EDENWOOD (TOME 1) : LE NOUVEAU TITRE DE TONY DANIEL CHEZ DELCOURT


 Avec Edenwood, dont le premier tome vient d'être publié chez Delcourt, Tony S. Daniel plonge ses lecteurs dans un monde crépusculaire où la guerre entre sorcières et démons fait rage, le tout dans un espace assez curieux, en plein territoire américain, ça va de soi. Entre action frénétique, univers foisonnant et influences assumées, ce comic book écrit et illustré par Daniel tente d’articuler une fantasy sombre et une réflexion sur la survie en temps de guerre (concept qui fascine l'auteur, comme il l'a expliqué en interview). Malheureusement, l’ampleur du projet se heurte à quelques failles de narration, comme nous allons le constater. Pour faire simple (et ce n'est pas une sinécure), l’histoire suit Rion Astor, un adolescent ordinaire précipité dans un combat qui le dépasse lorsqu’il part à la recherche de sa petite amie disparue. Transporté dans Edenwood (une sorte de forêt mystique où tout est possible et où le temps s'écoule différemment), il se retrouve enrôlé dans une escouade de chasseurs de démons sous la tutelle du redoutable Bastille. Daniel construit ici un récit initiatique où le jeune héros doit faire ses preuves et s’adapter à des règles qui lui sont étrangères. L’idée n’est pas nouvelle – on y retrouve des échos de Nocterra, autre œuvre de l’auteur, mais aussi de sagas comme The Witcher ou Berserk, où la magie et la guerre se confondent dans une atmosphère oppressante. L’univers déployé est sans doute l’un des points forts de l’album. Daniel évite l’exposition trop lourde et préfère distiller des indices sur la mythologie de son monde à travers des dialogues et des artefacts disséminés çà et là. Cela confère au récit une dimension immersive qui donne envie d’en découvrir davantage. Il commence son premier arc narratif avec toute une bande d'amis, des adolescents qui vont se retrouver confrontés à la terreur d'Edenwood, et être de la sorte dispersés. Rion est un peu l'électron libre du groupe, et les retrouvailles se feront en ordre dispersé, dans un contexte inattendu. 





Oui, le décor est merveilleux (et glauque) mais il contraste avec un traitement plus conventionnel des personnages. Rion et Bastille fonctionnent sur une dynamique mentor-disciple efficace, mais qui peine à surprendre. On pouvait attendre un approfondissement psychologique plus poussé, plutôt que le recours systématique à des secrets enfouis, du sang et des phrases à effet, sans oublier la transmission d'une armure aux pouvoirs mystiques pour donner de l'épaisseur à ces personnages. La meilleure nouvelle, c'est que graphiquement, Edenwood est à la hauteur des espoirs : les scènes d’action sont spectaculaires, les créatures terrifiantes ne manquent pas (entre démons, ensorceleurs et vampires, choisissez votre camp) et les personnages féminins confirment que Tony Daniel a parfaitement vécu e assimilé les leçons tirées des années 1990. Pourtant, malgré cette indéniable maîtrise visuelle, ce comic book laisse parfois une impression d’exercice de style plus que d’expérience narrative aboutie. Le ton oscille entre noirceur et espoir, sans toujours réussir à faire naître l’émotion que l’on pourrait attendre d’une fresque aussi ambitieuse. D'autant plus que c'est une avalanche de noms, de lieus, qui nous tombe dessus. Trop de monde, trop de saut avant/arrière (le gimmick des trois ans auparavant, à chaque épisode), on finit par y perdre ses repères. Edenwood est une œuvre généreuse et foisonnante, portée par une ambition intrigante et une direction artistique soignée, mais qui peine à transcender ses références. Le mélange de fantasy, de récit de guerre et de parcours initiatique du jeune héros fonctionne mais sans rien réinventer ou sans surprendre outre mesure. L'impression est qu'en faisant plus simple, Tony Daniel aurait aussi pu faire plus percutant. 


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