Sortie attendue chez Delirium en ce mois de novembre (et on en reparlera très vite de cet éditeur passionnant, car Richard Corben est aussi au menu de cette fin d'année) avec le troisième volume des Next Men de John Byrne. Si l'auteur est assez connu des lecteurs (et un omnibus Fantastic Four, en ce moment chez Panini, vient rallumer la flamme) pour ses prestations sur Uncanny X-Men ou Alpha Flight, entre autres, il est aussi le démiurge d'une bande dessinée de science-fiction superbe, audacieuse, pour ne pas dire indispensable, au début des années 90. Next Men, c'est donc l'histoire de cinq jeunes "héros" nés en laboratoire, élevés dans une réalité virtuelle mais qui se "réveillent" dans le monde réel, des mystères qui les entourent, de la difficile gestion de leurs pouvoirs et des effets inévitables (un peu comme un jeu de domino fatal) qui vont découler de leur influence sur la société mondiale. La série de Byrne contient également un long prologue, 2112, qui a aussi été publié par Delirium, engagé dans une Intégrale de superbe facture, grand format. Pourquoi Next Men reste une valeur sûre, en 2021, trente ans plus tard? La raison est un récit simple, mais à la fois dynamique et prenant, où Byrne ajoute également son trait classique, détaillé et évocateur, qui en fait un dessinateur "madeleine de Proust" pour la génération Strange/Lug. La construction des planches, les jeux de lumière, les angles de vue, mais surtout l'élégance des figures humaines (une plastique si fluide!) et l'habileté dans la construction et la variété des visages et des expressions (un bémol sur les petits enfants, le talon d'Achille de Byrne), indiquent la pleine maturité artistique d'un artiste majeur, considéré comme l'un des plus grands maîtres de sa génération jusqu'au tournant du XXI° siècle, peut-être trop vite confiné dans l'oubli par la plupart des lecteurs contemporains. En attendant, place à ce dernier tome, qui présente tout ce pour quoi on aime cette série. De la méta bande dessinée (avec des artistes comics eux même présents dans le récit, sans oublier leurs propres personnages!), l'apparition de guest stars savoureuses (les débuts de Hellboy, Concrete...), de l'action et des rebondissements en permanence.
Les Next Men ne sont pas sans rappeler d'autres formations de super-héros comme par exemple les célèbres X-Men, mais c'est surtout le traitement humain des personnages qui fait la différence, et on ne les voit pas courir partout en costume pour sauver la veuve et l'orphelin. Le quintet de départ est composé d'une super acrobate du nom de "Jazz" Jasmine, de Jack, une sorte de titan qui ne contrôle pas sa force, Bethany qui est totalement invulnérable et ne ressent pas de sensation, ce qui peut être très frustrant. Nathan lui est capable de voir un spectre bien plus large que la moyenne tandis que Danny est un bolide. Leur ennemi principal s'appelle Sathanas; il vient du futur, et c'est une sorte de cadavre engoncé dans une forme robotique. Il a à sa botte le vice-président, puis président des États-Unis Hilltop, avant qu'un coup de théâtre dans les derniers épisodes viennent jeter un nouvel éclairage sur ce rapport complexe. Les Next Men sont aussi aidés par l'agente Tony Murchison, elle-même au service d'un individu peu recommandable que tout le monde appelle Contrôle. Le tome 3 s'ouvre sur une espèce de débandade, avec une équipe qui est poursuivie y compris sous terre, où elle finit par rencontrer le révérend Michael Benedict. Mais ce sont les épisodes suivants qui sont vraiment extraordinaires. On y retrouve notamment de vrais auteurs de comics aux prises avec leurs propres personnages qui débarquent dans notre réalité, sans savoir que ce qu'ils y font. Ils ont en fait tous convoqués par les pouvoirs de Sandy, une jeune femme qui travaille pour la maison d'édition Dollar Comics, qui depuis qu'elle a eu des rapports sexuels avec Danny a vu ses gènes particuliers "activés" comme ceux des Next Men. En gros nous avons là des héros qui peuvent être sexuellement contagieux. Certes ce n'est pas le sida ou une MST, mais c'est un pouvoir latent qui explose en vous, et il n'est pas forcément maîtrisable. Ces épisodes sont splendides; on se retrouve même avec un vilain des comics aussi affreux que surpuissant, qui exige des explications de son créateur, sur les terribles vicissitudes que celui-ci lui fait vivre, sans motif apparent. Un sujet aussi abordé dans Animal Man par exemple, avec Grant Morrison. Jasmine finit même par être capturée et elle subit un lavage de cerveau des plus cruels, qui vise à lui faire accepter une toute autre réalité que celle qu'elle a toujours connu. Il s'agit donc d'une double mise en abyme car "Jazz" à du s'adapter au monde véritable, après sa période de formation dans une univers idyllique constitué par un laboratoire. C'est le président Hilltop qui a mis en place ce plan machiavélique, car il voudrait savoir où se trouvent les autres Next Men. Cerise sur le gâteau, en se faisant passer pour son époux, il va pouvoir avoir avec elle des relations sexuelles et donc activer à son tour des pouvoirs formidables. Le titre arrive à sa conclusion tout en gardant une porte de sortie qui sera exploitée par la suite, avec des épisodes intitulés Aftermath; c'est néanmoins le clap de fin pour la grande série régulière des années 90 de John Byrne, où il est question de tout un tas de sujets qui fusent. Cela va de l'avortement (qui plus est subi et forcé, une scène terrible) au racisme, en passant par l'homosexualité, le pouvoir des rêves et de la création, ou encore des considérations politiques et sociales beaucoup plus intelligentes qu'elle ne sembleraient. C'est en fait quasiment indéfinissable! Les Next Men méritent absolument que vous les découvriez si cela n'a pas encore été fait; l'édition proposée par Delirium est de très grande qualité et c'est un écrin parfait pour celles et ceux qui veulent posséder une version définitive des mésaventures de ces antihéros, qui ont tout à apprendre d'un monde où ils ont bien du mal à trouver une place. Une des sorties les plus attachantes de la fin d'année!
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