LES ÉTERNELS : NOUVEAUX PERSONNAGES POUR NOUVELLE ÈRE?


Coefficient de difficulté assez élevé pour Chloé Zhao et le projet Eternals. Il s'agit tout de même de présenter un film Marvel "différent" (entendre par là plus "d'auteur", donc crédible) basé sur une équipe/famille de personnages dont le grand public n'a probablement jamais entendu parler (et même chez les fans de comics, beaucoup se contentent d'opiner du chef, sans avoir lu l'œuvre séminale de Kirby, par exemple, ou encore la maxi série plus récente de Neil Gaiman). Ajoutez à ceci le fait que si la réalisatrice a reçu carte blanche et peut rendre une copie léchée en terme d'image, et ouverte à l'inclusivité plus qu'aucun autre Marvel movie auparavant (en gros, c'est de ça dont parlent surtout les chroniques en mal d'inspiration; sans compter ces gouvernements offusqués et arriérés qui ont interdit Eternals pour un simple baiser entre hommes), elle a dû aussi composer avec le fameux cahier des charges, ici illustré par de l'humour disséminé tout au long de ces deux heures trente, ou encore la bonne grosse résolution finale à base de catastrophe cosmique et/ou planétaire réglée à coups de bourre-pifs bien sentis. Pour faire bref, Ajak (Salma Hayek), Ikaris (Richard Madden), Sersi (Gemma Chan), Kingo (Kumail Nanjiani), Thena (Angelina Jolie), Gilgamesh (Don Lee), Makkari (Lauren Ridloff), Sprite (Lia McHugh), Phastos (Brian Tyree Henry) et Druig (Barry Keoghan) vivent sur Terre depuis sept millénaires, et protègent (en apparence) notre monde de la race des Déviants (clairement sous testostérone mutante, comparés à la version papier), tout en vouant leur combat à leur Dieu tout puissant, appelé un Céleste, du nom de Arishem. Mais quand on est éternels et au "chômage technique" depuis bien longtemps, que reste t-il de mieux à faire que de vivre, tout simplement, de se découvrir, au risque que les liens familiaux se relâchent? Chacun cherche sa voie. Pas la désunion, non, mais la diversité, l'individualité. Kingo est devenue une star du cinéma à Bollywood et flatte son égo avec la réalisation d'un documentaire à sa gloire. Gilgamesh s'est retiré des affaires pour veiller sur Thena, atteinte d'un mal incurable qui dévore l'esprit des Eternels, quand ils sont face à trop de souvenirs ingérables. Phastos aussi a renoncé au super héroïsme, pour fonder une famille, alors que Druig vit en Amazonie et use de ses pouvoirs de persuasion pour faire filer les choses à sa guise. Sersi, elle, a entamé une relation sentimentale avec un certain Dane Whitman, ce qui fera bondir de joie les lecteurs de comics, tout particulièrement ceux qui gardent un souvenir ému des Avengers écrits par Bob Harras. Eternals disassembled, en quelque sorte, jusqu'à ce que le drame frappe la famille, et sonne l'heure des retrouvailles. 



Les spectateurs comprennent qui sont les Eternels à travers toute une série de flash-back, qui nous amènent alors à appréhender le présent, où la menace des Déviant refait surface. Si les moments faibles ne manquent pas (les images élégiaques d'une Eternelle qui caresse le sable sur fond de coucher de soleil, ça ne mange pas de pain...) et si Ikaris, le plus fort des siens accumule les références à Superman (d'ailleurs les Eternels ressemblent d'avantage à la Justice League qu'aux Avengers), il faut attendre la dernière heure pour que la vérité se dévoile lentement, à travers tout un jeu de révélations,  de trahisons,  de décisions, qui portent en elles la grandeur et la raison d'être du film. Qu'on peut interpréter, globalement, comme une ode à la vie, à la tolérance, à refuser les dogmes qui façonnent les destins, au nom de croyances aveugles et mortifères. Un peu partout fleurissent aussi bien des accusations que des encouragements, en raison du caractère présumé du film, qui serait woke comme aucun autre avant lui chez Disney/Marvel. Outre que ça se veut pas dire grand chose, et que de toute façon nous partons d'assez loin à ce sujet, nous noterons juste qu'en effet que la diversité des individus est ici mise en avant, avec également un personnage muet, qui parvient tout aussi fluidement et simplement à communiquer avec ses coéquipiers et le spectateur. Chloé Zhao réussit clairement son parti pris du silence, de la beauté, par moments, et ne livre pas à un film paroxystique, où chaque minute doit être au service du spectaculaire, des combats, des effets spéciaux ou du stand-up comédie. On prend le temps, et parfois le risque, de ménager des pauses de respirations, où c'est la vie, l'humain (même pour êtres éternels) qui occupe l'écran. Et la bonne surprise du long métrage, si on revient au spectacle du merveilleux, est assurément cet Arishem, le Céleste impressionnant au coeur des croyances de nos nouveux "héros", qui ouvrent bien des perspectives dantesques pour une suite dans l'espace. C'est d'ailleurs parmi les étoiles, à en juger par le final et la première des scènes bonus, que devrait se prolonger l'aventure pour Ikaris et les siens, qui ne tarderont pas, si la logique est respectée par croiser la route des Gardiens de la Galaxie, pour ne pas dire croiser le fer. Pour résumer tout ceci, disons que si vous lisez qu'il s'agit d'un chef d'œuvre, ouvrez-vous au doute, vous aussi, car ce n'est pas le cas; inversement n'écoutez pas ceux qui évoquent une catastrophe, c'est un long métrage intéressant et pertinent, qui trouve son sens et son équilibre, en fin de compte.






1 commentaire:

Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!

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