SWEET TOOTH VOLUME 1 (DE JEFF LEMIRE) ARRIVE CHEZ URBAN COMICS *** CONCOURS ***

Elle est enfin arrivée. La série que nous avons le plus apprécié ces dix dernières années. le petit chef d'oeuvre de Jeff Lemire, publié sur le label Vertigo, et chez Urban Comics en français. Ce bijou indispensable s'intitule Sweet Tooth. Cette expression désigne les enfants gourmands, qui aiment un peu trop les sucreries. Elle se déroule dans un monde post apocalyptique, alors qu'une partie importante de la planète semble avoir été décimée par un virus inconnu. Peu de temps auparavant, d'étranges créatures sont apparues : des enfants nés avec des caractéristiques génétiques très particulières, en faisant des êtres mi humains mi animaux. Comme le petit protagoniste du récit, Gus, qui ressemble aussi bien à un cerf qu'à un garçonnet. Ces hybrides sont pourchassés, et Gus grandit à l'ombre de ce qui reste de la civilisation, dans les bois, avec son père malade. Après la mort de ce dernier, il faudra que le gamin explore le monde extérieur, se heurte à la cruauté et à l'absurdité de ce qu'il en reste, quitte à devoir digérer de bien horribles désillusions au passage. Gus a des souvenirs très fragmentaires de sa mère, et de moments particuliers de son enfance, qui pourraient être la clé et l'explication de toute la catastrophe qui a suivi. Seul, il ne pourrait survivre très longtemps, alors la rencontre de Jepperd -une sorte de survivaliste bourru et débrouillard, une figure paternelle mal dégrossie et touchante, qui rassure par sa masse physique et sa capacité à prendre des décisions, mais inquiète par ses secrets et son passé- est capitale pour aller de l'avant. On retrouve dans ce premier tome des thèmes et des idées qui ne sont pas si éloignés que cela de la longue saga de The Walking Dead, par exemple. Si le monde est partie en sucette et que seuls les plus forts et les plus cyniques paraissent en mesure de survivre, est-il plausible qu'il existe encore quelque part un refuge pour les enfants hybrides pourchassés, et que dans cet enfer existentiel se dégage une parenthèse de sérénité et d'espoir? Ou bien tout simplement la trahison et la désillusion sont-elles naturelles, lorsque l'être humain est poussé dans ses derniers retranchements? Lemire semble suivre le chemin tracé par Kirkman, mais il fait un pas de coté évident dans la manière de présenter la foi en ce que l'humanité à de meilleur. Sweet Tooth est un road-trip angoissant, mais pas nihiliste. 


Dans Sweet Tooth, nous trouvons des thèmes forts et pas toujours commodes à aborder, comme l'exploitation et les abus sur mineurs, qui reviennent régulièrement à travers la figure du jeune protagoniste, et ses amis "freaks" qu'il parvient en cours de voyage à rencontrer. Une petite communauté aussi étrange que sympathique, dont les vicissitudes arracheront une larme aux plus endurcis d'entre vous. Lemire puise à pleines mains dans les métaphores et utilise l'excuse de la science-fiction catastrophiste pour porter un regard aussi sévère sur le genre humain que non dénué d'amour et de compassion pour ceux qui se contentent de la marge, et n'ont pas perdu de vue le sens des vraies valeurs qui devraient habiter en chacun de nous. L'auteur est maître dans la manière de juxtaposer des scènes d'action où le suspens et l'anxiété pour le destin des personnages nous fait oublier le reste, et de longs moments d'introspection, où les motivations, les peines et les failles de chacun sont révélées au grand jour. Personne n'y échappe, et elles deviennent d'ailleurs le moteur, et les armes, pour poursuivre la route qui mène au salut. Reste le dessin, toujours de Jeff Lemire. Là, il est évident que ça ne peut passer pour tout le monde. Car son trait est résolument underground, disgracieux selon les codes en vigueur dans la majorité des comics, et si nous avons à de nombreuses reprises de véritables leçons d'expressivité tout au long de Sweet Tooth, un oeil non averti et rétif risque vite de se lasser et d'abandonner la lecture. Une erreur inqualifiable car au delà du style si particulier de l'artiste, Sweet Tooth apparaît déjà comme une oeuvre majeure de ce début de siècle, un conte cruel et désenchanté pour adultes, en réalité destiné à tous les publics. Une sorte de Pixar dévoyé qui ose plonger dans les tréfonds de notre société, et qui attend son extrême conclusion pour dévoiler un message positif. Et tant pis si le dessin vous répugne ; regardez les yeux de Gus, la dure froideur de Jepperd, les émotions qui affleurent sur tous les visages... et ne faîtes pas l'erreur de voir là la laideur, quand sous vos yeux s'étale en fait un chef d'oeuvre. 




A lire aussi : 

Notre dossier consacré à Jeff Lemire en 2012



Et comme nous sommes très généreux (enfin non...pour être foncièrement honnêtes, c'est surtout Urban Comics qui s'est montré très généreux, et vous offre ces deux exemplaires...) nous vous donnons l'opportunité de remporter votre exemplaire de Sweet Tooth volume 1. Rien de plus facile, vous nous laissez juste un commentaire avec une bonne raison de vous l'envoyer. N'oubliez pas d'indiquer clairement votre nom que je puisse vous contacter si vous gagnez. amis belges ou suisses, ça vous concerne aussi bien sur. Bonne chance!


MARVEL'S JESSICA JONES : LA REVIEW DE LA SERIE NETFLIX

Si l'évidence vous a échappé jusque là, laissez-moi vous le répéter : les séries produites par et pour Netflix sont d'une qualité artistique extraordinaire, et associent traitement bluffant de l'image, de l'action, story-telling de haute volée, et crédibilité à l'épreuve des balles. Après Daredevil, c'est au tour de Jessica Jones de casser la baraque, avec treize épisodes qui vous laisseront accrocs à la détective privée de chez Alias Investigations. Pourtant rien ne prédispose l'héroïne chère à Brian Bendis à devenir une star du petit écran. Après avoir eu son heure de gloire relative en tant que personnage principal du titre Alias, on l'a surtout vue par la suite endosser le rôle de la compagne forte (et chiante, souvent) de Luke Cage, devenu entre temps le parfait exemple du black power cool chez les Avengers. La Jessica de Netflix est indéniablement plus attirante et séduisante que celle qui fit ses premiers pas chez Marvel, mais sa vie n'est pas un roman à l'eau de rose pour autant. On comprend vite qu'elle possède des pouvoirs hors du commun (elle arrête une voiture d'une seule main dans le premier épisode...), et que son quotidien est miné par des problèmes existentiels d'importance, qui la poussent à toucher un peu trop de la bouteille, et à se déprécier physiquement. L'héroïne est aussi hantée à l'intérieur que sa silhouette hante les bas-fonds de la ville à la recherche de photos sordides (en général des adultères) pour payer son loyer, ses factures, à la demande de clients qui l'utilisent pour des flagrants délits qu'ils regrettent par la suite. Une ombre plane sur Jessica et se matérialise par l'apparition rapide et angoissante d'un visage, un murmure, un spectre qu'on comprend issu du passé récent, et qui tourmente sa victime, la paralyse, l'entraîne toujours plus bas vers la dépression et la peur. Il s'agit en fait (qui a lu les comics le sait déjà) d'un certain Killgrave, alias l'Homme Pourpre. Lui aussi a un don singulier, celui de pousser les personnes qu'il aborde à lui obéir au doigt et à l'oeil. Il vous approche, et vous devenez son jouet, sa marionnette. Jessica est donc tombée entre les griffes de cette ordure malfaisante, et si elle est parvenue à lui échapper (dans le premier épisode elle le croit mort) il est plus difficile de se défaire de la honte et de l'impuissance qui l'ont presque détruite. D'autant plus que lorsqu'elle accepte un cas au départ presque banal (une jeune fille recherchée par ses parents, un cas de fugue ou d'étudiante amoureuse qui prend la tangente en apparence) elle finit par comprendre lentement que l'horrible réalité l'a finalement rattrapée. Killgrave est toujours de ce monde, et il orchestre pas après pas de nouvelles machinations diaboliques, qui risquent fort de vite concerner notre privé à pouvoirs. 

