NEXT MEN VOL.3 : LE GRAND JOHN BYRNE CHEZ DELIRIUM


 Sortie attendue chez Delirium en ce mois de novembre (et on en reparlera très vite de cet éditeur passionnant, car Richard Corben est aussi au menu de cette fin d'année) avec le troisième volume des Next Men de John Byrne. Si l'auteur est assez connu des lecteurs (et un omnibus Fantastic Four, en ce moment chez Panini, vient rallumer la flamme) pour ses prestations sur Uncanny X-Men ou Alpha Flight, entre autres, il est aussi le démiurge d'une bande dessinée de science-fiction superbe, audacieuse, pour ne pas dire indispensable, au début des années 90. Next Men, c'est donc l'histoire de cinq jeunes "héros" nés en laboratoire, élevés dans une réalité virtuelle mais qui se "réveillent" dans le monde réel, des mystères qui les entourent, de la difficile gestion de leurs pouvoirs et des effets inévitables (un peu comme un jeu de domino fatal)  qui vont découler de leur influence sur la société mondiale. La série de Byrne contient également un long prologue, 2112, qui a aussi été publié par Delirium, engagé dans une Intégrale de superbe facture, grand format. Pourquoi Next Men reste une valeur sûre, en 2021, trente ans plus tard? La raison est un récit simple, mais à la fois dynamique et prenant, où Byrne ajoute également son trait classique, détaillé et évocateur, qui en fait un dessinateur "madeleine de Proust" pour la génération Strange/Lug. La construction des planches, les jeux de lumière, les angles de vue, mais surtout l'élégance des figures humaines (une plastique si fluide!) et l'habileté dans la construction et la variété des visages et des expressions (un bémol sur les petits enfants, le talon d'Achille de Byrne), indiquent la pleine maturité artistique d'un artiste majeur, considéré comme l'un des plus grands maîtres de sa génération jusqu'au tournant du XXI° siècle, peut-être trop vite confiné dans l'oubli par la plupart des lecteurs contemporains. En attendant, place à ce dernier tome, qui présente tout ce pour quoi on aime cette série. De la méta bande dessinée (avec des artistes comics eux même présents dans le récit, sans oublier leurs propres personnages!), l'apparition de guest stars savoureuses (les débuts de Hellboy, Concrete...), de l'action et des rebondissements en permanence. 




Les Next Men ne sont pas sans rappeler d'autres formations de super-héros comme par exemple les célèbres X-Men, mais c'est surtout le traitement humain des personnages qui fait la différence, et on ne les voit pas courir partout en costume pour sauver la veuve et l'orphelin. Le quintet de départ est composé d'une super acrobate du nom de "Jazz" Jasmine, de Jack, une sorte de titan qui ne contrôle pas sa force, Bethany qui est totalement invulnérable et ne ressent pas de sensation, ce qui peut être très frustrant. Nathan lui est capable de voir un spectre bien plus large que la moyenne tandis que Danny est un bolide. Leur ennemi principal s'appelle Sathanas; il vient du futur, et c'est une sorte de cadavre engoncé dans une forme robotique. Il a à sa botte le vice-président, puis président des États-Unis Hilltop, avant qu'un coup de théâtre dans les derniers épisodes viennent jeter un nouvel éclairage sur ce rapport complexe. Les Next Men sont aussi aidés par l'agente Tony Murchison, elle-même au service d'un individu peu recommandable que tout le monde appelle Contrôle. Le tome 3 s'ouvre sur une espèce de débandade, avec une équipe qui est poursuivie y compris sous terre, où elle finit par rencontrer le révérend Michael Benedict. Mais ce sont les épisodes suivants qui sont vraiment extraordinaires. On y retrouve notamment de vrais auteurs de comics aux prises avec leurs propres personnages qui débarquent dans notre réalité, sans savoir que ce qu'ils y font. Ils ont en fait tous convoqués par les pouvoirs de Sandy, une jeune femme qui travaille pour la maison d'édition Dollar Comics, qui depuis qu'elle a eu des rapports sexuels avec Danny a vu ses gènes particuliers "activés" comme ceux des Next Men. En gros nous avons là des héros qui peuvent être sexuellement contagieux. Certes ce n'est pas le sida ou une MST, mais c'est un pouvoir latent qui explose en vous, et il n'est pas forcément maîtrisable. Ces épisodes sont splendides; on se retrouve même avec un vilain des comics aussi affreux que surpuissant, qui exige des explications de son créateur, sur les terribles vicissitudes que celui-ci lui fait vivre, sans motif apparent. Un sujet aussi  abordé dans Animal Man par exemple, avec Grant Morrison. Jasmine finit même par être capturée et elle subit un lavage de cerveau des plus cruels, qui vise à lui faire accepter une toute autre réalité que celle qu'elle a toujours connu. Il s'agit donc d'une double mise en abyme car "Jazz" à du s'adapter au monde véritable, après sa période de formation dans une univers idyllique constitué par un laboratoire. C'est le président Hilltop qui a mis en place ce plan machiavélique, car il voudrait savoir où se trouvent les autres Next Men. Cerise sur le gâteau, en se faisant passer pour son époux, il va pouvoir avoir avec elle des relations sexuelles et donc activer à son tour des pouvoirs formidables. Le titre arrive à sa conclusion tout en gardant une porte de sortie qui sera exploitée par la suite, avec des épisodes intitulés Aftermath; c'est néanmoins le clap de fin pour la grande série régulière des années 90 de John Byrne, où il est question de tout un tas de sujets qui fusent. Cela va de l'avortement (qui plus est subi et forcé, une scène terrible) au racisme, en passant par l'homosexualité, le pouvoir des rêves et de la création, ou encore des considérations politiques et sociales beaucoup plus intelligentes qu'elle ne sembleraient. C'est en fait quasiment indéfinissable! Les Next Men méritent absolument que vous les découvriez si cela n'a pas encore été fait; l'édition proposée par Delirium est de très grande qualité et c'est un écrin parfait pour celles et ceux qui veulent posséder une version définitive des mésaventures de ces antihéros, qui ont tout à apprendre d'un monde où ils ont bien du mal à trouver une place. Une des sorties les plus attachantes de la fin d'année!



