GRANDVILLE FORCE MAJEURE : LE DERNIER TOME DE LA BRILLANTE SÉRIE DE BRYAN TALBOT


 Le plus dur au moment d'écrire une nouvelle chronique consacrée à la série Grandville de Bryan Talbot (publiée en intégrale chez Delirium), c'est d'éviter de tomber dans le panégyrique, c'est-à-dire être victime d'une admiration béate devant le travail de l'artiste britannique. Grandville n'est pas seulement un univers peuplé d'animaux anthropomorphes, doublé d'une satire sociale parfois féroce, mais c'est aussi et surtout une relecture complète de ce que pourrait être l'humanité, avec un sens de l'observation et du détail bluffant, couplés à une fantaisie galopante. Il faut de plus ajouter que le moment des adieux est arrivé. Force Majeure est le dernier volume de Grandville et d'ailleurs l'épopée se conclut avec un album plus épais que les précédents, et probablement plus complexe au niveau de la trame, qui requiert une attention encore plus rigoureuse au lecteur qui s'y aventure. D'emblée, nous sommes confrontés à l'irruption d'un gang dans un restaurant de fruits de mer et de crustacés; un meurtre de masse qui n'est que l'introduction pour l'arrivée de Tiberius Koenig, un des malfrats les plus redoutables en territoire français, qui est sur le point de faire des affaires juteuses de l'autre côté de la Manche. Mais avant cela, il va lui falloir se débarrasser de son pire ennemi, l'inspecteur Lebrock (qui a aussi tué un de ses frères). S'en débarrasser, ça n'est pas seulement lui mettre plusieurs balles dans le buffet et le jeter dans la Tamise ou la Seine, non, ça veut dire s'en prendre à tout ce qui lui est cher, retourner ses proches contre lui, le faire souffrir dans ce qu'il a de plus intime, pour finalement l'écraser une bonne fois pour toutes. Néanmoins, tout le premier tiers de cette aventure est consacré à un long flashback durant lequel notre blaireau préféré narre ses premiers pas au sein des forces de police de Scotland Yard, avec les conseils avisés et les leçons édifiantes de celui qui n'est autre qu'un avatar de Sherlock Holmes (Stamford Hawksmoor) et qui sert à la fois d'inspirateur et de père de substitution au futur inspecteur Lebrock. On y suit par exemple une enquête assez complexe, qui va se terminer par un coup de théâtre, formidable jeu de dupes entre l'assassin et sa victime. Nous étions déjà beaucoup attachés aux personnages, notamment Billie, celle qui attend désormais un enfant et qui va être officiellement l'épouse de Lebrock. Mais ici, à travers des conversations, des souvenirs, des bribes du passé qui permettent de mieux comprendre et cerner le présent, nous pouvons sceller définitivement notre attirance pour ces figures inoubliables, dont le destin s'apprête à être bouleversé.


Ce n'est pas un hasard si le détective Lebrock apprécie les parties d'échecs en solitaire, durant lesquelles il peut rejouer certaines des rencontres les plus célèbres du passé, expérimenter les coups les plus audacieux. Tout ici est question d'anticipation entre le blaireau de Scotland Yard et son pire ennemi, autoproclamé Napoléon du crime, Tiberius Koenig. Ce sont deux esprits brillants à leur façon et c'est la manière dont ils vont être capable de prévoir les réactions et les faiblesses de l'adversaire qui fera toute la différence. Attention, il y a aussi des scènes fortes dans ce dernier volume, des moments qui vont vous tordre l'estomac. On s'y confronte à la trahison, à ce qui peut se produire lorsque l'œuvre de toute une vie est menacée en quelques minutes par des décisions hâtives et radicales, quand celui qui veut vous détruire passe à l'offensive avec cruauté. Mais c'est un tour de passe-passe grandiose, époustouflant, un miroir aux alouettes qui prouve que la puissance de feu et les muscles saillants ne sont rien sans la stratégie, au centre de ce tourbillon de virtuosité narrative que constitue Force Majeure. Il y a aussi, en définitive, les planches de Bryan Talbot, qui sont toujours aussi riches en détails et oscillent entre l'Art Nouveau et le steampunk, avec une aisance remarquable. En un mot, elles sont généreuses, spectaculaires, frisent le baroque tout en restant très lisibles et elles suintent l'amour du média, mais encore (cocorico) de la France, avec une dernière planche qui permet non seulement de saluer avec émotion toute la série des Grandville, mais aussi de nous rappeler la beauté (certes caricaturale et fantasmée) de notre nation, qui ne l'oublions pas fait rêver tant d'artistes et d'étrangers à travers le monde. L'album est comme toujours complété par toute une série de notes qui permettent d'en savoir plus sur ce que nous venons de lire, aussi bien des références glissées dans les fonds de case (ça peut être un tableau, une sculpture, un personnage de bande dessinée importé dans Grandville, comme cela arrive souvent) ou une anecdote personnelle, ce qui permet de comprendre les choix scénaristiques de Talbot. Un récit d'une grande finesse qui est pour finir un pied de nez jouissif à la cuistrerie des incompétents, des notables et des pouvoirs en place, et qui donne la part belle aux couches populaires, à ce prolétariat dont est issu Lebrock (et sa future compagne Billie) et qui regorge d'ingéniosité et de sève. De là à qualifier Grandville de tapisserie militante, c'est peut-être un poil (de blaireau) exagéré, mais assurément, nous venons de lire cinq volumes indispensables, dans un crescendo émotif et d'action irrésistible. 
Sortie prévue le 6 septembre






Bryan Talbot sera en Tournée en France avec Delirium du 7 au 14 septembre. Renseignez-vous auprès des libraires mentionnés ci-dessus pour vous assurer votre dédicace. 


