LES GUERRES SECRÈTES II : LE BEYONDER EN GOGUETTE


Je vous rappelle en quelques mots le principe des Guerres Secrètes, version années 1980. Le Beyonder, un être tout-puissant venu du fin fond de l’univers, convoque sur une planète composite — créée pour l’occasion — une belle brochette de super-héros et de super-vilains. Une fois sur place, tout le monde tape sur tout le monde, et le vainqueur se voit promettre une récompense à la hauteur : la réalisation de tous ses vœux. Pif, paf, pan ! Prends ça, manant ! Voilà, c’est résumé. Fallait-il vraiment envisager une suite, deux ans plus tard, avec Secret Wars II ? Évidemment, la réponse est loin d'être évidente. Comme vous le savez, ce n’est pas moi qui décide — et de toute façon, à l’époque, j’étais bien trop jeune. On retrouve donc le Beyonder, cette fois en déplacement. Il débarque sans prévenir sur notre planète, animé par une étrange quête : comprendre ce que signifie "vivre", à la manière d’un humain énigmatique. Lui n’a aucune expérience, et ses efforts se tendent vers cet objectif. Boire, manger, frapper, rêver… pour lui, rien n’a de sens. Il va donc consulter quelques héros qu’il connaît déjà, histoire de leur demander comment combiner observation et expérimentation dans l’espoir d’atteindre cette sagesse qui lui échappe. Après avoir frayé avec un scénariste de série télé à Hollywood — à qui il offre, de manière totalement imprudente, des pouvoirs extraordinaires —, le Beyonder débarque chez Peter Parker. Mais de cet échange inédit, le seul enseignement qu’il en tire, c’est comment on évacue ses intestins aux toilettes. A-t-il au moins entendu parler du papier hygiénique ? Mystère insondable et gastro au menu. Le Beyonder poursuit son odyssée philosophique auprès de Reed Richards (pour une fois peu loquace), puis des Heroes for Hire, Iron Fist et Luke Cage. Ce dernier, fidèle à lui-même, l’accueille comme un bourrin et commence par lui coller quelques coups, mais tout s’arrange ensuite. Le duo s’en tire avec les honneurs… jusqu’au moment où l’étranger transforme leur immeuble à étages multiples en un bâtiment tout en or, qui s’écroule aussitôt sous son propre poids. La raison ? Ce bêta de Cage lui avait confié que la vie était régie par l’argent et la possession de biens matériels. Du coup, le Beyonder repart, méditant sur les taux d’intérêt et comment se remplir les poches de dollars. Il était venu chercher la connaissance, il repart reconverti en gourou façon Bolloré.




Le Beyonder possède, au fond de lui, cette candeur, cette innocence propre à celui qui ne sait rien, faute d’avoir rien expérimenté. Mais il veut tout savoir, tout vivre — et vivre, justement. Il s’acoquine donc tout naturellement avec la pègre locale, qui lui apprend les ficelles du métier. Doté de pouvoirs illimités, le Beyonder dame le pion au Caïd, investit la Maison Blanche, devient le maître incontesté de toute l’Amérique. Mais cela ne lui suffit pas : que vaut une telle existence si l’on prive les autres de leur libre arbitre ? Et surtout : où trouver un véritable sens à la vie ? Dans l’amour, peut-être ? Le Beyonder commence par une brève aventure avec une prostituée, qui lui apprend les bases du comportement intime. Puis il décide (véridique !) de tomber amoureux de Dazzler. Comme s’il l’avait choisie sur catalogue, il se met en tête qu’Alison doit devenir sa compagne, point final. Évidemment, cela ne plaît pas à tout le monde : les X-Men décident de lui régler son compte, et la jolie blondinette, objet de ses attentions, choisit de le plaquer à la première occasion. Le Beyonder souffre, déprime, et c’est sa rencontre avec la jeune Tabitha (membre des Nouveaux Mutants et de X-Force par la suite) qui lui permet de retrouver un peu d’élan, avant de nouveaux affrontements, tour à tour avec les X-Men, les super-vilains de l’univers Marvel, et à vrai dire un peu tout le monde. Le fait est qu’il nourrit l’ambition démesurée d’effacer la mort elle-même. Modestie, avant tout. Jim Shooter est capable du meilleur comme du pire. Son récit n’est pas dépourvu de bonnes intentions, bien au contraire, et ce qu’il dit ou esquisse sur la création — notamment dans le final — se révèle plutôt juste et même poétique. Mais les nombreux tie-in s’avèrent souvent redondants, parfois improvisés, et Secret Wars II déborde dans trop de séries, jusqu’à ressembler à un gigantesque pudding indigeste. Si l’on se contente de suivre la série principale en neuf volets, comme ici, l’ensemble demeure beaucoup plus cohérent et pertinent. Sauf qu’Al Milgrom, au dessin, livre une prestation disgracieuse : une multitude de petites cases surchargées de didascalies et de dialogues rendent la lecture fastidieuse — surtout pour celles et ceux qui n’ont pas vu d’ophtalmo depuis trop longtemps. Secret Wars II n’est donc pas une lecture indispensable, mais elle peut encore surprendre, avec le recul, par la justesse et l’inspiration de certaines pages, où un être tout-puissant et omniscient se trouve tourmenté par la simple condition de mortel — une énigme qu’il n’appréhende jamais vraiment, mais qu’il ne cesse de questionner, entre pathétique et poésie. Panini nous fait la divine surprise de ressortir la chose dans un bel album à 32 euros, avec même un coffret et les premières Guerres Secrètes du nom. Chouette, alors ? 




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SUPERMAN DARK PROPHECY TOME 1 : SUPERWOMAN


 Quand on évoque Superman auprès de lecteurs encore vierges — ceux qui n’ont jamais vraiment mis le nez dans un comic book — on se heurte souvent à une image simplifiée, presque caricaturale du héros : celle d’un extraterrestre solitaire, dernier survivant de Krypton, parfois épaulé par sa cousine Supergirl, et affublé d’une version adolescente de lui-même, Superboy. Mais les lecteurs aguerris savent qu’il n’en est rien. Superman, ce n’est pas seulement un personnage : c’est une véritable franchise, une constellation de figures ayant hérité, peu ou prou, des pouvoirs de l’Homme d’Acier. La dernière en date à rejoindre ce panthéon inattendu n’est autre que Lois Lane. Oui, la Lois Lane, l’indomptable journaliste du Daily Planet, épouse de Clark Kent à la ville, vient elle aussi d’acquérir des facultés résolument spectaculaires. Au terme du grand crossover Absolute Power — dont on taira ici les détails pour le moins rocambolesques —, la voici capable de voler, dotée d’une force surhumaine et quasiment invulnérable. En somme, elle n’a plus grand-chose à envier à son célèbre mari. Mais ces dons extraordinaires n'effacent pas les soucis ordinaires : comme Clark, Lois doit désormais jongler avec sa double identité. Sauver le monde, oui, mais sans oublier de trouver un coin discret pour se changer. Et surtout, éviter que la presse — son propre domaine de compétence — ne découvre ce secret encombrant. Ce paradoxe ironique constitue le cœur du numéro spécial qui ouvre l’album, avant que l’on ne bascule dans la série régulière Superman, avec le numéro 19. Et là, changement de ton : fini les dilemmes domestiques, place à la baston sans retenir les coups. Car c’est ni plus ni moins que Doomsday qui fait son grand retour. Oui, ce Doomsday. Cette masse destructrice qui, jadis, tua Superman, revient semer le chaos à Métropolis. Et comme si cela ne suffisait pas, le récit nous propulse également à la fin des temps, où Superman doit s'entretenir avec un certain Piégeur Temporel.



Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’un relaunch ou d’une nouvelle série, mais bien de la continuation du titre Superman. Certes, on atteint ici un excellent point d’entrée pour de nouveaux lecteurs, d’où l’idée, chez Urban Comics, de lancer une série d’albums intitulée Dark ProphecyLe scénario est confié à Joshua Williamson, qui introduit toute une série de nouveautés. À commencer par la relation naissante entre Jimmy Olsen et Silver Banshee, ou encore un nouveau Lex Luthor, désormais amnésique, qui semble sincèrement animé par une volonté de rédemption — et visiblement troublé à l’idée du mal qu’il a pu infliger par le passé. Les actions de Superman et des autres personnages à super-pouvoirs qui gravitent autour de lui sont désormais coordonnées par une sorte de cellule de supervision high-tech, conçue pour maximiser leur efficacité : être au bon endroit, au bon moment. Et il faut bien ça, car, comme nous vous l’avons déjà dit, le retour de Doomsday s’annonce particulièrement problématique. Ce dernier, fidèle à sa nature, revient après chaque défaite sous une nouvelle forme, enrichie des erreurs précédentes. Pire encore : une ancienne civilisation, autrefois victime de sa violence, débarque sur Terre pour le capturer — ou plutôt pour l’exploiter. Et la requête n’a rien d’amical : il s’agit clairement d’un ultimatum. Heureusement, Superman et Lois, qui forment plus que jamais un couple uni et redoutablement efficace, vont devoir affronter ensemble cette menace. Sous des costumes assez proches, les deux héros incarnent une nouvelle forme de synergie super-héroïque. Côté dessins, on est gâté : seuls des artistes de tout premier plan sont mobilisés, avec notamment l’excellente Laura Braga, et l’omniprésent — mais toujours convaincant — Dan Mora. Deux styles complémentaires qui confirment que, sur le plan graphique, DC Comics conserve peut-être une légère avance sur ses concurrents. Bref, un album à la fois très agréable et facilement accessible, même pour les lecteurs novices.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : SEUL (L'AFFAIRE ROMAND)


Dans le 202e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Seul, l’affaire Romand que l’on doit au scénario d’Olivier Petit et au dessin de Valette, un ouvrage publié chez Petit à petit dans la collection Docu BD.

Le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie du premier tome de la série Mi-mouche intitulé Tu veux te battre ? Que l’on doit au scénario de Véro Cazot, au dessin de Carole Maurel et c’est publié aux éditions Dupuis


- La sortie de l’album Les héros du peuple sont immortels que l’on doit à Stéphane Oiry et aux éditions Dargaud


- La sortie de l’album Les poissons, eux, ne pleurent pas que l’on doit au scénario de Laurent Galandon, au dessin de Jean-Denis Pendanx et le tout est publié aux éditions Daniel Maghen


- La sortie de l’album Whisky que l’on doit au scénario de Bruno Duhamel, au dessin de David Ratte et c’est publié aux éditions Grand angle


- La sortie de l’album Blanche que l’on doit à Maëlle Reat, un album publié chez Glénat


- La réédition de Zaï zaï zaï zaï à l’occasion des 10 ans du titre que l’on doit à Fabcaro et qui est publié aux éditions 6 pieds sous terre






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MOTORHEAD BACK FROM THE DEAD - LE METAL CHEZ PETIT À PETIT


 On vous en a déjà souvent parlé ici : on adore les docu-BD publiés par les éditions Petit à Petit. Il s’agit de bandes dessinées hybrides, à mi-chemin entre le reportage et la biographie illustrée, qui retracent la carrière d’un artiste, racontent un fait de société ou dressent le portrait d’une ville, en alternant des chapitres dessinés et des pages rédactionnelles pour mieux contextualiser et apporter des informations précises. Cette fois, c’est le rock metal qui est à l’honneur avec un volume consacré à Motörhead, monument incontournable de la musique à guitare rugissante, référence absolue pour tous les amateurs du Hellfest. Bien sûr, si le groupe a atteint une telle renommée, c’est avant tout grâce à la personnalité hors norme de Lemmy, son chanteur et frontman. Une figure légendaire, à la vie picaresque, dont la trajectoire démente est ici brillamment retranscrite. Même sans être un fan invétéré de Motörhead, on se laisse happer par ce destin hors du commun, celui d’un type capable d’enfiler 60 cigarettes par jour, 3 litres de vodka, et toute une panoplie de substances plus ou moins licites — à l’exception notable de l’héroïne — pour alimenter sa machine intérieure. Un album qui rend hommage avec justesse et énergie à l’icône Lemmy, sans en gommer les excès, et qui s’inscrit dans la droite ligne des réussites de cette collection décidément essentielle. Avec leur look de bikers et leur philosophie "no bullshit", Motörhead a imposé une esthétique et une éthique qui ont influencé des centaines de groupes, bien au-delà du metal. Non sans une dualité étonnante entre les excès apparents sur scène, une image de sauvages incontrôlables, et une forme de savoir vivre gentleman au civil, loin des feux de la rampe. Un Lemmy maître à bord d'une formation qui change régulièrement de roster et qui implique pleinement ses roadies dans l'aventure, et qui fédère les fans au fil des ans, jusqu'à inclure les futures vedettes internationales de Metallica. Tout, vous saurez tout sur Motörhead.