HAWKEYE SUR DISNEY + N'A PAS ENCORE MIS DANS LE MILLE


 Chaque nouvelle série sur Disney + est accueillie comme un petit événement, car désormais vous le savez, l'univers cinématographique des Marvel Studios est complétée et enrichie régulièrement par ce type de proposition, qui la plupart du temps annonce même les longs-métrages à venir. Place donc au plus formidable archer de l'univers Marvel, à savoir Œil de faucon. Pardon, si vous êtes de la nouvelle génération, pour vous ce sera définitivement et uniquement Hawkeye. Il faudrait même d'ailleurs dire place à deux Hawkeye puisque deux personnages se partagent ce sobriquet. Clint Barton, qui est membre des Avengers -inutile de le présenter- est le premier; par contre sa nouvelle protégée, qui apparaît dans la série comme une gamine de riche particulièrement énervante, s'appelle Kate Bishop. Elle a été fortement influencée par Clint, qui lui a probablement sauvé la vie durant l'invasion des Chitauris; à partir de là elle a tout fait pour se hisser à la hauteur de son modèle et aujourd'hui elle aussi sait faire des miracles avec un arc et des flèches. Les deux premiers épisodes sont sortis cette semaine sur la plate-forme Disney Plus, et il faut être honnête, ce n'est pour l'instant pas une réussite totale, loin de là. Tout d'abord la série manque cruellement de rythme. Ce que l'on a pu voir pour l'instant a tendance à ronronner, le premier épisode a même des côtés fortement irritants, puisqu'il met en scène des festivités de Noël à la manière des vieux téléfilms américains d'autrefois. Clint Barton en famille, avec ses enfants, ça n'est pas non plus la trame idéale pour faire décoller un show super héroïque. Certes un peu d'intimité sert à renforcer la psychologie et les attraits que peuvent avoir les personnages, mais là on a tendance à piquer du nez dans l'assiette. Heureusement, la jeune Kate Bishop va se mettre dans de sales draps, dès l'instant où elle se met à espionner et à tenter d'en savoir plus sur la fortune et les secrets qui entourent son futur beau-père et sa famille. Si je vous dis Armand Duquesne, vous devez tout de suite penser au Swordsman, si vous êtes un habitué des comics. Autrement, ça ne vous dira probablement rien. Bref la petite va fouiner et c'est là enfin le vrai point de départ de la série.



Pour ce qui est de l'ambiance, de l'habillage, de l'esthétique, vous êtes priés de connaître le run de Matt Fraction et David Aja, dont on vous a déjà parlé sur ce blog (mais oui, ça se passait ici). La trame qui voit Kate en fuite, rencontrer Clint, adopter malgré elle un chien qui dévore avec délectation de la pizza (le fameux Pizza-Dog, qui a d'ores et déjà un webtoon programmé à son actif), mais aussi voit arriver sur la scène une bande de malfrats en survêtements, venus des pays de l'Est, bref, tout ceci découle des mêmes sources. Mais là où le comic-book était réellement truculent, et pouvait utiliser pleinement les trouvailles et les gimmicks que le média consent aux auteurs inspirés,  la série se contente d'aligner des redites, des imitations, qui fonctionnent beaucoup moins bien, car insérées dans une narration et des intentions beaucoup plus conventionnelles. L'humour est fort présent, et joue la carte du troisième degré et de l'absurde. Parfois ça passe, parfois ça casse, toujours on flirte quand même avec la ligne rouge. On notera ainsi une fausse comédie musicale sur les Avengers à laquelle assiste Clint Barton, ou encore la participation de ce dernier à un jeu de rôles médiéval plutôt pathétique. Pendant ce temps-là, Kate elle est l'élément inexpérimenté, la fonceuse qui met les pieds dans le plat et s'étonne naïvement des déboires qui lui pendant au nez. Une Kate Bishop Kate qui est jouée par la pétillante Hailee Steinfeld, que nous avons déjà vue dans Bumblebee il y a quelques années et qui, ironie du destin, a prêté sa voix à Spider-Gwen dans Spider-Man: A New Universe. Elle est également la voix américaine de VI dans la série Arcane de Netflix, qui cartonne. L'essentiel de ces deux premiers épisodes, c'est finalement ce qu'ils promettent, laissent espérer, ce qu'ils peuvent induire. La présence du personnage d'Echo, par exemple, qui soulèvent bien des questions (il faut s'attendre à une version différente de celle de l'univers Marvel traditionnel) ou encore celle de guest stars de prestige à venir, ou d'un grand vilain charismatique qui pourrait projeter l'ensemble dans une autre dimension. Le regard attendrissant de Pizza Dog, quelques quiproquos et des flèches, ce n'est pas encore assez pour mériter le déluge de louanges qui de toutes manières est de rigueur sur Twitter, dès que les "influenceurs de profession" commencent leur travail de sape, orientés par des conflits d'intérêts évidents. Promis, Hawkeye n'est pas une mauvaise série (pour ce qu'on en a vu) mais c'est loin d'être passionnant et jouissif. Les débuts les plus modestes depuis l'intronisation de Disney +, assurément. 



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : SOUS LES GALETS LA PLAGE


Dans le 116e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Sous les galets, la plage, album que l’on doit à Pascal Rabaté, édité chez Rue de Sèvres. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album Jean Gabin, l’homme aux yeux bleus, que l’on doit au scénario de Noêl Simsolo, au dessin de Vincenzo Bizzarri et c’est édité chez Glénat dans la collection 9 1/2

– La sortie de la première partie de 47 cordes, un diptyque que l’on doit à Timothée Le boucher et aux éditions Glénat dans la collection 1000 feuilles

– La sortie de l’album Les strates que l’on doit à Pénélope Bagieu et aux éditions Gallimard

– La sortie de L’été de cristal, premier volet de La trilogie Berlinoise que l’on doit à Philip Kerr, adaptée ici par Pierre Boisserie au scénario, François Warzala au dessin et c’est édité aux Arènes BD

– La sortie de l’album Innovation 67 que l’on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin de Baudouin Deville et c’est édité chez Anspach

– La réédition en un volume de l’album Des villes et des femmes que l’on doit au scénario de Bob de Groot, au dessin de Philippe Francq et c’est édité chez Dargaud



