ROM #1 : LE GRAND RETOUR DU CHEVALIER DE L'ESPACE CHEZ IDW

Au début des années 80, Parker Brothers, une compagnie qui n'allait pas tarder à être rachetée par Hasbro, lance une sorte de robot de l'espace, une action figure assez rudimentaire, sans points d'articulation, appelée Rom. C'est loin d'être un chef-d'œuvre mais les créateurs ont la bonne idée d'aller taper à la porte de Marvel, pour proposer d'en faire une série mensuelle. A partir de là c'est le succès, et le personnage devient pour la génération des quadras d'aujourd'hui, l'exemple type de ce qu'on peut appeler une série culte. Les aventures de Rom, en provenance de la planète Galador, et face à la menace pernicieuse des Spectres Noirs reste emblématique de la génération Lug. Le Spaceknight a fini par disparaître, victime d'une baisse de sa popularité et de la censure (en France, les pouvoirs décisionnels pensaient que le titre était devenu trop horrifique), aujourd'hui voici Rom de retour; cela se passe chez IDW, qui a récupéré les droits et qui relance la légende, dans des tons plus modernes et adaptés au jeune public du nouveau siècle. Le premier numéro à la bonne idée de représenter également les 11 premières pages offertes lors du dernier free comic book day, que tout le monde n'avait pas eu l'opportunité de lire. Nous voici donc plongés au moment de l'arrivée du personnage sur Terre. Il passe à l'action d'emblée, à la recherche de ses ennemis de toujours, qu'il parvient à identifier grâce à sa célèbre arme de poing, qui les démasque dans un premier temps, avant de les exterminer. Bien sûr, comme les Spectres se dissimulent sous des traits humains aux yeux de l'opinion publique, Rom est un extraterrestre assassin, une créature diabolique débarquée à l'improviste chez nous pour nous décimer. L'utilisation des réseaux sociaux, des smartphones, amplifie encore davantage le côté menaçant du Chevalier, dont l'arrivée et les agissements se retrouvent sur la toile rapidement. 


Les Spectres Noirs on été relooké pour les rendre plus menaçants,  plus crédibles. C'est là que le travail de David Messina, le dessinateur italien, est appréciable. Son trait et sa technique intègrent parfaitement l'utilisation de la conception graphique et de la colorisation modernes, et il associe design traditionnel et trouvailles originales avec naturel. Tout comme la série de Christos Gage et Chris Ryall parvient à associer technologie et magie, avec des envahisseurs dotés de nouveaux pouvoirs, qui parviennent même à manipuler et utiliser la faune et la flore locale, pour arriver à leurs fins. Des débuts assez classiques donc, mais qui remplissent parfaitement leurs fonctions et qui s'inscrivent dans un plan plus vaste, avec une tentative de la part de IDW de créer une grande saga qui interconnecte ses différentes séries (comme Transformers G.I.Joe ou les Micronauts par exemple) avec un crossover en septembre (Revolution). Résolument plus à la page, mais respectant les codes classiques de la série des années 80, cette nouvelle version de Rom est donc une surprise plaisante. 


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THE KILLING JOKE : UNE VERSION ANIMEE SANS GRANDE SURPRISE

The Killing Joke, oeuvre de Alan Moore et Brian Bolland, qui remonte à 1988, est adaptée cet été sous forme de dessin animé. La sortie était très attendue car il s'agit d'une histoire qui n'épargne rien au spectateur en termes de violence, de sous-entendus sexuels, et qui possède une véritable réflexion de fond sur la santé mentale d'un justicier déguisé en chauve-souris, mis en présence d'un criminel dingo et sans aucune retenue ou déontologie. Première constatation, il faut attendre une petite demi-heure pour que l'action commence vraiment : toute la première partie est en effet consacrée à Batgirl, un moyen habile pour que le spectateur ressente ensuite tout le pathos du drame qui survient. C'est pourquoi de simple coéquipière de Batman, la jeune Barbara Gordon finit par entretenir une véritable liaison avec son maître, dont le point d'orgue est une scène de sexe en costume, rapidement évacuée. Si les fans de comics considèrent la chose comme une véritable profanation, c'est toutefois une conséquence logique, se diront les autres, qui ne connaissent pas véritablement l'univers de Gotham. Le vrai problème selon moi c'est que cette première partie est sans saveur, elle se traîne en longueur et l'opposition entre Batgirl et le prétendu nouveau chef de la pègre locale, qui se déploie selon un axe séduction-fascination-répulsion est mal présentée et déclenche quelques bâillements.  La petite rouquine n'en sort pas grandie et l'ensemble est presque misogyne. Et puis à un certain moment, étant donné qu'ils se sont un peu trop rapprochés physiquement, les deux héros de la ville se séparent, et c'est alors que Barbara retourne vivre seule, et que l'enfer va pouvoir commencer, en respectant les canons classiques du Killing Joke des comics. Inutile de vous rappeler quand et où la tragédie débute... le commissaire Gordon est venu rendre visite à sa jolie petite fille et les deux devisent allègrement autour d'un verre, lorsqu'on frappe à la porte. Barbara se lève et va ouvrir... il est trop tard désormais. Bang.