Bien sur, pour mener à bien une telle série, où l'action et les super pouvoirs n'occupent pas la place primordiale qui est la leur au cinéma, il faut s'appuyer sur des acteurs irréprochables et qui incarnent leurs personnages à la perfection. Une fois encore, Netflix rempli sa mission avec aisance. Jessica, pour débuter, est Krysten Ritter. Vous l'avez peut-être déjà aperçue en junkie perdue dans la série Breaking Bad (elle meure sous les yeux de Walter White qui ne bouge pas le petit doigt pour la sauver d'une overdose; elle s'étouffe dans son vomi...) et ici elle crève l'écran, dans un mélange de sensualité et de fragilité. Tour à tour innocemment aguicheuse ou renfrognée dans des attitudes de garçon manqué (sa posture, son langage corporel dans beaucoup de scènes) on devine la carapace nécessaire pour se protéger d'un quotidien qui la mine en profondeur. A coté d'elle, Luke Cage (qui aura droit lui aussi à sa série, mais qui est déjà fort présent dans celle-ci) est Mike Colter. Plus discret et indéchiffrable, ce Cage là n'est pas aussi cool que celui des comics, mais il garde suffisamment de potentiel pour avoir beaucoup à dire quand viendra son tour sur Netflix. Les scènes de sexe avec Jessica sont à la hauteur de la résistance et des pouvoirs des deux amants, le mobilier en garde encore des traces... Et bien sur pour un héros crédible, il faut un ennemi à la hauteur. Charismatique, dangereux, pervers, insaisissable. Après le Wilson Fisk interprété par Vincent D'Onofrio, voici Killgrave campé par David Tennant qui remplit le cahier des charges à vous en donner envie de lui exploser le nez dès son apparition. A noter une certaine évolution de ce vilain, au fil des épisodes, surtout à partir de la fin du premier tiers de la saison. Autour de ces acteurs, le reste du cast de Jessica Jones essaie de vivre avec plus ou moins de bonheur. Certaines trouvailles fonctionnent et sont prometteuses (comme le fait d'avoir inséré Patsy Walker en amie fidèle et animatrice de radio), d'autres sont plus poussives ou chancelantes (le second rôle du policier impliqué dans la traque de Jessica, ou le triangle amoureux lesbien qui a le mérite d'exister contre les standards en vigueur de ce genre de séries, mais qui plafonne rapidement). C'est que le budget est ici plus resserré, et qu'il est plus difficile de développer treize épisodes centrés autour d'une héroïne qui n'a pas le vécu ou la généalogie d'un Matt Murdock, pour qui il serait possible de s'étendre dix saisons durant. Du coup certaines scènes de baston sont bien plus cheap que les éminents ballets concoctés chez le Diable de Hell's Kitchen, et il est clair que les moments de remplissage ne manquent pas, ralentissant l'évolution de la trame principale. Il n'empêche qu'au final nous tenons là encore une série de qualité, ciselée avec amour et compétence, qui nous prouve que ce qui se passe en grand secret, dans la crasse et les ruelles de New-York, est à mon sens plus passionnant que ce qui se déroule en plein jour et dans le ciel, chez les Avengers ou Thor au cinéma, par exemple. Marvel chez Netflix, c'est déjà ce que je préfère, et je ne suis pas le seul! 


A lire aussi : 

BLACK KNIGHT #1 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

Ma passion pour le personnage de Dane Whitman remonte au moment où la série Avengers était écrite par Bob Harras et Steve Epting. En gros, dans les années 90, durant mes dernières armes au lycée. Les plus jeunes ne se souviennent peut-être pas, mais alors le Black Knight était devenu un héros d'envergure au sein des Vengeurs (ainsi les nommait-on), très humain et attachant. Malheureusement des choix éditoriaux peu glorieux le remisèrent dans le cône d'ombre de Marvel, et ces dernières années le pauvre Dane n'a pas connu les projecteurs, si ce n'est pour des apparitions superflues au sein de l'Euroforce ou du service secret anglais du Mi-13. Une façon pudique de dire que personne ne savait trop quoi en faire. Changement de ton avec l'opération All-New All-Different qui sort le personnage du placard. Le voici dans sa propre série mensuelle, pour de nouvelles aventures totalement inédites. Dane n'est pas sur Terre, mais bel et bien sur le Weirdworld, ce monde où tout semble aussi absurde que dangereux, et l'impossible devient le quotidien. Si vous avez oublié de quoi il s'agit, les prochaines Secret Wars (début en janvier pour la Vf, le guide de lecture à venir sur UniversComics) devraient vous rafraîchir la mémoire. Bonne idée du scénariste Frank Tieri, il glisse un petit résumé habile des caractéristiques du héros, qui se remémore les capacités et les enchantements de son arme (l'épée d'ébène) et de son premier détenteur, Sir Percy, qui combattit pour le Roi Arthur lui-même. Une malédiction flotte sur celui qui possède la lame, et Whitman n'y fait pas exception. Puis nous sommes plongés dans l'action, avec une bataille rangée sur le territoire de la Nouvelle Avalon, dont Dane est devenu le souverain (je vous laisse le soin de découvrir comment), face à une armée de reptiles bizarres. D'autant plus étranges qu'il ne reste rien de ces créatures après leur défaite, puisqu'elles se volatilisent et sont réduites à néant. Nous faisons ensuite la connaissance de deux aides de camps précieux, Alkyra et Bolten, qui se haïssent mais appuient les gestes du Black Knight et l'encadrent, militairement et politiquement. 
C'est qu'il se passe des choses très insolites sur le Weirdworld (forcément, vu le nom), jusqu'à l'apparition hors de propos d'un sous-marin atomique de la seconde guerre mondiale! Dane mène l'enquête, tout en entretenant le mystère sur les raisons qui font qu'il ne peut revenir en arrière, et ne souhaite pas rentrer sur Terre. Même si certains de ses anciens alliés se décidaient à venir le chercher? Tieri fait vraiment du bon travail pour ce qui est de la recherche de nouveaux objectifs, nouveaux défis, nouvelles bases, pour crédibiliser Dane Whitman. On le découvre tourmenté, humain (lorsqu'il enregistre ses exploits et mémoires), évasif. Beaucoup d'éléments nous seront vite dévoilés dans les mois à venir, et nul doute que l'épilogue des Secret Wars a quelque chose à y voir. Luca Pizzari fait de son mieux pour que le dessin s'adapte à l'environnement, avec des planches tourmentées, fantasmagoriques, sous subtile influence des années 70. Si les visages représentés ne sont pas toujours excellents, le dynamisme est de mise, et l'ensemble est solide. Bref, même s'il y a fort à parier que ce titre restera assez confidentiel du coté des chiffres de vente, vous avez de bonnes raisons d'y jeter un oeil.