VAN HELSING Vs ROBYN HOOD : UN PETIT TOUR CHEZ ZENESCOPE ET EDITIONS REFLEXIONS


On me pose parfois une question pertinente. Toujours les big two, et pourquoi ne pas laisser plus de place aux éditeurs plus confidentiels, et parler notamment des héroïnes sexy qui pullulent aux States? En gros, pourquoi ne pas aborder Zenescope, qui s'est forgé une solitude réputation dans ce domaine. Et bien le défi est relevé, cap sur Editions Reflexions; on est allé (re)lire l'album consacré à Van Helsing Vs Robyn Hood. Où il est question d'une archère aux formes avantageuses, et de vampire. Pour ceux qui l'ignorent, Liesel Van Helsing est anglaise, et elle chasse les vampires, donc. Robyn Locksley elle, est un peu la Green Arrow de Zenescope, et si vous la payez ce qui convient, elle peut résoudre vos problèmes avec ses flèches. Les deux demoiselles sont sur les traces d'un mystérieux trafiquant de drogue, qui ne se contente pas de produire un poison pour la ville, mais expérimente également sur des cobayes humains. Ralph Tedesco, le scénariste de cette rencontre, a le mérite de donner autant d'espace aux deux plantureuses créatures de son histoire. Une remonte la piste de la drogue, car il est aussi question de vampirisme, comme le lecteur le découvre à la fin du premier épisode (enfin, il a compris au début également, s'il n'est pas aveugle). L'autre a été engagée pour retrouver Jared, le fils d'une nouvelle cliente. On notera que le tout est très linéaire et ne souffre guère de digression. Introduction des deux personnages, avec le motif les poussant à se jeter à l'eau, début de l'enquête avec très vite une rencontre affectueuse, puis la révélation du dessous de l'histoire, suivi d'un twist qui donne les crocs (jeu de mots pour qui a lu ou lira).



Car oui, cette nouvelle drogue est en fait une substance qui "vampirise" les victimes, et vous le savez, les créatures de la nuit sont dangereuses, surpuissantes, et corvéables à merci. Bref une main d'œuvre de choix quand votre ambition est de devenir le maître de la pègre, d'abord de la ville, puis de la nation... En cours de route, comme le veut la règle de la tension narrative, une des deux héroïnes va se faire mordre, et devenir à son tour une méchante vampire prête à se repaître de sang! Allan Otero dessine ces quatre épisodes dans un style qu'on peut qualifier de "totally Zenescope". Sans pour autant faire dans la vulgarité, il soigne son travail et les planches sont assez jolies, bien construites, on est agréablement surpris par la lisibilité de l'ensemble, qui en plus n'est pas étouffé sous trop de textes ou de didascalies. Il est bien épaulé par Leonardo Paciarotti aux couleurs, et on a l'impression de lire quelque chose qui prend le contrepied des choix artistiques de Marvel, par exemple, à savoir la volonté évidente de proposer un comic-book soigné et répondant à certains canons acceptés facilement des lecteurs, sans la moindre prétention révolutionnaire. Ce serait même encore mieux, si hélas le travail en digital ne finissait pas par appauvrir la finesse du trait, aplatir le produit fini, par le stériliser. Mais bon, vous savez quoi? Si on replace cette lecture dans son contexte, et qu'on la compare au public clairement visé, on a l'impression que Zenescope (et par ricochet Reflexions) a vu juste. Une mini série sympathique et qui ne prend pas la tête, qui est aussi une porte d'accès assez évidente pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec les deux héroïnes de cet univers. Vous pouvez tenter le sort.  



ONSLAUGHT : L'OMNIBUS NOUVELLE VERSION DU GRAND CROSSOVER MUTANT



Être le professeur Xavier, ce n'est pas une sinécure. Non seulement le type est le chef et père spirituel des X-Men, mais c'est aussi un des télépathes les plus puissants de la planète, un mutant qui a passé une bonne partie de son existence à cacher ses dons au grand public, quelqu'un dont la structure même de notre réalité dépend fortement (comme on a pu le constater, sa mort apocryphe fut sur le point de départ de l'Ere d'apocalypse). Ajoutez à tout ceci une passion charnelle jamais assumée pour la jeune élève Jean Grey, et tôt ou tard il était logique que ce bon vieux Xavier bascule du côté obscur. C'est advenu dans les années 90 chez Marvel, une époque où d'ailleurs la Maison des Idées elle aussi était tout près de basculer dans un autre univers, celui de la faillite et de la déroute totale. À l'époque nous assistions à une débauche de crossovers tous aussi musclé les uns que les autres, avec un point commun pas forcément si rassurant, une surenchère continue dans l'extraordinaire, pour ne pas dire l'improbable. Pour autant, avec le recul, Onslaught garde toujours un capital sympathie indéniable et on trouve tout un tas de choses très intéressantes et pertinentes au long des nombreux épisodes qui composent cette saga. C'est la fusion du rêve de Xavier et de la vision radicale de Magneto, une perversion qui finit par donner naissance à un être surpuissant, engoncé dans une armure menaçante, et qui met la pâtée à un peu tout le monde, épisode après épisode, bouleversant profondément l'intégralité (ou presque) des parutions Marvel de l'époque. C'est Jean Grey donc qui s'y colle et qui découvre l'existence de la menace sur le plan astral; là elle ne peut pas faire grand-chose face à celui qui se définit comme un dieu en colère. Elle reçoit bien l'aide inattendue du Fléau, qui met à son service sa masse et sa force mais cela ne sert à rien. Lorsque la vérité éclate, il est trop tard et les lecteurs ont enfin la réponse à la question qui les tourmentait depuis longtemps, à savoir qui est le traître qui risque de mettre un terme à la longue carrière des X-Men (Gambit n'a toujours pas porté plainte). Ces derniers traversent une période délicate avec notamment un Wolverine revenu à l'état sauvage, dont les griffes sont désormais constituées de ses propres os, et dont la pilosité est débordante. Le Fauve lui a subi l'enlèvement et les tortures de son équivalent débarqué de l'Ere d'Apocalypse. Nathan Grey, alias X-Man, est un nouveau mutant surpuissant qui se joint à la bande, mais son espérance de vie est réduite et il sait que son destin est de s'éteindre aussi vite qu'il utilise ses formidables ressources. Peu importe, car en vérité, tout le monde va se prendre une rouste dantesque, une vraie humiliation, orchestrée par Jeph Loeb, Scott Lobdell, Mark Waid, et d'autres encore!  