De l'instant où le Joker fait irruption, l'histoire commence à être fidèle, voire servile, à ce que Moore et Bolland ont pu produire par le passé. Coté graphisme, on sent bien une tentative de coller au style du dessinateur, en respectant l'esprit de départ, mais ajouter une ride de ci, une ride de là ne suffit pas à donner le caractère nécessaire pour rivaliser avec le gaufrier stylé du grand Brian. On recommandera bien entendu le visionage en Vo pour ne pas perdre la performance de Mark Hamill, qui est le grand spécialiste dès lors qu'il faut donner voix au dingo de service, au rire si agaçant. J'employais le mot servile car tout est fait pour respecter, trop même, The Killing Joke format papier. Y compris le doute du viol/pas viol que beaucoup ont en tête, lorsque Barbara est blessée grièvement et sans défense, avec ici un Joker qui dégraphe lentement son petit haut. Sûrement pas pour porter les premiers secours... La bonne nouvelle vient de tout ce qui concerne l'évocation du passé de l'ennemi majeur de Batman. Dans des tons sépias réussis et convaincants, le dessin animé sait traduire à l'écran toute cette généalogie officieuse du personnage, et explicite clairement le lien qui pourrait unir le Dark Knight et la création de ce meurtrier sans scrupules. Ce qui ert nécessaire pour bien comprendre la fin, et la volonté ferme et définitive de Batman de tendre la main à sa némésis, après qu'il ait secouru un Commissaire Gordon humilié et blessé dans sa chair, mais pas dans sa déontologie et sa rectitude. Les héros plient mais ils ne rompent pas, et ce sera bien ça la grande leçon de The Killing Joke, qui va loin dans l'abject et l'horreur, mais dont les victimes parviennent malgré tout à garder leur équilibre mental, alors que le vilain de l'histoire, lui, n'en retire, au delà de l'échec final, qu'une amère constatation de solitude, de vacuité. Cette adaptation réalisée par Sam Liu et écrite par Brian Azzarello est donc plaisante à regarder, mais sans génie, dès lors qu'on parvient à échapper à la narcolepsie induite par la première partie. En fait les lecteurs de comics peuvent directement sauter à la 28 ème minute, et s'épargner le prologue sans rien perdre au change.




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COSPLAY MANIA (13)

Cosplay, ton univers impitoyable... Nous revoici donc pour une sélection sympathique, où priment avant tout les interprétations les plus réussies et les plus singulières. Je voulais réussir à placer quelques clichés du San Diego Comic-Con mais ce sera pour la prochaine fois. Il y a déjà de quoi faire ce coup ci (encore) comme vous allez le constater. Et je ne vous cache pas que prochainement j'aimerais bien me lancer la dedans moi aussi, un projet à étudier sérieusement pour début 2017. Et c'est parti pour Cosplay Mania.



Une question à poser? Demandez au Riddler, version charme


Forcément, Ant-Man est devenu un cosplay très assumé cette année...


Une grosse moto et un costume, voilà un Avenger prêt pour l'aventure


La clone et l'original. Histoire de griffes chez les mutants


Il fait peur ce Fatalis. Mieux vaut ne pas le croiser en soirée ou en Latvérie


Pour se la jouer Spider-Woman, il faut aussi avoir le corps de Spider-Woman


Un tour chez Dc. Cyborg en bonne compagnie avec Hawkgirl


Netflix a vu juste, Luke Cage sort ses chaînes et ça va faire mal

SUICIDE SQUAD TOME 2 : LA LOI DE LA JUNGLE

Quand on voit le genre de profils qui composent la Suicide Squad, et le type de missions qui leur est assigné, on comprend pourquoi cela tourne généralement en sucette. Trahisons, violence, crise de sociopathes, tout y passe et explique pourquoi la solidarité n'existe pas dans le groupe. Dernièrement il a fallu faire face au coup de sang d'Harley Quinn, qui n'a pas supporté le destin funeste de son "chéri" le Joker, et a pété un câble. Son retour au bercail n'est pas sans heurts, et pire encore, l'heure est venue de se rendre à l'évidence, il y a un traître au sein même de la division d'Amanda Waller. Ce second tome commence par une aventure qui voit apparaître le Resurrection Man, héros de son propre titre chez Dc Comics, mais totalement inédit en Vf. Du coup les lecteurs s'en ficheront un peu, et passeront à coté de la chose. Ils préféreront se focaliser sur la menace de Basilisk, et ce noyautage de l'intérieur de la Squad, qui va être le grand mystère de ces pages. Dès le début je ne peux m'empêcher de faire la grimace. Tout d'abord la caractérisation d'Harley Quinn vire un peu au n'importe quoi. A force de vouloir trop en faire, elle perd de son identité pour devenir une vulgaire traînée psychopathe qui ajoute à son propre chaos celui du scénario d'un Adam Glass pas franchement inspiré. Ensuite cette Amanda Waller là, cette figure de mode cynique et perverse, est loin de l'agent rondouillarde et parfois humaine des premiers temps. Une tentative de l'humaniser en cours de route est faite, mais c'est trop tard, on la déteste tellement déjà que finalement ses affres personnels ne nous concernent plus. Dommage, pour revenir à Harley, que la résurgence de la face "psychotérapeute" de sa personnalité soit si mal exploitée et ne soit qu'un truc scénaristique facile et sans enjeux. Pour le reste, l'interaction entre les membres du groupe est bien sur le plus réjouissant, et chacun développe une personnalité, parfois outrancièrement grossie, pour que la dynamique et les contrastent gardent le lecteur en éveil.