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LES MAGES DE BONAPARTE : L'EMPIRE ET LA MAGIE CHEZ DRAKOO


 La comparaison peut vous sembler idiote, mais il me semble pertinent de qualifier Olivier Gay de Lucky Luke de la bande dessinée. En effet, tel le célèbre cowboy de l'Ouest américain, le scénariste semble tirer plus vite que son ombre (nous en sommes déjà à sa quatrième production pour l'année 2024 qui nous tombe entre les mains) et à chaque fois, il touche sa cible, vise à merveille, sans jamais se tromper. Ce coup-ci, avec Les mages de Bonaparte, nous avons une histoire un peu moins fantasque dans les rapports qui unissent les personnages et dans l'humour employé (qui reste toutefois très présent et permet d'alléger les enjeux) : nous avons face à nous une bande dessinée historique qui nous replonge à l'époque du grand empire Napoléonien. L'histoire débute en Égypte, en 1798, sur le plateau de Gizeh. Bonaparte se lance dans une bataille contre les Mamelouks et leurs armées de momies; car oui, nous le découvrons dès une première page admirablement découpée et d'une clarté magistrale pour qui veut connaître les secrets qui président à l'introduction d'un récit depuis ses fondations, non seulement nous sommes confrontés à la réalité historique, mais aussi à sa version fantasmée et magique, puisque les soldats napoléoniens sont capables de lancer des sorts et que leurs ennemis en font tout autant (et sont en mesure d'employer de véritable morts-vivants !). Après ce succès, nous faisons un bond de dix ans dans le temps pour nous retrouver à Erfurt, pour ce qui s'annonce être une conférence de la plus haute importance pour la destinée du continent européen. Napoléon espère obtenir le soutien de la Russie mais le monarque se heurte à un Tzar qui ne l'écoute pas et dont l'agenda est fort différent du sien. Pire encore, le camp français possède des parchemins égyptiens d'une grande valeur, recelant des formules cabalistiques, mais qui ont été dérobés. Napoléon souhaite absolument les récupérer et il va pour cela monter une petite armée personnelle et discrète.




Guillaume, Nicolas et Flore se complètent parfaitement. Ensemble, ils sont particulièrement efficaces et vont se révéler précieux sur le terrain, et ils vont devoir prendre de sacré risques, notamment quand ils se mettent à douter de l'ambassadeur Caulaincourt, ce qui va un temps les induire en erreur au sujet de ce qui se trame réellement. Les parchemins sont d'une importance capitale car vous l'avez compris, dans ce récit, le destin des grandes batailles ne se joue pas seulement au mousquet et au canon, mais dans l'emploi de formules magiques, l'invocation de créatures ultra terriennes, et c'est un véritable mano à mano qui s'engage entre l'Empire français et la Russie, pour savoir qui supplantera l'autre à coups de formule et d'incantations. Le tout est bien évidemment très rythmé, basé sur un fond historique documenté et truffé d'un humour dont Olivier Gay a le secret. Est-ce voulu ou totalement fortuit, du côté des influences ou des histories qui se rapprochent de celle-ci, mentionnons le très bon Arrowsmith de Busiek (qui se déroule au début du XX° siècle) ou le jouissif Garibaldi vs Zombies, qui est inédit en Vf, et se situe lui dans la seconde partie du XIX° siècle. Du côté du dessin, c'est Brice Bingono qui s'occupe de donner vie à l'ensemble. Un artiste que je ne connaissais pas jusque-là et qui fournit des planches d'une toute beauté, avec des visages très expressifs et des héros particulièrement bien campés, avec même par endroits un petit quelque chose de Coipel ou Immonen dans les formes et les textures, qui est loin d'être désagréable. Les couleurs sont de Nuria Sayago et les Mages de Bonaparte est un album encore une fois de très bonne facture, chez Drakoo, qui mérite sincèrement qu'on lui donne une chance, surtout si vous aimeriez une suite !


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MADELEINE, RÉSISTANTE (LES NOUILLES À LA TOMATE)


 Dans le 181e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Les nouilles à la tomate, troisième tome de la série Madeleine, résistante que l’on doit au scénario de Madeleine Riffaud et Jean-David Morvan ainsi qu’au dessin de Dominique Bertail publié aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? que l’on doit à Thomas Guénolé qu’il adapte ici sous le pseudo de Gwenn, que met en dessin Jonas Ritter et qui se retrouve publié chez Petit à petit


- La sortie de l’album Stacy que l’on doit à Gipi et qui est publié aux éditions Futuropolis


- La sortie de l’album Des étrangers dans les lavandes que l’on doit au scénario de Serge Scotto, au dessin d’Emmanuel Saint et qui est publié aux éditions Delcourt


- La sortie de l’album Dernière réunion avant l’apocalypse que l’on doit au scénario de karibou, au dessin de Chavant et c’est publié chez Delcourt dans la collection Pataquès


- La sortie de l’album Happy endings, un ouvrage que l’on doit à Lucie Bryon ainsi qu’aux éditions Sarbacane


- La réédition dans son sens de lecture original du manga Un zoo en hiver de Jirô Taniguchi, un titre édité chez Casterman.





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BAT-MAN FIRST KNIGHT : BACK TO 1939 AVEC JURGENS ET PERKINS


 Commençons par ce qu'un peu tout le monde sait déjà. Le personnage de Batman a été créé en 1939 par Bill Finger et Bob Kane. Jusque-là, rien d'inédit. Au fil du temps, ses caractéristiques ont évolué, ainsi que son apparence, puis ses origines. Impossible d'écrire des décennies d'aventures avec plusieurs reboot de l'univers DC Comics, sans en subir les conséquences. Mais s'il y a une chose qui n'a jamais changé, c'est la volonté des auteurs de rendre hommage aux premières heures glorieuses des comics, notamment à travers ce qu'on appelle des "Elseworlds", c'est-à-dire des récits hypothétiques plaçant les héros les plus connus dans un contexte historique différent de l'habituel. Bat-Man First Knight (le trait d'union est important, il accompagnait déjà le personnage en 1939 à ses premiers pas), c'est un peu ce principe : une mini série de prestige sortie sur le Black Label, en trois numéros, qui nous permet de découvrir le chevalier noir à Gotham, alors qu'en Europe la Seconde Guerre Mondiale est sur le point d'éclater. Evidemment, le costume du héros rappelle davantage la chauve-souris avec de grandes oreilles (plutôt que des pointes/cornes), que le membre high-tech de la Justice League et ses gadgets futuristes. Tous les éléments habituels de la grande saga de Batman sont présents, du drame familial qui pousse Bruce Wayne à devenir ce qu'il est, au commissaire Gordon, flic intègre mais très mal entouré, en passant par une cité infectée par les malfrats… et plus particulièrement un individu qui a décidé de mettre les mains sur tout ce qui compte dans la ville, appelé la Voix, et qui donne ses consignes par radio, à tous ses hommes de main. L'objectif est de s'en prendre à tous les élus et hommes d'influence de Gotham, de les éliminer un par un, notamment grâce à des espèces de zombies surpuissants, des types qui étaient destinés à la chaise électrique mais qui ont été transformés en assassin redoutable, efficaces et corvéables à merci. Le seul homme qui semble se dresser contre cette corruption dévorante, c'est donc le Bat-Man, qui est en fait à l'époque une légende urbaine un homme/chauve-souris, un monstre. Toujours est-il que beaucoup ne croient pas à son existence et que chacune de ses apparitions entretient le mythe. Un Batman aussi qui n'est pas encore très expérimenté et qui lors de toutes ses missions reçoit une pluie de coups, voire pire.