A lire aussi : 

DEADPOOL : L'ART DE LA GUERRE

L'Art de la Guerre est un traité de stratégie, enseignant au lecteur l'art de bien mener une guerre, de la remporter, donc. On l'attribue à Sun Tzu, au V° siècle avant Jésus-Christ, qui s'est inspiré de la philosophie chinoise, associant aspect technique et philosophique. Ce même auteur que rencontre Deadpool au début de cet album qu'on devine sanguinolent, entre un ouvrage expliquant comment bien gérer des conflits armés, et un mercenaire qui ne rechigne pas à jouer du sabre ou de la mitraillette. En gros, Deadpool est parvenu une nouvelle fois à se balader dans le temps, et il va interpréter à sa manière déviante ce texte oriental. En fait, il va même tenter de faire publier l'ouvrage au temps présent, mais comme vous pouvez le comprendre pour d'évidentes raisons de redondance, aucun éditeur ne va se révéler intéresser. Seule solution pour être édité, apporter de l'eau au moulin de la guerre, à savoir provoquer une situation explosive pour que le livre soit vu comme pertinent ou nécessaire. Deadpool se creuse brièvement la tête avant de se décider à placer ses billes sur un vilain bien connu de l'univers Marvel, le spécialiste dès lors qu'il s'agit de tromper l'adversaire et d'instaurer un climat malsain de défiance et de fourberie : Loki, le demi-frère de Thor. Avec un tel as dans la manche, Wade espère mettre Asgard puis la Terre en ébullition. Bien entendu, il faut voir cette aventure comme une grosse blague potache, une sorte de divertissement grossier où le prétexte de départ (l'ouvrage de Sun Tzu) n'est qu'une excuse pour mettre Deadpool et les autres personnages dans des situations grotesques et barbares. Peter David a déjà été beaucoup plus inspiré et subtil. Déjà, le premier épisode est lent et met des plombes avant de décoller vers quelque chose de plus précis. Et une fois que nous sommes plongés dans le feu de l'action, les nombreux clins d'oeil au Marvelverse ne suffisent pas pour sauver ce récit de l'approximation et de l'ennui. Le seul moment où j'ai vraiment souri est lorsque Deadpool choisit avant tout quelle version de Loki il va employer, et le scénariste en profite pour nous glisser subtilement combien ces différentes incarnations (enfant, femme...) finissent par être embarrassantes et absurdes. Je suis plus satisfait par le travail de Scott Koblish, qui s'est démené pour rendre l'ensemble vivant et crédible. Tout d'abord il y a les couvertures, qui reprennent sympathiquement les codes propres aux estampes japonaises. ensuite le dessin à l'intérieur a un petit coté désuet, old-school, singeant les techniques d'il y a quelques décennies, ce qui rend l'album un peu particulier au niveau de l'atmosphère, de l'ambiance qui s'en dégage. Il s'agit bien entendu d'un récit qui est en marge de la continuity actuelle, puisque Deadpool vit actuellement bien d'autres rebondissements, beaucoup plus passionnants quand ils sont écrits par le duo Posehn et Duggan. Pour sourire franchement avec Peter David, on préférera lire ses différentes versions de Facteur X (hormis la plus récente, moins inspirée), qui ont toujours conjugué humour à froid et trames fort intelligentes. 

BATMAN LA COUR DES HIBOUX 2ème partie (DC COMICS LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS TOME 8 CHEZ EAGLEMOSS)

Huitième volume de la collection Dc / Eaglemoss, avec la suite très attendue des aventures de Batman contre la Cour des Hiboux. Une lutte qui atteint ici un climax explosif.
Nous retrouvons le Dark Knight aux prises avec la Cour des Hiboux, ce groupuscule secret et hautement influent, qui tire dans l'ombre les ficelles de la vie à Gotham depuis des générations. Bruce Wayne a fait connaissance dans la douleur avec ses ennemis, dans le volume précédent, et cette fois, nous assistons à une attaque de grande ampleur contre le Manoir Wayne. Vous souhaitez voir Bruce en pyjama contre des assaillants que rien (ou presque) ne semble pouvoir arrêter? Les Ergots, bras droits opérationnels des Hiboux, sont ultra résistants et ont plus du zombie pré-programmé que de l'être humain. Ce sont des assassins méthodiques et au delà de la mort, et ils déferlent contre toutes les huiles de Gotham, lors d'une nuit mémorable (Night of the Owls, la Nuit des Hiboux) où le pouvoir risque fort de changer de main. Bien sur, Batman survivra à cet angoissant événement, et en tant que détective de talent, nous le verrons par la suite s'intéresser à l'orphelinat de Willowhood. Un institut qui abritait autrefois des enfants dans des conditions terribles, et qui pourrait renfermer en son sein la clé du mystère pour atteindre le coeur de la Cour des Hiboux. Au passage, la mère de notre héros faisait partie des responsables du lieu, avant que celui-ci ne dégénère passablement : les liens entre les Wayne et les assaillants de Gotham sont-ils bien plus étroits que tout ce que nous pourrions imaginer? Demandez donc à Scott Snyder, qui a longuement préparé un petit coup de théâtre qui vous fera bondir, et dont je vous laisse la surprise, si vous n'avez pas lu ces épisodes lors de leurs premières parutions, chez Urban en kiosque (dans Batman Saga) ou encore en librairie (le second tome de Batman - Dc Renaissance). 

Scott Snyder a une recette efficace : aller puiser dans les tréfonds de l'âme sombre de Gotham, et ses secrets légendaires, pour ensuite mettre en parallèle les découvertes qui y sont faites, avec l'esprit fragmenté et agité de Bruce Wayne. La généalogie municipale et familiale s'entrecroisent dans un récit au long cours qui va vers sa résolution, avec ce second tome à ne pas manquer. Après tout, l'apparition des Hiboux est advenue lorsque le milliardaire play-boy a décidé de lancer un vaste plan de rénovation de la ville, comme s'il était inéluctable qu'en voulant arracher le masque des apparences, quelque chose d'autre allait bondir d'en dessous, pour s'emparer de la réalité telle que nous l'appréhendons. Comme déjà remarqué, Batman bénéficie aussi d'un très bon dessinateur en la personne de Greg Capullo. Tout, du style narratif, aux poses audacieuses et plastiquement réussies, en passant par la mise en couleurs sombre à souhait, contribue à renforcer l'idée de synergie entre les deux auteurs majeurs qui nous régalent depuis des mois. Urban Comics avait du trancher au moment de proposer le tome 2, devant le problème constitué par le crossover Night of the Owls. En effet, l'assaut nocturne des Hiboux a eu des échos dans l'ensemble des titres consacrés à la Bat-Family, mais tout publier était impensable et un vrai casse-tête éditorial. C'est la raison pour laquelle le choix est finalement tombé sur la publication en librairie des seuls épisodes de la série régulière de Snyder, qui permet de suivre sans aucune difficulté l'action, et n'a qu'un seul tort : ne pas rendre compte parfaitement de la puissance de feu et du caractère apocalyptique de la longue nuit des Hiboux, quand on peut lire toutes les séries dans leur intégralité. Qu'à cela ne tienne, ce tome 2 chez Eglamoss, qui reprend l'architecture éditoriale proposée par Urban, est bien sur indispensable, et assurément un énorme succès mérité. Un récit moderne aussi accessible que prenant, qui ne dépareillerait pas un jour adapté au cinéma. 


