LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : T'ZÉE UNE TRAGÉDIE AFRICAINE


 Dans le 127e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente T’zée, une tragédie africaine, album que l’on doit au scénario d’Appollo et au dessin de Brüno, édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie du premier tome de la série Le lai paternel intitulé Les errances de Rufus Himmelstoss, série que l’on doit à Uli Oesterle et aux éditions Dargaud

– La sortie de l’album Fritz Lang le maudit que l’on doit au scénario d’Arnaud Delalande, au dessin d’Éric Liberge et c’est édité aux Arènes BD

– La sortie de la seconde et dernière partie de la série Jukebox motel intitulée Vies et morts de Robert Fury, diptyque adapté d’un roman de Tom Graffin par Marie Duvoisin et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de la première partie de la série Movie ghosts intitulée Sunset et au-delà, série que l’on doit au scénario de Stephen Desberg, au dessin d’Attila Futaki et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de la seconde partie de La fortune des Winzclav intitulée Tom et Lisa, 1910, série que l’on doit au scénario de Jean Van Hamme, au dessin de Philippe Berthet et c’est édité chez Dupuis

– La réédition augmentée de l’album L’incroyable histoire de la littérature française que l’on doit au scénario de Catherine Mory, au dessin de Philippe Bercovici et c’est édité aux Arènes BD



 

 

COPRA VOLUME 2 : DEUXIÈME ROUND POUR LE SHOW MICHEL FIFFE


 Copra, publié chez Delirium, c'est principalement une équipe de seconds couteaux, des individus qui ont un passé qui ressemble surtout à un passif, des losers, des repris de justice, des paumés, des types sur lesquels plus personne ne compte et pour qui accepter de participer à des opérations secrètes, en dehors des radars, est avant tout une façon de ne pas terminer dans l'oubli ou carrément en prison. La formation est gérée par une directrice des opérations capable d'être inflexible et implacable avec ceux qui sont sous ses ordres. C'est elle, Sonia Stone, qui d'ailleurs présente un à un tous ceux qui font partie de la "bande Copra" dans le premier épisode de ce second round. Une excellente façon, pour les lecteurs qui ne connaissent aucun des personnages, de les aborder et de vite maîtriser toutes leurs caractéristiques. On comprend également très vite ce qui s'est produit dans le premier volume, où on évoque la tragédie au Japon qui explique pourquoi le moment est avant tout choisi pour panser les plaies et dire adieu à qui est tombé au champ de bataille. Si l'épisode se révèle donc assez statique et plus traditionnel dans la forme, ne vous leurrez pas, le grand show Michel Fiffe commence dès le numéro suivant, qui se déroule dans une autre dimension, avec en tête d'affiche Rax et son gilet psychosomatique à puissance nucléaire. C'est bien simple, une fois que vous avez lu cet épisode et les suivants, et que vous savez donc ce qu'il s'y passe en détail, revenez en arrière, oubliez les textes et concentrez-vous cette fois uniquement sur les dessins. C'est alors que vous allez comprendre tout le génie de Fiffe, qui n'est pas forcément le meilleur dessinateur au monde en termes d'illustration pure et simple, mais est un des storytellers les plus inventifs et débridés qu'il m'ait été donné de rencontrer. Par exemple, il y a ici une scène magnifique de poursuite et d'évasion dans le centre ville de la cité "improbable" d'Am-Rhein qui est un exercice d'une virtuosité étourdissante. Fiffe pervertit les formes et les corps, réinvente le langage; le terme d'autre dimension prend ainsi tout son sens avec son ingéniosité, qui fait abstraction de toutes les lois du genre. 