Quand il ne se fait pas tabasser par des monstres surpuissants, Bat-Man risque carrément de se faire électrocuter. Il faut dire que comme vous le savez tous, Wayne refuse catégoriquement l'emploi d'une arme à feu, même si ceux qui le connaissent et souhaitent l'aider lui conseille de s'équiper, face à ceux qu'il risque de rencontrer à Gotham. Parmi les alliés de Batman, nous comptons le commissaire Gordon, un rabbin qui va permettre de développer un discours somme toute assez classique au sujet de la foi, la rédemption et le sens de l'héroïsme, quand tout semble se liguer contre vous, mais aussi une splendide et charmante actrice (Julie Madison, un des premiers amours de Bruce), qui va s'immiscer dans l'intimité de Bruce Wayne de manière assez anecdotique, tout compte fait. L'histoire est très bien écrite par Dan Jurgens, elle fonctionne d'un bout à l'autre et c'est un véritable plaisir de lecture. Quelque chose de simple mais de clair, et de respectueux de la légende. Après tout, que demander de plus ? On ne peut donc que féliciter Jurgens, tout comme il faudra saluer le remarquable travail de Mike Perkins aux dessins. On savait déjà qu'il s'agissait là d'un illustrateur brillant, il nous en donne une démonstration évidente avec une série de planches magnifiques et la mise en scène d'une ville de Gotham sombre à souhait, tout en respectant admirablement les ambiances et les styles architecturaux, vestimentaires, technologiques de l'époque. On peut donc dire sans trop s'avancer que ce First Knight est une réussite quand on l'examine sous toutes les coutures. Y-compris pour ce qui est de la traduction de Jérôme Wicky, qui restitue également un vocabulaire, une élocution, qui crédibilise l'ensemble.  Vous auriez tort de vous priver de ce qui sera probablement une des toutes meilleures lectures mainstream disponibles chez Urban Comics, en cette année 2024. 
Sortie cette semaine



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JUDGE DREDD : LE NEUVIÈME VOLUME DES AFFAIRES CLASSÉES EST ARRIVÉ CHEZ DELIRIUM


L'été touche presque déjà à sa fin mais hors de question de ranger les maillots de bain et de reprendre le chemin du travail sans s'accorder une pause consacrée au célèbre Judge Dredd… et aux Affaires classées, dont le neuvième volume vient d'être publié chez Delirium. Comme toujours, l'ouvrage est magnifique et il est composé d'un très grand nombre d'épisodes courts, publiés initialement dans la revue 2000 A.D et qui forment, la plupart du temps, de petits arcs narratifs à suivre, le tout illustré avec un noir et blanc particulièrement classieux et contrasté, que la qualité du papier choisi permet de magnifier. La vie n'y est pas de tout repos pour le "héros", qui reçoit une mission bien particulière : il va devoir faire équipe avec Mean Machine, un des pires criminels à qui il a eu affaire durant sa carrière, pour s'en aller récupérer les bébés clones de plusieurs grands juges de l'histoire, qui se trouvaient à bord d'un aéro-cargo abattu par des pillards mutants, et qui s'est donc échoué dans les Terres Irradiées. Grâce à une petite manipulation psychique, Mean Machine est persuadé que Dredd est en réalité son père, mais l'illusion n'est pas destinée à durer dans le temps et la confusion est prétexte à un savant mélange d'humour et d'aventure (une des marques de la série). Le temps d'aller faire un tour dans les égouts de Mega-City One et de se rendre compte qu'on peut s'y retrouver nez à nez avec de dangereux alligators, qui vont pouvoir se repaître grâce à l'imprudence d'un groupe de survivalistes imprudents, nous nous retrouvons ensuite avec quelques épisodes d'un intérêt crucial pour toute la saga du Juge, puisqu'il est question de l'évolution du personnage et de ses sentiments. Car oui, à force d'être au contact de la misère quotidienne et de la bassesse du citoyen moyen, Dredd a fini par remettre en question sa mission, à tel point qu'il s'immisce dans une tâche qui devrait normalement relever des affaires sociales, pour venir en aide à une jeune fille mourante, dont l'esprit a été transféré dans le corps d'un robot défectueux. Il s'en prend violemment à un de ses collègues qui  remet en question ses agissements et s'interroge sur son modus operandi, notamment lorsqu'il décide d'abattre un criminel plutôt que de juste le neutraliser, ce qu'il aurait pu faire sans le moindre effort. Ce Dredd là va devoir passer un examen psychologique pour avoir la certitude qu'il est toujours en mesure d'exercer et de délivrer la justice. Et il vaut mieux qu'il soit en forme, car le long récit que constitue la Cité des damnés va mettre le personnage a dure épreuve. Judge Dredd et Anderson (du département psy) vont être envoyés quatorze ans dans le futur, afin de déterminer l'élément déclencheur d'une crise majeure, appelée à mettre toute la cité à genoux et la plonger dans un obscurantisme jamais vu jusque-là. Et en effet, à peine débarqués, les deux Juges affrontent une horde de collègues vampires !