A lire aussi : 

EXTRAORDINARY X-MEN #1 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

Que les ennemis de Brian Bendis se rassurent, les X-Men, dans leur version All-New All-Different, sont passés dans d'autres mains. Le groupe Extraordinary est le plus chanceux, puisque c'est Jeff Lemire qui prend les commandes, avec tout ce que cela peut impliquer comme espoirs (je me répète, ici on adore Jeff). Première remarque : le run de Lemire commence petits bras. On sent qu'il s'agit avant tout de réintroduire les personnages, placer les billes sur la table. La partie débutera bientôt, nous en sommes encore au stade de la lecture des règles. Disons, pour faire court, que ce numéro un s'articule autour de trois axes. Le premier, c'est le rassemblement de la nouvelle équipe autour de Tornade, qui assume un rôle de leader dans la continuité du professeur Xavier, l'amertume et la désillusion en plus. Le second, c'est la conséquence de l'explosion de la bombe terrigène qui a doté de nombreux individus sur la planète de super-pouvoirs. Pour être précis, cette bombe a réveillé les gènes inhumains qui dormaient chez ces victimes. Du coup cela finit par entrer en redondance avec les mutants, et ces derniers appartenant à la Fox, pour ce qui est du cinéma, Marvel a donc décidé de miser gros sur les Inhumains pour exploiter les personnages dont elles possèdent les droits sur grand écran. Et le coté artistique là-dedans? Aucun, bien sur. Troisième axe, le mystère. Lemire n'arrête pas de nous faire comprendre qu'il est encore plus dur d'assumer le statut de mutant depuis que cyclope a fait ce qu'il a fait. Certes, mais qu'à t-il fait? Du dossier et du lourd, mais pour le moment, rien de très concret. Logique, vu que Marvel en ce moment met la charrue avant les boeufs et balance ses nouveaux titres avant la fin des Secret Wars. Alors voilà, c'est reparti, les mutants sont de nouveau au bord de l'extinction, la brume terrigène les as rendus malades, et stériles. Plus de naissance, et la catastrophe est annoncée. Au moins Lemire n'a pas eu beaucoup à réfléchir pour pondre ce scénario, car c'est en gros le leit-motiv de toutes ces dernières années, et de celles d'avant encore (au hasard, le Jour M ou le virus Legacy, faites votre choix). Pour corser le tout, on notera malheureusement que les histoires emberlificotées de saut dans le passé ou de héros venus du futur sont loin d'être résolues. La Jean Grey d'avant est toujours parmi nous et le Old Man Logan aperçu durant les Secret Wars arrive à notre ère temporelle. Bref, bonjour l'imbroglio. Humberto Ramos est aussi de la partie. Si vous aimez son style hyper saisissant, ses cadrages particuliers et sa façon de faire vivre les planches en dynamisant les perspectives et les silhouettes, vous allez être ravis, car il est en grande forme, et ne vous laissera pas indifférent. Pour ma part, le verdict est suspendu aux prochains numéros, car je me refuse de croire que Jeff Lemire n'a pas préparé dans ses cartons de grosses surprises pour les mutants. Ce départ conventionnel est une mise en bouche. On parie? 

OLDIES : SPIDER-MAN KRAVEN'S LAST HUNT (LA DERNIERE CHASSE DE KRAVEN)

Dans les années 80, les comics ont acquis une aura, une profondeur telle, qu'on a parlé souvent de passage à l'âge adulte. Il faut dire qu'avec des auteurs comme Chris Claremont, Frank Miller ou Alan Moore, les thèmes et les atmosphères abordées ont projeté notre média préféré vers d'autres cieux. Une des grandes évolutions est la frontière entre le bien et le mal qui se brouille toujours plus, jusqu'à induire une confusion entre ces notions, et obtenir des héros immergés dans un quotidien fait de nuances de gris, happés par un désespoir existentiel tragique. A cette époque, Spider-Man était publié sur trois titres, chacun ayant une empreinte artistique différente. Nous avions Amazing Spider-Man, Web of Spider-Man, et The Spectacular Spider-Man, qui puisait globalement ses racines dans le récit policier et urbain. Mais le tisseur allait connaître le sommet du genre grâce à un certain Jean-Marc de Matteis, qui avait déjà donné un bon coup de pied dans la fourmilière, lors de son run sur Captain America, où il affronta courageusement des sujets comme l'homo-sexualité ou le néonazisme en Amérique. C'est lui qui a mis au point cette série en six parties, publiée à travers les trois mensuels de Spider-Man. Avec une réussite incroyable, inoubliable, probablement portée par la scène choc de cette aventure hors-normes, à savoir Peter Parker qui est enterré vivant par son ennemi, Kraven le Chasseur. Au départ, nous assistons à une nouvelle étape dans les affrontements classiques entre ces deux antagonistes, comme nous y sommes habitués depuis l'ère Lee et Ditko (créateurs de Kraven également). Mais la technique employée par le scénariste nous plonge intimement dans la psyché des personnages, grâce à de nombreux monologues et réflexions intérieures, qui permettent de mieux comprendre le raisonnement malade de Kraven, et cette obsession perverse et maladive pour la chasse, et les tourments causés par la présence de Spider-Man. Nous sommes même à la frontière de cette technique que Burroughs employait sous le nom du cut-up (à savoir découper un texte de départ en fragments aléatoires, pour obtenir un nouveau texte). Jusque là le lecteur était habitué à rencontrer Kraven, le criminel, désormais il découvrait Kraven le psychopathe, le fou obsessionnel, dévoré par ses manies et son délire. Effrayant.  

Si De Matteis nous offre la vision de Kraven, c'est aussi pour qu'à travers les yeux du Chasseur, nous puissions nous habituer à l'idée malade que le mal, cette fois, c'est bel et bien le héros habituel, à savoir Spider-Man. Les pulsions primordiales de Kraven sont alors mises en avant, comme seule lutte possible contre la déshumanisation des individus, dont l'emblème est ici ce costume arachnéen qui vient narguer son ennemi récurrent. Que l'Araignée devienne le symbole du mal est évident à travers une poésie de William Blake, ici modifiée (Spider à la place de Tiger), qui revient dans la narration. Pour en venir à bout, la victoire n'est pas assez, il faut que la folie, la perversion la plus complète, gagne cette proie à terre. Peter Parker est poussé dans ses derniers retranchements comme jamais, à la limite de perdre définitivement la tête. Il est drogué, enterré vivant! De quoi provoquer un traumatisme durable, qui ne s'estompera que difficilement, après bien du temps. Une victoire écrasante, définitive pour Kraven, comme un accomplissement final, qui vide le Chasseur de ces stimuli lui permettant de vivre ,d'aller de l'avant. Sans but à atteindre, celui qui a triomphé de Spider-Man ne savoure pas sa victoire, mais prend une tragique décision, très controversée, qui allait achever de faire se lever des hordes de lecteurs choqués aux States, lors de la première parution. Plus tard, nous aurons droit à Soul of the Hunter, une sorte d'épilogue de cette incroyable saga, durant laquelle De Matteis semble vouloir répondre aux critiques de la première heure. Spidey et Kraven combattent à nouveau, cette fois sur un plan spirituel et métaphysique, et ce n'est plus le corps, la victoire matérielle, mais le repos de l'âme qui est en jeu. Une conclusion bouleversante et irréelle qui là aussi consacre le scénariste comme un des auteurs majeurs de la Bd américaine dès lors qu'elle se fixe pour objectif d'aller creuser au fond de notre humanité, pour en tirer les éléments qui nous caractérisent en tant qu'humains, justement. Le dessin de La dernière chasse de Kraven est lui de Mike Zeck, encré à la perfection par Bob McLeod. Son Spider-Man en costume noir est puissant, doté d'une aura effrayante et mystique. Kraven joue tout sur la puissance, le regard hypnotique dévoré par la fièvre de la folie, la musculature en avant, parfois évoquant vaguement une tension homo-érotique qui reste sous-jacente dans cette oeuvre. Il s'agit d'un chef d'oeuvre total, absolu. Une des aventures les plus fortes et les plus choquantes de toute la carrière de Spider-Man. Dommage que Kraven n'ait pas achevé définitivement sa carrière sur ce bijou, et que la règle chez Marvel que personne ne meurt jamais vraiment pour toujours finisse par entacher de si beaux récits. 
Publié par Panini en 2012 dans la collection Marvel Gold.