Pour aller au bout de l'aventure, il faudra suivre la Suicide Squad jusqu'au Mexique, et un temple maya, avant de connaître le fin mot de l'histoire. Qui implique un face à face musclé avec Regulus, le bras armé de Basilisk, son leader, droit sorti d'un comic-book de la grande époque Image/Heroes Reborn. Coté dessins on a l'impression d'être parfois dans les années 90, notamment avec une mise en couleur un peu pompière par endroits (exagération aussi bien du coté sombre que des couleurs vives elles-mêmes) alors que les dessinateurs qui se succèdent ont un trait et des styles qui ne se complètent pas toujours harmonieusement.  Fernando Dagnino est celui qui me plait le plus, mais attention, lui aussi est donc un de ces épigones qui ont du apprécier le graphisme d'il y a vingt ans, et qui fait dans la planche "pompière" sans trop se soucier du reste. Au moins ses héros ne sont pas disgracieux ou toujours grimaçants, mais l'imagination est loin d'avoir pris le pouvoir. L'impression est que cet album, moins passionnant que le Tome 1 (qui n'était pas un chef d'oeuvre non plus) est plutôt à déconseiller au lecteur qui voudrait découvrir la Suicide Squad, avant le film. Du reste cette série n'a pas eu un grand succès aux States, et elle est relaunché à l'occasion de Rebirth, pour coller un peu plus au long métrage. Jetez vous plutôt sur les archives qui vont sortir en août, et seront l'opportunité de lire ce qui s'est fait de plus pertinent avec ces criminels en mission, lors de leurs premières sorties. Ici c'est surtout à proposer aux fans hardcore des personnages, ou ceux qui n'en peuvent plus d'attendre. Pour résumer, on a l'impression de lire quelque chose de très stéréotypé, en mode écriture automatique, qui ne laisse guère de souvenirs flamboyants. On attend toute autre chose du film, ne plaisantez-pas, hein...




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OLDIES : DAREDEVIL TREE OF KNOWLEDGE (INEDIT EN LIBRAIRIE VF)

En 1994 la série Daredevil connaît une véritable révolution artistique copernicienne, avec l'arrivée d'un artiste qui bouscule les habitudes des lecteurs du Diable Rouge. Scott McDaniel s'empare du scénario de Chichester, et fait du titre un laboratoire expérimental fascinant, au service d'une trame complexe et drue, que Semic propose sous la forme de deux albums Top Bd intitulés Renaissance (Fall from Grace, en Vo). Cet arc narratif est salué par la critique, mais peu de lecteurs s'y intéressent chez nous, et le suivant, Tree of Knowledge, reste à ce jour inédit en librairie en France. Nous allons donc en toucher un mot, tout en rappelant les enjeux. Au terme de Fall From Grace, Matt Murdock a simulé sa mort, et Daredevil opère sous un nouveau costume, une véritable armure grise et rouge, alors que nombre de ses alliés pensent qu'il s'agit là d'un nouveau venu sous le masque. Après avoir écarté (et profité) de la menace du virus about face, permettant de réécrire l'Adn des victimes contaminées, Daredevil va se retrouver embarqué dans un récit qui convoquent science cyberpunk et conspiration de la vieille école, avec notamment le Baron Von Strucker dans les coulisses. Cette histoire est sortie il y a presque vingt ans, et la technologie n'était pas encore aussi sophistiquée, toutefois c'est elle qui est l'enjeu de cet arbre de la connaissance. DD tombe dessus un peu par hasard, le jour où il arrête deux petits voyous qui s'amusent à cloner des cartes bancaires aux distributeurs de billets. De là il remonte la piste d'un certain Knowbot, génial pirate informatique, que son employeur protège en lui allouant les services d'un colosse ultra moderne, le dénommé Killobyte. Pour le coup, le lecteur de l'an 2016, habitué aux connections 4G et qui sait monts et merveilles de l'Internet, pourra s'étonner. Qu'est ce donc que cette vision burlesque du monde virtuel que nous présente Dan Chichester? Le reflet d'un moment de l'évolution où Internet était encore perçue comme un privilège, une autoroute vers le savoir que ne pourraient parcourir que les grosses cylindrés, et qui devait laisser trop de citoyens démunis, sans accès, impuissants devant les nouveaux patrons du Web, et donc des marchés de demain. Rétro-fiction.


Chez le scénariste, Internet et la réalité virtuelle se confondent pleinement. Les vilains chassent Daredevil et évoluent comme dans un jeu en ligne, avec des points bonus pour chaque victime innocente tuée, ou bien avec une vision distordue des faits, le héros en collant étant représenté par un dragon. System Crash, c'est le nom de l'association de cyber-terroristes qui sèment la pagaille en ville, et les morts (un ferry boat qui explose, des dizaines de morts, des snipers qui tirent depuis le World Trade Center...), tandis que le Baron Struker et l'Hydra se frottent les mains, de voir New-York glisser vers le chaos, grâce à des méthodes et une technologie que les justiciers ne maîtrisent pas encore. Captain America vient bien prêter main forte à Daredevil, mais ce n'est pas Steve Rogers, un vieux de la vieille qui écoute sa musique au gramophone, qui sera de grande utilité. Les guest stars défilent dans Tree of Knowledge, avec Elektra (qui est revenue à la vie et a récupéré la part sombre de son essence vitale dans Fall From Grace, justement), le Shield (Fury et son sempiternel cigare) ou encore Gambit (de passage...) et Iron Fist. Karen Page est aussi au menu, détruite par la présumée mort de Matt Murdock, au point qu'elle est hantée par son passé d'actrice porno, qui refait surface, juste à temps pour qu'elle se lance dans une croisade contre une brève vidéo mettant un scène un acte pédophile. Scott McDaniel en met plein les yeux à chaque planche...ou il vous donne la nausée, selon qu'on aime, ou pas. Il est vrai que parfois son style ultra baroque et décomposé est au détriment de la lisibilité, et que ces épisodes sont sombres, très sombres, sans la moindre attention aux anatomies académiques. Tout est distordu, broyé, expressif et expressionniste, c'est un cauchemar des sens et des formes, mais c'est aussi fascinant de voir comment il est possible, d'un coup, de faire sauter les codes classiques dans ce genre de série mainstream, pour oser quelque chose de follement audacieux. En France ce matériel n'a jamais été publié. La saga comprend cinq parties, plus un interlude dont s'occupent deux autres artistes (Greg Wright et Sergio Cariello), et un épilogue. En tout, nous allons de Daredevil #326 à #332, dans ce qui est un des cyber délires les plus romanesques et improbables que les comics des années 90 ont su nous régaler. Il existe une belle édition américaine, dans la recherchée Marvel Epic collection (le volume 18) qui reprend l'intégralité de la période Fall From Grace/Tree of knowledge, y compris l'annual #10 qui fait la transition entre les deux (la réaction à la mort prétendue de Matt Murdock, alors que DD tente de faire croire à tous qu'un autre individu se balade sous le costume). Si vous ne connaissez pas ce pan de l'histoire de Tête à cornes, pensez à remédier, et à tanner Panini, sait-on jamais... (en kiosque cette saga a été présentée dans Special Strange 100 à 104, dans les années 90)