John Wagner et Alan Grant placent le Juge devant une épreuve qui va le laisser meurtri jusque dans sa chair, puisqu'il va perdre (momentanément, c'est la magie des comic books) ses deux yeux, face aux Mutant. C'est-à-dire le clone déformé de l'enfant Juge. Dredd et Anderson vont devoir unir leurs forces et aller chercher au plus profond d'eux-mêmes les ressources ultimes pour s'en sortir. Beaucoup d'aventures et de frissons donc, mais c'est lorsque la série commente l'actualité sociale et qu'elle utilise la science-fiction pour livrer des commentaires sarcastiques sur notre époque qu'elle se révèle la plus percutante. La fièvre du dimanche soir donne ainsi à voir des habitants de Mega-City One complètement déboussolés à l'approche du lundi. Non pas parce qu'il s'agit de reprendre le boulot, mais parce qu'une nouvelle semaine de chômage pointe le bout de son nez. Parfois, il suffit même d'une fausse rumeur circulant au sujet d'un emploi présumé libre et c'est une véritable émeute qui peut éclater dans la cité, avec en définitive des milliers de morts. Les plus pauvres sont prêts à tout pour exister socialement, c'est-à-dire pour avoir une fonction, pour se sentir un engrenage utile dans un système qui les broie… et dont finalement Dredd fait partie et assure le collant. Dans une société aussi nihiliste, désespérée, voire même pervertie, rien d'étrange à ce que des individus tuent pour le simple plaisir de tuer, en tirant au sort les victimes et les bourreaux. Ils se font appeler le club des Prédateurs et eux aussi vont avoir maille à partir avec le Juge. Un juge, d'ailleurs, qui doit être absolument inflexible pour assurer sa mission. Cela, nous pouvons le constater lorsqu'à l'Académie de la Loi, Dredd est censé superviser les progrès effectués par le cadet Brisco, en devenant son examinateur sur le terrain : ce qu'on appelle la treizième évaluation. Le futur juge va devoir prendre une décision terrible concernant sa propre mère, mais la loi normalement ne possède ni yeux ni oreilles. Elle s'applique à tous, sans distinction entre les citoyens. Et dans un univers comme celui dépeint dans la série, qui en réalité n'est jamais que le miroir du nôtre, quelque peu exagéré (encore que…), il n'y a pas de place pour la nuance. Du côté des dessinateurs, ma préférence revient à Ron Smith, parce que son trait précis, élégant, parvient toujours à offrir des planches finement ciselées qui respecte admirablement bien l'ambiance du titre. Mais nous trouvons aussi beaucoup d'épisodes illustrés par Steve Dillon, un artiste que vous connaissez probablement tous vu son brillant parcours chez Marvel et DC et dont le noir et blanc élégant de Judge Dredd convient probablement mieux que les planches mises en couleur chez les majors. Son style est ici plus fouillé, avec plus d'impact. Parmi les autres dessinateurs de talent dans ce neuvième volume, mentionnons le travail de Cam Kennedy, qui utilise des tons de gris pour donner de la densité à ses pages, ou encore Ian Gibson, qui pousse un peu plus loin que les autres la recherche du petit détail, y compris dans les fonds de case (parfois). La grande force de Judge Dredd est toujours de réunir dans un même cadre des histoires susceptibles d'éveiller l'intérêt des fans de super-héros radicaux, comme ceux qui désirent lire une bande dessinée très intelligente et pertinente, dans le rire au vitriol se répercute sur comme un écho glaçant dans notre présent absurde. Le tout dans une collection magnifique et du plus bel effet, ce dont est de toute façon coutumier l'éditeur, Delirium. 


Vous en voulez plus ? 

Le volume 8 est ici 
Le volume 7 est ici 


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WHAT IF..? ET SI DONALD DUCK DEVENAIT WOLVERINE ?


 Après l'incursion de l'oncle Picsou dans les terres des comic books Marvel, voici venir le tour du premier mashup officiel, c'est-à-dire la fusion entre deux personnages issus de ces univers distincts, qui n'en forment plus qu'un. Et le choix semblait (avec le recul) assez évident : Donald et Wolverine ont tous les deux un caractère assez particulier, sont prêts à s'enflammer pour pas grand-chose, mais ils restent dans le fond de bonnes âmes, toujours partantes pour aider leur prochain. C'est la version Old man Logan qui a servi d'inspiration au scénariste Luca Barbieri, et on retrouve dès le départ certains détails présents dans les comics Marvel, qui sont d'ailleurs une base de départ si solide et prégnante qu'il est fort probable que le jeune lecteur Disney, qui ne connaît pas le mutant griffu, prendra beaucoup moins de plaisir à la lecture de cet épisode que le Marvel fan habitué aux mésaventures de Logan. Dans cet univers inédit et dystopique, Donald Wolverine est contacté par Mickey Hawkeye, qui sollicite son aide pour s'attaquer directement au grand méchant du moment, Pat Hibulaire Crâne Rouge. Les deux héros devraient ainsi commencer par lui reprendre tous les artefacts volés à leurs célèbres collègues tombés au champ d'honneur. Seulement voilà, Donald Wolverine préfère se reposer; pour lui, quelques heures de plus dans le célèbre hamac valent bien mieux qu'une énième bataille à mener. Bien entendu, il va finir par se laisser convaincre et Dingo Hulk se joindra au duo, histoire de recréer l'animosité et la rivalité qui existent entre le géant vert (la couleur est importante, elle est abordée d'une façon originale) et l'ancien Serval dans les comics Marvel. Le problème de ce comic book, c'est qu'il est trop bref. Il aurait au moins fallu un album spécial de 70 ou 80 pages pour mieux développer l'histoire et nous ne pouvons que regretter le choix de produire des épisodes trop courts pour exploiter pleinement toutes les idées ici présentes. En tous les cas, voilà une parution, je le répète, qui s'adresse davantage aux lecteurs de super-héros : tout y passe, des costumes au rappel des grandes phases de la carrière de Wolverine, à tel point que nous sommes, de la première à la dernière case, en terrain familier et conquis. Le dessin de Giada Perissinotto est remarquable et adapte d'une manière fascinante tous les codes des comics à la sauce Disney, avec cette capacité d'émonder l'inutile et d'insister sur les détails qui font mouche. Une lecture sainement recommandée, à louer pour son caractère novateur et pour le moment exceptionnel, mais à qui il manque un peu de fond pour entrer dans le panthéon du genre. En osant un peu plus, en lâchant un peu plus la bride en faveur des auteurs, Marvel et Disney tiendraient peut-être la clé de quelque chose d'immense. Vite, la suite (Avec Donald/Thor et Minnie/Captain Marvel). 





Nous avons lu cet épisode dans le Topolino 3585, publié en Italie.


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LE NOUVEAU TITRE DAREDEVIL PAR SALADIN AHMED ET AARON KUDER


Ça ne commence pas sur les meilleures bases possibles… un personnage qui meurt à la fin du cycle précédent (signé Zdarsky, qui s'est finalement contenté de réécrire des choses déjà racontées dans le passé, avec forcément moins d'inspiration) et qui ressuscite, dès l'arrivée du nouveau scénariste (en l'occurrence Saladin Ahmed) et du nouveau volume, sans qu'il n'y ait aucune autre explication qu'une intervention divine ou mystique. Voilà qui ressemble tout de même à de la facilité, voire à de la paresse. Mais bon, les lecteurs de super-héros sont habitués à avaler des couleuvres et Marvel a vraisemblablement pensé que cette fois encore, le serpent serait rapidement digéré. Matt Murdock n'est donc pas mort, mais il n'est plus pour autant Daredevil. Le voici sans aucun souvenir de sa vie d'avant, ni même sans son célèbre rôle d'avocat, puisqu'il est désormais prêtre. Il s'occupe d'enfants en difficulté dans la paroisse de Saint Nick, en compagnie du Père Javi, qui est un peu son référent. Murdock est donc la figure paternelle d'une bande de gamins turbulents dont l'histoire personnelle est chaotique; il leur sert de guide, grâce à sa spiritualité toute particulière. Un des éléments régulièrement exploités tout au long de la carrière du bon vieux Matt, selon les envies des scénaristes. S'il n'a plus aucun souvenir de son existence en tant que Daredevil, il ressent tout de même d'étranges sensations. Un peu comme un écho lointain de celui qu'il était autrefois, lorsqu'il bondissait sur les toits de New York en collant rouge. D'autant plus que l'identité du mystérieux donateur qui finance les nouvelles activités de la paroisse finit par être révélée au lecteur : il s'agit d'Elektra, qui dans le costume de Daredevil (vous avez bien lu le run précédent, hein ?) s'en va trouver son amant aveugle pour voir si par hasard, il ne lui resterait pas un vague souvenir de leur relation charnelle. Et là, ça dérape.