Parlons un peu de la structure même d'Onslaught. Toutes les séries X-Men, Fantastic Four et Avengers ont été concernées pendant deux mois par ce qu'on a appelé des "phases", c'est-à-dire des chapitres à ne pas manquer. Le scénario principal s'est déroulé par étapes, avec Onslaught qui affronte les X-Men, les Fantastiques et les Vengeurs, pour acquérir un pouvoir absolu et dominer la Terre. Mais pour ce faire, il avait besoin de Nate Gray et Franklin Richards, les jeunes mutants les plus puissants de la planète. Parmi les points fondamentaux de la saga il faut retenir : Le combat Hulk / Cable durant lequel le géant vert est possédé par Onslaught. L'assaut des Sentinelles, dirigé par Onslaught lui-même, à Manhattan. La libération de Xavier. On comprend alors que le Professeur n'était qu'une partie de la créature. La tempête électromagnétique qui assomme des héros high-tech comme Vision et Iron Man et provoque une tragique panne d'électricité. En parallèle à ce qui est donc l'ossature du crossover, les autres histoires, celles qui sont concernées au premier chef mais non indispensables absolument, méritent le sobriquet d'"Impacts". Les faits saillants sont alors Wolverine qui découvre les origines d'Onslaught; alors que Xavier anéantissait l'esprit de Magneto, comme punition pour avoir arraché tout l'adamantium du corps de Wolverine, le côté mauvais se manifesta en lui. Onslaught n'était donc pas simplement "Xavier devenu méchant", mais le résultat de la fusion des esprits de Xavier et Magneto.. Mais aussi Excalibur qui découvre que dans les Protocoles Xavier le professeur avait écrit une bonne méthodes pour tuer chacun des X-Men (à côté Batman est un amateur). La version "Ere d'Apocalypse" du Fauve qui devient l'alliée d'Onslaught et fait un lavage de cerveau à Havok. Spider-Man (Ben Reilly) et Peter Parker qui affrontent des... Sentinelles. Oui, monsieur!
Faut-il donc encore insister? Oui, Onslaught est souvent le prétexte à de grosses batailles rangées qui s'étalent sur des pages, bien dans le style des années 90 (Kubert, Deodato, Madureira, Bachalo, Matsuda, Skroce, Churchill...). Autrement comment expliquer l'arrivée de Post, le héraut de Onslaught, si celui-ci est aussi puissant? C'est hautement destructeur et jouissif, et il flotte un vrai parfum de décadence, de fin d'époque, de possibilité de voir le monde Marvel à genoux, une fois pour toutes. Tout le monde est là, l'union est palpable, la tension atteint des niveaux rarement égalés. Mais soulignons aussi que pour maintenir la qualité sur autant d'épisodes, sans baisse de régime artistique ou scénaristique, il aurait fallu un miracle, et par endroits les pages sont assez vilaines, puis on peut se mettre à bailler quand pour la dixième fois en trente pages les baffes et les bourre-pif se mettent à voler. Reste aussi que le final, et pire encore ses conséquences, sont bien moindres comparés à nos attentes initiales. Et surtout, last but not the least, Onslaught aura un appendice parfaitement inutile et bâclé, Onslaught Reborn, par Loeb et Liefeld, qui est toujours, en 2021, un des pires comic books de tous les temps, une punition innommable à réserver à vos pires ennemis. Alors l'Omnibus chez Panini, faut-il investir? Sérieusement, si vous aimez les années 90, si vous en êtes nostalgiques, la question ne devrait même pas se poser! 



NO ZOMBIES TOME 1 : LE LIVRE DE JOSEPH




 En règle générale les histoires de zombies sont toutes un peu semblables, et au bout d'un petit moment, elles se transforment en vastes shoot them all, c'est-à-dire que pour survivre les personnages sont obligés d'éclater les morts-vivants à coups de batte de base-ball ou d'une balle en pleine tête. C'est la règle: d'un côté des cadavres ambulants qui ne pensent qu'à boulotter de la chair humaine, de l'autre côté une population désespérée qui tente de s'en sortir, tout en se méfiant car le danger est aussi bien souvent tout à fait humain; Ici l'intérêt est que un vaccin a été mis au point! Oui, vous entendez, bien mieux encore que le Pfizer ou le Moderna pour prévenir le covid-19, il existe dans l'univers de No Zombies quelque chose qui permet de dézombifier ceux qui ont été contaminés; bref, de ramener à la vie, à la pleine conscience, ceux qui il y a encore quelques jours erraient dans les bois ou dans les rues désertes, prêts à dévorer de la cervelle. Si le nombre des zombies ne cesse d'augmenter et que le chaos est général, il reste toutefois un petit espoir puisque ce n'est pas une situation sans retour. Le survivant continue d'avoir des cauchemars et se rappelle certains de ses actes en tant que zombie, mais peu un peu il redevient un homme, ce qui est l'essentiel. Cette histoire suit un groupe de 4 personnes, Joseph, Cassandra, Ruben et Toby, qui se lance dans une sorte de mission de la dernière chance. Joseph est d'origine amérindienne et c'est lui qui ouvre la voie et indique le chemin à suivre pour s'en aller aider tous ceux qui sont dans le besoin. Il faut dire qu'en réalité il a aussi un autre objectif, que nous préférons ne pas vous dévoiler, mais qui le concerne tout particulièrement. Les quatre courageux n'ont pas la vie facile car comme vous pouvez l'imaginer, à chaque fois qu'ils croisent une communauté qui tente de s'en sortir, la première réaction c'est la peur, le rejet, et de voir en eux une amène brigade de pillards prêts à s'en mettre plein les poches. Du coup il n'est pas simple dans le monde de No Zombies de vacciner la population... à côté, la "3e dose" c'est une plaisanterie!




De l'espoir donc, avec dans ce premier volume la rencontre d'une communauté qui parvient à survivre sans trop de dommages, et qui a à sa tête un des plus grands génies du siècle, un inventeur, un visionnaire, un homme de science et ultra riche, qui n'est pas sans faire écho à quelqu'un que vous allez vite reconnaître. Mais là encore, la réalité n'est pas forcément celle qu'un premier regard superficiel pourrait révéler, et quand elle se dévoile enfin, les ombres qui noircissent le tableau s'accumulent, d'autant plus que comme toujours dans ce genre d'histoire, l'homme finit par être un tel problème pour l'homme, que les zombies, en fin de compte, sont d'un mode opératoire et d'une motivation simplistes et plus facilement gérables. Olivier Peru parvient à présenter un premier tome remarquable, qui maintient en haleine du début à la fin, et qui se démarque habilement de l'avalanche de récits zombiesques disponibles en librairie. Au dessin Evgeniy Bornyakov est lui aussi excellent, avec des planches vraiment agréables, très lisibles, riches en détails et en expressivité des personnages. La couleur de Simon Champelovier accompagne l'ensemble avec brio, et on se prend à dévorer, non pas de la chair humaine, mais cet ouvrage, avec l'envie d'avoir le plus rapidement la suite, c'est à dire trois autres tomes. Très bonne surprise à découvrir chez Soleil. 



