LE CHANT DE LA FEMME PARFAITE : LA PERFECTION N'EST PAS DE NOTRE DIMENSION


 Avec Le Chant de la Femme Parfaite, Makyo et Bruno Cannucciari nous plongent dans une œuvre hybride, qui oscille entre introspection psychologique, mystique contemporaine et une vraie incursion dans le paranormal. L’histoire s’ouvre sur une tragédie militaire : Alan Zédher, lieutenant en mission en Afghanistan, voit son existence basculer lorsqu’un phénomène inexpliqué perturbe le décryptage d’une communication capitale. L’erreur coûte la vie à plusieurs de ses camarades, et le poids du remords l’entraîne dans une lente descente aux enfers. S'il s'est trompé, c'est probablement parce qu'il est atteint d'une rare forme mutante de paludisme, qui provoque de la fièvre, des délires, des crises invalidantes. Et d'ailleurs, quelques instant avant que l'inévitable ne se produise, Alan a vu les objets disposés sur son bureau se mettre à flotter, ce qui est objectivement assez peu probable, à bien y penser… Désavoué par l’armée, abandonné par la femme qu’il aime (Catherine), qui lui explique ne plus avoir la patience et la force d'être aux côtés de quelqu'un qui se sait condamné par la médecine, il s’effondre et enchaîne les crises, tout en menant une recherche scientifique obsessionnelle sur les ondes scalaires, comme si la vérité physique pouvait absoudre son échec, ou tout du moins l'expliquer. Le récit bascule définitivement dans l’étrange lorsqu’une femme, réplique troublante de son amour perdu, apparaît au centre d’un crop-circle, juste derrière son habitation. Nue sous un vêtement dont le tissu ne ressemble à rien de connu, la belle blonde utilise aussi un langage assez singulier, affirme provenir d'une dimension parallèle et s'apprête à lui faire d'autres révélations qui dépassent l’entendement. 



Dès lors, Le Chant de la Femme Parfaite devient un album touchant et déroutant, dans lequel la science côtoie la métaphysique, où les émotions humaines deviennent le prisme d’une quête existentielle. La narration, exigeante, tisse une trame où le réel vacille, ce qui force Alan à naviguer entre doutes et croyances, rationalité et craintes profondes. Son meilleur ami, qui est aussi son médecin et son dernier soutien dans la maladie, est le personnage qui apporte un peu de rationalité à l'ensemble, mais il est lui aussi mis peu à peu à l'écart, car la belle inconnue s'est installée chez Alan, et lui a proposé un marché extraordinaire. Cette Catherine pourrait bien être en mesure de le guérir, en échange de quelque chose qui va bouleverser le malade, l'obliger à se rapprocher à nouveau de celle qu'il tente d'oublier, ici de retour sans vraiment l'être. Cette histoire de faux semblants fantastiques pourra bien entendu désarçonner certains lecteurs. L’œuvre refuse la linéarité et l’évidence, préfère suggérer plutôt qu’asséner (on en vient vraiment à souhaiter tout le bonheur du monde à Alan, sachant que tout ceci ne peut durer éternellement), jusqu’à un dénouement à la fois bouleversant et énigmatique. Graphiquement, Bruno Cannucciari offre un dessin d’une grande finesse, qui parvient à unir le réalisme et l'onirisme avec une maîtrise saisissante. Ses planches sont traversées par une poésie et une beauté évidente, d'une délicatesse sensible. Du coup, Le Chant de la Femme Parfaite est une œuvre réussie, qui ne se laisse pas apprivoiser facilement, mais qui nous a ravis. Drame personnel, incursion dans une étrange science-fiction intimiste, l'ouvrage (publié chez Delcourt) est une expérience de lecture troublante.