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BLACK HAMMER : NOUVELLE SERIE POUR JEFF LEMIRE CHEZ DARK HORSE

Conséquences au combien méritées d'un talent et d'une prolixité remarquables, Jeff Lemire est actuellement partout. Chez Marvel Comics, chez DC Comics, chez Image... et désormais chez Dark Horse, avec une nouvelle série qui vient de voir le jour. Il s'agit de Black Hammer, qui met en scène un groupe de personnages à super-pouvoirs, qui a dû prendre par la force des choses une retraite de tout activités héroïques il y a une dizaine d'années de cela. Depuis ils vivent tous ensemble dans une ferme, dans un patelin paumé des États-Unis. Il est évident que ces personnages sont tous plus ou moins des caricatures de héros que nous connaissons bien... nous trouvons ainsi un avatar de Superman, une sorte de Martian Manhunter -croisé avec une version loquace et triste de Groot- ou encore un pseudo Adam Strange. Mais finalement les pouvoirs de ces types là, ce qu'ils savent faire, ce qu'ils ont fait, tout cela n'est pas si important; d'ailleurs Lemire ne prend pas le temps de nous expliquer pourquoi ils en sont là, pour quelle raison ils ont dû décrocher. Il se contente pour le moment de nous montrer comment réagissent toutes les individualités, face à une sorte de réclusion bucolique, une vie hors du temps et de la société, passée à traire les vaches où aller boire un café au bar miteux de la ville voisine. Certains le vivent très bien et finalement c'est pour eux une bénédiction, surtout pour le "chef" Abraham Slam... les autres par contre ont bien du mal à gérer tout cela, comme par exemple la petite Barbalien qui se retrouve enfermée dans le corps d'une fillette de 9 ans (là aussi nous n'avons pas les explications) et qui n'apprécie pas du tout le nouveau statu quo. Bref c'est du Jeff Lemire, un monde super-héroïque est créé de toutes pièces devant nous, mais le plus important c'est le caractère humain, l'attachement viscéral et honnête aux qualités et défauts des uns et des autres, aux forces, aux attentes et aux rêves, qui permet au lecteur de se plonger dans ce Black Hammer. Certes j'adore ce scénariste, donc il est possible que je ne sois pas la personne la plus objective du monde, mais nous tenons là une nouvelle série particulièrement sensible et agréable à lire, qui parvient en une vingtaine de pages à emporter l'adhésion, dès lors que les personnages sont amenés avec grâce et naturel. Le dessin est confié à Dean Ormston, son trait volontairement caricatural et sale colle bien avec l'ambiance poisseuse du petit village de campagne. Parfois certaines scènes nous ramènent à l'époque où ces héros étaient actifs, dans un pur esprit Golden Age qui ajoute encore à la mélancolie de l'ensemble. Voilà donc notre lecture inattendue de l'été. Oubliés l'espace d'un instant Rebirth ou la seconde Civil War et plongez-vous dans Black Hammer, nouvelle petite trouvaille ingénieuse d'un Jeff Lemire décidément brillant.


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SUPERMAN RED SON (DC COMICS LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS TOME 25 CHEZ EAGLEMOSS)

Un volume à ne pas perdre en ce moment, dans la collection Dc Eaglemoss, en kiosque. Il s'agit de Red Son, de Mark Millar. Si vous ne connaissez pas cette histoire, voilà de quoi il s'agit.
Superman est un extra-terrestre, et son apparition au coeur du Kansas n'est du qu'à un heureux hasard, son astronef ayant habilement choisi le sol américain pour déposer le bambin prodige. Mais à une douzaine d'heure près, le crash aurait pu se produire en Ukraine, et la face du monde (tel que vu par Dc Comics) en aurait été profondément bouleversé. Superman grandit donc dans un kolkhoze soviétique (on ne verra rien de ces années de formation dans cette aventure) et devient à l'age adulte le bras droit de Joseph Staline, avant d'en être le successeur, après la mort du dictateur. Luttant contre les jalousies d'un des fils illégitimes de son protecteur, s'opposant aux américains et leurs visées déviantes inspirées par un Lex Luthor génial et dangereux (il parvient à créer une sorte de “Bizarro”, une réplique dégénérée du héros), Superman est le sauveur de l'Union Soviétique, puis du monde. Les américains résistent, et sur le sol russe, les rares opposants trouvent en Batman une figure courageuse pour entretenir l'espoir. Superman se rapproche également de Wonder Woman, ambassadrice de Thémiscyra, mais l'amour ne filtre jamais, étouffé par la politique et ses exigences. Le monde selon Superman finit par ressembler à une sorte d'utopie policière à la Orwell, où le bien commun ne s'embarrasse pas toujours du libre arbitre ou des libertés individuelles (qui conteste trop peut être “reconditionné” par Brainiac, allié de Superman). Le lecteur, lui, peut s'amuser à comparer les versions classiques des héros ou personnages secondaires de l'univers Dc, ici revisités souvent avec pertinence, comme Lois Lane, Hal Jordan, Jimmy Olsen, et d'autres encore. Une bonne salade russe.