 

Disons que durant son passage chez les décédés, Murdock ne s'est pas fait que des amis, et cela va avoir des répercussions sur les épisodes que vous allez pouvoir lire. Nous retrouvons, cela va de soi, plusieurs des personnages récurrents de l'univers de Daredevil, comme Ben Urich, reporter actuellement à la tête du quotidien de New York, le Daily Bugle, qui n'est pas exactement dans son état normal, mais aussi Bullseye, même s'il faudra attendre le volume 2 pour que l'un des assassins les plus redoutables de l'histoire des comics américains fasse vraiment parler de lui. Non, ce qui cloche dans ce nouveau redémarrage pour DD, c'est ce personnage qui exorcise ses adversaires avec une croix dans les mains, qui semble un peu trop concéder à des histoires de foi bon marché, et qui finalement n'est jamais aussi crédible que lorsque cette dernière est perpétuellement remise en cause, qu'elle le torture, l'attire tout en l'éloignant. Alors qu'ici, en embrassant la cause et les habits du prêtre, Murdock devient une version improbable de lui-même, qui clairement ne fonctionne pas. et qu'on ne nous sorte pas les hourras admiratifs pour la dualité "je répands la parole de dieu/je m'habille comme le diable", vraiment trop facile. De plus, les enjeux sont pour l'instant assez limité s; ces cinq premiers épisodes sont relativement peu rythmés et n'ont guère de chance de passer à la postérité. Aaron Kuder en est le dessinateur principal, avec un style qui tend vers l'épure, vers une simplification fonctionnelle et efficace des formes et des corps, mais qui n'oublie pas de gratifier le lecteur de belles pleines pages ou de moments d'action plastiquement efficaces. Globalement, un point point pour le titre. Grosso modo, on retire du relaunch de Daredevil l'idée que Marvel souhaite temporiser jusqu'à l'arrivée de la série Born Again sur Disney +, avant de parier gros sur son héros catholique. D'ici-là, on se contentera d'un super-héros et son chapelet, amen.  



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PHANTOM ROAD VOLUME 1 : PRENEZ LA ROUTE AVEC LEMIRE ET WALTA


 Vous étiez peut-être déjà là en 2019, pour la première collaboration entre Jeff Lemire et Gabriel Hernandez Walta : il s'agissait d'une histoire publiée chez un éditeur américain mineur, TKO, du nom de Sentient. De la science-fiction (trans)humaniste, particulièrement bien assaisonnée. Phantom Road, cette fois chez Image Comics, se présente d'une façon très différente. Ici, nous sommes sur ces routes américaines parfois aussi arides qu'interminables, avec un conducteur de poids lourds prénommé Dom. Le type est accablé par une forme de tristesse et de solitude qu'on devine dès les premières planches, lorsque son regard est plongé dans son propre reflet, dans le pare-brise. Il faut dire qu'une scène flashback nous montre un quotidien peu reluisant à la maison, puisqu'il est censé tromper sa femme et passer bien trop de temps à s'occuper de leur enfant. Dom va faire une rencontre inattendue lorsqu'il évite de justesse un véhicule qui semble s'être retourné sur l'asphalte. Un accident qui a fait un mort mais aussi une rescapée, une jeune fille qui répond au sobriquet de Birdie et qui voyageait en compagnie de son fiancé. Birdie et Dom ont à à peine le temps de faire connaissance de la plus sommaire des façons qu'ils se retrouvent dans une situation aussi inattendue qu'inexplicable. Tout autour, la réalité semble avoir changé et ils sont maintenant face à un paysage quasi lunaire et désertique, traversé par des créatures à mi-chemin entre le fantôme et le squelette, silencieuses et effrayantes. Notre routier à une bonne idée pour se sortir de cette situation incongrue : un pied-de-biche et foncer pied au plancher, ce qui vous l'aurez compris n'est pas suffisant pour apporter des éléments de réponse à un mystère qui ne va faire que se stratifier, au fil des épisodes.




Dom et Birdie ne sont pas les seuls personnages importants de cette histoire, puisque nous allons aussi faire la connaissance d'une agent du FBI qui tente à sa manière de résoudre le mystère de la situation que nous avons sous les yeux, ainsi que un homme en chemisette qui pourrait bien être la clé de voûte de l'ensemble. Et puis, il faut aussi mentionner ces relais d'autoroute, des sortes de stations-service/épiceries appartenant à la chaîne Billy Bear, qui semblent constituer de véritables nexus permettant de passer d'un monde à l'autre, du nôtre à celui totalement étrange et singulier dans lequel pénètre les protagonistes de ce récit. Assez curieusement, Lemire offre cette fois une histoire un peu plus désincarnée que d'habitude. On retrouve certains des thèmes chers à l'auteur, comme par exemple les relations familiales dysfonctionnelles, mais c'est un peu moins présent, un peu moins prégnant que dans ses œuvres les plus connues. Il y a du mystère, beaucoup, mais il y a aussi de l'horreur et il flotte un parfum qui n'est pas sans rappeler ce qui a été publié récemment chez le concurrent, avec la série The bone orchard. Autrement dit, si c'est intéressant (voire fascinant) à bien des égards, c'est aussi un peu hermétique et le lecteur devra encore beaucoup patienter s'il veut comprendre parfaitement ce qu'il lit. C'est bien le défaut de ce premier tome que de n'apporter aucune réponse, nous plonger dans une situation qu'il est impossible de déchiffrer et nous amener forcément à attendre la suite pour y voir plus clair. C'est un pari risqué d'autant plus qu'à 22 € pour 5 épisodes, il n'est pas certain que ce genre de série indépendante (même s'il y a Lemire au scénario) trouve forcément son public (ce n'est pas un hasard si Panini solde en ce moment le pourtant très bon Family Tree). De son côté, Walta apporte une science du storytelling et une clarté dans l'exposition des enjeux qui est extrêmement bienvenue, le tout magnifiée par les couleurs de Jordie Bellaire, le plus souvent dans des tons sablonneux et bistres d'un assez bel effet. Phantom Road a donc beaucoup d'atouts pour séduire une grande partie du lectorat, mais il faut être aussi honnête, ce premier volume apporte plus de questions que de réponses et risque de laisser beaucoup de monde sur sa faim. D'autant plus qu'en VO la série est en pause, et que Lemire affirme avoir bien moins d'appétence en ce moment pour l'écriture d'histoires horrifiques… 



