Copra, publié chez Delirium, c'est principalement une équipe de seconds couteaux, des individus qui ont un passé qui ressemble surtout à un passif, des losers, des repris de justice, des paumés, des types sur lesquels plus personne ne compte et pour qui accepter de participer à des opérations secrètes, en dehors des radars, est avant tout une façon de ne pas terminer dans l'oubli ou carrément en prison. La formation est gérée par une directrice des opérations capable d'être inflexible et implacable avec ceux qui sont sous ses ordres. C'est elle, Sonia Stone, qui d'ailleurs présente un à un tous ceux qui font partie de la "bande Copra" dans le premier épisode de ce second round. Une excellente façon, pour les lecteurs qui ne connaissent aucun des personnages, de les aborder et de vite maîtriser toutes leurs caractéristiques. On comprend également très vite ce qui s'est produit dans le premier volume, où on évoque la tragédie au Japon qui explique pourquoi le moment est avant tout choisi pour panser les plaies et dire adieu à qui est tombé au champ de bataille. Si l'épisode se révèle donc assez statique et plus traditionnel dans la forme, ne vous leurrez pas, le grand show Michel Fiffe commence dès le numéro suivant, qui se déroule dans une autre dimension, avec en tête d'affiche Rax et son gilet psychosomatique à puissance nucléaire. C'est bien simple, une fois que vous avez lu cet épisode et les suivants, et que vous savez donc ce qu'il s'y passe en détail, revenez en arrière, oubliez les textes et concentrez-vous cette fois uniquement sur les dessins. C'est alors que vous allez comprendre tout le génie de Fiffe, qui n'est pas forcément le meilleur dessinateur au monde en termes d'illustration pure et simple, mais est un des storytellers les plus inventifs et débridés qu'il m'ait été donné de rencontrer. Par exemple, il y a ici une scène magnifique de poursuite et d'évasion dans le centre ville de la cité "improbable" d'Am-Rhein qui est un exercice d'une virtuosité étourdissante. Fiffe pervertit les formes et les corps, réinvente le langage; le terme d'autre dimension prend ainsi tout son sens avec son ingéniosité, qui fait abstraction de toutes les lois du genre.
C'est que tout a commencé avec cette histoire de shrapnel inter dimensionnel, pour une mission qui a complètement dérapé. Rax, qui est issu de la même dimension que le shrapnel, est venu prêter main-forte au team Copra, mais en retour il a bien fallu le ramener chez lui, et y faire le ménage. L'occasion pour Vincent, une sorte de maître des arts occultes, et donc la version détournée et personnelle du Docteur Strange, revue et corrigée par Michel Fiffe, d'être celui qui est chargé de maintenir ouverte la barrière entre les dimensions. Je dis cela, car il faut aussi envisager cette bande dessinée unique, et qui se révèle d'un accès difficile si on l'aborde avec superficialité, comme un hommage appuyé à tout ce qui fait le charme des comic books américains. Notamment la production de la fin des années 80, qui est clairement l'inspiration de base, que ce soit dans l'utilisation des couleurs, ou la manière de mettre en scène tout cet aréopage hétéroclite et désespéré. On y trouve une directrice d'opération qui n'est pas sans faire écho à Amanda Waller et la Suicide Squad, qui est la version "mainstream" de notre bande de preux et malheureux "héros". Rax est une sorte d'avatar personnel de Shade, the Changing Man, pour ceux qui connaissent ce personnage. Il y est aussi question de traîtrise récurrente; à chaque fois que le lecteur pense avoir compris quels sont les enjeux établis dans les aventures rocambolesques de Copra, il s'avère qu'en fait les choses ne sont pas forcément ce qu'elles semblent être. Sonia elle-même, tout en étant la "directrice" de Copra (groupe qu'elle manipule, ou tout du moins utilise éhontément) est en réalité victime de ses propres supérieurs, considérée comme un pion dispensable qu'il vaut mieux désormais éliminer. Elle, et tous ses subalternes, donc. Un second tome qui peut être alors divisé en trois parties distinctes. Un premier épisode qui passe en revue les joujoux de Michel Fiffe avant de reprendre le jeu, une seconde partie explosive et délirante, où il est question de destituer le despote d'une autre dimension et de permettre à l'auteur de créer à bride abattue, et une troisième et dernière partie qui revient vers une forme apparente de classicisme, où le lecteur observe le voile des illusions qu'on arrache, les mensonges et les froides machinations révélés. C'est étrange, dérangeant, clairement pas destiné à finir entre toutes les mains, et à plaire à tout le monde. Mais c'est aussi et surtout une série d'une vitalité extraordinaire, un ovni complétement addictif dès lors qu'on pénètre et s'imprègne de cet univers. La dernière page tournée, on a une seule idée en tête; Vite, le round three! Merci Delirium! (sortie cette semaine)
Le tome 1 est à retrouver ici même
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