le passé est dévoilé au début de chaque partie de Night Eaters, sous forme de brefs flashback, dans les années 1950. Et à l'époque, la mère des jumeaux est encore célibataire. Elle est superbe et sait se battre, au point qu'elle devient la doublure officielle pour des scènes de combats et des cascades dans des films d'action asiatiques. Au temps présent, Ipo a fini par émigrer aux States, elle est devenue une femme qui semble accorder plus d'importance à ses plantes, à son jardin, qu'aux humains, à l'exception de son mari, qui a l'air de savoir comment se positionner par rapport à elle et qui supporte son manque de sympathie. En face de la maison d'une couple, une autre bâtisse, délabrée et abandonnée, attire l'attention des agents immobiliers, mais sans jamais trouver preneur. Il faut dire que tout à l'air de tomber en ruines, et que même l'intérieur est sinistre. Et puis, un meurtre y a été commis, comme on va assez vite le découvrir. Marjorie Liu nous plonge dans l'horreur par petites doses, comme s'il s'agissait d'enter dans une piscine sans souffrir l'eau froide. Un pas devant l'autre, dans un climat angoissant, pesant, avec des apparitions, des illuminations cauchemardesques, qui nous font basculer dans autre chose. L'art de doser les ingrédients pour réussir son plat.
L'horreur vient donc de la découverte d'un squelette enterré, d'un meurtre qui s'est produit dans la maison d'en face. Mais c'est aussi parce qu'il va être question de démons, de créatures surnaturelles qui ont besoin d'un corps pour s'incarner dans notre plan d'existence. Et en parallèle à tout cela, Night Eaters est aussi une histoire qui parle de filiation, de la manière dont il est difficile de transmettre des valeurs et des sentiments entre des parents et leurs enfants, surtout quand les parents ne sont pas tout à fait comme les autres et que les enfants sont, sans le savoir, tout aussi particuliers. Marjorie Liu fait preuve d'une science éprouvée de la narration et si l'ensemble commence sur un tempo plutôt lent, on finit par se prendre au jeu de cette ambiance glauque mais attachante, qui culmine dans 50 dernières pages où tout est (presque) révélé aux lecteurs. Les dessins de Sana Takeda s'abreuvent plus aux source du manga qu'à celles du comic book traditionnel et ils sont par endroits délicieux, même si personnellement j'ai toujours beaucoup de mal lorsque les personnages sont représentés en train de transpirer, avec des grosses gouttes de sueur qui leur coulent du front. Habitude nippone. Les couleurs sont aussi très réussies et se mettent au diapason d'une histoire qui devrait normalement s'étaler sur trois tomes. Toujours est-il que le premier est une véritable réussite, suffisamment singulier pour ne ressembler à rien d'autre et nous donner envie de vite découvrir (vite !) le prochain.
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