A lire aussi : 

BATMAN TOME 7 : MASCARADE

C'est un fait, le Batman de l'opération New 52, c'est celui de Capullo et Snyder. Une empreinte indélébile, un style rodé et efficace. Pour juger la qualité finale d'un run qui dure depuis plusieurs années, il faudra bien sur attendre le dernier épisode de ces deux-là. Endgame constitue une étape supplémentaire dans le long récit que Snyder développe sur le titre. Le Joker a déjà mis à mal la Bat-Family et il est parvenu à mettre en doute les liens qui unissent les différents membres, dans le troisième volume publié chez Urban (Le deuil de la famille). Mais toutes ces exactions puisent leur source dans une forme malsaine et incohérente de fascination du Joker pour son ennemi, un Batman qu'il souhaite aider à s'endurcir, à se radicaliser , pour épouser sa vision des choses et trouver en notre héros une sorte de frère spirituel. Désormais, après avoir été laissé pour mort, le voici revenu avec une seule idée en tête : détruire une fois pour toutes Batman et son monde, cette Gotham qu'il assaille régulièrement et qu'il compte bien mettre à genoux une ultime fois. Bruce Wayne baisse sa garde et prend un nouveau départ, suite aux péripéties narrées dans la série Batman Eternal. Nouvelle base d'opérations, nouvelle aide de camp (la fille du majordome Alfred), mais ancienne menace... Tout commence lorsque Wonder Woman fait irruption dans la Tour Wayne et passe à tabac le milliardaire play-boy, avec dans les yeux une féroce envie de le tuer. Heureusement que Batman a toujours un remède à tous les maux et qu'il a également pour habitude d'imaginer et produire des contrefeux pour neutraliser jusqu'à ses meilleurs alliés. Ce qui se révèle très utile, car l'attaque de l'amazone n'est que le premier acte d'une agression bien plus grave. C'est la Justice League au complet qui pousse Batman dans ses derniers retranchements, et souhaite l'éliminer. Le Dark Knight se retrouve même face à un Superman qui ne retient plus ses coups, et sincèrement, on voit mal comment il pourrait lui tenir tête plus de quelques secondes. A moins d'être rusé, très rusé...

Le moment est venu pour moi de nuancer cette critique. Snyder envoie du lourd, du très lourd. Le Joker est donc parvenu à contaminer la Justice League, ainsi que la ville, avec un virus qui pousse les gens à rire jusqu'à en mourir, et à céder aux pires penchants enfouis dans l'inconscient. Ce n'est pas une nouveauté, c'est malheureusement ce que j'appellerais l'effet Walking Dead : recourir à des histoires de virus, d'infections transmissibles, pour créer un effet de suspens dramatique. Je sature. Ici ce n'est pas le pire. Non, la faute de Snyder, à mon sens, c'est de semer le trouble dans l'esprit du lecteur, en voulant lui faire avaler (ou peut-être pas d'ailleurs) l'idée que le Joker est plus qu'un simple cinglé motivé par un mal solidement ancré au fond d'une psyché dévastée. Ce qui permet de justifier, d'expliquer comment et pourquoi il a retrouvé un visage après s'être fait découpé et retirer celui-ci. C'est aussi un bon moyen d'iconiser le grand vilain, d'en faire une menace qui pourrait s'inscrire dans l'histoire et le tissu urbain de Gotham, échappant ainsi à toute possibilité d'établir une généalogie précise, et de pister ses origines pour comprendre les mécanismes de sa folie, et le stopper. Mais cette théorie détruit ce qui est le plus effrayant selon moi, à savoir que le Joker n'est qu'un homme, aussi déroutant et incompréhensible que puisse être son modus operandi. Le doute plane et planera longtemps, avec cette décision controversée de Snyder. Greg Capullo de son coté continue d'assurer un service irréprochable au dessin, alliant réalisme et mise à distance avec brio, sans jamais baisser de régime. Les petits récits de fin d'épisodes, nommés back-up en anglais, sont eux l'oeuvre de James Tynion IV et de cinq dessinateurs différents, tous des pointures et des habitués du personnage (comme Kelley Jones ou Peter NGuyen par exemple). On y découvre la machination psychologique du Joker qui parvient à semer le doute dans l'esprit de plusieurs malades échappés d'Arkham, ce qui contribue à créer ce nouveau mythe que Snyder essaie de nous faire avaler. Un tome 7 vraiment particulier, qui flirte avec l'incroyable, l'inacceptable, le sacrilège. L'avenir nous dira s'il s'agit d'un coup de génie, ou d'un coup de canif dans le contrat avec les lecteurs. Je ne suis pas pleinement convaincu, loin de là. 




A lire aussi : 

ALL-NEW WOLVERINE #1 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

Je ne vais rien vous apprendre en vous disant que Wolverine n'est plus de ce monde. Mais si Logan a (pour combien de temps?) disparu de la carte, son héritage a tenu le haut du pavé le temps d'une série intitulée Wolverines (en ce moment en Vf, en kiosque), et avec la vague de titre All-New All-Different qui commence à envahir le marché américain, nous retrouvons l'anciennement dénommé "Serval" sous deux formes différentes. Tout d'abord, et nous y reviendrons prochainement sur UniversComics, dans son avatar expérimenté et alternatif, le Old Man Logan (signé Jeff Lemire). Ensuite dans un mensuel proprement intitulé All-New Wolverine, où le costume est endossé (tout comme le patronyme) par celle qui est sa plus digne héritière, et accessoirement son clone féminin, la redoutable Laura Kinney (à savoir X-23). Celle-ci a dompté ses penchants pour le crime et l'assassinat comme unique forme de riposte, et la voici prête à faire honneur à sa nouvelle dénomination, avec une première mission qui l'emmène du coté de Paris et de la Tour Eiffel. Les premiers cases font un drôle d'effet (un sniper, ça canarde...) après les tragiques événements du week-end dernier, et les attentats qui ont endeuillés la capitale, la France, le monde entier. Mais dans les comics, les bons s'imposent le plus clair du temps, et là l'assassin qui opère depuis la Tour va devoir apprendre à composer avec une mutante dotée d'un facteur auto-guérisseur, et d'une envie d'en découdre féroce. Le service après vente est assuré sous la forme d'une scène flash-back qui permet de comprendre que oui, Laura est bel et bien adoubée par Wolverine, le vrai, et permet de glisser un peu d'humour dans une situation qui relève plutôt du tragique. Des sourires, il y en a pas mal dans ce premier numéro, avec la présence d'Angel (nouvelle nouvelle formule) et une romance naïve qui flotte dans l'air et cause quelques petits moments aussi embarrassants que sympathiques. Tom Taylor confirme son statut de scénariste fiable. A défaut de mettre en place minutieusement de longues fresques haletantes, il est bon et efficace dans l'immédiateté, quand il s'agit de monter à bord d'un titre et de sortir vite et bien un ou deux arcs narratifs dignes de ce nom. La conclusion de ce #1 est certes prévisible, mais donne également envie d'aller lire la suite, ce qui est le propre d'un cliffhanger, non? En plus les dessins de David Lopez et David Navarrot sont clairs et dynamiques, et collent au ton global de ce nouveau titre avec aisance. Rien de bien révolutionnaire ou de renversant dans le monde de Wolverinette, mais de quoi passer un bon quart d'heure avec une héroïne finalement assez attachante.