C'est que tout a commencé avec cette histoire de shrapnel inter dimensionnel, pour une mission qui a complètement dérapé. Rax, qui est issu de la même dimension que le shrapnel, est venu prêter main-forte au team Copra, mais en retour il a bien fallu le ramener chez lui, et y faire le ménage. L'occasion pour Vincent, une sorte de maître des arts occultes, et donc la version détournée et personnelle du Docteur Strange, revue et corrigée par Michel Fiffe, d'être celui qui est chargé de maintenir ouverte la barrière entre les dimensions. Je dis cela, car il faut aussi envisager cette bande dessinée unique, et qui se révèle d'un accès difficile si on l'aborde avec superficialité, comme un hommage appuyé à tout ce qui fait le charme des comic books américains. Notamment la production de la fin des années 80, qui est clairement l'inspiration de base, que ce soit dans l'utilisation des couleurs, ou la manière de mettre en scène tout cet aréopage hétéroclite et désespéré. On y trouve une directrice d'opération qui n'est pas sans faire écho à Amanda Waller et la Suicide Squad, qui est la version "mainstream" de notre bande de preux et malheureux "héros". Rax est une sorte d'avatar personnel de Shade, the Changing Man, pour ceux qui connaissent ce personnage. Il y est aussi question de traîtrise récurrente; à chaque fois que le lecteur pense avoir compris quels sont les enjeux établis dans les aventures rocambolesques de Copra, il s'avère qu'en fait les choses ne sont pas forcément ce qu'elles semblent être. Sonia elle-même, tout en étant la "directrice" de Copra (groupe qu'elle manipule, ou tout du moins utilise éhontément) est en réalité victime de ses propres supérieurs, considérée comme un pion dispensable qu'il vaut mieux désormais éliminer. Elle, et tous ses subalternes, donc. Un second tome qui peut être alors divisé en trois parties distinctes. Un premier épisode qui passe en revue les joujoux de Michel Fiffe avant de reprendre le jeu, une seconde partie explosive et délirante, où il est question de destituer le despote d'une autre dimension et de permettre à l'auteur de créer à bride abattue, et une troisième et dernière partie qui revient vers une forme apparente de classicisme, où le lecteur observe le voile des illusions qu'on arrache, les mensonges et les froides machinations révélés. C'est étrange, dérangeant, clairement pas destiné à finir entre toutes les mains, et à plaire à tout le monde. Mais c'est aussi et surtout une série d'une vitalité extraordinaire, un ovni complétement addictif dès lors qu'on pénètre et s'imprègne de cet univers. La dernière page tournée, on a une seule idée en tête; Vite, le round three! Merci Delirium! (sortie cette semaine)



Le tome 1 est à retrouver ici même



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MOON KNIGHT : LA MISSION DE MINUIT


 Il était improbable que la sortie de la série Moon Knight, sur Disney Plus, ne soit pas précédée d’une nouvelle version au format comic book, chez Marvel. C’est le cas avec Jed McKay et Alessandro Cappuccio, qui parviennent à proposer du neuf avec un personnage qui ne l’est pas, et qui a connu des hauteurs vertigineuses, comme certains passages à vide impitoyables. La première chose à comprendre,  c’est que le dieu Khonhsu (ici toujours traduit par Khonsou) est tombé en disgrâce, et que désormais Marc Spector alias Moon Knight opère comme coupé de sa figure tutélaire. Il s’est mis au service de la population de son quartier, ceux qui notamment sortent la nuit et arpentent les rues peu tranquilles, les soir de pleine Lune. Sa “mission” est un accueil, un refuge où venir solliciter de l’aide, un havre de réconfort où tout le monde peut trouver sa place, y compris quand on est une vampire. Des vampires qui théoriquement sont des ennemis séculaires de la Lune, et qui sont les premiers adversaires de Moon Knight dans cet album. Avant que nous passions à un individu lambda et d'apparence anodine, mais dont la sueur est capable de contrôler à distance ses victimes, pour leur faire commettre toute sorte d'exactions. C'est ensuite le tour du Docteur Badr, égyptien, qui se revendique lui aussi comme étant le "poing de Khonshu". Après tout, le dieu est comme nous autres, il a probablement deux mains, donc deux poings, ce qui fait du Hunter's Moon une sorte de frère pour Moon Knight, même si les intentions et les méthodes semblent différer. Y compris au niveau de l'apparence physique, du costume, qui forment comme le négatif de notre "héros". Pour autant, le vrai vilain dans cette histoire n'est pas encore apparu, mais il tire les ficelles dans l'ombre, sans prendre trop de risques... 


