AQUAMAN ET LE ROYAUME PERDU (DE JAMES WAN) : ADIEU LE DCVERSE


 Se moquer ouvertement du second Aquaman, c'est un peu comme frapper à coup de tatane un homme à terre, qui aurait les deux membres inférieurs brisés. C'est un peu facile et vous avez la certitude qu'il ne va pas s'enfuir. Un peu d'humanité en ce bas monde, laissons donc mourir l'univers DC Warner première mouture, qui s'achève dans le chaos, le remontage à la hâte, le grand n'importe quoi. Aquaman par Jason Momoa, c'est en fait le bassiste d'un groupe de hard rock qui aurait reçu un peu par hasard la couronne de l'Atlantide et qui aurait décidé de jouer au super-héros, tout en se murgeant la gueule chaque week-end à la Guinness. C'est hautement improbable et ça n'a rien à voir avec le personnage tel qu'il existe sur papier. C'est d'ailleurs le frangin, Orm, c'est-à-dire Ocean Master, qui incarne physiquement (et même dans l'attitude) le mieux ce qu'aurait pu et dû être Arthur Curry sur grand écran. Un paradoxe de plus. Ajoutez à tout cela une grande débauche d'effets spéciaux pas toujours de très bon goût, des créatures marines effrayantes ou attachiantes (le gros poulpe) à foison, la sempiternelle litanie des bons sentiments qui vous explique que la famille, il n'y a pas plus important (ici, l'amour fraternel est capable de briser la pire des malédictions)… et vous obtenez un bon gros divertissement que le plus grand nombre trouvera indigeste et indigne, tandis que d'autres, les plus jeunes, les plus naïfs, les derniers stipendiés (Y en a-t-il encore, je ne pense pas, puisqu'il n'y avait pas de projection presse et de cadeaux à offrir aux influenceurs) vous vendront des vessies au prix de lanternes. Du côté des enjeux, la trame est assez simple. Le fils du premier Black Manta (est-il encore nécessaire en 2023, d'user et abuser de cet adjectif pour définir l'antagoniste mauvais du héros?) a mis la main sur un trident maudit, puis être possédé par l'esprit du souverain du Royaume Perdu, que les Atlantes ont choisi de faire disparaître de leur histoire et d'emprisonner dans la glace, pour une bonne raison. Seulement voilà, quand vous emprisonnez quelque chose ou quelqu'un dans la glace, il faut aussi tenir compte du réchauffement climatique. 



L'écologie va donc venir au secours du second film d'Aquaman ? En tous les cas, c'est un sujet d'actualité brûlant et une façon d'ancrer l'ensemble dans une vision contemporaine des enjeux super-héroïques. Sauf qu'en réalité, la trouvaille en restera au niveau du gadget scénaristique, rien de plus. Le Royaume Perdu sera retrouvé, malheureusement, puis ce sera la lutte finale, terrible, maléfique, avec le sort de l'humanité en jeu (où sont donc passés les autres membres de la Justice League ? En vacances, ils ont piscine?).Voilà, c’en est donc terminé pour la première grande phase des adaptations modernes des comic books DC sur grand écran. C'est peut-être cela le véritable sens du "royaume perdu" : cette poule aux œufs d'or qui s'est faite littéralement plumer et violenter pendant des années, qu'on a poussé à pondre les pires insanités, juste pour quelques dollars de plus. Mais le volatile a fini par se rebeller et dorénavant, chaque sortie rapporte à peine de quoi couvrir les frais engagés pour réaliser des nanars à 2/300 millions l'unité. Adieu les grosses omelettes. Aquaman a beau être le trait d'union parfait entre la Terre et les eaux, il n'aura pas non plus su surnager. Le voir en papa gâteau un peu demeuré aux côtés d'un mioche braillard et d'une épouse (Amber Heard) cantonnée à son rôle de génitrice féconde, après avoir échappé aux fourches caudines d'un procès médiatique et navrant, ce sera la dernière image que nous garderons d'une longue chevauchée qui a sombré, in fine, dans la Fosse des Mariannes de l'histoire du septième art. Un Aquaman qui se fait uriner dessus, en plein visage, par son enfant (est-ce là encore très utile?), qui est le souverain d'un royaume fabuleux et sous-marin mais rentre dormir sur la terre-ferme, dans un ignoble foutoir, qui semble tout heureux de ses propres limites intellectuelles et culturelles, comme si ce n'était là qu'une galéjade, que l'important résidait uniquement dans une musculature de premier ordre, seule arme pertinente quand il s'agit de taper sur tout ce qui bouge et de discuter après ? Ce sont là des mots forts et très sarcastiques, aussi nous semble t-il important de finir par une note plus légère : si l'objectif est celui d'un simple divertissement de début de soirée, sans aucune volonté de comparer avec la production des comic books ou imaginer ce que pourrait être un vrai film abouti sur le sujet, il est possible de sourire tout en mâchonnant une bonne boite de pop-corns. Il est juste dommage que ce soit désormais l'ambition maximale réservée à ce type de long-métrage. Les super-héros méritent d'être un peu plus « super » que cela, vous savez ?