Honneur à Mark Millar d'avoir su pondre un récit totalement ancré dans une réalité virtuelle, et d'avoir su garder l'attention du lecteur sur l'ensemble de son oeuvre. Ce genre de projet peut vite devenir lassant, mais ici, l'analyse de ce que serait la réaction américaine face à la suprématie russe (qui détient avec Superman une arme comme chaque gouvernement en rêverait, sans oublier que c'est aussi un puissant argument de propagande), en pleine guerre froide de surcroît, est plutôt intelligente et éloquente. Superman garde en grande partie ses caractéristiques, il reste une force du bien, soucieux d'aider l'humanité, et pas seulement sa patrie d'adoption, mais les logiques de la politique globale, les concessions qu'elle implique, finissent par pervertir un homme bon et droit, et l'entraînent vers une série d'erreur de jugement qui le rendent peu à peu beaucoup moins sympathique que ce que nous connaissons habituellement. On pourra juste regretter le choix de l'auteur de ne pas avoir forcé le trait, et de ne pas nous avoir montré la vie quotidienne en Urss, qu'on suppose éprouvante, comme dans tous les régimes totalitaires où rien ni personne ne peut s'opposer aux forces dominantes. Coté dessins, Dave Johnson (puis Kilian Plunkett en renfort pour la fin de ce Red Son) mélange habilement le style graphique typique de l'art communiste avec les exigences et habitudes des comic-books traditionnels. On fermera un oeil sur les visages féminins pas très gracieux, et on appréciera le fait qu'on ne s'ennuie guère dans cet album, qui tient en haleine avec une plongée glaçante dans les affres de l'équilibre (bouleversé) de la terreur, et se termine par une pirouette scénaristique intéressante, qui transforme Superman en une figure iconique et cyclique. Il reste de tout ceci, des années après, l'impression que nous avions là une véritable grande maxi série à développer, de manière à prendre le temps d'explorer les conséquences d'un tel renversement de point de vue géopolitique. Un album fortement recommandé, qui ne fait qu'alimenter le regret de ne pas en avoir eu et lu plus, tant il reste à dire et montrer dans les marges de ce Red Son.



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BATGIRL & THE BIRDS OF PREY REBIRTH : GIRLS ARE BACK IN TOWN

Si vous ne connaissez pas encore Barbara Gordon, vous allez pouvoir apprendre à la découvrir avec ce numéro Rebirth. De la petite gamine élevée avec un père commissaire et complice, jusqu'au drame liminaire de l'agression sauvage par le Joker, qui la laisse paralysée et dans un fauteuil roulant, Barbara a toujours su trouver la force pour se réinventer et aller de l'avant, qu'elle soit Batgirl, héroïne qui saute sur les toits de Gotham pour faire régner la justice, ou Oracle, spécialiste de l'informatique qui tuyaute ses amis en collants, pour les aider dans leur mission. Aujourd'hui Barbara est de nouveau active et en parfaite santé, miracle de la chirurgie moderne (l'excuse est un peu feiblarde, mais bon...) mais voilà que la jeune femme apprend au hasard d'une de ses interventions qu'il y a une autre Oracle en ville, dont les activités ne sont pas pour lui plaire. L'usurpatrice devrait en prendre pour son grade, à condition de l'identifier et de l'alpaguer.
Un des points forts et importants de ce numéro est la relation entre Batgirl et Black Canary; les deux sont vraiment amies et le dialogue sympathique, la complicité est évidente. Au passage rien n'est oublié du passé de rockeuse de Dinah, héritage de sa série précédente que j'avais pour ma part vraiment peu aimé. Côté justiciers en jupons nous sommes gâtés avec sur la fin de l'épisode l'arrivée de Huntress, désormais émancipée de l'organisation d'espionnage pour laquelle elle travaillait (avec Nightwing) et qui est ici de retour, avec une soif de vengeance inextinguible, prête à faire payer les criminels. Pour être honnête ce numéro se laisse lire facilement, mais il est difficile de considérer que le travail de Claire Roe au dessin est vraiment bon... j'ai parfois quelques problèmes avec les corps en mouvement, la façon de construire les pages, et surtout les détails des visages qui ne sont pas très gracieux. Julie et Shawna Benson -qui écrivent ce titre- vont devoir vite passer à la vitesse supérieure pour nous expliquer en quoi ce qui va suivre est original et mérite d'être lu. Pour l'instant nous sommes à la frontière de la redite, et je ne perçois pas clairement à l'horizon un vent de fraîcheur pour Barbara Gordon. Mais je ferai semblant de rester innocent et de croire aux promesses du titre Rebirth : que ça soit donc une vraie Renaissance et que ça ne tarde pas!