McKay prend son temps avec ce nouveau titre, au point que souvent les épisodes pris séparément sont lisibles et ressemblent à des aventures isolées, des séquences indépendantes dont le grand drama final est encore nébuleux, mais qui peu à peu forment un ensemble cohérent (qui sera encore plus évident dans le tome 2), ce qui permet à Moon Knight d’évoluer sur un territoire vierge, et donc de se réinventer tout en conservant des caractéristiques rassurantes pour le lecteur. Bonne pioche que ce docteur Badr qui apparaît d'abord comme un ennemi acharné de Moon Knight, puis prête main forte dans le besoin. Le genre de personnage qui s'inscrit dans une logique évidente, et qui donc trouve sa place sans qu'il soit besoin de forcer le scénario. McKay fait preuve de pas mal de bonnes petites idées, inoffensives en apparence. Les séances chez la psychiatre sont rythmées par des dialogues qui font souvent mouche, et renforcent le caractère énigmatique d'un héros qui est à la croisée des chemins, et doit se réinventer après avoir perdu presque tous ses affects, avec des choix malheureux et un comportement erratique. Alors le scénariste ajoute de nouveaux intervenants, et on prend plaisir au retour sur scène de Nelson Greer, alias Tigra, ancienne compagne d'aventure à l'époque des Vengeurs de la Côte Ouest. L'allusion à la judéité de Marc Spector, et son renoncement pour embrasser la mission d'un autre dieu, sont également bien amenés, et montre que l'auteur a bien cerné le personnage dont il a hérité. Au dessin Alessandro Cappuccio (jusque là vu uniquement en Vf chez Shockdom avec le premier volume de la série des Timed) réussit le tour de force de mettre en image "son Moon Knight". Pas une version en élégant costume blanc, ou le traditionnel spectre lunaire, mais un héros urbain et sombre, qui se fond dans l’obscurité en s’y lovant, dont le costume devient par moment comme une carapace souple, tant l’artiste ajoute une certaine rigueur, une puissance physique granitique dans les poses, les combats, les interventions sorties de nulle part. Plutôt que d'être caractérisée par un suaire blanc élégant en mouvement, c'est par le noir que se dessine la plastique du justicier, alors que la blancheur éclatante ne semble souvent que des reflets, qui le rendent encore plus inquiétants. Un choix fort intéressant, et efficace. Pour un tome un qui sait vous atteindre et vous convaincre, sans pour autant monter trop vite en régime. Une bien bonne surprise. 



Le Mag' #23 84 pages, gratuit, est disponible : 




UNIVERSCOMICS #23 DE MAI 2022 : LA MAGIE DES COMICS



UniversComics Le Mag' #23
Le webmensuel comics BD gratuit
Mai 2022. 84 pages.
Téléchargez ici :
+lien direct sur le groupe UC LE Mag'
#Lire en ligne :
LA MAGIE DES COMICS
Sommaire :
* Dossier la magie dans les comics de super-héros
* Conseils de lecture : histoire(s) de magie!
* #AnthonyHuard analyse 15 épisodes brillants de la Sorcière Rouge et vous livre ses secrets.
* #DoctorStrange, origines et fin, retour sur cette œuvre avec #AlexandreChierchia
* #Valentina de #GuidoCrepax star des fumetti, dans une intégrale magnifique chez Dargaud. On vous explique, dossier spécial.
* Le cahier critique, les sorties du mois d'avril, avec un tour chez des éditeurs comme Panini Comics France Urban Comics Delirium Éditions Delcourt 404 Comics et chez Disney+ pour #MoonKnight
* Preview. Il arrive, le voici, le second tome de #Copra de #MichelFiffe chez #Delirium
* Preview double dose, avec le nouvel artbook de #BenjaminCarret "Dark side of the book 8"
* Le meilleur de la Bd avec le podcast Le Bulleur
* Le portfolio nouvelle formule. L'artiste du mois de mai est Ash Rush, on part à sa découverte.
* Les sorties VF du mois de mai, notre sélection.
Cover de #JinWookLee et élaboration graphique du Mighty #BenjaminCarret
#DoctorStrange est au cinéma, profitez-en.
Merci à toutes et à tous. Le mois prochain Le Mag' fête ses deux ans. C'est votre Mag', gratuit, et pour nous aider, nous soutenir, comme toujours, une seule chose à faire : partager! Sur Facebook, twitter, instagram, les forums, on compte sur vous! MERCI ! !