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VINCENT UN HOMME ET UNE VALISE : LA MAGIE DE VORTICEROSA CHEZ IT COMICS


 Le travail de Vorticerosa est de nature a créer de sérieuses migraines à celles et ceux qui sont censés en parler. Bien difficile de rédiger une chronique qui tienne debout, surtout que la plupart du temps nous sommes tentés de mettre en avant le contenu de l'histoire au détriment de la technique et du langage narratif propres à la bande-dessinée, c'est-à-dire le dessin, la mise en page, tout ce qui  est illustré ou sous-entendu. Le contenu justement est particulièrement énigmatique, dans ce splendide album intitulé Vincent, un homme et une valise; le protagoniste s'appelle donc Vincent et il monte à bord d'un train, pour un voyage tout aussi personnel que symbolique, où il semble être le seul passager encore en possession d'une âme, et donc capable d'être pleinement reconnu pour ce qu'il est, pour ce que nous devrions tous être, un humain. Pour échapper au contrôleur, pour poursuivre son voyage, Vincent va devoir opérer des concessions qui sont celles que nous opérons tous les jours dans notre quotidien. Jusqu'où devra-t-il aller pour ne pas être expulsé du wagon manu militari ? En parallèle, parlons maintenant de la technique… et là aussi, c'est très difficile d'aborder ce sujet, tant Vorticerosa (Rosa Puglisi) se permet d'utiliser, de malaxer, de jouer avec le média comme peu de personnes le font : il n'y a pas de mise en page préétablie, il n'y a pas une seule manière de raconter les événements, l'artiste s'est écartée de tout ce que nous pouvons savoir de la façon d'opérer dans une bande dessinée. Elle s'arroge une liberté totale pour agencer images, textes et transitions, de manière à ce que le produit fini ressemble à une plongée onirique dont le lecteur sensible ne ressort pas indemne. L'ensemble forme aussi un hommage appuyé au cinéma du début du vingtième siècle et s'il ne se laisse pas défricher facilement, s'il risque de décourager rapidement tous ceux qui sont habitués aux lectures superficielles et convenues, cet homme et une valise recèle probablement nombre de trésors cachés pour celui qui attend une lecture exigeante et stratifiée.



Cet album a fait l'objet d'une première publication, toujours chez It Comics France, il y a quelques années. Depuis retravaillé, dépoussiéré et retraduit, Vincent a aussi été remonté avec l'ajout de pages, de textes. C'est donc une version sensiblement différente, plus aboutie et maîtrisée, qui est aujourd'hui disponible. Une œuvre en évolution dans le temps, selon les souhaits de l'autrice. La nouvelle mouture est de surcroit publiée dans un format Deluxe avec une très belle couverture à effet et proposée au public avec un sketch personnalisé de Rosa Puglisi. L'album sera en vente à partir de fin janvier, à l'occasion du Festival d'Angoulême. Pour plus d'informations, vous pouvez nous contacter directement à universcomics.lemag@gmail.com puisque nous assurons la livraison et la mise à disposition des albums signés et dédicacés. Attention, tirage limité, il ne pourra pas y en avoir pour les retardataires. 

160 pages

30 euros


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LES GUERRES DE LUCAS


 Dans le 166e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Les guerres de Lucas que l'on doit au scénario de Laurent Hopman, au dessin de Renaud Roche et qui est édité chez Deman. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie du nouveau tomes des aventures de Gaston Lagaffe baptisé Le retour de Lagaffe que l’on doit à Delaf et aux éditions Dupuis

- La sortie du nouveau tomes des aventures d’Asterix baptisé L'iris blanc, un titre que l’on doit au scénario de Fabcaro, au dessin de Didier Conrad et qui est publié chez Albert René, éditions du groupe Hachette

- La sortie de l’album Les indomptés, la nouvelle aventure de Lucky Luke vu à travers les crayons de Blutch, un titre sorti chez Lucky Comics, filiale des éditions Dargaud