Pour structurer au mieux cet album, c’est Fabrice Rinaudo qui s’est chargé du scénario, tandis que Samuel Degasne s’est occupé de toute la partie documentaire. L’album se divise en dix-sept chapitres, plus une introduction et une sorte d’épilogue touchant, dans lequel on retrouve Lemmy, accueilli par quelques-uns de ses collègues rockstars dans une sorte de bar céleste, au paradis des musiciens. Auparavant, on a droit à l’essentiel : la vie de Lemmy, bien sûr, sa rencontre avec Lars Ulrich et la manière dont Motörhead a influencé Metallica ; les nombreuses arrivées et départs dans un groupe en perpétuel mouvement, au gré des coups de gueule ou des recrutements de dernière minute ; les répétitions acharnées, les passages télévisés les plus divertissants — comme ce fameux moment sur TF1 où le groupe se retrouve face à Yves Mourousi et Marie-Laure Augry, alors duo vedette de l’info chez nous. C’est un parcours musical, mais surtout un parcours humain qui est ici mis en valeur, avec pour chaque chapitre un style graphique différent, porté par des dessinateurs qui, le plus souvent avec talent, cherchent à se fondre dans l’ambiance ou à coller au propos, pour offrir des planches aussi percutantes que possible. Parmi les contributions les plus originales, audacieuses ou tout simplement les plus réussies, citons Lionel Chouin, chargé de l’anniversaire de Lemmy, lorsque collègues et amis lui rendent hommage ; Arnaud Michel, capable de synthèse, de caricature, de produire des pages aussi crades que belles ; et bien entendu Christian Rosado, parfait pour les ambiances glauques façon polar. Sans oublier l’Italienne Letizia Cadonici, que l’on avait déjà repérée chez Petit à Petit et découverte chez Shockdom. En somme, cet album ne s’adresse pas seulement aux fans absolus de Motörhead — encore que, bien évidemment, ces derniers risquent d’y trouver un livre de chevet à lire et relire — mais aussi, et surtout, à celles et ceux qui ne connaissent pas vraiment cette légende du metal, et qui vont ici en découvrir presque toutes les facettes. Une bio réussie, c’est une bio qui raconte, contextualise, fait ressentir et suscite l’empathie. Sur tous ces points, c’est un carton plein.



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JUSTICE LEAGUE UNLIMITED TOME 1 L'ASCENSION D'INFERNO


 Lorsque vous êtes le groupe de super-héros le plus influent et le plus puissant de la planète, et que vous souhaitez encore gagner en efficacité, la meilleure solution consiste à voir plus grand. C’est exactement ce que fait la nouvelle Justice League, née sous l’impulsion du scénariste Mark Waid : recruter à grande échelle. Dans une nouvelle Tour de Garde en orbite autour de la Terre, les plus grands justiciers de l’univers DC s’activent tous azimuts. Tout le monde croise tout le monde, chacun reçoit sa petite carte de membre, et c’est une intelligence artificielle – Red Tornado, en attendant qu’on reconstruise son corps synthétique détruit – qui affecte les troupes aux différentes missions. Le premier tome de Justice League Unlimited, qui s’inscrit dans la nouvelle grande initiative Dawn of DC publiée en France sous le label DC Prime par Urban Comics, s’ouvre sur un épisode spécial. Celui-ci avait initialement été publié gratuitement aux États-Unis à l’occasion du Free Comic Book Day. On y découvre un Darkseid fusionné au Spectre (rien que ça), ainsi que l’apparition d’une nouvelle Terre, baptisée Alpha, qui vibre à une fréquence irrégulière (vous avez déjà plongé dans l'univers Absolute, hein ?). Cette singularité la fait coexister de manière aléatoire avec notre propre plan d’existence, échappant à toute logique et à toute compréhension – même pour les super-héros. Un enquêteur est donc envoyé sur place. Mais comme seul un individu capable de voyager dans le temps et possédant des caractéristiques bien précises peut accomplir cette mission, c’est Booster Gold qui est désigné. Et surprise : ce dernier affiche une attitude de plus en plus respectable, semblant peu à peu se détacher de la personnalité vantarde et cupide qui l’a longtemps défini. Évidemment, les choses ne vont pas se passer comme prévu, et l’on enchaîne rapidement avec le véritable début de la série et un premier arc narratif intitulé L’Ascension d’Inferno.



Mark Waid orchestre le retour en grâce de la Justice League en élargissant le récit avec des personnages moins connus comme Air Wave, Star Sapphire, Black Lightning ou encore Dr. Occult. Le premier numéro installe une double dynamique : une mission de sauvetage de mineurs menée par Superman et Wonder Woman d’un côté, une enquête plus inquiétante — voire horrifique — de Batman et Blue Beetle sur des enlèvements d’enfants de l’autre. Au centre, Air Wave, néophyte dépassé, sert de point d’entrée émotionnel et narratif et se pose un vrai questionnement existentiel sur sa place dans l’équipe. Surtout que bon, il semble avoir de lourds secrets… L’introduction de la mystérieuse organisation Inferno ajoute une touche de mystère et de gigantisme, tandis que Dan Mora, avec son trait net, moderne et dynamique livre des planches d’une lisibilité exemplaire. Le second numéro bascule dans l’action pure, en mode "invasion de Paradémons en pleine jungle costaricaine". Là encore, l’équilibre entre personnages principaux et seconds couteaux est maîtrisé. Tandis que Wonder Woman et Mary Marvel déracinent littéralement un nid alien pour l’envoyer dans l’espace, Martian Manhunter et Dr. Occult découvrent un Paradémon intelligent, vestige oublié d’un plan de Darkseid, dont le désespoir tragique donne un relief inattendu à la menace. Ce twist permet aussi de révéler que le Martien n’est pas sorti indemne de l’événement Absolute Power, malgré son habituelle impassibilité. Waid parvient à faire exister ses personnages, à exploiter leurs dynamiques d’équipe et à faire affleurer des blessures plus profondes. Il les pousse aussi dans leur retranchements, comme lorsqu'il faut également s'occuper de la forêt amazonienne en flammes, là-aussi un plan diabolique de "Inferno" qui semble toujours garder un coup d'avance sur les héros. Globalement, Justice League Unlimited se présente donc comme une série ambitieuse et généreuse, portée par un duo créatif au sommet de sa forme. Le casting élargi et les enjeux multiples rappellent les grandes heures de la JLA, tout en ouvrant de nouvelles perspectives. Reste à espérer que les promesses esquissées au fil des pages tiendront dans la durée, et surtout à voir comment l'univers Absolute va trouver sa place dans toute cette architecture, car au final, on le sent, c'est aussi de cela dont il s'agira tôt ou tard. 