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EDENWOOD (TOME 1) : LE NOUVEAU TITRE DE TONY DANIEL CHEZ DELCOURT


 Avec Edenwood, dont le premier tome vient d'être publié chez Delcourt, Tony S. Daniel plonge ses lecteurs dans un monde crépusculaire où la guerre entre sorcières et démons fait rage, le tout dans un espace assez curieux, en plein territoire américain, ça va de soi. Entre action frénétique, univers foisonnant et influences assumées, ce comic book écrit et illustré par Daniel tente d’articuler une fantasy sombre et une réflexion sur la survie en temps de guerre (concept qui fascine l'auteur, comme il l'a expliqué en interview). Malheureusement, l’ampleur du projet se heurte à quelques failles de narration, comme nous allons le constater. Pour faire simple (et ce n'est pas une sinécure), l’histoire suit Rion Astor, un adolescent ordinaire précipité dans un combat qui le dépasse lorsqu’il part à la recherche de sa petite amie disparue. Transporté dans Edenwood (une sorte de forêt mystique où tout est possible et où le temps s'écoule différemment), il se retrouve enrôlé dans une escouade de chasseurs de démons sous la tutelle du redoutable Bastille. Daniel construit ici un récit initiatique où le jeune héros doit faire ses preuves et s’adapter à des règles qui lui sont étrangères. L’idée n’est pas nouvelle – on y retrouve des échos de Nocterra, autre œuvre de l’auteur, mais aussi de sagas comme The Witcher ou Berserk, où la magie et la guerre se confondent dans une atmosphère oppressante. L’univers déployé est sans doute l’un des points forts de l’album. Daniel évite l’exposition trop lourde et préfère distiller des indices sur la mythologie de son monde à travers des dialogues et des artefacts disséminés çà et là. Cela confère au récit une dimension immersive qui donne envie d’en découvrir davantage. Il commence son premier arc narratif avec toute une bande d'amis, des adolescents qui vont se retrouver confrontés à la terreur d'Edenwood, et être de la sorte dispersés. Rion est un peu l'électron libre du groupe, et les retrouvailles se feront en ordre dispersé, dans un contexte inattendu. 





Oui, le décor est merveilleux (et glauque) mais il contraste avec un traitement plus conventionnel des personnages. Rion et Bastille fonctionnent sur une dynamique mentor-disciple efficace, mais qui peine à surprendre. On pouvait attendre un approfondissement psychologique plus poussé, plutôt que le recours systématique à des secrets enfouis, du sang et des phrases à effet, sans oublier la transmission d'une armure aux pouvoirs mystiques pour donner de l'épaisseur à ces personnages. La meilleure nouvelle, c'est que graphiquement, Edenwood est à la hauteur des espoirs : les scènes d’action sont spectaculaires, les créatures terrifiantes ne manquent pas (entre démons, ensorceleurs et vampires, choisissez votre camp) et les personnages féminins confirment que Tony Daniel a parfaitement vécu e assimilé les leçons tirées des années 1990. Pourtant, malgré cette indéniable maîtrise visuelle, ce comic book laisse parfois une impression d’exercice de style plus que d’expérience narrative aboutie. Le ton oscille entre noirceur et espoir, sans toujours réussir à faire naître l’émotion que l’on pourrait attendre d’une fresque aussi ambitieuse. D'autant plus que c'est une avalanche de noms, de lieus, qui nous tombe dessus. Trop de monde, trop de saut avant/arrière (le gimmick des trois ans auparavant, à chaque épisode), on finit par y perdre ses repères. Edenwood est une œuvre généreuse et foisonnante, portée par une ambition intrigante et une direction artistique soignée, mais qui peine à transcender ses références. Le mélange de fantasy, de récit de guerre et de parcours initiatique du jeune héros fonctionne mais sans rien réinventer ou sans surprendre outre mesure. L'impression est qu'en faisant plus simple, Tony Daniel aurait aussi pu faire plus percutant. 