A lire aussi : 

GRAYSON TOME 1 : AGENT DE SPYRAL

La carrière de Dick Grayson a connu bien des hauts et bien des bas. Il est loin l'époque où le petit trapéziste perdait ses parents dans un effroyable accident arrangé, et se retrouvait adopté par un Bruce Wayne lui-même orphelin. Premier jeune prodige sous la cape de Robin, émancipé et enfin adulte dans le costume de Nightwing, successeur digne de ce nom à la disparition (momentanée) de Batman, le héros a finalement été démasqué publiquement durant l'arc narratif Forever Evil, et le monde entier le croit mort. Bien pratique quand on cherche à se faire oublier, et que le but est de prendre un nouveau départ à l'insu de tous. Exit le super-héroïsme pur et dur, la nouvelle série intitulée Grayson (l'accent est mis sur le coté humain et presque lambda du personnage) nous plonge dans le monde de l'espionnage, avec l'organisation secrète Spyral. Finalement Dick a l'air d'y être à l'aise, et semble doué pour ce genre d'activités, même si a ses cotés il doit composer avec la belle et redoutable Helena Bertinelli, celle que tous les lecteurs de l'univers Dc pre-New 52 connaissent en tant que Huntress (et préfèrent probablement dans cette ancienne version...). Bien sur, il n'est pas dupe non plus, et comprend vite qu'il ne faudra pas se fier au boss, le mystérieux Mr Minos, qui cultive dans l'ombre un secret inavoué. En se lançant à la recherche d'étranges organes qui peuvent conférer à leur(s) porteur(s) des pouvoirs étonnants, Dick va se retrouver (lui et Helena) face au Midnighter, qui vise un peu les mêmes choses, pour des raisons qu'il estime plus nobles. Bien sur, comme on parle de Grayson, on parle aussi de ...Batman. Même en solitaire et sur le chemin d'une nouvelle existence, il n'oublie pas de contacter en cachette son mentor et père adoptif pour des compte-rendus qui pourraient lui coûter très cher. Espionnage et double jeu font toujours bon ménage. 

La réalité est une imposture complexe, selon les dires de l'organisation Spyral. Cela se sent car le scénario mis en place par Tim Seeley (et épaulé par Tom King et ses bons conseils sur le fonctionnement du contre-espionnage américain) est assez complexe, ou tout du moins absolument pas linéaire et conventionnel. La part belle est laissée à l'action, avec un duo assez efficace, composé donc d'un Dick Grayson qui s'est vite habitué à sa nouvelle existence (on ne perd pas de temps à regretter le passé et à tenter de renouer les liens défaits suite à son présumé décès) et une Helena Bertinelli, ici appelée la Matrone, et qui joue le rôle de la maîtresse de cérémonie, injectant au passage une tension érotique évidente et convenue. 
Un des grands points positifs, c'est le dessin de Mikel Janin. Le type a beaucoup gagné en fluidité et en maîtrise ces dernières années, et dorénavant il livre des planches irréprochables et fichtrement bien illustrées, le tout en s'encrant seul. Les couleurs de Jeromy Cox sont aussi pour quelque chose dans le plaisir visuel de cet album, qui donne de bonnes sensations rien qu'en le feuilletant. Cependant je suis loin de partager l'enthousiasme débordant que j'ai pu trouver dans certaines critiques en Vo ou en Vf. Tout d'abord le titre est assez fragile et il n'apporte au final rien de bien décisif pour le personnage. La récréation spy-story est agréable, mais Grayson ne risque pas de faire carrière de la sorte, et va vite revenir dans le grand bain de l'héroïsme masqué. Ensuite passé l'effet de la nouveauté, on comprend que le contenu de ce premier tome est basique. Une course aux organes du Parangon, et aux dons qu'ils accordent, avec de la grosse baston et un parfum de complot permanent pour mettre du sel dans le plat. A lire, sans risque de grosse déception, mais ne vous attendez pas non plus à quelque chose d'inoubliable. 


A lire aussi : 

AVENGERS : LA RAGE D'ULTRON (GRAPHIC NOVEL)

Depuis 1968, le robot Ultron est un des adversaires les plus redoutables des Avengers (depuis l'épisode #54 pour être précis). A cela une raison, c'est une créature évolutive, qui s'adapte et revient régulièrement sous une nouvelle forme mise à jour, donc plus forte et menaçante que la précédente. Outre le fait qu'elle est une menace pour l'humanité, puisque Ultron professe le remplacement des êtres de chair et de sang par des constructions artificielles. Cette fois, ce graphic-novel signé Remender et Opena nous emmène dans l'espace, plus précisément sur le satellite Titan, le lieu de résidence et d'origine d'une partie des Eternels. C'est Starfox qui s'y colle le premier (cet ancien Avengers dont les pouvoirs aphrodisiaques lui permettent de passer du bon temps avec tout ce qui lui passe sous la main. Le séducteur absolu), et bien sur ce n'est pas une réussite. D'où l'idée de faire appel aux Avengers en renfort, afin d'éviter que non seulement la Terre tombe aux mains des idées folles du robot, mais carrément l'univers tout entier. C'est le point de départ d'une nouvelle grande bataille qui se développera dans le cosmos, et qui semble de premier abord vouée à l'échec. Un rôle fondamental est joué par le Docteur Hank Pym, et ses choix personnels, lui qui est le père créateur de l'ennemi du jour (même si le film des Avengers nous offre une autre version, bien plus discutable et peu crédible). 
La bonne idée de Rick Remender (qui est un peu le spécialiste des récits à tension familiale) est de laisser une part notable à la psychologie et surtout aux rapports filiaux qui unissent les intervenants, comme Pym "géniteur" d'Ultron lui même père de la Vision. Un scénario bien amené et présenté, avec de vraies bonnes intentions, qui souffre cependant de dialogues pas toujours inspirés, et d'un manque de cohésion globale entre tous les différents personnages en dehors de cette famille dysfonctionnelle. Jerome Opena, le dessinateur, est comme à son habitude en forme notable, et ses planches respirent la fluidité, l'aisance plastique, et donnent à l'ensemble une vitalité qui emporte le lecteur dans ses spires, dès le premier regard. Il reçoit l'aide de Pepe Larraz pour conclure ce graphic novel, et force est de constater que ce dernier fait honneur à la tâche qui lui incombe. Nous avons là un volume qui mérite amplement que vous vous y intéressiez, avec cette question ambiguë qui revient, cette comparaison cruciale entre Pym et sa créature, qui peuvent être vus comme les deux faces d'une même médaille, certains traits de caractère et certaines tares plus accentués chez l'un que chez l'autre. La conclusion choisie par Remender est éloquente et possède des relents shakespeariens qui satisferont la plupart d'entre vous. 
Même s'il est question ici d'intelligence artificielle, le scénariste n'entend pas nous asséner un cours de science ou une morale bas de gamme à accepter sans discuter, mais axe sa pensée sur le but à donner, et l'évolution ultime, de la créature Ultron. Vous êtes humain, un robot, un alien? Peu importe, car ce sont vraisemblablement vos gestes, vos agissements, vos actions, qui détermineront qui vous êtes, ce que vous êtes, ce que vous pouvez devenir. Un début de définition de ce que devrait être, de ce qu'est l'humanité. 


A lire aussi : 

SUPERMAN AMERICAN ALIEN #1 : LA REVIEW

Autant le dire tout de suite, la grande qualité de Superman American Alien, ce n'est pas l'originalité. Il s'agit d'une mini série en sept volets, censée nous raconter des épisodes inédits de l'enfance de Superman, dans sa ferme du Kansas et entouré de l'amour des Kent, ses parents adoptifs. Le genre de choses que vous avez déjà lu quelque part, et qui forcément ne peut donner naissance à des récits inoubliables ou cruciaux, car depuis le temps, on serait au courant! Max Landis passe sur l'arrivée du bambin sur Terre à bord de sa capsule, et choisit de commencer son histoire avec un ado aux premières armes, qui découvre la faculté extraordinaire de pouvoir voler. Enfin, ce mot est un peu exagéré, car il ne contrôle ni le moment où ça lui arrive, ni se semble en mesure de planifier ses trajectoires et d'utiliser son don comme il le voudrait. Du coup Clark a des difficultés aussi bien à l'école que lors des sorties entre amis (quand il se rend avec Lana Lang au cinéma en plein air, par exemple). Le futur homme d'acier est ici dans une position de faiblesse : un enfant (presque) comme les autres qui subit l'apparition de pouvoirs non désirés, mais fichtrement extraordinaires. Là où je n'ai pas tout saisi, c'est quand les Kent décident de faire appel à un médecin pour pouvoir examiner le garçon. Bien sur le praticien se rend compte que son patient n'est pas exactement comme les autres. Et la discrétion dans tout ça? Le monde extérieur n'est-il pas censé ignorer les pouvoirs de Clark? Vous connaissez un médecin qui ne serait pas alarmé de découvrir un enfant qui émet des radiations, à la manière d'un four à micro-ondes? Passons sur cet point absurde et allons droit au style. Qui s'apparente au manga, et vise un public franchement jeune. Des lignes cinétiques au visages des personnages (les parents Kent prennent un sérieux coup de jeune. Vous aviez déjà vu Jonathan comme ça vous?) on a quand même du mal à se plonger dans l'ambiance tant cette version là semble une mise à jour 2.0 bien trop exagérée et peu subtile. Ok les couleurs sont jolies et la nostalgie fonctionne assez bien en raison de quelques moments bien choisis (le gamin dans le ciel avec ses habits troués, qui évoquent discètement la cape à venir de Superman) mais Nick Dragotta n'est peut être pas le choix le plus intelligent pour cette parution. Ou s'il est ce choix là, c'est pour s'adresser à un public dont je ne fais pas partie, désolé. Une lecture globalement sympathique et rapide (ça se lit vite) mais qui n'apporte strictement rien au mythe du héros et sa longue carrière. Un bonbon acidulé pour patienter avant la cantine, à dévorer à la récréation, mais sans grand apport calorique. 