 

VALENTINA : PREMIER TOME D'UNE INTÉGRALE MAGNIFIQUE CHEZ DARGAUD


Si vous recherchez au moins deux raisons évidentes pour avoir d'emblée l'envie irrésistible d'investir dans cette intégrale de Valentina en 12 volumes, il suffit de dire les choses suivantes : tout d'abord, pour la première fois, voici venir une publication en couleurs, entièrement supervisée par la Fondation Crepax, ce qui permet de jeter un regard nouveau sur des histoires qui ont marqué le neuvième art, dès la fin des années soixante. Ensuite, la qualité de l'édition de Dargaud, absolument irréprochable, avec tout un attirail de bonus, de commentaires, d'analyses, qui rendent ces volumes absolument précieux. Un travail de recherche, d'adaptation, de classement, de tout premier ordre. C'est donc avec un plaisir indéniable que nous avons entre les mains le premier tome de l'intégrale, là où Valentina commence à vivre ses aventures, dans un premier temps dans le rôle d'un personnage secondaire d'une série qui n'est pas censée être la sienne. Valentina n'est qu'une jeune photographe longiforme et attrayante, et en apparence seulement, ingénue. Sa plastique remarquable est calquée sur celle de l'actrice Louise Brooks (Loulou, c'est elle) mais aussi sur l'épouse de Guido Crepax, l'artiste vénitien. Une coupe à la garçonne avec de jolies franges, une tendance à l'onirisme débridée qui débouche la plupart du temps sur des songes érotiques, une attention à la mode de l'époque, avec de fréquentes incursions dans le sado masochisme, voici venir une héroïne hors norme, ou tout du moins qui bouscule les codes. Dans un premier temps, Valentina est donc la petite amie d'un certain Rembrandt, critique d'art dont les réceptions sont truffées de poseurs qui devisent sur tous les domaines possibles. Mais l'intellectuel cache un homme d'action, un justicier à super pouvoirs (et oui!) du nom de Neutron. Son regard est capable d'hypnotiser ses adversaires, de les figer, sans qu'ils en soient conscients. Mieux encore, il peut exercer à distance, à travers des miroirs ou des écrans, et ses dons fonctionnent aussi sur des objets mécaniques, comme un moteur d'hélicoptère. Neutron que nous retrouvons en Italie, au Grand prix de Monza, avec pour mission de sauver un célèbre pilote de formule 1 victime des machinations d'un homme d'affaires véreux, qui manipule son épouse, une splendide créature habituée à empocher l'héritage une fois devenue veuve. 