- La sortie du sixième tome de la série Les aigles de Rome, une série que l’on doit à Enrico Marini et aux éditions Dargaud

- La sortie de l’album Les imbuvables que l’on doit à Julia Wertz et aux éditions L’agrume

- La sortie du cinquième tome de l’intégrale Lucky Luke où l’on y retrouve le travail commun de Morris et René Goscinny, un album sorti aux éditions Dupuis

 


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JUSTICE LEAGUE KNIGHT TERRORS : FESTIVAL DE CAUCHEMARS CHEZ DC COMICS


 À défaut de pouvoir vous offrir à chacun concrètement un cadeau de Noël, je vous propose aujourd'hui de découvrir en avant-première un des albums les plus attendus de janvier 2024 chez Urban Comics, à savoir Knight Terrors. Cette histoire est à la base un immense crossover qui concerne l'intégralité des titres de l'éditeur et qui a été publié durant l'été dernier. On pouvait s'attendre à ce qu'il débarque sous forme d'intégrales chez Urban mais en réalité, cet ouvrage propose uniquement la série mère et quelques numéros dérivés. Tous les tie-in seront à découvrir dans les volumes consacrés aux différentes séries régulières, par la suite. Le grand méchant de cette histoire s'appelle Insomnia; à la base, ce n'est pas une menace mais un individu comme vous et moi, interné à l'asile d'Arkham. Seulement voilà, vous êtes peut-être au courant de l'éruption récente du volcan de Lazare, qui a amené une pluie mystique sur toute la planète et l'apparition de nombreux individus dotés de super pouvoirs. Notre bad guy du jour est une des victimes il est désormais capable de se déplacer d'un cauchemar à l'autre. Il manipule la réalité et il a plongé l'ensemble de l'humanité dans un profond sommeil, duquel il est possible que nous ne puissions pas nous réveiller. En fait, il semblerait qu'Insomnia recherche deux choses : tout d'abord, assouvir sa détestation des super-héros, qu'il estime être de remarquable tartuffes et qu'il souhaite démasquer en tant qu'hypocrites de premier ordre. Ensuite, il aimerait mettre la main sur la Pierre des Cauchemars, le pendant négatif de la Pierre des Rêves, qui a été cachée quelque part dans le monde onirique, dans les songes d'un super-héros. Du côté des gentils, celui qui mène la charge, qui va devoir contrer Insomnia, c'est avant tout Deadman. Ancien cascadeur et artiste de cirque, assassiné en plein numéro, il hante depuis l'au-delà et si personne ne peut le voir dans notre monde physique, il parvient toutefois à y pénétrer régulièrement en s'emparant des corps de ses hôtes de passage, ce qui lui permet d'agir matériellement. Ce coup-ci, c'est le corps de Batman qu'il a investi, par exemple.



Toute cette histoire démarre alors que le corps sans vie de John Dee, alias le Docteur Destinée, est retrouvé dans le quartier général de la Justice League. La raison pour laquelle les membres de ce dernier groupe sont tout particulièrement visés par Insomnia est expliquée dans la dernière partie et permet de crédibiliser les motivations d'un vilain dont le look n'est pas sans faire penser à celui du Joker. On pourra regretter que le concept du cauchemar qui se mêle à la réalité ne soit pas exploité en profondeur; il était possible d'organiser un véritable scénario diabolique, songes s'imbriquant les uns dans les autres, jusqu'à faire douter même de ce qui est en train de se dérouler sous les yeux du lecteur. Au lieu de cela, on se rend compte que l'histoire n'est finalement pas si ambitieuse que cela et que plutôt que de se développer verticalement, c'est-à-dire dans le temps et la durée, elle sera surtout exploitée horizontalement, par la multiplication des tie-in dont je vous ai parlé en début d'article. Néanmoins, l'ensemble reste plaisant à lire et les amateurs de comic books horrifiques vont être dans leur petit souliers, d'autant plus que les dessins, pour l'essentiel confié à Howard Porter et Giuseppe Camuncoli, sont vraiment agréables. Le premier cité dans un style plus mordant, explosif et ombrageux, le second parvient à exploiter à merveille sa grande versatilité, qui l'amène ici à proposer un travail remarquablement propre et lisible, tout en conservant les caractéristiques nécessaires à susciter l'effroi chez le lecteur. Un tour de force qu'il faut souligner. Mine de rien, Knights Terrors permet aussi d'introduire certaines trames narratives qui vont nous accompagner pendant les prochains mois, notamment ce qui se déroule actuellement en VO, dans la série de Wonder Woman. Williamson a déjà fait preuve de plus d'inspiration et livré des aventures bien plus audacieuses; cela dit, si l'on resitue cela dans le contexte, c'est-à-dire le crossover blockbuster de l'été chez DC comics, on se dit que globalement il y a de quoi être satisfait et adresser un pouce levé à l'encontre de cette parution.