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SUPERMAN CHRONICLES 1988 VOLUME 2 : DE SMALLVILLE AU TOIT DU MONDE


 L'été, c'est aussi le moment idéal pour remonter le temps et se replonger dans la collection Chronicles que propose Urban Comics. Et ça tombe bien, nous avions le volume le 2 de l'année 1988 à terminer. Au menu pour débuter, une mini série, World of Smallville, autrement dit l'occasion de faire un petit tour dans cette bourgade du Midwest américain où a grandi le jeune Superman, avec des parents adoptifs aimants et un cadre de vie bucolique. Et ça démarre très fort avec des révélations inattendues qui concernent le passé de Martha Kent : vous l'avez toujours vu comme une épouse modèle, destinée à se mettre en couple avec ce cher Jonathan depuis le lycée… en fait, elle a été mariée une première fois à un richissime homme d'affaires local, atteint d'un cancer. Tout ceci vous est raconté (par Byrne et Schaffenberger) dans les deux premiers épisodes, avant que l'histoire se concentre sur Lana Lang, la petite amie parfaite pour Superman durant son adolescence, mais qui s'est révélée être l'objet des Traqueurs, une sorte d'espionne contre sa volonté, qui est depuis en quête de rédemption et semble avoir beaucoup à se faire pardonner. Mais ça tombe bien, Superman pardonne toujours, il a grand cœur ! Le cœur de Superman qui peut aussi l'amener à commettre quelques impairs. Il a beau être un super-héros quasi invulnérable et affronter des menaces cosmiques invraisemblables, lorsqu'il s'agit de parler de ses sentiments et de ses rapports avec les femmes, il se révèle être plutôt maladroit. Le jour où il décroche enfin le rencard qu'il espère avec Wonder Woman, c'est pour se jeter sur elle et l'embrasser directement, ce qui lui vaudrait en 2024 une campagne sur Twitter pour le contraindre à abandonner la cape et formuler des excuses publiques. Les deux membres les plus puissants de la Justice League ensemble ? En fait, John Byrne (et George Perez) nous expliquent qu'ils viennent de deux mondes différents, et cela va se sentir lors d'un combat face à Darkseid, qui a décidé de mettre les mains sur la demeure des dieux grecs, le Panthéon dont est issue Wonder Woman. Un épisode particulièrement intéressant à relire aujourd'hui, qui fait suite à d'autres un peu plus anecdotiques. Nous y retrouvons notamment les Metal Men ou la Silver Banshee, qui n'est pas forcément le personnage le plus réussi de l'époque. 




Le problème avec Superman, c'est qu'il dispose de pouvoirs incommensurables, qui le mettent à l'abri de toutes les mauvaises surprises. Alors John Byrne fait comme tous les scénaristes, ils tentent d'escogiter des moyens qui permettront de faire redescendre le héros les pieds sur terre, le temps de un ou plusieurs épisodes. Quand ce n'est pas une sorte de nuage de particules fines provenant de l'explosion de Krypton, survenu bien des années auparavant (probablement une des excuses les plus invraisemblables jamais écrites), ce sont deux éclaireurs venus d'un monde extraterrestre, qui parviennent à faire croire à leurs ennemis qu'ils perdent tous leurs super-pouvoirs, un à un, et même Superman semble tomber dans leurs filets ! Un besoin d'humaniser absolument le personnage pour qu'il puisse avoir face à lui une menace de taille susceptible de lui procurer autre chose qu'un désagréable sentiment de chatouille. Lex Luthor a bien une bague de kryptonite autour du doigt, mais celle-ci a fini par contaminer son organisme, au point qu'il va falloir lui couper la main et lui en greffer évidemment une autre, toute robotique. Mais dans ces épisodes où intervient aussi la Doom Patrol et la mère de Jimmy Olsen (une jolie quadra aux cheveux blancs argentés, qui apparemment ne laisse pas Clark Kent de marbre), il y a un personnage particulièrement intéressant, qui est développé pour l'époque d'une façon assez audacieuse : le capitaine Maggie Sawyer, de la police de Métropolis. N'oubliez pas que nous sommes à la fin des années 1980, aux États-Unis, dans ce qui est probablement un des comic books les plus mainstream qui puisse être publié. Un personnage comme Maggie, une femme qui aime les femmes, ce n'était pas si courant, et ça l'était encore moins quand ses préférences sexuelles furent l'objet d'une tentative de chantage de la part de Luthor. Même si jamais la chose est toujours exprimée par des sous-entendus, ces derniers sont toutefois de plus en plus clairs, au point que personne ne peut se tromper. Aujourd'hui, ce serait quelque chose de totalement banal, voire incongru, mais en 1988, ça restait encore ce genre de secret qui pouvait peser sur une carrière et qu'on n'avait pas l'habitude de lire sur les pages de Superman. Ce gros volume est bien entendu complété par de nombreuses pages rédactionnelles, des fiches sur les personnages, la publication du courrier des lecteurs de l'époque, ou des articles qui approfondissent certains points clés des récits. L'ensemble est écrit ou traduit par Jean-Marc Lainé, toujours aussi efficace et sérieux, que nous saluons au passage ! Bref, si ce n'était une couverture dont la frise est parfois légèrement décalée et qui ne résiste pas trop au temps, nous serions convaincus de tenir, avec ces Chronicles, la plus belle collection jamais produite sur l'univers DC en langue française. 




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LE PINGOUIN TOME 1 : BEC ET ONGLES


Le Pingouin, vous connaissez, forcément ! Oswald Cobblepot, un des ennemis les plus baroques de Batman, qu'il a longtemps été difficile de prendre au sérieux. Il faut dire qu'au premier regard, le type est replet, particulièrement repoussant, affublé d'un défaut de locomotion, et il a un nez crochu, panoplie singulière qui le rapproche fortement de cet animal habitué à se dandiner sur la banquise, et qui n'est pas célèbre pour être un fauve de premier ordre. Oui, mais voilà, derrière ces caractéristiques peu engageantes se cache un des maîtres de la pègre de Gotham, un de ces types capables d'éteindre les vies de ses ennemis d'un simple claquement de doigts et d'organiser les pires méfaits depuis sa base opérationnelle, une sorte de grand casino appelé la Banquise, où toutes les personnes les moins recommandables de la ville finissent par se retrouver. Enfin, tout ça c'était avant, car le Pingouin est censé être mort, tué par Batman. Du coup, cet album qui présente la première partie de la mini-série qui lui est consacrée, écrite par Chip Zdarsky (le numéro 0) et Tom King (le reste) va relater ce qui a bien pu se passer en réalité, ce qu'est devenu le Pingouin, comment il tente de reconstruire sa vie loin de Gotham, cette fois à Métropolis. Vous avez déjà vu ce genre de récit, quand un vilain absolument incontournable et sanguinaire devient tout à coup raisonnable… vous le provoquez dans la rue, vous l'insultez, vous l'offensez, mais il ne réagit pas de suite, poursuit son petit bonhomme de chemin et semble même manifester l'envie de se racheter, en tous les cas de faire le bien. Vous vous en doutez, derrière cette façade de respectabilité se cache toujours un prédateur capable du pire, et en effet, cela ne va pas tarder !