Il faut être exigeant et fin connaisseur pour pouvoir aimer le travail de Guido Crepax, ce qui fait son charme, sa pertinence. Son gros point fort, c'est sa capacité à innover, à truffer ses planches de très nombreux points de repères culturels et historiques, qui en font des objets d'art qui doivent être relus et observés attentivement pour être pleinement appréciés. Parfois, c'est juste la dynamique de l'action, comme la première rencontre de Rembrandt et de Valentina, quand cette dernière apparaît à travers l'emploi de gros plans sur différentes parties de son visage, comme pour souligner le coup de foudre imminent; d'autres fois, ce sont des reconstitutions de batailles historiques ou de moments importants de l'histoire (comme ici avec la Russie Impériale), ou tout simplement l'insertion de personnages réels dans la scène, appartenant au milieu artistique, qui permettent de pleinement appréhender le travail de l'artiste. Si la première aventure présente dans cette intégrale reste d'une facture assez classique, la seconde explose les codes du genre et se révèle être à la fois un délire onirique et un récit hautement raffiné. Valentina se perd dans des souterrains et elle est enlevée par un peuple mystérieux, qui n'est pas sans rappeler celui de l'Homme Taupe par exemple, chez Marvel, ou bien encore le célèbre Voyage au centre de la terre de Jules Verne. Neutron vient alors à sa rescousse, et le couple (libre, faut-il insister sur ce point ?) lutte farouchement pour échapper à ses ravisseurs, en compagnie d'un troisième larron. Tous ensemble, ils s'enfoncent d'avantage dans les tréfonds de la Terre, et au bénéfice d'un tremblement de terre inattendu, ils finissent par remonter et déboucher en Russie, chez les "Soviets", dans une maisonnée où les habitants vivent en ignorant les conséquence de la révolution bolchévique. Valentina passe le plus clair de son temps entre songe et réalité, elle s'évanouit, s'égare dans les méandres de sa pensée, devient l'objet de séquences érotiques au parfum de souffre, dans lesquelles s'alternent fouets, cuissardes, chaînes, bondage, sévices raffinés (qui semblent toutefois déboucher sur le plaisir). Mais jamais la vulgarité se s'impose, c'est toujours, au contraire, une recherche continuelle de l'esthétique et du symbolisme qui sont au centre des préoccupations de Crepax, qui innove avec des planches qui sans rodomontades, participent à une relecture de la bande dessinée érotique. Un modus operandi qui dans un premier temps sera répudié par les mouvements féministes, avant d'être définitivement adoubé. Le tout est publié dans un ouvrage de très grande et belle facture, rappelons-le, que ce soit le grammage du papier, les couleurs (quelle belle surprise inédite) ou le contenu extra, qui offre des clés de lecture pertinentes et bienvenues. Ce premier tome est disponible, et dans le même temps le second est lui aussi en librairie (sur douze). Totalement indispensable. 



On parle aussi de Valentina (dossier six pages) dans : 


STRANGE ADVENTURES : SUPER-HÉROS EN DISGRÂCE


 Adam Strange n'est pas seulement un super-héros, membre de la Justice League, c'est aussi un héros de guerre. Pas pour notre planète mais pour Rann, une lointaine civilisation perdue aux confins de l'espace, sur laquelle il est régulièrement téléporté, par la grâce des rayons Zeta. Là-bas, c'est une gloire planétaire, reconnue de tous. Il a épousé la fille du souverain local, la magnifique Alanna, avec laquelle il a eu une petite fille, Aleea. Cette dernière semble malheureusement disparue lors du grand conflit qui opposa les habitants de Rann à la race d'envahisseurs des Pikkts. Ces ennemis terrifiants ont finalement été défaits et c'est Adam Strange qui a mené la bataille. Aujourd'hui, il semblerait qu'ils menacent également la Terre! Du côté de la belle planète bleue, les choses suivent leur cours. Adam Strange est parmi nous, pour la promotion de sa biographie "Strange Adventures" dans laquelle ses exploits sont présentés au public, qui par ailleurs s'arrache l'ouvrage dans toutes les les librairies où des signing sessions sont organisées. Des lecteurs qui viennent témoigner à quel point ils sont touchés, ou admiratifs, sauf un type un peu dingue et furieux, qui accuse ouvertement Adam d'avoir menti sur les véritables termes de la guerre contre les Pikkts, et d'être en fait un individu bien peu reluisant. Les réseaux sociaux s'emparent de la scène, qui devient virale et sème légèrement le trouble. Le lendemain, l'accusateur est retrouvé mort, la tête explosée par une arme inconnue, mais d'une technologie fort avancée, comme celle qu'Adam utilise sur Rann... Bref, cette fois l'opinion publique s'emballe, et la réputation de celui qui semblait au dessus de tout soupçon risque d'en pâtir. Rien de tel qu'une bonne enquête pour prouver à tous qu'il est innocent, mais Batman refuse de la mener, et préfère confier la tâche à un de ses alliés, Mister Terrific, dont le savoir incommensurable et la coolitude affichée sont des atouts de poids dans la recherche de la vérité. Quitte à aller sur Rann, et interroger tous les amis et compagnons d'arme possible, pour en savoir plus... 