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ABSOLUTE POWER TOME 1 : AMANDA WALLER CONTRE L'UNIVERS DC COMICS


 Quand on pense que cela fait des décennies que les plus grands super-vilains s'organisent et échafaudent les plans les plus absurdes pour se débarrasser des super-héros, alors qu'il serait si simple d'exploiter les ressources du monde moderne… C'est en tout cas la leçon que l'on peut tirer d'Absolute Power, la nouvelle grande saga qui bouleverse le microcosme de DC Comics, publiée en trois albums en ce début d'année. Dans le premier tome, déjà disponible, Amanda Waller – que vous connaissez très probablement comme une manipulatrice diabolique, prête à utiliser les pires individus pour accomplir les missions les plus inavouables au service du gouvernement – décide d'éliminer toute la communauté super-héroïque, qu'elle juge responsable d'une grande partie des maux du monde. Mais avant cela, elle doit d'abord faire basculer l'opinion publique, autrement dit, discréditer une bonne fois pour toutes ces individus dotés de super-pouvoirs. Et quoi de mieux que l'intelligence artificielle et la prolifération massive de fake news sur les réseaux sociaux et à la télévision pour y parvenir ? Il faut dire qu'Amanda a quelques atouts dans sa manche, comme Failsafe, une version robotisée du Dark Knight, créée par Batman lui-même, conçue pour l'arrêter s'il franchissait un jour les limites. Elle dispose aussi d'une armée de robots Amazo, capables de copier les pouvoirs des super-héros qu'ils affrontent. La première étape du plan ? Éliminer le plus puissant d'entre eux : Superman. Lors d'un combat en apparence anodin, l'Homme d'Acier se retrouve privé de ses pouvoirs… et reçoit une balle en pleine poitrine. Dès lors, les justiciers tombent les uns après les autres : capturés, mis hors d'état de nuire ou contraints de se cacher. Pire encore, Green Arrow, l'archer emblématique, choisit de collaborer avec Waller, apparemment convaincu que ses intentions seront, à terme, bénéfiques pour le monde. Avec Absolute Power, Mark Waid signe une grande saga ancrée dans des problématiques contemporaines, où les surhumains de DC Comics chutent violemment de leur piédestal…




C'est une véritable guerre éclair qui est menée contre les super-héros, une attaque en règle sur tous les fronts : non seulement en bloquant l'accès aux terres parallèles, mais aussi en saturant les réseaux sociaux et en neutralisant la magie. À un certain point, on estime que 80 % des super-héros de la planète succombent en quelques heures à l'offensive menée par Amanda. Pourtant, parmi les 20 % qui parviennent à s'en sortir et à prendre la poudre d'escampette, le scénariste Mark Waid regroupe une série de poids lourds qui permettent de garder espoir pour la suite des événements. Tout ce beau linge se retrouve ainsi dans la Forteresse de Solitude de Superman, un lieu qui, a priori, échappe aux radars et reste inaccessible. C'est là qu'ils vont tenter d'organiser leur riposte. Mais la tâche est loin d'être simple : Jon, le fils de Superman, fait partie de ceux que Waller utilise pour parvenir à ses fins après les avoir capturés. Elle s'est en effet entourée d'une version inédite de Brainiac, dont elle se sert pour asseoir sa suprématie. Si la saga s’étale sur trois albums, c’est parce qu’Urban Comics a choisi de nous offrir une vision quasi exhaustive du récit : en plus des épisodes de la série principale, on retrouve de nombreux titres annexes consacrés à Green Arrow, Green Lantern ou encore Absolute Power : Task Force VIII. Ainsi, le lecteur ne perd rien de l'action et profite d'une grande diversité de dessinateurs. C’est évidemment l’un des artistes du moment, Dan Mora, qui illumine de son talent le titre principal, mais d’autres pointures se démarquent également dans ce premier tome, comme Tony Daniel, Marco Santucci ou encore Fernando Pasarin. Grâce à eux, chaque page se tourne avec un plaisir certain. D’ailleurs, cette histoire résonne étrangement avec notre époque, mettant en scène un renversement des valeurs : les héros, pourtant là pour protéger l’humanité, sont mis au ban de la société sous prétexte que leur seule existence favorise l’apparition et les attaques de super-vilains. Si les objectifs d’Amanda Waller ne sont pas complètement dénués de logique sur le fond, la manière dont elle agit la place parmi les pires adversaires que les super-héros aient eu à affronter ces dernières années. Bref, nous sommes impatients de découvrir la suite, car cette saga, à la fois intelligente et politique, s’impose sans conteste parmi les meilleures productions mainstream de ces dernières années.