C'est que dans cet album il est aussi question de l'héritage du Pingouin. Une fois éliminé de la scène, qui va bien pouvoir mettre les mains sur son empire financier, sur son casino, toutes ses relations avec la pègre ? La succession est ouverte et bien entendu, cela risque de faire des étincelles, d'autant plus que chose étonnante, il faut aussi compter sur les enfants d'Oswald ! C'est parmi eux que Catwoman est censé mener sa propre mission afin de les avertir qu'ils vont être concernés. Seulement voilà, à chaque fois que Selina se présente sur les lieux pour en informer l'un d'entre eux, c'est avec un coup de retard : ils sont tous assassinés les uns après les autres. Ce polar reprend tous les codes habituels chers à Tom King, que ce soit sur la forme (les fameux jurons qui sont remplacés par des signes, un langage assez cru) que sur le fond (beaucoup de personnages qui se télescopent, des enjeux assez fumeux qui nécessitent une réelle attention de la part du lecteur, un récit qui ne respecte pas une linéarité parfaite). Aux dessins Rafael De Latorre livre une prestation absolument parfaite pour ce genre d'histoire. Ils sont très réalistes et sombres, l'artiste parvient à magnifier tout le côté glauque de cette mini série et convient parfaitement à Gotham et ses sbires. On retrouve aussi le personnage de l'Aide, vu récemment dans Killing Time, sauf qu'il n'apparaît pas aussi puissant et incontournable qu'alors, mais finit par être mis au pas assez rapidement par le Pingouin. J'admets avoir été surpris. Pour le reste, ça se lit très agréablement et les amateurs du genre devraient y trouver réellement leur compte. On pourra juste regretter ne pas avoir eu directement une édition en un seul gros volume, comme cela est souvent le cas pour les travaux de Tom King. 




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DEADPOOL & WOLVERINE : AVEC MARVEL STUDIOS C'EST POSSIBLE !


 C'est le moment de bascule, l'heure où il faut grandir, concrétiser tous les espoirs ou au contraire péricliter inéluctablement. Les films de super-héros Marvel au cinéma ont connu leur heure de gloire et ces temps derniers, essuyé aussi un certain nombre de revers, que les obstinés essaient de minimiser ou oublier, alors qu'ils sont sous les yeux de tout le monde. Entre des séries pas forcément convaincantes et transformées en spectacles douteux, à coups de blagues potaches (quand elles ne sont pas purement et bêtement insignifiantes, comme Secret Invasion ou Echo) ou de films ayant pour vedettes des personnages mineurs qui n'intéressent pas les foules, l'univers Marvel a fini par se regarder le nombril d'un peu trop près et il ressent aujourd'hui le besoin de relancer une toute nouvelle phase, celle de la reconquête, du grand coup de pied dans les fesses. Avant d'entamer cette nouvelle existence, l'heure est au funérailles; celle de la Fox, d'un univers parallèle principalement centré autour des mutants, qui a accouché de belles réussites (Logan est un vrai film, absolument splendide) mais aussi de quelques nanars qu'on préfère oublier. Du coup, un grand nombre des personnages que nous avons rencontré (ou pas) au fil des ans, comme Blade, Elektra, Gambit, X-23, La torche Humaine, sont réemployés dans ce Deadpool & Wolverine, ce qui constitue par ailleurs l'une des raisons principales pour laquelle les fans de comics ressentaient une impatience évidente avant l'arrivée du long-métrage. Qui allait bien être présent à l'écran, dans quel rôle, quelle version, puisqu'il s'agit d'explorer les couloirs des réalités parallèles, avec cette désormais parfaite excuse que constitue le TVA, sorte d'organisme chargé de veiller sur toutes les lignes temporelles et éviter les anachronismes. Deadpool est à considérer comme un ennemi en ce sens : il a décidé de sauver sa réalité, pourtant destinée à être inéluctablement effacée, depuis que Wolverine y est décédé. Son plan : aller chercher un autre Logan pour prendre la place de celui qui s'est sacrifié. Oui mais voilà, quel Logan ? Là encore, les clins d'œil à toute les versions présentes dans les comics (Patch, le costume marron, le costume jaune, l'ère d'Apocalypse…) vont forcément faire sourire et emporter l'adhésion des Marvel zombies, qui pour une fois sont considérés comme le cœur de cible de l'ensemble. Pour apprécier pleinement Deadpool & Wolverine, il vaut mieux en effet connaître un minimum les comics ou au moins avoir vu les films mutants précédents, au risque d'être perdu et de passer à côté de toutes ces références pour initiés.