Au départ Adam Strange est le promoteur de cette enquête. Mais bien vite il comprend que les résultats pourraient lui déplaire, d'autant plus que les questions insidieuses sur sa fille le gênent aux entournures. C'est là que le récit de Tom King devient malsain à souhait, et machiavélique. On commence à douter peu à peu de la sincérité du héros, de la probité de sa femme et de sa belle famille, et surtout le soupçon s'installe : et si en fait de grand défenseur de la planète Rann, Adam Strange n'avait été qu'un guerrier sanguinaire, ou le jouet de jeux de pouvoirs trop grands pour lui? Tom King réussit le tour de force, une fois encore, de faire voler en éclats le mythe du super-héros, ce vernis de façade, cette histoire un peu naïve du terrien envoyé au plus profond du cosmos, sur une planète inconnue, où il devient une gloire locale, le héros de deux mondes. La réalité, celle qui n'est bonne que pour soi, qui ne doit jamais être révélée aux autres, avec tout ce qu'elle peut contenir de faiblesse, de tourments, de compromissions, de noirceur. Le discours est à étendre à ce que signifie mener une guerre. Il est aisé d'adopter un comportement respectueux, une retenue humaniste, quand quelqu'un accepte de se salir les mains pour le bien commun, quand les caméras sont éteintes et que les bien pensant détournent le regard. C'est aussi une réflexion sur le couple, ce qui le consolide, ce qui le répare, ou ce qui peut le faire imploser, définitivement. C'est tout simplement brillant, sans concession, avec cette dose d'amertume et de cynisme qui fait de Strange Adventures un autre de ces récits post modernes de référence, où l'idée même du super-héros est malaxée et digérée, où l'individu n'est plus qu'un homme, avec ses qualités et ses insondables profondeurs.  L'ensemble est divisé entre Evan "Doc" Shaner et Mitch Gerads, qui s'occupent chacun du temps passé (Rann) et présent (la Terre) et leurs dessins splendides, bien que différents (aussi bien dans la technique que dans la manière d'aborder le réalisme ou les textures. Mention spéciale à Gerads qui est excellent sur ce dernier point) contribuent avec brio à l'ambiance de ce thriller géopolitique et super-héroïque, qui ne vous laissera pas indifférent, et qui vient de paraître sur le black Label d'Urban Comics voici quelques jours. Une des lectures fondamentales de ce printemps. 