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JUSTICE SOCIETY OF AMERICA CHRONICLES 2001 : LE RETOUR D'HAWKMAN


 La Société de justice, ce sont des héros en fonction sur le pont depuis la première guerre mondiale, pour certains, et qui ont survécu à leur descendance. Rien que pour cela, ça mérite qu'on le souligne. Nous voici en 2001 pour la troisième intégral ou plutôt troisième volume des Chroniques que propose Urban comics, toujours aussi pertinent, toujours aussi riche en articles d'accompagnement rédigés par le savant Yann Graf. Nous n'avons pas le temps de nous ennuyer puisque dès les premiers épisodes, il est question de la Société d'injustice; c'est-à-dire une sorte de version contraire de nos héros, qui décide de faire des siennes. Pire encore, nous trouvons à la tête du problème le redoutable Johnny Sorrow, qui depuis qu'il a été décomposé au niveau atomique et emporté dans un autre plan d'existence est devenu une créature mystérieuse et létale, dotée d'un étrange masque qui provoque la mort instantanée de chaque ennemi, lorsqu'il le retire et lui montre son vrai visage. Son but est simple, relâcher le Roi des larmes, une entité venue de l'au-delà, sur notre monde. Dès lors, on pourrait considérer que les carottes seraient cuites pour l'univers DC Comics. Les deux scénaristes que sont Geoff Johns et David Goyer parviennent à nous raconter tout cela, tout en prétend une attention réelle à chacun des personnages, leur offrant de petits moments pour exister et pour exposer aux lecteurs les doutes, les rêves de chacun, la dynamique entre les différents membres. C'est l'occasion aussi de développer la personnalité de Black Adam, qui peu à peu se rapproche du camp des gentils et désire même intégrer la JSA. Au chapitre des héroïnes dont l'évolution est la plus marquante, notons la jeune Hawkgirl, recrue récente de la formation. Celle que l'on appelle Kendra n'est pas tout à fait la femme que nous croyons et qu'elle même croyait être. D'ailleurs, plus les pages défilent, plus il s'avère qu'elle abrite en fait l'âme de la grande guerrière que fut Shiera, c'est-à-dire celle qui partagea très longtemps (et qui est destinée à la partager pour l'éternité) son existence avec le guerrier Hawkman. Celui-ci a disparu de la circulation mais comme vous le savez, il ne reste jamais mort très longtemps. Pour ce qui concerne sa résurrection et son retour, là aussi, le volume 2001 va répondre à toutes vos attentes.



Ce n'est pas une situation facile pour Hawkgirl : imaginez donc qu'un homme que vous ne connaissez pas vous déclare sa flamme, vous confirme que vous êtes infailliblement destinés à vivre votre vie à ses côtés, mais vous, vous n'y croyez pas, vous souhaitez garder votre indépendance, vous n'avez pas envie d'appartenir à quelqu'un dont vous ignorez l'essentiel. Une situation très complexe, traitée avec brio par Johns. On file aussi sur Thanagar où un certain Dévoreur d'âmes s'est emparé de toute la planète. Là encore, il faut que la Société de Justice, emmenée par Hawkman, fasse le ménage, même si les forces en présence semblent être assez disproportionnées, d'où l'intérêt d'avoir avec soi une force de frappe aussi puissante que Black Adam. La série de la JSA croise ensuite la route de différents crossover d'importance dans ce gros volume, notamment le bien bourrin Our Worlds at War mais aussi Joker last laugh. Ce ne sont pas les épisodes les plus réussis ou les plus pertinents, même si le second cité s'insère dans un triptyque où il est question de Roulette, une version DC Comics potentielle du cinglé Arcade, ennemi des X-Men chez Marvel. Elle possède une sorte de parc d'attractions/terrain de jeu où des épreuves intellectuelles et physiques sont reproduites, à l'issue de laquelle ceux qui perdent sont éliminés physiquement. Elle capture une bonne partie de la Société de Justice, dressent les uns contre les autres (Atom Smasher et Black Adam vont se lâcher)  et espère ainsi se venger, puisqu'il y a aussi derrière toute cette affaire des motivations familiales qui nous sont révélées à la toute fin. Globalement, la qualité du dessin tient réellement la route; l'essentiel des pages est confié à Stephen Sadowski, qui sans volonté d'épater ni effets spéciaux parvient à caractériser admirablement chacun des intervenants, avec une touche classique et naturelle de fort bon aloi. C'est vraiment dans ce volume 2001 que la série de Geoff Johns prend son envol et devient une des meilleures surprises de la production de la Distinguée Concurrence, au début du 21e siècle. Comme toujours, le côté familial, le leg qui unit des générations, l'enthousiasme et le positif sont les caractéristiques d'une formation beaucoup plus solaire que bien d'autres du même genre, chez nos amis les super-héros. La JSA feel good, c'est toujours un plaisir de la retrouver et tant pis si chez beaucoup, elle reste encore très sous-estimée.