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PLANETARY DE WARREN ELLIS ET JOHN CASSADAY : VOLUME 1

Retour chez Urban Comics de Planetary, qui a droit à une version splendide (comme il est de coutume chez l'éditeur) sous la forme de deux albums imposants. L'occasion est rêvée pour (re)découvrir la série de Warren Ellis, composée de 27 numéros (entre 1998 et 2009 avec une pause entre 2001 et 2003), et qui met en scène une équipe de quatre membres, chargés de mener l'enquête et garder sous contrôle toute une série de phénomènes étranges et en apparence improbables, à la limite du possible. Planetary emploie donc Jakita Wagner, Le Batteur, Elijah Snow (Ambrose Pierce avant lui, tombé au combat) et un mystérieux quatrième membre, et face à ces individus nous retrouvons une autre organisation antagoniste composée de Randall Dowling, Kim Süskind, William Leather, et Jacob Greene. Un conflit qui va évoluer au fil de la saga, qui au passage nous révélera tous ses petits secrets, épisode après épisode. On a souvent parlé de golden age pour ce travail de Warren Ellis, car nous avons ici un retour aux sources du merveilleux, de l'action en soi, qui prime sur l'introspection torturée de héros dotés de super-pouvoirs extraordinaires. C'est ainsi que tous les premiers épisodes suivent une trame assez simple. Planetary (l'agence) est appelée à enquêter ou intervenir pour résoudre ou contrôler une situation digne d'un roman de science-fiction, avec une bonne touche d'humour briton et pas mal de désinvolture. On croise dans ces pages un policier fantôme qui descend les membres de la pègre locale à Hong-Kong, une île isolée au large du Japon et de la Russie où vécurent de gros monstres aliens, ou encore un nexus de toutes les réalités et un vaisseau venu d'un autre monde, enfoui depuis des siècles sous un building. Mention spéciale à l'expérience scientifique visant à créer un monde de fiction, et à en extraire un individu.
Le sense of wonder est à l'oeuvre avec cette série, qui utilise un personnage en particulier, Elijah Snow (amnésique), pour placer le lecteur dans la situation inattendue d'un explorateur, d'un archéologue qui revisite les strates de l'histoire officielle et officieuse, et y découvre au fil des pages tout un univers jamais dévoilé, et ses secrets impensables. L'inconnu, le dissimulé, ce n'est pas l'angoisse ou la menace, mais le merveilleux, l'ensorcelant. On vibre avec les différents membres de Planetary, mais plus pour ce qu'ils entreprennent, réalisent, que pour ce qu'ils ressentent, et expriment. L'important n'est pas les plaies et les biographies du quatuor, mais leur présence sur le terrain, leurs prouesses du moment, les portes qu'ils ouvrent sur le futur ou sur un passé ignoré. Planetary prend à rebours tous les codes et les tics du comic-book post-moderne. 


La science est bien entendu au centre de Planetary, mais c'est une science extrême, merveilleuse, aux confins de la magie, qui est d'ailleurs considérée comme une extension de son domaine d'appartenance. Les complots et les non-dits également. Comme la raison pour laquelle Elijah ne peut se souvenir de sa longue existence, lui qui fait partie des "enfants du siècle" à savoir ces êtres nés le premier janvier 1900. Ou encore l'identité du quatrième homme, dernier membre de Planetary, dont la résolution va de paire avec le mystère précédent. Une des clés du succès de cette oeuvre est la manière dont John Cassaday parvient à trouver une grande harmonie avec les intentions de Warren Ellis. Son trait est propre, magnifique, clair, ouvert à la poétique de l'image par mille et une trouvailles rehaussant les inventions scientifiques absurdes du scénariste, qui plonge tête la première dans toute une série de mythes ou de lieux communs modernes, dont il offre une version magnifiée. Urban propose avec ce premier album les douze premiers épisodes de Planetary, avec un premier bloc de huit qui se contentent d'être des récits indépendants les uns des autres, et le reste qui est une avancée indéniable vers la résolution ou tout du moins l'explicitation des conflits d'intérêts et des enjeux secrets que la série propose. Nous trouvons en complément deux numéros spéciaux. Planetary/The Authority, qui marque la juxtaposition (plus que la rencontre) des deux groupes, avec un Phil Jimenez toujours aussi soigneux du détail et aux planches plastiquement remarquables. Et Planetary/Batman, où le Dark Knight endosse plus que jamais son rôle de mythe urbain, vu à travers quelques unes de ses incarnations les plus savoureuses, alors que la ville de Gotham connaît des spasmes et que sa réalité même change d'un moment à l'autre. Un épisode fichtrement sympathique, qui est un gros clin d'oeil à une certaine continuity Dc Comics, comme lorsque Elijah évoque l'écroulement du multivers, évité de justesse en 1986, c'est à dire en concomitance avec Crisis on Infinite Earths. Planetary est loin d'être ce qui se fait de plus accessible ou de plus convenu, mais son charme fou et son inventivité en font une lecture hautement recommandé au coeur de l'été. 




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NIGHTWING REBIRTH : DICK GRAYSON REVIENT AUX AFFAIRES

Il fut tout d'abord un acrobate précoce et doué, avant que ses parents ne soient assassinés dans un cirque. Il fut le pupille de Bruce Wayne et le premier Robin historique. Il parvint à s'émanciper pour endosser le costume de Nightwing, et il devint espion et agent secret sous le patronyme laconique de l'Agent 37. Désormais le revoici en pleine forme. Rebirth continue son opération de retour aux fondamentaux et permet aux nouveaux lecteurs attirés parce qu'ils ont vu de la lumière et entrés pour jeter un œil, de se familiariser avec Dick Grayson (même si l'impasse est faite sur toute la période des Titans). On appréciera que cet épisode constitue un excellent starting-point, qui c'est la jonction entre ce qui s'est passé ces mois derniers avec Tom King au scénario, et les tout premiers balbutiements des New 52, lorsque la Cour des Hiboux occupait les pensées et les pages des Bat-séries. Nous les retrouvons en effet, ces Hiboux, dans cet épisode un peu particulier. Nous frayons aussi avec Damian, qui est un peu le petit frère assumé de Dick, mais également Helena Bertinelli, qui en profite pour annoncer le titre Birds of Prey à venir. D'autres personnages font leur apparition comme le Midnighter ou Tiger, héritages de la série précédente, ce qui fait que les lecteurs les plus fidèles ne sont pas non plus oubliés en cours de route. Bon soyons sérieux, l'intrigue n'est pas exceptionnelle et il ne s'y passe pas grand chose, mais c'est l'occasion de remettre en situation un peu tout le monde, de s'attarder sur les relations entre les différents personnages, et de profiter -pour les amoureux de son trait- du dessin de Yanick Paquette, qui nous propose un Nightwing massif et plus humain que celui de Michael Janin par exemple. Tim Seeley réussit donc le petit exploit de nous offrir des pages qui contiennent en germe suffisamment de bonnes idées pour nous garantir un premier arc narratif réjouissant, tout en cachant humblement l'indigence du scénario. A savoir que nous trouvons là un petit prélude, une sorte d'agrafe qui sert à relier le présent et le passé, afin d'éviter de laisser une impression décousue. Il règne un petit côté feel good/buddy movie pas désagréable, et puis soyons sérieux, le retour de Dick dans son costume noir et bleu méritait à lui seul qu'on donne une chance à cet événement.