HARD BOILED : MILLER ET DARROW SANS LIMITE CHEZ FUTUROPOLIS


 Il est de bon ton aujourd'hui de faire la fine bouche quand on évoque Frank Miller, dont les derniers travaux en date n'ont pas toujours été incontournables, ni les déclarations très inspirées. Mais ne vous y trompez pas, si les comics sont ce qu'ils sont de nos jours, s'ils sont même toujours là, aussi fringant, c'est en partie à l'ami Frank, et à une poignée d'autres iconoclastes démentiels que nous le devons, tant ils ont, à partir de la fin des années 80, apporté un vent frais dans une industrie qui flirtait avec la sclérose. Si Hard Boiled n'est pas son chef d'œuvre absolu, c'est assurément une histoire coup de poing, un de ces récits dérangés et dérangeants qui vous tombent dessus et vous assomme. Le protagoniste se nomme Carl Seltz, il est marié à une fort jolie créature qu'il aime durablement et le couple a deux enfants. En apparence donc, une vie rangée, pas de quoi en faire ce genre d'album. Sauf que dans le même temps il est aussi Nixon, agent spécial chargé de la récupération de crédit pour une compagnie d'assurance, et sa technique est simple : Los Angeles est sa zone de guerre, tous les coups sont permis, c'est Mad Max en centre ville. Mais encore, Carl et Nixon sont aussi l'unité 4, un assassin robotique ultra performant et "réparable à volonté" qui est le seul et dernier espoir des siens, à condition qu'il reprenne contact avec sa vraie nature, et qu'il cesse de se voir comme un humain normal, en dépit des apparences flagrantes. Un hybride de la cybernétique la plus délirante, un cauchemar cyberpunk où le récit est lancé comme un camion dans un étroit couloir. La subtilité n'est pas au rendez-vous, mais plutôt l'explosion permanente de violence, une succession jouissive d'accidents, de projectiles, de membres brisés ou arrachés. Souvent d'ailleurs les dégâts sont présentés sous forme d'une seule vignette, une splash page qui en dit plus long qu'un discours stérile. Il faut dire que le dessin est l'œuvre de Geof Darrow, qui n'a jamais oublié les leçons et l'impact d'une rencontre avec Moebius, en 1982, sur la plateau de Tron. Outre un sens de la narration malin et efficace (pas simple quand le scénario est de la nitroglycérine instable), l'artiste soigne tellement les détails, les clins d'œil, les moindres recoins de ses planches, qu'on peut systématiquement s'y arrêter, pour se rincer les mirettes, et s'extasier de tant de patience et d'inspiration conjuguées. 



Chez Futuropolis, on a mis les petits plats dans les grands. Hard Boiled n'est pas une nouveauté à proprement parler, puisque le récit est sorti voici trente ans, mais il bénéficie aujourd'hui d'un grand format du plus bel effet, retravaillé, retraduit. L'objet est alléchant, et on peut désormais profiter pleinement des dessin de Darrow, et de sa folie créatrice débordante. L'histoire de Miller respire l'aliénation d'une société moderne où tout est déshumanisé, ou l'identité même est en danger, devant le surgissement d'une robotique omniprésente, d'un futur où la technologie et la science effacent progressivement l'humain, à qui il ne reste plus que l'abrutissement d'un quotidien répétitif et vidé de sens, et dirigé en coulisses par des multinationales, avec  à leur tête (dans le cas présent) un amas de lard dégoûtant, un monstre adipeux sur le corps duquel rampent de jeunes masseuses comme autant de poupées déshumanisées. Des victimes donc, comme celles qui prennent imprudemment le métro le jour où les robots assassins unités 2 et 4 s'y livrent une lutte acharnée. Hard Boiled n'a rien de sérieux, au premier degré, c'est une orgie, une surenchère permanente de désastres, d'explosions, de violence destructrice, mais derrière le grand guignol des situations, c'est l'absurdité et la castration de l'ère moderne qui alimente une histoire tendu comme un élastique, toujours au bord de la rupture, qui se lit d'un trait, et sans concession. Et c'est beau à voir, pour ne rien gâcher. Très beau! 



SQUID GAME : LE JEU TERRIFIANT DU MOMENT SUR NETFLIX


 Vous avez peut-être découvert Squid Game le jour où votre petit dernier, élève de sixième au collège de Troufouillie les oies, est revenu à la maison avec une déviation de la cloison nasale et un double traumatisme crânien et thoracique. Les jeunes sont espiègles, ils s'amusent d'un rien. Ou alors c'est qu'ils s'inspirent de la série coréenne du moment, diffusée sur Netflix, et qui leur est pourtant interdite (mais encore faudrait-il que les parents lèvent le nez de leurs propres smartphones, pour que soit respectées les consignes élémentaires de sécurité sur le net). Écrite et réalisée par Hwang Dong-hyuk, la série se concentre sur de terribles mésaventures impliquant 456 personnes en marge de la société, qui décident de participer à un jeu de massacre aussi dingue qu'inattendu, pour gagner une somme faramineuse. Une récompense qui pourrait leur rendre un avenir, jusqu'ici bien sombre. Six épreuves en tout, six jeux en apparence anodins, pour ces Olympiades du désespoir (à commencer par un, deux, trois soleils en ouverture) où la défaite signifie aussi mourir, froidement abattu. Squid Game, c'est donc un récit de survie, de détresse économique, la version ultra torturée, gore et cynique de Parasite, récente palme d'or à Cannes. Là aussi la cassure entre ceux qui ont tout, et ceux qui n'ont presque plus rien (à perdre) assume une dimension tragique. La pauvreté et le besoin sont les leviers que manipulent les organisateurs, tout comme les ultra riches gagnants du capitalisme orchestrent nos vies, chaque jour, à la lisière de l'humiliation, et nous les remercions pour les quelques miettes qui tombent du festin dans nos maigres escarcelles. Homo homini lupus, et oubliez donc la solidarité, l'espoir, et envisagez plutôt d'accepter jusqu'où vous êtes prêts à aller, pour décrocher la timbale. Parfois il faut savoir faire preuve d'individualisme, affronter l'épreuve en solo, d'autres fois il s'agit au contraire de compter sur la solidarité, de former des équipes, enfin le pire, comme au cours d'un sixième épisode en tous points brillant, c'est lorsque les amis, les alliés, se font face et savent qu'il ne peut y avoir de double vainqueur, mais qu'il faut bien qu'un triomphe pour que l'autre soit froidement abattu. C'est là que le pathos et la caractérisation des différents personnages atteint son climax, et il est impossible d'aller au bout de cette heure éprouvante sans avoir un frisson glacé le long de l'échine.