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IMMORTAL SERGEANT : ROAD TRIP PÈRE FILS CHEZ HI COMICS


 L'officier James P. Sargent (Sarge) est sur le point de partir en retraite. Un sort enviable (plus les années passent, plus cela ressemble à un privilège) qui n'est pas de son goût. En gros, c'est pire que la mort, à ses yeux ! C'est un homme d'un autre temps, cette époque où on pouvait se permettre des remarques et des comportements sexistes, bourrins, homophobes et racistes, lever le coude, sans que cela dénote vraiment. Sa femme a refait sa vie avec une nouvelle compagne (!) tandis que son fils (Michael) vit à quelques états de distance. Hors, il se trouve que l'anniversaire de ce dernier coïncide avec la date fatidique du départ à la retraite. Du coup, on embarque à bord de la voiture du paternel, pour un road trip qui ne ressemble à rien d'autre et fait tout le sel d'un album à classer au rayon des bonnes surprises de la fin d'année 2023. Joe Kelly et Ken Niimura se connaissent bien et n'en sont pas à leur coup d'essai, puisqu'au début de ce siècle, I Kill Giants fut une réussite incontestable. Ils tentent ici d'ausculter la société occidentale "moderne" et la manière dont elle a évolué (ainsi que le concept de cellule familiale) ces dernières années. Tout oppose le père et le fils. Aussi bien le caractère, la manière d'organiser sa vie (le fiston bosse dans les jeux vidéos, a des enfant dont il s'occupe vraiment, la violence et le sang ne sont pas sa tasse de thé, il est rongé par le stress et le doute); la seule chose sur laquelle ils tombent d'accord, c'est qu'il vaut mieux passer le moins de temps possible ensemble. Pas de chance, il reste une enquête non résolue qui revient comme un boomerang à notre "sergent", au point qu'il se met en tête d'y apposer un point final, en sollicitant l'aide de Michael, qui ne se voyait pas refuser… La recette, vous la connaissez : deux individus que tout semble opposer, de l'humour inévitable et souvent bien barré, pour une collaboration improbable mais qui porte ses fruits. 



On peut en rire (et on le fait vraiment) mais être un père, ce n'est pas une sinécure. Ni communiquer, quand on n'a jamais appris ou eu les codes pour le faire. L'autre, si semblable et pourtant si différent, c'est ce que dévoile au fil de la route ce comic book. Tout ne peut pas être excusé ou racheté en une phrase ou une simple demande, mais tout peut être compris, n'advient pas par hasard. On creuse dans ce qui a pu amener la situation présente, la nature du rapport dysfonctionnel, les zones d'ombre et les contradictions d'un homme, d'un flic qui semble raciste dans sa façon d'être mais qui s'acharne à coffrer le meurtrier d'une fillette afro-américaine 35 ans après le drame et qui déteste voir chez les autres ce qui se niche au fond de lui. Joe Kelly n'oublie pas non plus de réserver de beaux instants aux personnages féminins que sont Val et Rhonda, respectivement la femme de Michael et l'ex de son père. Qui développe l'idée qu'agir ou ne pas agir, cela revient de toute manière à faire potentiellement du mal ou du tort. On ne vit qu'une fois, on ne peut pas savoir ou recommencer. L'improvisation qu'est l'existence, c'est l'assurance de se tromper. Du reste, la dernière partie d'Immortal Sergeant est très forte en ce sens et sait conclure avec brio ces réflexions intimistes truffées de rires endiablés. C'est le dessin qui peut éventuellement rebuter certains d'entre vous. Ici, nous allons droit à l'essentiel, les personnages sont des caricatures ébauchées, avec l'influence très prégnante du manga, un genre dans lequel Niimura a régulièrement brillé et qui exploite ce noir et blanc essentiel qui accompagne les neuf épisodes. Les touches de gris servent elles à isoler des éléments, à leur faire prendre une importance particulière, ou à creuser le passé et les relations entre père et fils, avec une mise en abime des dégâts qu'une éducation à l'ancienne et certains des travers de la masculinité exacerbée peuvent provoquer dans une famille. Les bonus sont non seulement fournis mais réellement pertinents, permettent de comprendre la génèse de l'ouvrage, la manière de travailler, comment certaines planches ont été bâties ou exclues. Cet Immortal Sergeant ne ressemble pas au comic book le mieux apprêté ou le plus séduisant du monde, quand on le prend en main, mais il a le mérite de vous happer au fil des épisodes, en révélant des richesses insoupçonnées au premier abord, avec toujours quelque chose d'autre derrière le rire, une fragilité apparente qui rend le duo et sa relation touchante et sincère. 