A lire aussi : 

Les origines de Superman par Geoff Johns

OLDIES : LA SAGA DU PHENIX NOIR (INTEGRALE X-MEN 1980)

Parmi les récits historiques qui ont contribué à la légende des X-Men, la saga du Dark Phoenix occupe véritablement une place à part. Jean Grey, la gentille télépathe et télékinesiste des X-men, au départ jolie petite potiche aux bras de Scott «Cyclops» Summers, est devenue un des personnages les plus puissants du cosmos suite à un retour tragique de l’espace. C’est que les X-men n’avaient pas prévu que le revêtement qui protégeait leur navette des mystérieux rayons cosmiques (les mêmes qui transformèrent les 4 Fantastiques ?) allait céder, les condamnant ainsi à un destin aussi tragique qu’inéluctable. Sauf que Jean est capable, de par ses talents sur la télékinésie, de protéger à elle seule le vaisseau en déroute, au prix d’un effort surhumain qui ne sera pas sans laisser de profondes traces. En se sacrifiant pour sauver ses camarades d’une mort certaine, Jean a été transformée en quelque chose d’autre; une force de la nature l’habite désormais : c’est le Phoenix. Sous l’impulsion de Jason Wyngarde, alias Mastermind, le roi de l’illusion, qui œuvre pour le Club des Damnés (un club select qui désire gouverner le monde et qui a une prédilection pour les tenues sado maso), Jean bascule lentement et inexorablement vers le mal, et se laisse dévorer par son coté obscur. Mais quand vous possèdez un pouvoir aussi incommensurable, le moindre doute sur votre santé mentale peut avoir des conséquences dévastatrices. La force Phoenix aussi a été contaminée par cette folie galopante, et va évoluer en Phoenix Noir, pour bientôt aller jusqu’à détruire un système solaire en entier, et souhaiter en faire de même avec notre planète, bien entendu. Vous l’aurez deviné… la seule façon de pouvoir stopper Jean, devenue la plus grande menace qui pèse sur le cosmos, c’est tout simplement de la tuer, avant qu’elle ne tue tout le monde. C’est aussi l’idée des Shi'Ar de la princesse Lilandra, qui décident d’organiser le procès de l’entité et donc de la jeune X-woman. Mais cette dernière est une héroïne au cœur pur et aux sentiments les plus nobles ; si pour éviter que l’univers périsse, sa mort est souhaitable, alors que mort s’en suive, pour le bien de tous. Sortez vos mouchoirs, et prenez donc une leçon : de l’art d’articuler un récit, d’entretenir le pathos, de créer un comic-book , un vrai, mainstream et pourtant jamais banal. Une des pierres angulaires de toute l’histoire des mutants en Bd, un chef d’œuvre qui bien que daté, se lit et se relit avec toujours autant de plaisir, pétri de nobles idéaux et traversé par un souffle cosmique épique, qui font entrer le jolie rouquine dans l’Olympe des grands personnages made in Marvel. Et qui est disponible (entre autres publications) dans l'intégrale 1980 de la série Uncanny X-Men.

Le traumatisme est profond pour les X-Men, qui se retrouvent avant tout face à un adversaire issu de leurs propres rangs. Lorsque le Dark Phenix fait officiellement son apparition, c'est une Jean (anciennement Jean, donc) transfigurée qui toise ses compagnons, et revendique une nouvelle incarnation qui transcende la première, et l'univers tout entier. A coté, Scott Summers, le chef des X-Men et en temps normal le compagnon rassurant et le chef attitré, fait une bien pale figure avec ses rayons optiques et son slip jaune par dessus sa tenue bleue marine. C'est d'ailleurs Jean, et uniquement elle, qui trouve la force et le grandeur d'âme de s'opposer à la force dont elle est l'hôte, jusqu'à s'offrir (pas sexuellement, mais physiquement, dans le sens le plus complet et ultime) à Wolverine, pour un coup de griffe résolutoire et salutaire. Un suicide demandé, un appel à l'aide que les mutants trop lisses et au grand coeur ne savent pas recueillir, et qui aboutira à un dernier round sur la Lune, qui marque à jamais le lecteur de comics saisi par l'ampleur du drame intime et universel. Aux States, on trouve en exergue à certains comics : «Nuff said», une façon de proclamer «Tout est dit, vous avez besoin qu’on en rajoute ?». C’est ce que nous pourrions dire, après vous avoir récité tour à tour : Byrne, Claremont, Phoenix noir. Nuff said. Chris Claremont, c’est le démiurge des incroyables X-Men, l’homme qui sortit la série de l’anonymat pour en faire le titre le plus vendu de chez Marvel. Une science formidable du récit, des trames et sous trames en abondance, un vaste soap opéra mutant qui culmina probablement avec cette saga du Phoenix noir. John Byrne est son dessinateur fétiche sur le titre, probablement le grand nom du genre dans les années 1980, chacune de ses planches sur le titre X étant parfaitement indiscutable, les traits précis et expressifs, lumineux. Une ode Marvel à l'amour et au sacrifice, à la solidarité et au renoncement de soi, et à l'espoir qui devrait toujours animer les causes les plus nobles, même si parfois les plus désespérées. On a alors du mal, en relisant ces épisodes, à se faire à l'idée qu'il s'agit du même Scott Summers que nous lisons aujourd'hui, à la tête d'une guérilla pro mutante, et que Jean ne soit plus là dans les parages pour lui rappeler qui il est et d'où ils viennent. Ah si, objecterez-vous, Brian Bendis a ramené les All-New X-Men du passé, justement dans cet objectif. Et là j'esquisse un sourire narquois, ou résigné (à vous de choisir) et je pousse un soupir. 