Squid Game est en fait une série intelligente, horriblement contemporaine, qui parvient à mélanger camp de concentration et fête foraine géante (là où les joueurs sont détenus/accueillis), fascisme et révolution populaire, satire sociale et misère humaine. On pourrait presque se mettre à rêver et voir la série comme une ode à l'égalité des chances, à l'abolition des castes entre les individus, mais ce n'est que poudre aux yeux pour mieux souligner la terrible différence entre ceux qui peuvent et font et ce qui ne peuvent plus rien et subissent les pires affronts. Même le libre arbitre n'est qu'un mirage : abandonner le jeu est certes possible dans un premier temps, mais ça veut dire recommencer à être harcelé à l'extérieur, mourir seul, pauvre, peut-être aux mains de la pègre ou asservi par des employeurs qui vous exploitent éhontément. Pour la plupart des participants, tout risquer est la seule solution sensée, face à un monde qui les a abandonnés et n'est pas prêt à leur pardonner leurs erreurs, et à les réintégrer dans la société. Plus rien à perdre, si ce n'est la vie. Le gigantesque prix en argent sonnant et trébuchant est un désir utopique, le mirage d'une richesse possible, mais qui en réalité n'est rien de plus qu'un leurre, pour cultiver l'illusion que tout le monde dans la vie peut devenir quelqu'un. Les yeux rivés sur les billets qui s'écoulent dans un globe géant, suspendu, les participants se sacrifient sur l'autel d'un mirage, dernier espoir si mince, si factice. Terrifiant. Votre petit dernier n'a probablement pas tout vu, tout compris, et il y a fort à parier qu'il s'est contenté de la touche avance rapide pour sélectionner uniquement les moments forts, l'hémoglobine et la violence. Autrement ce serait une très bonne chose, car il y a de belles envolées lyriques et une vraie science de la narration dans Squid Game. Qui je le répète, lourdement, n'est pas un problème en soi. Rambo n'a jamais provoqué l'apparition de millions de survivalistes en bandana, ni the Walking Dead l'apparition du cannibalisme dans les cours de récré. Par contre la bêtise et l'ignorance peuvent faire en sorte que des adultes aient peur de Squid Game, peut-être par paresse d'admettre qu'il existe un contrôle parental, ou que leurs enfants soient juste de sombres demeurés.



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : NOIR BURLESQUE


 Dans le 115e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente la première partie de Noir burlesque album que l’on doit à Enrico Marini, édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album La jeune femme et la mer que l’on doit à Catherine Meurisse et aux éditions Dargaud

– La sortie de l’album Go west Young man que l’on doit à Tiburce Oger, différents artistes en signent la partie dessin et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de l’album Lumière noire que l’on doit au travail conjoint de Claire Fauvel et Thomas Gilbert et c’est édité chez Rue de Sèvres

– La sortie de l’album Retour à Liverpool que l’on doit à Hervé Bouhris pour le scénario, Julien Solé pour le dessin et c’est édité chez Futuropolis

– La sortie du troisième tome de la série Faut pas prendre les cons pour des gens que l’on doit au scénario de Nicolas Rouhaud, Vincent Haudiquet, Jorge Bernstein ou Emmanuel Reuzé et au dessin de ce dernier, l’album est édité chez Fluide glacial

– La sortie de l’intégrale des Péchés mignons que l’on doit à Maïa Mazaurette (pour les tomes 3 et 4) et à Arthur de Pins et au dessin de ce dernier. Une intégrale éditée chez Fluide glacial



 
 

LES ÉTERNELS : NOUVEAUX PERSONNAGES POUR NOUVELLE ÈRE?


Coefficient de difficulté assez élevé pour Chloé Zhao et le projet Eternals. Il s'agit tout de même de présenter un film Marvel "différent" (entendre par là plus "d'auteur", donc crédible) basé sur une équipe/famille de personnages dont le grand public n'a probablement jamais entendu parler (et même chez les fans de comics, beaucoup se contentent d'opiner du chef, sans avoir lu l'œuvre séminale de Kirby, par exemple, ou encore la maxi série plus récente de Neil Gaiman). Ajoutez à ceci le fait que si la réalisatrice a reçu carte blanche et peut rendre une copie léchée en terme d'image, et ouverte à l'inclusivité plus qu'aucun autre Marvel movie auparavant (en gros, c'est de ça dont parlent surtout les chroniques en mal d'inspiration; sans compter ces gouvernements offusqués et arriérés qui ont interdit Eternals pour un simple baiser entre hommes), elle a dû aussi composer avec le fameux cahier des charges, ici illustré par de l'humour disséminé tout au long de ces deux heures trente, ou encore la bonne grosse résolution finale à base de catastrophe cosmique et/ou planétaire réglée à coups de bourre-pifs bien sentis. Pour faire bref, Ajak (Salma Hayek), Ikaris (Richard Madden), Sersi (Gemma Chan), Kingo (Kumail Nanjiani), Thena (Angelina Jolie), Gilgamesh (Don Lee), Makkari (Lauren Ridloff), Sprite (Lia McHugh), Phastos (Brian Tyree Henry) et Druig (Barry Keoghan) vivent sur Terre depuis sept millénaires, et protègent (en apparence) notre monde de la race des Déviants (clairement sous testostérone mutante, comparés à la version papier), tout en vouant leur combat à leur Dieu tout puissant, appelé un Céleste, du nom de Arishem. Mais quand on est éternels et au "chômage technique" depuis bien longtemps, que reste t-il de mieux à faire que de vivre, tout simplement, de se découvrir, au risque que les liens familiaux se relâchent? Chacun cherche sa voie. Pas la désunion, non, mais la diversité, l'individualité. Kingo est devenue une star du cinéma à Bollywood et flatte son égo avec la réalisation d'un documentaire à sa gloire. Gilgamesh s'est retiré des affaires pour veiller sur Thena, atteinte d'un mal incurable qui dévore l'esprit des Eternels, quand ils sont face à trop de souvenirs ingérables. Phastos aussi a renoncé au super héroïsme, pour fonder une famille, alors que Druig vit en Amazonie et use de ses pouvoirs de persuasion pour faire filer les choses à sa guise. Sersi, elle, a entamé une relation sentimentale avec un certain Dane Whitman, ce qui fera bondir de joie les lecteurs de comics, tout particulièrement ceux qui gardent un souvenir ému des Avengers écrits par Bob Harras. Eternals disassembled, en quelque sorte, jusqu'à ce que le drame frappe la famille, et sonne l'heure des retrouvailles. 