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UN HOMMAGE À LUCKY LUKE : LES INDOMPTÉS DE BLUTCH


 Alors que certains personnages ont droit à une seconde (ou une troisième) existence qui s'évertue à ressembler autant que faire se peut à la première (Asterix, le très récent retour copycat de Gaston Lagaffe), Lucky Luke est régulièrement soumis à l'épreuve de la réécriture, ce qui permet d'obtenir de jolies versions alternatives qui sont autant de vibrants hommages à la légende du West. Au tour de Blutch de s'y coller, lui qui remporta en 2009 le Grand Prix d'Angoulême (pour l’ensemble de son œuvre) et n'a plus grand chose à prouver au monde de la bande dessinée. Il nous livre là une histoire de famille, de petites bassesses du quotidien, truffée de gags et de rebondissements, sans faire intervenir les sempiternels Dalton. Tout commence lorsque notre cowboy arrête un jeune délinquant pas très doué, Rufus Kinker, qui a tenté de lui subtiliser Jolly Jumper, son célébrissime cheval. En sortant du bureau du shérif local, Luke fait la rencontre de deux gamins en culottes courtes, Rose et Casper, qui essaient de le rançonner. Si la première a la gâchette facile, mais aucune expérience, le second est un poil demeuré et n'a qu'une seule vraie préoccupation notable : manger, en qualité industrielle. Leur victime s'en sort sans ciller et décide qu'ils méritent une bonne fessée, que leurs parents désolés ne manqueront pas de leur asséner. Sauf que le récit joue un premier tour pendard à notre héros. Rufus n'est autre que le grand frère des deux garnements. Dont le père, qui fait croire à tout le monde qu'il s'est noyé après un dernier coup juteux, est activement recherché par sa bande de complices, Grubby Feller en tête.



C'est une sarabande infernale qui commence, avec des entrées et des sorties continues de prison, des gamins insupportables qui sèment la zizanie partout où ils passent, sans oublier des villageois bien peu courageux, prêts à jeter la pierre au premier yankee venu troubler leur petite paix illusoire. Lucky Luke l'admet clairement, à un moment donné, les gosses ce n'est pas son rayon. On le voit mal à l'aise avec ces horribles mioches, qui braillent, piaffent, mangent (mal) et trompent l'assistance en permanence. Les parents y sont pour beaucoup, ça va de soi. Derrière ce beau monde, Grubby Feller et Bittercreek sont des portraits plus attendus, ces méchants pas très intelligents qui traversent la légende de l'homme le plus rapide de l'Ouest. Blutch au dessin, c'est réjouissant, élégant, personnel et familier à la fois. Son protagoniste est une sorte de pantin en mousse longiligne, très souple, au regard souvent médusé. Un cousinage avec Gaston Lagaffe (ou Averell Dalton ?), version lunaire et désabusée. Les gamins et les autres personnages sont délicieusement horribles, avec des expressions qui figent à merveille le côté obtus et grotesque de leurs comportements, de leur fonction dans cet album. Même le lettrage s'adapte et épouse les intentions de l'artiste, ajoute de la fluidité à un ensemble qui se révèle pleinement réussi. Cocasse et exempt du moindre temps morts, ce nouvel hommage est un exemple patent de ce que signifie réinventer une série classique, tout en respectant ses codes et sa nature. On sent l'amour et le savoir faire là-dedans, merci Blutch. 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ROUGE SIGNAL

 Dans le 206e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Rouge signal, album que l’on doit à Laurie Agusti, un ouvrage publié chez 204...