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SCARLETT : MISSION SPECIALE AVANT LES G.I. JOE


 L'Energon Universe continue de s'étoffer, avec un nouvel album qui reprend l'intégralité de la mini série Scarlett, en cinq parties. Pour cette parution, vous pouvez placer votre cerveau en mode pause et profiter uniquement de l'action. La scénariste Kelly Thompson, auréolée du succès obtenu sur un personnage finalement pas si éloignée (Black Widow), reprend ici plus ou moins les mêmes recettes. Une femme qui n'a pas froid aux yeux, une mission suicide à accomplir, une alliée à sauver malgré elle. Du reste, l’héroïne (Shana O'Hara de son vrai nom) est immédiatement saisie sur le vif alors qu'elle est sur le point de s'introduire dans une soirée privée à Monaco. La sécurité est extrêmement renforcée, il y a des otages à libérer, mais il y a aussi et surtout une autre femme impliquée dans cette intervention, c'est-à-dire Jinx, la grande amie de toujours, l'ancienne colocataire avec qui Scarlett partageait plus ou moins tout. Celle-ci a disparu depuis deux ans et a demandé expressément qu'on ne la suive pas, au moyen d'un code très particulier quelle est la seule (avec sa partenaire) à être en mesure de déchiffrer. Mais vous le savez, l'amitié est quelque chose de sacré, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. Aussi Scarlett n'entend pas se contenter de fermer les yeux et d'attendre, mais elle décide, avec l'aide de Harlan Moore (alias Snow Job) de faire le nécessaire pour aller récupérer celle qui lui manque tant. Problème : cela veut dire faire un détour par le Japon et infiltrer le clan Arashikage, où officie le guerrier Storm Shadow, qui n'a pas son pareil pour manier le sabre.




Il convient d’être honnête : cette histoire n’est ni pleinement réussie ni totalement convaincante. Pourtant, certains moments fonctionnent bien, notamment les flashbacks, qui apportent un nouvel éclairage sur le personnage de Scarlett et ses liens avec Jinx. Cependant, cette relation reste floue et jamais réellement explicitée. On l’effleure, mais dès que l’action s’intensifie, il n’y a plus de place pour la caractérisation ou l’approfondissement. L’objectif devient uniquement de démontrer à quel point l’héroïne sait se battre, quitte à recourir à des artifices narratifs éculés, comme cacher des lames de rasoir dans son corps. L’intrigue repose alors sur une montée en tension d’un épisode à l’autre, avec la quête d’une arme fabuleuse au sein d’un complexe technologique ultramoderne, où les protagonistes sautent d’un étage à l’autre en affrontant de nouvelles menaces. Bref, rien de véritablement neuf ou inspiré. À cela s’ajoute le dessin de Marco Ferrari, qui se contente du strict minimum. Certes, le storytelling est efficace, l’ensemble est clair et lisible, mais il serait exagéré de prétendre qu’un soin particulier a été apporté à la silhouette des personnages ou à leurs expressions faciales, trop souvent sommaires et figées. En somme, Scarlett pourra satisfaire ceux qui recherchent de l’action pure et dure, encore et toujours. En revanche, les lecteurs désireux de plonger plus en profondeur et de s’attacher véritablement à cette aventurière iconique risquent d’être déçus. Même la conclusion n’en est pas vraiment une : il ne reste plus qu’à patienter jusqu’à l’arrivée de G.I. Joe. Pourtant, il existait des moyens plus intelligents et audacieux d’aboutir à cet effet.