(sortie la semaine prochaine)


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VENOM WAR : MORTELLE PROTECTION ET DEUX MINI SERIES BONUS


 Depuis que le composé K-44 s’est échappé des laboratoires Alchemax — à cause de Meridius (vous ne comprenez rien ? C’est sûrement parce que vous ne lisez pas Venom War, évidemment) —, une horde de symbiotes zombies déferle sur New York. Leur passe-temps favori ? Mordre, et par là même contaminer toutes leurs victimes. Déjà qu’en temps normal, croiser la route d’un mort-vivant n’a rien d’une sinécure, imaginez un peu si l’on y ajoute des symbiotes… Bref, c’est le chaos le plus total. L’album intitulé Mortelle Protection nous propose de découvrir deux mini-séries, chacune en trois épisodes, que Panini n’avait pas pu inclure dans les trois softcovers consacrés à l’événement. Dans la première mini-série, Zombiotes, c’est le Shocker — un des ennemis traditionnels de Spider-Man — qui joue les narrateurs. Comme d’habitude, il a une sale idée en tête, même si, cette fois, ses motivations sont plutôt compréhensibles… et touchantes. Il espère ranimer un de ses anciens partenaires. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu, car entre-temps, les symbiotes zombies ont décidé de tout dévorer sur leur passage. Les super-héroïnes comme Miss Hulk ou Hellcat ont fort à faire, et risquent bien, elles aussi, de succomber. Même se réfugier dans le Bar Sans Nom pour souffler un peu ne semble pas être une si bonne idée… Cavan Scott fait du sur commande, c'est évident, et malgré tout il ne s'en sort pas trop mal. La focale est mise sur quelques individus en particuliers, des criminels déglingos et des héroïnes en sérieuse difficulté, et on a souvent l'occasion de sourire, avec même un gentil toutou zombifié en cours d'aventure. Quant aux dessins de Juan José Ryp, ils sont, comme toujours, foisonnants de détails et impeccablement exécutés. Vous allez tout voir et ne rien perdre, jusqu'au moindre boyau coincé entre les dents. 



La seconde mini-série (Lethal Protectors) a pour personnage principal Silver Sable. Vous la connaissez peut-être comme mercenaire au service de l’État fictif de Symkarie. C’est une femme moderne, qui n’a pas peur de se salir les mains quand il le faut… mais dont le plus gros défaut est de ne pas être particulièrement loyale. Pour elle, la défense de sa nation passe avant tout par l’exécution des contrats qu’on lui confie. Ici, elle réunit une petite brochette d’hommes de main, parmi lesquels un personnage qu’on retrouve avec grand plaisir : le célèbre Puma, longtemps relégué au rang de personnage secondaire récurrent dans les pages de Spider-Man. La mission de ce groupe est aussi simple que décisive : empêcher que la contamination symbiote-zombie ne se répande à travers le monde. Pour cela, il leur faut sécuriser les eaux de l'océan, quitte à employer la manière forte — et à exploiter les capacités d’une femme aux pouvoirs soniques (vous le savez : c’est l’un des talons d’Achille des symbiotes). Il s’agit de Shriek, oh quelle surprise... Le scénario est signé Sabir Pirzada et le dessin Luca Maresca, un artiste italien dont nous suivons avec beaucoup de plaisir la progression continue chez Marvel… et que nous aurons d’ailleurs la joie d’accueillir à Nice le samedi 21 juin, chez les Fictionautes, pour une séance de dédicace. Très franchement, ne ratez pas ça. Bref : trois épisodes supplémentaires qui, certes, ne révolutionneront sans doute pas l’histoire des comics Marvel, mais qui ajoutent un souffle nouveau, une énergie brute et une complexité bienvenue à l’imposante architecture de Venom WarSi vous êtes allergique à la prolifération des symbiotes… laissez tomber. Mais si vous êtes sensible à cet univers, vous devez absolument ajouter ce titre à votre collection.



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BRZRKR BLOODLINES TOME 2 : UNUTE IMMORTEL ET LIBRE


 Unute est la marée, le cycle de la lune, une force cosmique soumise à des lois qui nous échappent. Comme le texte s’efforce de nous l’expliquer, le personnage du Berserker incarne une puissance inarrêtable, soumise à des cycles immuables. Il est immortel, ce qui lui permet de traverser les âges sans faiblir, mais il est aussi mû par une violence aveugle et féroce, qui doit périodiquement trouver un exutoire. Rien ne peut empêcher cette force de se déchaîner : il ne s’agit pas de la contenir, seulement de tenter de survivre à son passage. Dans ce second tome de Bloodlines — une série de récits annexes qui reviennent sur les étapes marquantes du parcours d’Unute — on remonte jusqu’au XIIIe siècle. Le Berserker se retrouve cette fois engagé aux côtés du légendaire Gengis Khan, pour participer à l’assaut de la grande cité de Pékin et ouvrir les voies du commerce en Asie. Évidemment, lorsqu’on a une telle machine de guerre à ses côtés, il devient bien plus aisé d’écraser les résistances, de remporter les batailles… et donc de gagner la guerre. On reste bien dans le ton de la série principale : une succession de scènes de violence extrême, de confrontations brutes, de moments d’abandon. Au centre de tout cela : Unute, toujours perdu, toujours sans repères, incapable de dire qui il est ni où il va. Son seul répit, il le trouve dans les plaisirs de la chair, l’alcool ou l’opium. Mais ce n’est jamais qu’un sursis : on ne met pas en laisse une créature quasi divine, et ceux qui tentent de l’utiliser pour servir leurs propres intérêts le paient systématiquement très cher. Keanu Reeves reprend ici les rênes de son personnage avec le scénariste Matt Kindt. Le dessin de Ron Garney, toujours aussi volontairement sale, nerveux et sauvage, colle parfaitement à cette ambiance de chaos (à peine) maîtrisé. Il est, comme souvent, l’homme qu’il fallait, au bon endroit, au bon moment, pour illustrer le premier des deux longs récits réunis dans ce volume, disponible chez Delcourt.




Et puis, un beau jour, Unute traversa l’Atlantique — à moins qu’il ne soit passé par le Pacifique — et rejoignit les États-Unis. C’est ainsi qu’au XIXe siècle, on le retrouve errant dans les grandes étendues du Kansas et du Missouri, là où les colts dégainent vite et crachent la poudre, que ce soit pour rendre la justice ou simplement exercer la vengeance. Le récit débute avec les tirs d’un gamin, victime d’un père violent, dont il sera débarrassé de manière expéditive. Il s’achève dans un véritable bain de sang, avec, comme d’habitude, un héros que les autres essaient d’utiliser pour faire le sale boulot — là où eux-mêmes ne pourraient s’y résoudre. Certes, on peut ici comprendre un peu mieux les motivations de la demoiselle en détresse qui sollicite ses services : son fiancé a été abattu sous ses yeux, le jour même de leur mariage, parce que son père, possesseurs d’esclaves, ne pouvait accepter que sa fille épouse un abolitionniste. Unute exerce donc son "métier" : démembrer, écarteler, laisser libre cours à une violence aveugle — mais ici canalisée au service d’une cause un peu plus noble. Jason Aaron est dans son élément : il adapte son style et ses obsessions à l’univers de BRZRKR, bien épaulé par un Salvador Larroca dont le trait sent la poudre et le soleil qui cogne sur les éperons. Un épisode touchant, bouleversant et sanglant. Que pourrait-on demander de plus ?