EVERYTHING : LE GRAND MAGASIN TERRIFIANT DE CHRISTOPHER CANTWELL


 Nous sommes au début de la décennie des années 80, dans la petite ville pas très glamour de Holland, en plein Michigan. L'attraction du moment, c'est l'ouverture d'un méga centre commercial dont le nom est en soi tout un programme : Everything. La promesse est littéralement de permettre à chacun d'y trouver absolument tout ce dont il a besoin, y compris (voire surtout) ce qu'il ne savait pas désirer, ou qui relève du superflu le plus élémentaire. Christopher Cantwell annonce l'événement, pour autant c'est avec le destin croisé de quelques individus, des tranches de vie saisies sur le vif, qu'il amorce son récit. Lori est une femme un peu paumée, qui n'hésite pas à baigner son petit-déjeuner dans la vodka, et qui suite à un drame professionnel (explicité dans le quatrième épisode) est à la recherche du bonheur, ou tout du moins, voudrait ne plus être si triste et souffrir. Remo Mundy est pour sa part un ado qui se fait battre par son père, qui l'accuse d'être un bon à rien qui ne cherche pas à entrer dans la vie active. Eberhard Friendly est de son côté le gestionnaire de la ville de Holland; il habite juste à côté, à Macatawa, et vit une illusion de bonheur conjugal. C'est lui qui est appelé à inaugurer le centre commercial Everything avec ses belles paroles mielleuses. Là-bas, il va croiser le chemin de Shirley, une des gérantes, qui cherche à faire le bonheur de tout le monde, et affiche un horripilant optimisme de façade. L'intrigue joue alors la carte "ambiance David Lynch - Twin Peaks" et offre au lecteur toute une série d'événements dramatiques, qui en apparence ne présentent aucun lien entre eux. Un sans domicile fixe est retrouvé carbonisé sur un banc, le jeune Remo plonge pour sa part dans le fleuve avec sa voiture, et se noie... Lori entend d'étranges mélodies et semble comme hypnotisée par les couleurs criardes qu'arborent Everything. Eberhard échappe lui à la mort, puis dépérit lentement mais sûrement, alors que sa vie se délite... Everything (le comic book) nécessite clairement une période d'adaptation, et mise sur la durée pour révéler ses mystères, et donc son charme, plutôt que sur le départ lancé. D'ailleurs on se prend rapidement à penser que cette série se déguste avec bien plus de pertinence sous forme d'un pavé relié. Bonne pioche pour nous lecteurs français, qui avons les épisodes 1 à 10 d'un coup, chez 404 comics. 




Le mystère dans Everything est tout. Il est probablement une fin en soi, puisque l'ambiance, la sensation d'étrangeté et d'horreur diffuse prend le pas sur les causes profondes, qui restent souvent assez nébuleuses. On assiste aux doutes et à "l'enquête" d'un vendeur de matériel hi-fi, qui a perçu des harmoniques sonores singulières dans la ville de Holland. On s'interroge sur l'identité réelle de ceux qui gèrent le grand magasin derrière les coulisses, et qui peut bien être Shirley, qui se cache derrière ce sourire de façade et cette volonté de toujours aider les autres à atteindre le bonheur (illusoire?). Le bonheur, pour un américain du début des années 80, est fils des années Reagan, c'est à dire cette impulsion à la (sur)consommation qui allait bien vite dévorer les âmes, les consciences, sans compter les porte-monnaie. L'apparition de ces monstrueux temples de la consommation n'est que le premier pas vers une transformation complète de nos habitudes, geste précurseur de ce que sera dès lors le géant Wall Mart, puis Amazon, qui désintègre jusqu'aux rapports physiques pour laisser pénétrer Everything...directement chez vous. Cette critique surréaliste et angoissante de ce que nous vivons aujourd'hui est faussement tenue à distance par le dessin en apparence naïf de Ian Culbard, qui se pare aussi de couleurs un poil trop criardes ou artificielles, au service donc d'un discours qui veut que la patine clinquante ne soit que la vitrine d'un mécanisme sordide, terrifiant, quand on y place le bout du nez. Capable de vraiment dérouter car pas forcément accessible à toutes et à tous lors d'une lecture superficielle, Everything est une des sorties "indépendantes" majeures de cette année, proposée qui plus est dans un bel écrin, une édition savamment soignée, disponible chez 404 comics. Quand on pense que les américains ont lu les premiers numéros un mois après l'autre, et les reste d'un coup, en volume, avec une pause covid entre les deux, on mesurera notre chance, pour ce coup. 





ALL-NEW VENOM T1 : QUI DIABLE EST LE NOUVEAU VENOM ?

 Avec All-New Venom , Marvel joue une carte bien connue mais toujours efficace : transformer l’identité du porteur du symbiote en un jeu de ...