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CAPTAIN AMERICA LA VÉRITÉ : LES ORIGINES ET LES SECRETS DU CAPTAIN AMERICA NOIR


 Au début des années 2000, Marvel a entamé une véritable transformation éditoriale et philosophique, après une période de crise et d’incertitude. Bien avant son rachat par Disney et l’essor des films de super-héros, Joe Quesada fut ainsi nommé rédacteur en chef de la célèbre Maison des Idées, tandis que le président Bill Jemas encourageait des productions inédites et audacieuses, destinées à bouleverser l'ordre établi et la conception même que les lecteurs avaient de leurs héros favoris. C’est dans cet esprit d’innovation permanente que Marvel fit appel à des auteurs venus d’horizons variés, souvent éloignés du circuit traditionnel de la bande dessinée super-héroïque, pour concevoir des projets originaux aux résultats inégaux, mais qui ont le mérite d'exister. Parmi eux, le regretté Robert Morales—qui prendra ensuite brièvement les rênes de la série Captain America—et Kyle Baker collaborèrent en 2003 pour la mini-série Truth: Red, White & BlackToujours inédite en version française librairie, cette histoire repose sur un procédé bien connu : une bonne couche de ret-con, qui consiste à introduire de nouveaux éléments pour modifier le passé d’un récit canonique. Steve Rogers y fait une découverte bouleversante : il n’a pas été le premier Captain America. Avant de lui administrer le sérum du super-soldat, l’armée américaine l’avait testé sur un groupe de soldats noirs, considérés comme des cobayes en raison de leur couleur de peau. L’expérience tourna au drame pour la plupart d’entre eux, et seul Isaiah Bradley en réchappa. Un personnage qui est aussi le grand-père de Elijah Bradley, que vous avez peut-être rencontré en tant que Patriot, dans la série consacrée aux Young Avengers de Heinberg et Cheung. L'album s'ouvre à l'occasion d'une fête foraine en 1940, à New York, qui décide de consacrer une "semaine nègre" à ses visiteurs. Tout un programme. D'emblée, Isaiah et Faith, son épouse, se heurtent au racisme ordinaire d'une population qui n'a nullement envie de voir la communauté noire bénéficier des mêmes droits et loisirs que les blancs. Tous les personnages "de couleur" de cette histoire sont les victimes de ce déclassement scandaleux qui fut pendant très longtemps une ségrégation tout ce qu'il y a de plus officielle au pays de la Liberté, majuscule de rigueur. Liberté d'être cantonnés au statut de sous-homme, de chair à canon, de soldats sur qui pouvoir expérimenter en paix ?


Bien entendu, la vérité dont il est question ici concerne tous les secrets honteux qui jalonnent l’histoire des États-Unis d’Amérique, notamment durant la période trouble qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. Si les Américains nous ont grandement aidés à nous libérer de l’occupant nazi, il faut néanmoins avoir l’honnêteté de reconnaître qu’avant le conflit, les deux nations partageaient quelques similitudes troublantes et nauséabondes, notamment dans leur usage de cobayes humains pour des expérimentations médicales. C’est de cela qu’il est question, mais aussi de la manière dont la société américaine d’alors organisait une forme de ségrégation officielle, reléguant une partie de sa population au rang de citoyens de seconde zone, à peine considérés comme des êtres humains et privés des mêmes droits que les autres. Captain America n’incarne pas la soumission au gouvernement américain ; il représente des idéaux qui, dans la réalité, sont bien souvent bafoués. D’ailleurs, lorsqu’il découvre, dans les deux derniers épisodes, la vérité sur ce qui s’est réellement passé, sur l’existence d’un Captain America noir, sur ce qu’il a subi et la manière dont il a été utilisé, ainsi que sur le comportement des soldats américains au combat, Steve Rogers choisit d’agir à sa manière : en punissant les coupables encore en vie et en rétablissant un semblant de justice et d’honneur pour cette nation et ce drapeau qu’il chérit, mais qui portent en eux des zones d’ombre dramatiques. L’ensemble est illustré par Clyde Baker dans un style proche de la caricature, qui intensifie le drame, la terreur et la colère de ces soldats. La façon dont ils sont représentés ne fait qu’accentuer leur déshumanisation, leur réduction à de simples instruments au service d’objectifs sinistres. L’Amérique ne s’est pas bâtie en un jour, et sa domination économique et politique sur le monde, aujourd’hui vacillante, repose sur un passé où bien des ordures ont été soigneusement dissimulées sous le tapis, dans l’espoir de les cacher aux yeux du monde. La Vérité fait ainsi partie de ces œuvres audacieuses et hors des canons habituels qui abordent ces sujets de front. L’édition grand format de Panini, avec son dos toilé, constitue un écrin à la hauteur de l’événement.