Tome 1 chroniqué ici

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LE GANT DE L'INFINI : L'OMNIBUS DE "INFINITY GAUNTLET" AVEC THANOS


 Remontons le temps jusqu’aux années 1990, à une époque où Thanos, le grand vilain cosmique de l’univers Marvel, nourrissait une passion aussi ténébreuse que dévorante : son amour pour la Mort, entité abstraite personnifiée en femme silencieuse et glaciale. Dans un élan aussi fou qu’abject, il envisagea de lui offrir un présent à la hauteur de ses sentiments – un génocide universel. Rien de moins que la moitié de la population de l’univers, sacrifiée comme preuve de sa flamme. Pour mener à bien ce projet apocalyptique, le Titan fou entreprit une quête désespérée : réunir les six Gemmes de l’Infini (ou Joyaux de l’Infini, selon les traductions), chacune conférant à son détenteur le contrôle absolu sur un aspect fondamental de l’existence — le temps, l’espace, l’âme, l’esprit, la réalité et le pouvoir. Combinées dans le Gant de l’Infini, ces gemmes font de celui qui les possède un dieu omnipotent. Thanos, stratège méticuleux, n’hésite pas à affronter et à terrasser les détenteurs successifs des gemmes. Le Collectionneur, le Jardinier, le Coureur ou encore le Champion sont balayés un à un dans des affrontements mémorables. Le Silver Surfer, en première ligne, pressent la menace et se précipite sur Terre pour alerter les héros. Mais il est déjà trop tard. Thanos est devenu une entité divine, et le cosmos tout entier s’apprête à sombrer dans le chaos. Ce qui rend Thanos si fascinant, c’est cette combinaison de puissance brute et de froide intelligence. Il est retors, manipulateur, philosophe du néant. Lorsqu’il médite, c’est l’équilibre cosmique lui-même qui vacille. Sa quête ne se résume pas à l’accumulation de pouvoir : elle est une déclaration d’amour malade, une tentative d’être jugé digne par la Mort elle-même — laquelle, ironie suprême, demeure muette et indifférente. Thanos, humilié, sombre alors dans une folie meurtrière. Il n’est plus seulement un conquérant, mais un amant éconduit qui frappe l’univers pour exorciser son rejet. Ce parcours tragique trouve son point culminant dans The Infinity Gauntlet, l’une des plus grandes sagas de l’histoire Marvel, écrite par un Jim Starlin en état de grâce (le Défi de Thanos, selon la traduction des anciens RCM de Semic). Starlin orchestre ici une véritable épopée métaphysique, où les dieux tombent et les héros échouent. Les scènes s’enchaînent comme autant de vignettes d’apocalypse : des justiciers broyés à mains nues, étouffés dans le vide spatial, ou réduits à l’état de cendres. Chaque affrontement est une leçon d’humilité, jusqu’à cet instant inoubliable où Captain America, seul face à Thanos, brandit son bouclier et frappe, comme l’ultime rempart contre le néant. Une image gravée à jamais dans la mémoire des lecteurs.


Mais au-delà de la démesure cosmique, The Infinity Gauntlet est aussi une histoire de sacrifice et de rédemption. Car face à un Thanos devenu dieu, un seul être ose se dresser : Adam Warlock, figure messianique chère à Starlin, revenu du Monde de l’Âme pour restaurer l’équilibre. Son retour signe le renversement du pouvoir absolu, non par la force, mais par la sagesse, la foi, et une compréhension intime de son ennemi. Bref, cet omnibus regorge de scènes puissantes, chargées d’une émotion rare dans les comics de l’époque. Qui peut oublier le Surfer s’écrasant, épuisé, dans le sanctuaire du Doctor Strange, ou cette planche saisissante où Thor survole un Pacifique vidé de sa géographie : le Japon a disparu. Autant de visions d’un monde en déliquescence, écrasé par le caprice d’un dieu frustré. Et pourtant, à travers le tumulte, The Infinity Gauntlet conserve une forme de solennité tragique. Tout cela, rappelons-le, pour les beaux yeux de la Mort. Autour de Thanos, les traîtrises se multiplient. Ses alliés, loin d’être fidèles, guettent le moment où ils pourront s’emparer de son trône. Mephisto, démon lubrique et manipulateur, cherche à tirer profit du chaos. Nebula, que Thanos prétend avoir "sauvée", incarne une revanche familiale cinglante et malsaine. Le Gant suscite les convoitises, et sa toute-puissance ne garantit rien d’autre que l’isolement. Graphiquement, la série est portée par George Pérez, maître du détail et de la lisibilité dans l’excès, puis par Ron Lim, qui livre ici son chef-d’œuvre absolu. À eux deux, ils construisent un monument visuel à la gloire de l’univers Marvel, avec une fluidité narrative exemplaire, malgré le gigantisme du récit. Cette saga n’a rien à envier aux grandes tragédies antiques : elle parle de puissance, de solitude, de désir inassouvi et de chute inévitable. C’est d’ailleurs cette fresque cosmique, profondément humaine sous ses oripeaux divins, qui a inspiré la saga cinématographique du Marvel Cinematic Universe. L’ombre réadaptée de Infinity Gauntlet plane sur Avengers: Infinity War et Endgame, même si le propos y est simplifié, les motivations de Thanos édulcorées. L’essence demeure : la quête des gemmes, l’obsession du Titan, la lutte collective contre un destin implacable. Infinity Gauntlet demeure l’une des pierres angulaires des comics super-héroïques. Une œuvre dense, philosophique, explosive, et d’une ambition rarement égalée. À lire, à relire, à méditer. Dans cette version 2025 chez Panini (nous vous proposons la variant cover spéciale de l'éditeur), qui sera suivie des autres volets de la trilogie (War et Crusade), vous trouverez une multitude de séries annexes, principalement tous les numéros du mensuel Silver Surfer qui anticipe la catastrophe, mais aussi des épisodes de Hulk, Sleepwalker, Quasar... Dans le tumulte cosmique, certaines vérités – sur le pouvoir, l’amour, la perte – résonnent étrangement fort et sont toujours d'actualité. Plus que jamais. 


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LE CAHIER DE VACANCES DE METAL HURLANT


 Il est possible que vous pensiez avoir passé l’âge… Souvenez-vous : à l’époque de l’école primaire, voire même du collège, vous receviez parfois, de la part de votre famille, un cadeau aussi inattendu que redoutable : le fameux cahier de vacances. Ce compagnon estival avait pour vocation de combattre l’ennui des grandes vacances tout en maintenant éveillés des neurones menacés de se flétrir durant l’oisiveté de juillet-août. La bonne blague ! Eh bien, figurez-vous que cette tradition perdure — et de manière étonnamment réjouissante — grâce à un éditeur comme Les Humanoïdes Associés. Ils proposent un cahier de vacances d’un genre un peu particulier, puisqu’il s’agit d’une extension de la légendaire revue Métal Hurlant. Vous pensiez être un fan absolu de pop culture, maîtriser tous les arcanes de la science-fiction, connaître sur le bout des doigts l’univers de l’épouvante et des voyages spatiaux ? Ce cahier pourrait bien ébranler vos certitudes. Car oui, il contient un très grand nombre de jeux — plus de 300 activités ludiques — qui vont vous confronter à une vérité implacable : on n’a jamais fini d’apprendre, même à un âge avancé comme le mien (cinquante ans, tout de même !). Outre des jeux plus classiques, comme les mots mêlés ou les labyrinthes, vous découvrirez surtout un questionnaire extraordinaire, conçu pour mettre à l’épreuve vos connaissances en matière de science-fiction, de cinéma, de séries télévisées, voire d’histoire. Et, cerise sur le robot, chaque réponse est accompagnée d’une contextualisation qui vous apportera des informations aussi précises que passionnantes. Je vais être honnête avec vous : je ne me pensais pas être le public cible de cette parution… et pourtant, je me suis prêté au jeu avec un plaisir non dissimulé.