Les spectateurs comprennent qui sont les Eternels à travers toute une série de flash-back, qui nous amènent alors à appréhender le présent, où la menace des Déviant refait surface. Si les moments faibles ne manquent pas (les images élégiaques d'une Eternelle qui caresse le sable sur fond de coucher de soleil, ça ne mange pas de pain...) et si Ikaris, le plus fort des siens accumule les références à Superman (d'ailleurs les Eternels ressemblent d'avantage à la Justice League qu'aux Avengers), il faut attendre la dernière heure pour que la vérité se dévoile lentement, à travers tout un jeu de révélations,  de trahisons,  de décisions, qui portent en elles la grandeur et la raison d'être du film. Qu'on peut interpréter, globalement, comme une ode à la vie, à la tolérance, à refuser les dogmes qui façonnent les destins, au nom de croyances aveugles et mortifères. Un peu partout fleurissent aussi bien des accusations que des encouragements, en raison du caractère présumé du film, qui serait woke comme aucun autre avant lui chez Disney/Marvel. Outre que ça se veut pas dire grand chose, et que de toute façon nous partons d'assez loin à ce sujet, nous noterons juste qu'en effet que la diversité des individus est ici mise en avant, avec également un personnage muet, qui parvient tout aussi fluidement et simplement à communiquer avec ses coéquipiers et le spectateur. Chloé Zhao réussit clairement son parti pris du silence, de la beauté, par moments, et ne livre pas à un film paroxystique, où chaque minute doit être au service du spectaculaire, des combats, des effets spéciaux ou du stand-up comédie. On prend le temps, et parfois le risque, de ménager des pauses de respirations, où c'est la vie, l'humain (même pour êtres éternels) qui occupe l'écran. Et la bonne surprise du long métrage, si on revient au spectacle du merveilleux, est assurément cet Arishem, le Céleste impressionnant au coeur des croyances de nos nouveux "héros", qui ouvrent bien des perspectives dantesques pour une suite dans l'espace. C'est d'ailleurs parmi les étoiles, à en juger par le final et la première des scènes bonus, que devrait se prolonger l'aventure pour Ikaris et les siens, qui ne tarderont pas, si la logique est respectée par croiser la route des Gardiens de la Galaxie, pour ne pas dire croiser le fer. Pour résumer tout ceci, disons que si vous lisez qu'il s'agit d'un chef d'œuvre, ouvrez-vous au doute, vous aussi, car ce n'est pas le cas; inversement n'écoutez pas ceux qui évoquent une catastrophe, c'est un long métrage intéressant et pertinent, qui trouve son sens et son équilibre, en fin de compte.






MONSTRES : LE RETOUR MONSTRUEUSEMENT POIGNANT DE BARRY WINDSOR-SMITH


Barry Windsor-Smith est un artiste aussi rare que talentueux. Cela faisait bien longtemps que nous n'avions plus de nouvelles véritables de ce grand maître de la bande dessinée américaine; il est de retour cette année avec Monstres, un ouvrage colossal publié aux éditions Delcourt. Cette histoire à beaucoup mijoté et il a fallu des lustres pour enfin aboutir au résultat définitif. Force est de constater que le jeu en valait la chandelle, l'attente est récompensée avec ce chef-d'œuvre de narration, qui place au cœur du récit la figure du monstre. Qu'il ne faut pas uniquement interpréter en tant que disgrâce physique, mais aussi manifestations de l'inhumanité et de la perversion qui résident en certains d'entre nous. Composé d'environ 360 pages, Monstres présente l'histoire d'une recrue de l'armée américaine qui se retrouve impliquée dans une expérience militaire secrète, initiée par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Un sergent tente bien de protéger les victimes de cette expérience, mais trouve toute une série de monstres sur son passage, au propre comme au figuré. La victime, c'est Bob Baley, un jeune homme au passé trouble, sans papiers d'identité, qui se présente au bureau de recrutement militaire avec l'espoir de servir son pays. On pense à un Steve Rogers taiseux et lunaire, mais ici point de sérum du super soldat et de grand destin, ce qui attend l'infortuné volontaire, c'est le projet Prométhée, qui a plus à voir avec la torture, les délires eugénistes du docteur Mengele, qu'avec la science proprement dite. Sa transformation sera radicale, et il deviendra un monstre. Difforme, énorme, mais aussi doté d'une force surhumaine, lui qui n'a plus grand chose d'humain, en définitive. La scène de l'évasion n'est pas non plus sans faire écho au célèbre Arme X qui place Wolverine dans une situation assez similaire; là aussi le pathos et le drame sont omniprésents, et la créature est prise en chasse, dans une optique de destruction. En fait, pour tout comprendre, il faut patienter. Les premières scènes de l'enfance de Bob, avec une maltraitance paternelle évidente, et des bulles de paroles austères en ce qui semble de l'allemand, trouvent une explication au fil des pages, qui font fi de toute idée de narration linéaire. On remonte le temps, repart de l'avant, rembobine à nouveau, et le processus dévoile, couche après couche, les motivations, les plis de l'histoire, les moments clés, de ce qui va être une tragédie, et un énorme gâchis. 


L'horreur des expériences est liée au délire nazi, puisque le responsable du projet Prométhée fut autrefois membre du parti national socialiste allemand, et ce que l'histoire nous dévoile de lui, progressivement, donne froid dans le dos. Un monstre de plus, capable des pires obscénités, et qui semble se repaître du malheur qu'il provoque. Entre ses mains, les malheureux "volontaires malgré eux" ne peuvent que souffrir atrocement, et mourir. L'idée première de ce Monstres glaçant remonte au milieu des années 1980, et c'était initialement une histoire centrée sur Hulk, avant d'être étoffée et révisée pour devenir distincte de l'univers narratif de Marvel Comics. Au fil des ans, Windsor-Smith a montré quelques planches de son projet, qui semblait pourtant en léthargie depuis trop longtemps. Mais fin 2019 l'auteur avait annoncé sa parution, sans indiquer le nom de la maison d'édition (Fantagraphics, aux States, Delcourt chez nous, donc). On y retrouve cette obsession pour le passé lourd de secrets et de douleurs, qui irradient jusque dans le présent, pour en noircir le quotidien. Tous les personnages sont ici pris dans une toile tissée depuis des années, parfois à leur insu. La famille Bailey, avec une histoire d'amour inavoué et inassouvi, poétique, un destin domestique si tragique et qui aurait pu être différent, avec d'autres choix plus clairvoyants. Le recruteur McFarland est aussi dans une situation similaire, lui qui est l'héritier d'une tradition familiale, celle des sensitifs, dotés de dons leur permettant d'entrer en communication avec d'autres plans de l'existence, de savoir et ressentir les choses, de manière surnaturelle. Involontairement, il va donner l'impulsion pour la descente aux enfers du jeune Bobby, en fuite de tout, de tous, sans le réaliser. Et pour le père du jeune homme, le passé est le grand traumatisme, là où il s'est perdu, où son esprit a cédé, devant l'innommable, ce qu'on ne peut voir et appréhender.  La narration s'offre aussi des excursions vers d'autres manières de faire, avec par exemple des pages entières extraites du journal intime de la mère de Bobby, où la sensibilité et la pudeur d'une femme se heurtent à son manque d'indépendance et aux injonctions d'une autre époque. C'est encore la corruption qui suinte de chaque page, de tous les micro récit qui se croisent et se complètent, et elle est "magnifiée" par le trait précis, très fouillé, par le jeu permanent des ombres dévorantes de Barry Windsor Smith, qui procède par petites cases serrées largement servies en dialogues, et qui s'alternent avec des moments explosifs et révélateurs, qui gagnent en espace et investissent la pleine page. Tout ceci pour offrir aux lecteur une œuvre dense et exigeante, qui ne peut être parcourue distraitement mais nécessite un réel investissement, y compris émotif. Le résultat en vaut la peine, tant il est splendide et touchant. 