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : SIBYLLINE CHRONIQUES D'UNE ESCORT GIRL


 Dans le 193e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Sibylline, chroniques d’une escort girl que l’on doit à Sixtine Dano, un ouvrage publié chez Glénat. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Carcoma que l’on doit Andrés Garrido et aux éditions Dupuis


- La sortie de l’album Le secret de Miss Greene que l’on doit au scénario de Nicolas Antona, au dessin de Nina Jacqmin et c’est paru aux éditions Le Lombard


- La sortie du deuxième et dernier volet de Quand la nuit tombe, un volet consacré à Mylaine pour un album que l’on doit au scénario de Marion Achard, au dessin de Toni Galmès et c’est publié aux éditions Delcourt


- La sortie d’On ne fait pas de feu sous un arbre en fleur, le troisième tome des aventures du commissaire Kouamé, série que l’on doit au scénario de Marguerite Abouet, au dessin de Donatien Mary et c’est publié aux éditions Gallimard


- La sortie de l’album Le maitre de California Hill que l’on doit à Laurent-Frédéric Bollée pour le scénario, Georges Van Linthout pour le dessin dessin et c’est publié aux éditions de La boite à bulles


- La réédition en intégrale de la série Streamliner que l’on doit à Fane, un titre publié aux éditions Rue de Sèvres.







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CAPTAIN AMERICA BRAVE NEW WORLD : PAS GRAND CHOSE DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL


 Tout ça pour ça. Et malgré la carte intrigante du Hulk Rouge (Harrison Ford, tout de même) à jouer en fin de partie. Bon, il n'y a pas grand chose de bien palpitant dans ce Captain America: Brave New World, 35ᵉ volet de la gigantesque saga du multivers cinématographique Marvel (qui a connu des jours plus fastes) et quatrième aventure « en solo » du héros au célèbre bouclier étoilé en vibranium. Un symbole qui, il n’y a pas si longtemps, a changé de porteur, passant des mains de Steve Rogers à celles de Sam « Falcon » Wilson, un personnage dont le charisme est loin d'être à la hauteur de son illustre prédécesseur. Une transition aussi délicate sur le plan narratif que commercial, amorcée dans la série The Falcon and the Winter Soldier et dont les répercussions s’étendent jusqu’à ce nouvel opus, porté d’ailleurs par la même équipe créative que le show télévisé. Au cœur du scénario signé Rob Edwards, Malcolm Spellman et Dalan Musson, ressurgissent donc le poids, les angoisses et les pressions inhérentes à cette promotion inattendue, le tout fondu dans une intrigue qui renoue avec un genre et des atmosphères qui ont, depuis les frères Russo, façonné les récits estampillés Captain America. Dans la lignée de The Winter Soldier, Civil War et de la série Disney+ déjà citée, Brave New World plonge dans un thriller paranoïaque aux accents d’espionnage et de géopolitique, mêlant conspirations, jeux de dupes, agents dormants et sociétés secrètes, sans oublier les manipulations mentales et les attaques contre les hautes sphères du pouvoir. Du bon gros complotisme de derrière les fagots. La seule véritable innovation concerne une mise en scène qui revendique ouvertement des codes, des ambitions et une tonalité plus proches d’un B-movie. Un film qui mêle l’esthétique du cinéma militaire à la Top Gun ou Des hommes d'honneur (la franche camaraderie sous les drapeaux, on aurait presque envie de s'engager), tout en assumant une patine résolument comic book, voire cartoonesque, avec des envolées parfois grotesques et en rupture avec la gravité des précédents opus. Bref, une version marvelisée et simplifiée d’un certain type de cinéma, où les thématiques – comme l’idée que le véritable ennemi, celui qui détient toujours la vérité, est souvent plus proche qu’on ne le croit – sont recyclées avec opportunisme. Mais aussi un nouvel épisode parmi tant d’autres, dans une collection devenue tentaculaire, qui s’étire encore et encore selon une formule éprouvée, sans jamais vraiment marquer les esprits. Ici on attend, longtemps, très longtemps, le Hulk Rouge, en croisant les doigts pour qu'il sauve le film de l'ennui.