A lire aussi : 

OLDIES : X-TINCTION AGENDA (X-MEN L'INTEGRALE 1990 vol.2)

Un peu de géographie Marvel, pour débuter. L'île de Genosha, ça vous dit quelque chose? Cette parabole de l'Afrique du Sud du siècle dernier doit sa fortune à l'exploitation sans vergogne des mutants. Sur Genosha, ces derniers sont traités comme du simple bétail à haut rendement, tout le contraire d'êtres humains dotés de droits et de sensibilité. Le gouvernement local est clairement un ennemi redoutable pour les X-Men, qui ont déjà essuyé un revers (X-Factor, pour être précis) lors d'une attaque en territoire américain, quelque temps auparavant. Rien de bien surprenant alors, qu'un assaut soit donné à la base même de nos héros, et que certains d'entre eux se retrouvent enlevés, comme Tornade, Rahne, ou encore l'extra-terrestre Warlock, Rictor, et Boom-Boom (nom Vf ridicule pour Boomer en Vo). Ce sont les magistrats de Genosha, une force de frappe radicale et armée, avec derrière elle le perfide Cameron Hodge revenu sur scène dans un corps cybernétique, qui sont les responsables du coup de force. Les captifs sont soumis au processus génétique habituel, permettant d'en faire des esclaves dociles et privés de leurs facultés ordinaires. C'est assez effrayant de voir ces êtres vêtus de combinaisons moulantes et dotés de numéros de série, et cela rappelle les pires heures de l'histoire de notre XX° siècle qui s'y connaît en horreurs de masse. Second acte de ce crossover, le débarquement des barbouzes mutants sur l'île, pour secourir leurs frères prisonniers. Avec Psylocke, Wolverine bien mal en point, aux pouvoirs déclinants (facteur auto-guérisseur), et la jeune asiatique Jubilé qui le suit partout comme un gentil toutou partagé entre admiration/fascination et répugnance. Une fois sur place, les X-Men se heurtent aussi au Docteur Moreau, le généticien à la base de ces opérations qui mutilent dans l'âme et la chair les cobayes qui lui passent entre les mains. Moreau est un pourri, un apprenti sorcier qui a commis des atrocités, mais c'est aussi un patriote, et ses actes peuvent se lire également comme la peur et la décision radicale d'un homme qui a perdu la foi et l'espoir, et opté pour une solution drastique, afin de sauver ce qui lui semble en péril. Autre coup de théâtre dramatique, nous réalisons que parmi les oppresseurs figure un certain ... Alex Summers. Havoc n'est plus tout à fait lui même non plus, et il bosse pour l'ennemi.  

Il se passe énormément de choses durant ce crossover qui concerne trois séries régulières, à savoir Uncanny X-Men, X-Factor et New Mutants. Trois fois trois épisodes, soit neuf au final. Chris Claremont est bien sur l'architecte déclinant de cette aventure. Près de la sortie, après des années à forger le destin des mutants, il truffe son récit d'événements et de micro-événements, exagère avec les dialogues, le pathos, et parvient à ses fins comme d'habitude, avec une lente réunion de tous les mutants arborant le X, et un ultime crossover haletant avec un ennemi crédible et sortant du conflit habituel entre le grand et preux héros et le super vilain du moment. La politique et ses arcanes, l'esclavagisme et ses épigones, voilà de quoi donner du blé à moudre au démiurge des X-Men. A ses cotés, on trouve Louise Simonson, qui préfère une approche du problème plus radicale, plus bourrin. On arrive au dessin. Mesdames et messieurs, Jim Lee le maître est à l'oeuvre ici. On devine un artiste majeur, on admire des planches plastiquement impressionnante et usant de poses lascives, sexy, fières, iconiques, et on savoure les années à venir en se disant que les mutants ont de la chance d'avoir un tel as dans la manche. Et puis après le beau temps, c'est le déluge. Les giboulées, même, avec Jon Bogdanove, qui sort une prestation dégueulasse sur X-Factor. C'est mon pire souvenir de lecture, au niveau iconographique, de mes années d'étudiant. Certaines cases sont si vilaines, avec des visages grossiers et finis à la hâte et du pied gauche, qu'on peine à comprendre comment Marvel a pu accepter et payer un tel torchon. On saute ensuite sur le cas Rob Liefeld. Tout a déjà été dit et redit, dois-je en rajouter? Le dynamisme et l'action sautent aux yeux et assaillent le lecteur, qui se demande tout de même où a bien pu passer le concept de proportion, et a l'impression d'avoir avalé un tube de champignons hallucinogènes entre un épisode et l'autre. Liefeld et ses tics d'artiste, ses détracteurs et ses admirateurs, à jamais. Bilan de tout cela? Nous apprécions la capacité de dépeindre un univers aliénant, ces mutants au crâne rasé, prisonniers de leurs tenues moulantes, dépossédé de l'esprit et de la liberté la plus fondamentale, traités comme du bétail au nom de la réussite économique d'un état esclavagiste. Et nous nous souvenons avec ironie de quelques scènes mythiques, comme Scott et Alex Summers se rouant de coups en shorty (la minute porno gay incestueuse) ou le baiser fougueux entre Jean Grey et Wolverine, qui n'a pas du faire plaisir à Scottie, justement. Le genre d'histoire qu'on aime détester, et qu'on déteste admettre aimer. Que vous pouvez retrouver dans l'Intégrale X-Men 1990 (seconde partie) chez Panini. 



A lire aussi : 

SECRET WARS #7 : LA REVIEW

Avec un retard digne des TER de la Sncf dans ses mauvais jours, Secret Wars poursuit son avancée vers la grande conclusion, désormais prévue pour décembre. En attendant, ce septième numéro est déroutant, pour qui a lu les six premiers, mais aurait fait l'impasse sur les tie-in liés à l'événement. Pour une fois, il vaut mieux en avoir lu les plus importants, pour apprécier l'enchaînement logique de ce qui va suivre. Le Battleword est en ébullition et ça sent la révolte dans tous les coins. Que Doom ne soit pas vraiment un Dieu, et que l'heure est venue de le renverser du trône est désormais une certitude acquise par presque tous ses rivaux, qui s'organisent sans concertation ni préméditation. Chacun y va de sa propre puissance de feu, à commencer par le Prophète venu annoncer la fin de l'ère de Fatalis (Maximus) et le corps des Thors sur Asgardia, qui a lui aussi compris la réalité. Place également çà et là à la perfidie, la trahison, avec drames et complots sur le champ de bataille, impliquant Sinistre, Apocalypse, ou la Goblin Queen. Sans oublier le Maestro (Hulk issu de la saga Futur Antérieur) et ses créatures chargés en rayons gamma, où les zombies d'au delà du Mur, qui vont pouvoir eux aussi aller croquer quelques bouchées chez Doom. Question simple : où sont passés les Fantastiques pendant ce temps-là? Ils font quelques brèves apparitions, histoire de rappeler que Reed tire les ficelles de ce qui arrive, avec son alter ego de l'univers Ultimate, et que le reste de la famille Richards est toujours aux pieds de l'ennemi de toujours, un Victor Von Doom qui est loin d'être flamboyant ou inattaquable. 
Je ne peux pas m'empêcher de penser que les promesses et les grandes attentes de la veille commencent peu à peu à recevoir des déceptions en retour. Déjà il est clair que la conclusion sera moins cataclysmique que prévue, puisque les titres All-New All-Different sont déjà lancés, et la réalité Marvel ne semble pas si différente de celle que nous avions abandonné il y a quelques mois. Ensuite l'échiquier de Jonathan Hickman comprend tellement de pièces et de coups différents qu'on finit par s'y perdre, et que l'action est fatalement diluée. Esad Ribic reste au sommet quand aux dessins, avec pour ce septième rendez-vous de belles pleines pages majestueuses et un sens inné du grandiose, qui lorgne du coté d'un Braveheart à la sauce comic-books. C'est beau à voir et ça reste collée aux mirettes, mais cette sensation de force centrifuge dictée par le retard et la nécessité d'en finir avec les Secret Wars, avant d'avoir eu le temps d'en retirer tout le vrai potentiel, fait qu'on nourrit des doutes sur les deux prochaines étapes, les deux dernières, qui porteront la lourde responsabilité de déterminer si nous avons là un événement majeur de l'histoire des super-héros, ou un énième "event" qui dégaze sérieusement en pleine mer, et ne laisse derrière lui qu'une marée noire d'idées inexploitées.



A lire aussi : 

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : BILLY LAVIGNE

 Dans le 196e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Billy Lavigne que l’on doit à Anthony Pastor, un ouvrage publié chez Casterma...