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HAL JORDAN AND THE GREEN LANTERN CORPS REBIRTH : LA RENAISSANCE VERTE SE POURSUIT

Vous avez un peu de retard et vous n'avez pas spécialement suivi ce qui s'est passé dans l'univers des Green Lantern ces derniers mois? Ce n'est pas grave, car la bonne nouvelle avec ce numéro targué Rebirth est qu'il s'agit véritablement d'une introduction, permettant au nouveaux venus de raccrocher les wagons. Ainsi l'information principale est l'effondrement du corps des "lanternes" qui n'existe plus en tant que tel, alors que Sinestro est désormais à la tête du Warworld, transformé en monde base itinérant pour sa propre armée de couleur jaune, et qui semble être la force principale et antagoniste pour Hall Jordan. Sinestro apparaît d'ailleurs dans une version assez intéressante, et il est évident que le scénariste Robert Venditti fait ici un clin d'œil à l'Etoile Noire de Star Wars... mais parlons de Jordan, car c'est lui qui figure dans le titre de cette série. Que devient-il? Et bien après avoir endossé le costume du renégat pour sauver ses collègues, le voici démis de ses fonctions et privé de l'anneau qui lui donne ses pouvoirs. Mais il a de la ressource, et en s'emparant du prototype que les Gardiens de Oa avait mis au point avant de forger les anneaux, il s'est concédé une porte de secours et les moyens de continuer sa croisade. Sauf que l'arme -une sorte de gant optimisé- est légèrement incontrôlable, et qu'elle finit par avoir des effets néfastes sur sa consistance physique, et tout son être. Mais vous le savez Jordan à une force de volonté incroyable, et il va trouver dans ce premier numéro un moyen pour remettre les choses à leur place, tout en sortant le laïus classique de : qui suis-je, que font mes amis, ou vais-je...Je ne critique pas, au contraire, car je pense que dans le cadre d'un numéro Rebirth, il s'agit d'un moyen intelligent et efficace de placer ses pions sur la table, avant d'entamer la véritable partie. Ethan Van Sciver à retrouvé un niveau particulièrement élevé avec des planches et des dessins qui sont de toute beauté. Rien à dire, aucune faute de goût, si ce n'est dans une case assez étrange un Kyle Rayner qui apparaît presque sous les traits de sa soeur. Est-ce bien lui? La sensation est donc que Venditti a cette fois les idées un peu plus claires et qu'il a enfin trouvé le ton juste pour raconter quelque chose d'intéressant dans l'univers des lanternes, même si le titre semble légèrement en décalage par rapport à celui déjà présenté, mettant en scène Simon Baz et Jessica Cruz. Je suis persuadé que les fans de la police cosmique la plus célèbre chez DC vont être rassurés, quant à l'avenir de leurs personnages de prédilection.



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MONSIEUR PERSONNE (THE NOBODY) : L'INVISIBILITE SELON JEFF LEMIRE

L'Homme Invisible, c'est un grand classique de la science-fiction. Si vous confiez le revisitation du mythe à Jeff Lemire, vous obtenez...
Ce récit se présente sous la forme d'un graphic-novel de 144 pages, paru dans la collection Vertigo de Dc Comics (Panini en Vf). Monsieur Personne, ou tout le monde, en fait. Chez Lemire, l'exceptionnalité, c'est la règle. Nous le sommes tous, et pourtant tous identiques. Comme souvent (dans Essex County par exemple) l'auteur choisit de dépeindre une petite bourgade, de pêcheurs, pour situer l'action du récit. Large Mouth ne compte que 764 habitants, et son seul fait d'arme est d'être l'endroit d'Amérique où se trouvent les plus grosses tanches. Avec tout ce que cela signifie au niveau des mentalités, de la suspicion, des secrets enfuis, et de la solitude intrinsèque des habitants. Lemire sait de quoi il parle, il vient de ce type de paysage, et il peut y évoluer avec une aisance déconcertante. Un étranger se présente un jour, couvert de bandages, de la tête aux pieds, qui dissimulent sa véritable identité. Après un grave accident qui reste nimbé dans le mystère, il est venu chercher réconfort et tranquillité, mais il ne va trouver que l'hostilité de ceux qui ne le comprennent pas, puisqu'il n'entre pas dans les codes du lieu, ne ressemble pas aux autres, ne peut se fondre dans cette masse anonyme qui pointe du doigt tout ce qui se targue de sortir de la masse. En fait, Monsieur Personne, c'est l'Homme Invisible. Un retour sur la création de H.G.Wells. Mais qu'est-ce que l'invisibilité? La capacité scientifique de ne pas réfracter les rayons lumineux et d'échapper à la vue des autres, ou tout simplement ne pas trouver sa place, ne pas être en mesure de se faire accepter et de jouer un rôle au sein d'une communauté, quelle qu'elle soit? 