Plus sérieusement, ce cahier de vacances dépasse largement le cadre des simples activités ludiques. On y trouve, par exemple, toute une série d’articles rédactionnels signés par Lloyd Chéry, qui permettent d’approfondir certains des aspects les plus marquants de la science-fiction et de la pop culture. Parmi les sujets abordés : l’univers Fondation d’Isaac Asimov, La Planète des singes, ou encore Kingdom, l’un des mangas les plus percutants de ces dernières années. Une autre section, confiée à Christophe Quillien, revient sur les cinquante ans de Métal Hurlant : des tout débuts en 1975 jusqu’à ce qu’est devenue aujourd’hui cette marque emblématique de l’édition française. Et ce n’est pas tout : on y découvre aussi une bande dessinée inédite de Thomas Bidault intitulée Rien ne va plus, ainsi qu’un poster central complètement psychédélique et bubble-gum, signé Jean Dalin. En réalité, ce cahier ne ressemble à rien de prévu. C’est une sorte d’OVNI vacancier et estival, débarqué sans crier gare chez les marchands de journaux. On pourrait croire qu’on peut très bien s’en passer, mais dès qu’on le prend en main et qu’on commence à le feuilleter, il devient l’un des compagnons les plus recommandables pour toute activité récréative sous le soleil. Une véritable pause Métal Hurlant, en somme. Qu'on recommande en dégustation avec un mojito ou une blanche bien fraîche. 



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LES AVENGERS DE JONATHAN HICKMAN EN OMNIBUS


 Avec son travail sur Avengers et New Avengers, Jonathan Hickman a redéfini le concept-même de nos bons vieux Vengeurs, transformant un groupe de super-héros en un instrument narratif d’une ambition rarement atteinte dans les comics mainstream. À partir de 2012, il orchestre une véritable saga en deux volets parallèles, publiés en alternance, qui ne cesseront de converger vers un même point de rupture : la fin du multivers. De tout, en fait. Deux séries mensuelles. Deux récits jumeaux. Et une seule vision d’auteur. Tout commence avec Avengers (vol. 5, il faut suivre), qui s’ouvre sur une volonté de grandeur. Tony Stark et Steve Rogers décident de faire passer les Avengers dans la division supérieure . Leur modèle ? La planète. L’équipe s’agrandit massivement, elle accueille alors aussi bien des figures connues que des recrues inédites. Le cast prend un sacré coup de fouet par là-même ! L’idée est de pouvoir faire face à toutes les menaces, y compris celles qui dépassent la simple Terre. D’emblée, Hickman pose les bases d’un conflit cosmique avec l’arrivée d’Ex Nihilo et d’Abyss, deux êtres venus du lointain système d’Alpha Centauri pour… remodeler la Terre à leur façon. Très vite, on comprend que ce n’est que le premier coup de semonce. La Terre, la nôtre, est spéciale. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. En parallèle, dans New Avengers, Hickman délaisse l’héroïsme expansif pour se concentrer sur une tension sourde, presque claustrophobe. Ce sont les Illuminati qui occupent la scène, cette bande de petits cachotiers : Black Panther, Iron Man, Mister Fantastic, Namor, Docteur Strange, Flèche Noire et le Fauve. Ensemble, ils découvrent le phénomène des incursions : deux univers entrent en collision, et l’un des deux doit périr pour que l’autre survive. Le point d’impact est toujours le même : la Terre, chez nous. Le dilemme moral devient vite insoutenable. Détruire une planète, tuer des milliards pour sauver son propre monde ? Ou ne rien faire, et périr avec dignité ? Là où Avengers bâtit un empire de lumière, New Avengers creuse dans l’ombre. La construction est d’une rare intelligence : à mesure que l’équipe principale explore le renouveau cosmique (l’avènement des systèmes, la carte des Bâtisseurs, l’éveil de la Terre comme acteur cosmique), les Illuminati s’enfoncent dans des choix de plus en plus sombres. Le miroir est parfait. Les mêmes héros, deux visions irréconciliables. Il faut se salir les mains, à un moment donné.




Hickman ne ménage pas son lecteur. Il construit une fresque. À la manière d’un puzzle géant, chaque numéro ajoute une pièce au vaste échiquier qu’il déploie : l’univers est une machine, la Terre un point d’ancrage, et les Avengers des rouages dans un engrenage cosmique qui les dépasse. Et puis tout s’accélère avec le crossover Infinity. Dans le plus profond de l'espace la situation dégénère avec l'avancée inexorable de la race des Bâtisseurs qui envahissent et remodèlent tous les mondes qu'ils rencontrent. Accessoirement ils peuvent aussi les détruire. Sur Terre, c'est de Thanos dont il faut se méfier. Le Titan Fou a décidé d'écumer le cosmos à la recherche de tous les enfants illégitimes qu'il y a semé. Sur notre planète son rejeton vit caché au beau milieu d'une cité inhumaine secrète, mais avec les bonnes armes et un peu de persuasion on finit toujours par obtenir les renseignements les plus précieux. Thanos a su s'entourer d'un équipage aussi cruel que lugubre avec des créatures véritablement antipathiques et repoussantes, comme Proxima Minuit, Corvus Glaive ou Mâchoire d'ébène (dont le nom est tout un programme). Et dans les étoiles c'est la déroute, la débandade. Les Avengers pensaient avoir du pain sur la planche mais ils vont au devant d'une cuisante catastrophe et ils accumulent revers sur revers, devant ainsi se rendre à l'évidence : dans un conflit de cette ampleur avec de tels enjeux, les pertes humaines sont à prévoir, et il faudra un sacré talent de stratège pour trouver la faille et changer le cours d'une guerre inexorable. Infinity c’est aussi le premier point d’orgue de tout le travail du scénariste, depuis son arrivée sur la franchise des Avengers. La suite est encore plus dingue puisque son véritable objectif est de déconstruire le Marvel Universe avec Time runs out et Secret Wars (la suite au prochain omnibus, le second est programmé en décembre). La liste des artistes qui illustrent ces pages d'anthologie est longue et comprend des noms qui forcent le respect, comme Jerome Opena, Jim Cheung, Mike Deodato, Steve Epting, Stefano Caselli, Leinil Yu, ou encore Dustin Weaver. L'achat n'est pas recommandé, il est, pour ceux qui n'ont pas ces épisodes dans leur bibliothèque, simplement obligatoire. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA LONGUE ROUTE