LES GARDIENNES D'AETHER TOME 1 : UN HÉROS IMPROBABLE (CHEZ DRAKOO)


Une autre petite perle de bonne humeur et fichtrement bien écrite par Olivier Gay est disponible chez Drakoo: Les gardiennes d'Aether est un album qui met en scène un jeune domestique (Aether, donc) en service auprès du couple royal du royaume de Valania, plutôt bien fait de sa personne, mais très naïf et tête en l'air. Il ne remarque même pas que son amie d'enfance, Meeri, est totalement éprise de lui. De toute manière ce n'est pas le problème principal, puisqu'un beau jour des cafards géants envahissent Valania et menacent d'exterminer tous le palais royal et les habitants. Il faut un acte de courage inconsidéré de la part d'Aether qui s'empare d'une épée accrochée dans la salle des armes, et devient alors le héros qui sauve la situation. Il faut dire que l'arme possède des pouvoirs magiques qui ne s'activent uniquement qu'au contact de celui qui vient de la manier. Pour les autres, elle est absolument normale. Aether et Meeri, plus la princesse Tatiana Louisdottir et Opale, commandante en chef d'un vaisseau droit sorti d'un livre steampunk, mettent le cap sur Palestia, un des royaumes voisins, dans l'espoir d'y trouver un refuge et de l'aide.  C'est alors que commence une sorte d'intrigue amoureuse plurielle, avec tous les personnages féminins qui finissent à un moment donné, pour une raison ou une autre, par considérer que la seule présence masculine qui les accompagne est digne d'intérêt. Et on sent poindre le désir, et avec lui la jalousie, bien que les envies et les pulsions ne soient pas assumées verbalement, et que tout est exposé dans la gestuelle, les grimaces, les regards.  



Toute l'histoire repose sur un humour continuel qui fait mouche, les réparties sont très bien trouvées, les gags suffisamment bien amenés pour vraiment faire sourire, et surtout chose principale, il n'y a pas de temps mort et la gestion de l'aventure et de la partie humoristique et particulièrement efficace, bien équilibrée. Le tour de force d'Olivier Gay est aussi d'avoir mis dans cette histoire un nombre intéressant de personnages secondaires, qui sont tous bien campés, ont tous droit à une caractérisation rapide mais fonctionnelle. Ils en sont attachants, tout bonnement. Bien entendu, pour que cet album soit pleinement réussi, il fallait des dessins à la hauteur et sur ce point vous pouvez être totalement rassurés. Jonathan Aucomte est inspiré toutes ses planches sont soignées. On y remarque une attention portée sur les détails de premier ordre et les expressions faciales permettent de renforcer la drôlerie de l'ensemble, sans pour autant tomber dans la caricature. À l'approche des fêtes de Noël, on se rend compte qu'il y a dans le catalogue Drakoo de petites perles sorties récemment, et celle-ci sera à coup sûr une de celles qu'on peut recommander sans aucun état d'âme, à tous ceux qui veulent offrir une bonne bande dessinée susceptible de parler à un large public, et qui présente une qualité d'exécution notable.  Jamais ennuyeux toujours pétillant, nous avons maintenant envie de découvrir la suite! 






UNIVERSCOMICS LE MAG' #17 : ICI C'EST GOTHAM!


 🔥🔥🔥 UniversComics Le Mag' #17 de novembre

Mensuel comics BD gratuit.

PDF gratuit ici : 

https://1drv.ms/b/s!AgicrUDIdGPCkyJpfnieSraZGGmZ

https://1fichier.com/?2g9vd5oir51r4daiidig

https://uptobox.com/msq0vnt5p57m

Lire en ligne :

https://madmagz.com/fr/magazine/1942550

ICI C'EST GOTHAM!

sommaire :

🌃Gotham city, et l'univers de #Batman. Dossier.

🤡Le #Joker, guide de lecture du dingo de service. Et analyse de "Trois Jokers" chez Urban Comics

🦇 Batman GPS : la géographie psychique secrète de Batman avec #AnthonyHuard

🦇 Batman pour les nuls. Le B-A-BA du personnage avec #AlexandreChierchia 

🎤 Interview : #MarkTexeira au micro de #FilippoMarzo de Comics Reporter 

📕 Le cahier critique. Les sorties du mois chroniquées chez Urban Comics, Panini Comics France Drakoo Editions Anspach Éditions Delcourt 

📘 Le podcast #LeBulleur et les review BD. Avec le #Goldorak chez Editions Kana mais aussi des sorties chez Casterman BD Futuropolis Delcourt Éditions Dupuis et Dargaud 

🎨 Le portfolio du mois de novembre 

🕵️‍♀️ Focus sur le superbe #Automnal publié par 404 Comics 

👀 Preview : découvez "Il a dit papa" publié en novembre chez Shockdom France 

📚 Le guide des sorties VF en librairie

Cover (superbissime) de #LaurentLefeuvre que nous remercions infiniment. Mag' proposé avec la science graphique et l'habillage de Benjamin Carret Art Page. 

LA NUIT DES LANTERNES CHEZ DELCOURT : LE DEUIL, LA COLÈRE, L'HORREUR

 Le personnage principal de cet album signé Jean-Étienne s'appelle Eloane. C'est une jeune femme qui retourne dans la maison familia...