DERRIÈRE LA PORTE : LA FAMILLE ET LA PEUR SELON TYNION IV


 Derrière la porte (The Closet en version originale) est une courte série en trois numéros écrite par James Tynion IV et dessinée par Gavin Fullerton. En apparence, tout ce qu'on peut en dire est simple : un enfant qui voit un monstre dans son placard, un père persuadé qu’un déménagement résoudra aussi bien les cauchemars de son fils que les fractures de son couple, et une mère qui, à force de disputes, pourrait bien souhaiter que le monstre avale tout le monde pour de bon. Derrière ce canevas, James Tynion (The Fourth, ça va de soi) déploie un récit d’horreur domestique où le surnaturel ne fait que prolonger les fissures bien réelles d’une famille au bord de l’implosion. Jamie, quatre ans, a peur de ce qui rôde dans sa chambre ; Thom, lui, préfère tenter d'oublier dans l’alcool et les promesses de « nouveau départ » plutôt que d’affronter sa responsabilité de mari et de père. Quant à Maggie, elle est tellement lassée de la médiocrité de son compagnon qu’on en vient à se demander si elle n’accueillerait pas le monstre avec des petits fours. La force de Tynion réside dans sa manière d’utiliser une peur enfantine universelle pour la faire basculer dans l’angoisse existentielle : et si le monstre n’était qu’une métaphore, ou pire, une vérité que personne ne veut regarder en face ? Le problème, c’est que la série tourne parfois en rond : un Thom qui confesse ses échecs, un Jamie terrorisé, un silence lourd, et on recommence. Le procédé aurait sans doute eu plus de mordant dans un one-shot dense, plutôt qu’étiré sur trois chapitres. Néanmoins, ça en devient attachant et pertinent, à condition d'accepter qu'il n'y a pas de vrai climax dans ces pages.



Il faut reconnaître que le twist final, qu’on aime ou qu’on déteste, renverse la lecture d’ensemble et donne soudain un goût amer aux scènes répétitives. Le malaise, bien plus que la terreur, est la vraie réussite de cette mini-série. Gavin Fullerton accompagne ce climat avec des planches sobres, des aplats d’ombre, des monstres pas toujours convaincants mais des silences graphiques qui glacent plus sûrement que mille effets sanglants. On nage dans l'incertitude, et on se surprend souvent à détester tous les membres de cette famille. Le père qui n'a de cesse de geindre et qui après tout doit assumer son infidélité, source de tous ses problèmes de couple. L'épouse, qui n'est pas un monstre de sympathie et attend le bon moment pour passer une soufflante à son mari. Et même le gamin ! Certes, il a quatre ans, l'âge auquel on devrait tout pardonner, normalement. Mais ne faisons pas semblant d'ignorer la réalité, un enfant peut aussi ajouter son lot de problèmes dans un couple qui se délite. Ce n'est pas de son chef, il n'y peut rien, mais ça arrive, et ça ne fait qu'accentuer les failles, qui peuvent devenir canyons. Tout cela est bien raconté, avec un vrai timing et une touche reconnaissable dans les dialogues. Tynion sait creuser dans les êtres qu'il met en scène, quitte à tourner et retourner mille fois la cuillère dans le pot. En somme, Derrière la porte n’est ni un chef-d’œuvre instantané ni un échec. C’est une fable noire sur la lâcheté parentale, les secrets de famille et la manière dont les enfants héritent des monstres des adultes. C'est bien ficelé, honnête, assez vrai. Franchement, ça se tente. 


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