764 habitants et une seule bonne âme pour écouter et rencontrer notre invisible man : une fillette de seize ans, qui au passage commence à mieux cerner le monde qui l'entoure. Une relation platonique qui ne tombe ni dans le mièvre ou le malsain, et n'a d'autres ambitions que d'unir brièvement deux solitudes différentes, qui trouvent un espace illusoire de réconfort dans cette tranche de vie partagée. Notre Nobody est-il d'ailleurs aussi gentil, et victime qu'il y parait aux lecteurs? Peut-il être tenu pour responsable des drames qui ont récemment traversé son existence, puisqu'ils sont la conséquence de ses recherches scientifiques, de ses ratés professionnels? Le monde selon Jeff Lemire est cette fois noir, blanc, et bleu, avec un trait toujours aussi porté sur l'abstrait, le naïf, l'essentiel. Derrière le charme en apparence essentiel et maladroit de ses planches, le canadien signe une autre prestation de grande volée, où les silences des personnages valent autant que des discours dithyrambiques (Vicky, la fillette, et son père), où la banalité du quotidien (une balade près d'un lac, la neige en hiver) devient exercice poétique sans forcer, sans même la volonté de jouer sur la corde sensible du lecteur. Les travaux de Jeff Lemire ont ce don, de transcender passé, souvenirs, émotions, intégrité, et la nature, pour en faire une oeuvre d'art grouillante de vie et d'authenticité, qui interroge nos propres certitudes sur l'existence. L'invisibilité, chez lui, n'a jamais été aussi belle à voir. 




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OLDIES : LES MAINS DU MANDARIN (UN CROSSOVER AVEC IRON MAN)

Les Mains du Mandarin. C'est bien là que réside son pouvoir, et tout le problème pour Tony Stark. C'est que le vilain asiatique a une dizaine de bagouzes autour des doigts, avec lesquelles il compte conquérir le monde. Chacune d'entre elles lui confère un pouvoir formidable, et lorsque en plus il découvre une source de puissance extraordinaire et maléfique, baptisée coeur des ténèbres, c'est l'assurance d'un bouleversement géo-politique à la surface du globe. Le Mandarin plonge la Chine dans un vaste champ anti technologique qui fait reculer le pays à l'ère féodal, et rend caduque toutes les inventions réalisées depuis lors. Même chose en sa demeure : quiconque y pénètre ne peut bénéficier d'aucun système électronique connu, tout tombe systématiquement en panne. Un comble quand on sait que son adversaire a comme botte secrète sa double identité d'homme en armure, à la pointe du progrès. C'est un Mandarin déchaîné qui occupe la scène, bien décidé aussi à se venger d'Iron Man, qui lui a couté ses deux avants-bras, déchiquetés lors d'une aventure précédente (The Dragon Seed Saga), ainsi que la dispersion des dix anneaux du pouvoir. Depuis les membres ont repoussés (sous la forme d'appendices mutants reptiliens) et il a retrouvé sa joaillerie. Tony Stark, lui, n'est pas au mieux de sa forme, et il est blessé dans son amitié, quand Rhodey, l'ami de toujours, use son armure de War Machine pour s'ingérer dans des conflits au bout du monde, et qu'il refuse de la lui restituer après cette bravade toute personnelle. Du coup les deux best friends se tapent dessus, ignares qu'ils sont en train de faciliter le travail du perfide Mandarin.


Ce crossover des années 90 reste toujours plaisant à lire, bien des lustres après sa publication. On peut même être surpris de la décision de Panini de ne pas avoir tenté une version librairie au moment de la sortie du troisième film Iron Man dans les salles, comme a pu le faire Marvel, dans un joli tpb complet, de l'autre coté de l'Atlantique. Crossover, car trois titres sont concernés par cette saga. Iron Man, bien sur, mais aussi War Machine (l'armure grise confiée à James Rhodes) et Force Works. Cette dernière est la nouvelle incarnation de l'ancien mensuel Avengers West Coast. Une sorte de version plus moderne et spectaculaire, avec des méthodes et un ton plus radicaux (et un Us Agent au sommet de sa forme et de sa gouaille). Le tpb américain a la bonne idée d'ajouter au menu toutes les pages extraites de Marvel Comics Presents, un titre anthologique qui proposait alors plusieurs récits brefs de sept huit pages, chaque mois. C'est là dedans qu'un petit trésor comme l'Arme X de Windsor Smith a été publié, par exemple. Coté dessins, il ne faut pas être très exigeant, il y en a pour tous les goûts, et souvent c'est assez expéditif et brutal. J'aime assez bien le style taillé à la serpe de Tom Morgan, par exemple, bien que ce soit canoniquement et plastiquement loin d'être susceptible de plaire à tout le monde, car c'est cahotique et peu orthodoxe. En Vf, c'est Semic qui proposa le tout dans le mensuel Titans, que vous pourrez retrouver assez facilement pour quelques euros sur les forums spécialisés ou chez un bouquiniste. Pour finir, mentionnons quelques uns des esprits derrière ce projet : Abnett et Lanning, comme d'habitude ensemble, mais aussi Len Kaminski, ou encore Scott Benson. Bref, des artistes rodés à ce type de travail, qui font de leur mieux pour offrir au Mandarin un statut de grand vilain majestueux, qui lui sied comme un gant. Un bon bain de jouvence, pour se replonger au milieu des nineties, avec leurs qualités et leurs défauts.


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CHASM : LE FARDEAU DE KAINE (UN FARDEAU POUR LES LECTEURS)

 En mars 2024, Marvel a publié un gros fascicule intitulé Web of Spider-Man , censé donner un aperçu de quelques unes des trames sur le poin...