 Dans le 201e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La longue route, adaptation de l’ouvrage de Bernard Moitessier par le scénario de Stéphane Melchior et le dessin de Younn Locard, un ouvrage publié chez Gallimard. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Manouche manouche que l’on doit à Johann G. Louis ainsi qu’aux éditions Dargaud


- La sortie de Rédemption, le cinquième titre de la série Wild west, un western que l’on doit au scénario de Thierry Gloris, au dessin de Jacques Lamontagne et c’est publié aux éditions Dupuis


- La sortie de l’album Méditerranée que l’on doit à Aurel, un titre publié aux éditions Futuropolis


- La sortie de Septembre 59, le premier tome de la série Les gorilles du général, un titre que l’on doit au scénario de Xavier Dorison, au dessin de Julien Telo et c’est publié aux éditions Casterman


- La sortie de l’album Après l’orage que l’on doit à Jean Cremers ainsi qu’aux éditions du Lombard


- La réédition au grand format avec bonus du second volet des aventures de Blacksad, un titre baptisé Arctic nation que nous devons au scénario de Juan Díaz Canales, au dessin de Juanjo Guarnido et c’est publié chez Dargaud.



 

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JOUR J (ÉDITION SPÉCIALE) : LOS ALAMOS

 

Tout est une question de point de vue : on peut voir en Robert Oppenheimer un génie scientifique ayant contribué à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, ou au contraire, un esprit torturé ayant ouvert la voie à la course à l’armement nucléaire, précipitant ainsi le monde au bord du gouffre. Oppenheimer divise, encore aujourd’hui. Dans cet album spécial de la collection Jour J, on le retrouve au Nouveau-Mexique, quelques jours avant le fameux test Trinity, celui-là même qui scellera le sort du monde pour les décennies à venir. Avant qu’Hiroshima et Nagasaki ne soient pulvérisées, il faut d’abord qu’un engin expérimental fonctionne en plein désert. Et sans Oppenheimer — sans son savoir, sans sa capacité à résoudre les derniers calculs cruciaux — la réussite de l’opération semble quasiment impossible. Mais imaginons, même un instant, ce qui se serait passé si, à la dernière minute, le physicien avait pris la fuite. S’il avait sauté dans une voiture, sans prévenir personne, et s’était évaporé sur les routes poussiéreuses pour vivre une étrange odyssée, quelque part entre le vagabondage existentiel et la métaphysique. Une errance au cours de laquelle il croise, par un hasard improbable, un certain Jack Kerouac — oui, ce Kerouac, figure tutélaire de la beat generation, esprit libre tout juste déserteur de la Navy, et qui va se prendre d’affection pour Oppenheimer, au point de décider de l’aider à fuir les militaires qui le recherchent frénétiquement. Entre les deux hommes naît une complicité inattendue. C’est cette histoire que nous raconte Los Alamos, édition spéciale de la collection Jour J, publiée chez Delcourt. Au départ, il s’agissait des tomes 32 et 33 de la scollection, parus en 2019 ; les voici réunis dans un seul volume, enrichi d’un cahier rédactionnel à visée historique.



On a ici affaire à une brillante uchronie : et si l’homme qui portait sur ses épaules la responsabilité d’un cataclysme atomique décidait, à l’instant décisif, de ne pas aller jusqu’au bout ? S’il trouvait dans l’anarchie douce et la liberté radicale de ses nouveaux compagnons un moyen d’échapper à son destin ? Mais les auteurs ne s’arrêtent pas à cette simple parenthèse romanesque : Oppenheimer ne reviendra pas sagement à la base pour valider le test et changer le monde. Non, l’album pousse l’idée jusqu’au bout, en y injectant du suspense, des espions du KGB bien décidés à mettre la main sur le scientifique, le célèbre Eliott Ness ou encore William Burroughs, et toute une reconfiguration de l’histoire du XXe siècle qui, par ricochet, bouleverse aussi celle de l’humanité. Signé par Fred Duval et Jean-Pierre Pécau au scénario, Los Alamos est mis en images par Denys, dont le trait réaliste et très classique assure une lecture fluide et plaisante. Ce qui commence comme une biographie apocryphe se mue peu à peu en réflexion subtile, maligne, sur le pouvoir, la conscience, la fuite et les fractures de notre époque. Si vous n'aviez pas pu lire cette bande dessinée lors de sa publication initiale, vous avez ainsi une seconde chance à saisir, complément idéal et poétique du film de Christopher Nolan, sorti en 2023.


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WONDER WOMAN HORS-LA-LOI TOME 3 : FURIE !


 Wonder Woman : Hors-la-loi, Tome 3, signé Tom King, nous rappelle avec éclat une vérité fondamentale : rien ni personne ne peut briser Diana. Peu importent les moyens déployés — coercition physique, isolement sensoriel, emprisonnement dans des cellules ultra-sécurisées —, la princesse amazone ne plie pas. Elle endure, elle transcende, et finit toujours par ressortir plus forte encore. Dans ce troisième tome, c’est le Souverain — héritier d’une dynastie occulte qui tire les ficelles de l’Amérique en coulisses depuis des générations — qui fait les frais de cette résilience quasi divine. Car Wonder Woman n’est pas qu’une héroïne de plus dans le panthéon DC : elle est une déesse incarnée, animée d’une compassion inébranlable, capable de défier n’importe quelle puissance, institutionnelle ou militaire. Alors, comment l’atteindre ? Comment espérer la faire vaciller ? Le stratagème est brutal : frapper là où ça fait mal. Assassiner Steve Trevor, son amour de toujours. Utiliser l’homme pour tenter de briser la femme, d’extirper la guerrière de sa dignité en l’amenant à céder à la rage, à la peur, à la vengeance. Mais là encore, l’entreprise échoue. Car si Wonder Woman vacille, elle ne s’effondre pas. Oui, elle souffre, elle traverse le chagrin, tente même de revoir Steve une dernière fois… jusque dans les Enfers. Et pourtant, derrière la peine, il y a la stratégie. Car Diana n’est pas seule. Avec l’aide de Chimp, le détective chimpanzé et d’un réseau de super-amis solidaires (tel que Clark Kent), elle orchestre un plan d’une précision chirurgicale, destiné à démanteler l’empire du Souverain pièce par pièce. On ne combat plus seulement un homme, mais tout un système. Ses avoirs, ses relations, son quotidien : tout est visé jusqu’à l’anéantissement.