Mais quel est vraiment l'objectif de ce Brave New World réalisé par un quasi-débutant du nom de Julius Onah ? Le but se révèle à mesure que l’on progresse dans un récit qui se contente du strict minimum, oscillant entre médiocrité bon enfant et clichés éculés. Le tout progresse péniblement, d’une péripétie futile à une résolution bâclée, dans l’unique but de jouer la montre, une forme de remplissage cinématographique assez stérile qui en laissera beaucoup sur leur faim. D’un point de vue promotionnel, le grand moment du film, c’est bien sûr l'apparition du Hulk Rouge, c'est à dire la transformation tant attendue du président Thaddeus "Thunderbolt" Ross (ou plutôt Joe Biden, à deux doigts de sucrer les fraises). Son face-à-face avec Sam Wilson – sur fond de tensions avec le Japon et d'infiltration au plus haut niveau de l'état, constitue le sommet, voire le véritable point de tension de Brave New World. Mais l'opposition n'éclate jamais vraiment, avec un Président Ross qui ne rêve que d'une seule chose, finalement : se rabibocher avec Betty, sa fille, et de l'emmener se balader sous les cerisiers en fleurs. C'est assez consternant. Du coup, au lieu d’être le tremplin fondateur d’une nouvelle ère, Brave New World finit surtout en fantasme geek, qui peine à s’imposer comme l’événement tant attendu. Et c’est dommage, car il marque aussi la première grande apparition de Sam Wilson en Captain America, un rôle dont le MCU a cruellement besoin – autant à l’écran que dans sa stratégie globale. Dans ce contexte, la solidité du casting s’avère précieuse : Danny Ramirez, Shira Haas, Giancarlo Esposito et Tim Blake Nelson parviennent à donner le change, et ce, même lorsque le scénario semble leur mettre des bâtons dans les roues, ou que les effets spéciaux flirtent avec le ridicule ou l'amateurisme (Le Leader est indigne d'un cosplay bon marché). Le cas d’Anthony Mackie est à étudier de près. Sur le papier, il a les épaules pour incarner un Captain America mémorable. Mais face à une mise en scène qui ne lui laisse que peu de marges de manœuvre, son intronisation reste inachevée. D’autant plus que, dans l’ombre, Harrison Ford lui vole sans effort la vedette et détient le seul élément de suspens de tout le long métrage, le moment fatidique où la contrariété de trop va faire de lui le nouveau Hulk vermillon et pas content du tout. En fin de compte, Captain America: Brave New World ne provoquera ni panique ni accès de rage dans la population habituelle des Marvel Fans au cinéma. Il ne fait que rappeler la trajectoire décevante d’une compagnie (Marvel Studios) qui, à force de démultiplier les expérimentations, les formats, de démythifier ses personnages, s’égare jusque dans ses récits plus terre-à-terre. Bref, un film Marvel de plus, auquel on ne prêtera pas plus d'attention que cela. Nous sommes blasés, mais sûrement aussi moins bêtes que ne l'espèrent les producteurs dépassés. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ROUGE SIGNAL

 Dans le 206e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Rouge signal, album que l’on doit à Laurie Agusti, un ouvrage publié chez 204...