Et n’oublions pas que Wonder Woman n’est pas seule. À ses côtés, trois jeunes héroïnes perpétuent la légende, et il faudrait aussi parler de sa propre fille, celle qu’on appelle Trinity. Le récit que nous découvrons est d’ailleurs tout entier construit en flashback : il part d’un point situé dans le futur, où le souverain déchu raconte cette sombre aventure à la fille de Wonder Woman. Contrairement aux récentes déclarations de Xavier Dorison dans Le Monde, où il exprimait sa déception face à la dérive autoritaire des super-héros américains devenus, selon lui, des figures aux accents fascisants, Tom King prend ici le contre-pied exact. Rien, absolument rien, dans Wonder Woman : Hors-la-loi ne relève de cette vision caricaturale. Bien au contraire, c’est une véritable leçon de tempérance, mais aussi une démonstration de force intérieure, de lucidité morale, et de résistance face à l’oppression venue des plus hautes sphères du pouvoir. À cela s’ajoute l’apport visuel exceptionnel de Daniel Sampere, dont les planches impressionnent par leur réalisme et leur puissance évocatrice. Son trait, précis et inspiré, donne vie à une Wonder Woman telle qu’on l’attend : lumineuse, imposante, jamais caricaturale, toujours juste, autant dans sa présence que dans ses émotions. Hors-la-loi s’impose donc comme une série à suivre de très près. On y lit, en filigrane, une réflexion profonde sur la liberté, la responsabilité politique, et l’éthique du pouvoir. Plus que jamais, si vous ne l’avez pas encore fait, il est temps de vous y plonger.



Pour en savoir plus :

Tome 1

Tome 2


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UNIVERSCOMICS LE MAG' 53 de JUIN 2025 : ABSOLUTE UNIVERSE

 


UniversComics Le Mag' 53

Juin 2025


Obtenez votre copie : PDF à votre disposition (allez sur le lecteur en bas de cet article et cliquez sur la petite flèche qui indique le bas), ou lecture en ligne ici 

https://madmagz.app/fr/viewer/681a4652bc3ee900149066cb


ABSOLUTE UNIVERS 

* L'Absolute universe chez Urban Comics avec Absolute #batman Absolute #wonderwoman et Absolute #superman 

* Comics VO : One world under doom, Superman Unlimited et les Avengers West Coast.

* Le cahier critique avec les nouveautés dispos chez Urban Comics, Panini Comics France Delirium Uppercut Éditions Éditions Dupuis Delcourt Comics 

* Hommage à #ButchGuice 

* Le meilleur de la #BD avec le podcast #lebulleur 

* #Sentry arrive sur grand écran et Panini vous le ressert sur un plateau

* Preview de #punisher red band (septembre)


Merci XXL à notre Absolute graphiste #benjamincarret 

Le Mag' est un mensuel comics/BD qui vous est offert par passion. Purement amateur et bénévole, mais un outil toujours plus soigné et nous l'espérons, pertinent. Auteurs, éditeurs, lecteurs, contactez-nous !

Merci pour tous vos partages et vos réactions ! 



MI-MOUCHE (PREMIER ROUND) : TU VEUX TE BATTRE ?


 Ce qui rend un personnage rapidement inoubliable et attachant, ce ne sont pas forcément ses compétences extraordinaires, ses super-pouvoirs ou sa facilité à faire les choses et à trouver sa place. Non, c’est bien plus souvent une faille, des défauts, des difficultés dans la vie quotidienne — autant d’éléments qui permettent au lecteur de se reconnaître, ou du moins de s’intéresser à ce genre de profil. Et la petite Colette, héroïne de Mi-Mouche, a décidément connu une vie assez difficile jusque-là. Tout commence par un accident de voiture dans lequel sa sœur Lison trouve une fin tragique. La mère non plus ne sort pas indemne de la catastrophe : elle y perd un bras… et une fille. Depuis, Colette est surprotégée. Elle fait tout ce qu’elle peut pour plaire à sa maman, quitte à s’effacer peu à peu derrière les attentes qu’on projette sur elle, les rêves qu’on construit pour elle — et qui ne sont peut-être pas les siens. Prenons la danse, par exemple. C’était aussi une des passions de Lison, avant l’accident. Colette comprend bien qu’on attend d’elle qu’elle prenne le relais, qu’elle s’affirme dans cette discipline. Oui, mais voilà : en réalité, elle n’est pas plus intéressée que cela. Et les choses prennent une tournure inattendue le jour où, à la suite d’un concours de circonstances assez improbable, elle se retrouve avec son meilleur ami Elias dans un bâtiment qui abrite une salle de boxe. Là, elle découvre des jeunes de son âge en train de s’affronter. Mais il ne s’agit pas de défouler une violence brute : au contraire, tout ici est affaire de canalisation, de transformation — on parle d’un sport, voire d’un art. Colette, aussitôt, sent qu’il se passe quelque chose. Elle est fascinée.



Mais attention : comme le nom de cette bande dessinée le laisse entendre, Colette est loin d’avoir le physique de l’emploi. Elle est toute petite, frêle, avec une silhouette juvénile, et subit régulièrement des brimades, voire du harcèlement à l’école. Et puis… la boxe ? Ce n’est pas exactement la discipline rêvée pour une mère qui couve son enfant comme une perle rare. Alors oui, il y a un peu de Billy Elliot dans cette bande dessinée, mais qui aurait définitivement décidé de troquer ses chaussons de danse pour enfiler des gants de boxe et monter sur le ring. Colette a droit à un premier cours gratuit et c'est le coup de foudre ! C'est alors que commence toute une série de quiproquos, ou comment cacher à sa mère le sport qu'elle a choisi, sachant que pour s'entraîner, il va falloir trouver des stratagèmes fort habiles, ne serait-ce que parce que se construire un punching-ball dans une chambre à coucher, ça n'est pas simple. La dessinatrice Carole Maurel livre une excellente prestation, avec un trait réaliste et touchant, et cette excellente représentation d'un personnage qui n'existe pas vraiment, une sorte d'ombre qui plane et permet à la petite Lison de s'affirmer, de devenir vraiment qui elle souhaite être, de dépasser les peurs, les doutes, pour enfin sortir de la case qu'on lui impose, c'est-à-dire la sœur de substitution, remplacer celle qui n'est plus là et qui sur tous les points était différente. Bref, c'est touchant particulièrement bien écrit par Véro Cazot. Tout, des rapports entre la mère et la fille, la fille et ses amis, sans oublier le milieu scolaire (harcèlement) et le sentiment de solitude, forme un cocktail savoureux et nous sommes bien disposés à nous resservir le plus rapidement possible, à l'occasion d'un futur tome 2 !



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LES GUERRES SECRÈTES II : LE BEYONDER EN GOGUETTE

Je vous rappelle en quelques mots le principe des Guerres Secrètes, version années 1980. Le Beyonder, un être tout-puissant venu du fin fond...