Reste bien entendu à aborder le point principal, lorsqu'on parle de Deadpool, à savoir le film est-il vraiment drôle ? Vous connaissez déjà la réponse avant même de vous rendre en salle. Tout dépend de votre sensibilité par rapport aux deux premiers et à ce qui constitue l'humour de base du mercenaire avec une grande bouche. Pour être plus clair, l'essentiel des blagues fait mouche en tapant en dessous de la ceinture, voire même en lorgnant vers la scatophilie ou l'absurde pur et simple. Il faut aussi mentionner le rythme : ce sont de véritables rafales qui partent en direction des spectateurs et il y a très peu de moments sérieux, pour ne pas dire qu'il n'y en a pas ! Wolverine, par chance, n'est pas transformé en un personnage ridicule qui sert de faire valoir et qui lui aussi s'adapterait au ton de Deadpool. Il est parfois obtus, découragé, sauvage, ce qui donne l'occasion de plusieurs scènes de combat dantesques entre les deux amis/ennemis, notamment une où ils sont en train de se découper à coup de griffes et de couteaux à l'intérieur d'une voiture, qui est parfaitement réussie en termes de ballet sanglant et de coups bas. Ce Deadpool & Wolverine a une qualité indéniable, la capacité de proposer un ennemi majeur, Cassandra Nova, qui parvient assez rapidement à convaincre le spectateur de sa dangerosité et qui possède suffisamment d'arguments pour tenir en échec tous les personnages qui se dressent devant elle. Le troisième volet est donc loin d'être mauvais et il bénéficie en plus d'une année 2024 où les sorties super-héroïques n'ont pas connu le rythme effréné des précédentes. L'attente a probablement ravivé quelque peu le désir ! De plus, s'appuyer sur tout ce qui a été fait auparavant, y compris ce qui clairement n'a pas fonctionné, pour une sorte d'hommage choral qui accepte le pire et le meilleur de Marvel au cinéma, permet de dresser un bilan assez malin et surtout de donner envie de voir la suite. Hugh Jackman qui reprend son rôle de Wolverine, c'est un peu un cadeau qui est fait à tous les fans du monde entier et en même temps, l'aveu que personne n'est pour l'instant en mesure de le remplacer, tout comme il sera bien difficile de se priver de Robert Downey Jr, qui de Tony Stark est désormais destiné à incarner Fatalis. Il y a de ces personnages Marvel qui ont trouvé une incarnation quasi parfaite sur grand écran et comme le veut une des blagues récurrentes de ce film, les acteurs doivent s'attendre à être exploités jusqu'à la dernière ride, jusqu'à leur 90 ans ! En attendant, mettez votre cerveau sur pause, ne demandez pas à ce Deadpool & Wolverine ce qu'il n'est pas ou ne promet pas, et prenez le pour un simple divertissement régressif qui s'inscrit dans la droite ligne des deux premiers. Alors, il y a de fortes chances pour que vous ressortiez satisfaits de la séance. Si vous avez par contre de véritables ambitions cinématographiques ou prétendez que l'on creuse un peu les enjeux et la psychologie de Deadpool, contentez-vous des comic books, car il n'y aura pas grand-chose pour vous, tout au long de ces deux heures.



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LES APPRENTIS : LA NOUVELLE TRÈS BONNE BD D'OLIVIER GAY CHEZ DRAKOO


 Commençons par être honnête et annoncer la couleur : la raison pour laquelle nous avons souhaité parler de cet album est simple. Son scénariste ! Cela fait désormais quelques années qu'Olivier Gay à définitivement accédé au statut envié de maître de la bande dessinée d'aventure et humoristique à destination d'un public young adult, mais aussi moins young. Chacune des récentes sorties publiées chez Drakoo s'est avérée être un coup franc en pleine lucarne et il y avait vraisemblablement de bonnes raisons pour qu'il en soit de même avec Les Apprentis. Dès le départ, nous faisons connaissance avec l'habituelle princesse d'un royaume en agitation, protégée par cinq puissants héros. Chacun excelle dans sa propre discipline mais à la mort de la princesse, la quintette de fiers combattants se retrouve quelque peu désœuvrée et doit se mettre en retrait. Place alors à leurs jeunes élèves, la relève. Ils ne sont que quatre, à priori, et le moins que l'on puisse dire, c'est que leur parcours initiatique est loin d'être achevé. La magicienne du groupe ne connaît que quelques sorts mal maîtrisés et qui ne sont guère utile au combat en l'état. Le soigneur a tendance à privilégier la nature, les fleurs, la contemplation, plutôt que l'action. Ajoutons à cela un guerrier inexpérimenté sur qui il vaut mieux ne pas trop compter en cas de coup dur et une spécialiste de la duperie et du vol, qui se joint au groupe après avoir exercé ses premiers pas en grand secret. Ces apprentis ne sont clairement pas capables de quitter leur village sans accumuler les gaffes et ils n'ont pas l'étoffe pour affronter les terribles menaces qui ne tarderont vraisemblablement pas à se dresser sur leur chemin. Car l'heure de la grande mission a sonné…



Le problème commence le jour où leurs maîtres décident de s'éloigner pour des raisons personnelles; ils quittent le royaume pour ne plus y revenir. Que sont-ils devenus ? Nos quatre héros malgré eux décident donc de les retrouver afin de leur prêter secours, en cas de besoin. Ils n'ont absolument pas les compétences pour mener à bien cette tâche, ni même une simple carte pour s'orienter. Leur parcours va être semé de rencontres terrifiantes, de trahisons, d'ennemis prêts à les trucider. Mais peu à peu, ils vont réussir à trouver un équilibre et à triompher des obstacles les plus encombrants, pas forcément de la manière la plus académique. Bref, ils vont apprendre sur le tas, avant un final qui réserve son lot de révélations et une happy end dont l'auteur a le secret. Tout comme il a le secret de cet humour permanent qu'il manie avec dextérité, capable de très nombreux clins d'œil à son public adolescent, tout en proposant des situations qui ne manqueront pas de faire rire aussi les plus âgés. Il est cette fois épaulé au dessin par Olivier Boiscommun, dont le style un chouïa caricatural, avec notamment des visages très expressifs et qui peuvent être taillés à la serpe, permet des pages d'une grande énergie, d'où se dégage toujours un sens de l'action et du rebondissement, à chaque coin de case. Les couleurs de Aurélie F.Kaori ne font que servir et rehausser l'ensemble et c'est tant mieux ! Nous avions déjà eu l'occasion de le dire le mois dernier, à l'occasion de la publication de Métamorphes (Tome 1) mais l'exercice est loin d'être facile. Ce genre de bande dessinée, c'est toujours la traversée sur un fil entre deux falaises, avec la tentation de tomber dans le précipice de la facilité, de la blague vaseuse et éculée, en se disant que de toute manière ça passera. Olivier Gay, c'est la science du récit et comment le développer et le rendre attachant, à l'issue d'un parcours sans faute. Ce qui fait que nous vous recommandons une fois encore (et chaudement) Les Apprentis, chez Drakoo.



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JUSTICE LEAGUE VS GODZILLA VS KONG : LE MEGA CHOC DES TITANS


 La Légion Fatale, ça vous dit quelque chose ? En gros, il s'agit de la réunion de quelques-uns des cerveaux les plus brillants mais maléfiques de l'univers DC Comics, avec à leur tête Lex Luthor. Le mauvais coup qu'il mijote cette fois-ci consiste à s'introduire dans la Forteresse de Solitude de Superman, pour s'en aller voler deux artefacts, leur permettant par la suite d'asseoir une domination globale. Ils ont besoin pour commencer d'une Boîte Mère (et ses tunnels boom) qui permet, comme vous le savez peut-être, de se déplacer à travers l'espace et les dimensions. Mais le problème est que parmi eux se trouve un certain Toyman, qui est loin d'être le plus malin de l'équipe, mais pas forcément le moins dangereux non plus. Il s'empare de la Pierre des Rêves, dont la particularité est de savoir exaucer les vœux de celui qui la manipule, et cela va avoir des conséquences tragiques pour un peu tout le monde, à commencer par Superman. Que nous retrouvons au début du premier épisode sur le restaurant-rooftop d'un hôtel de luxe. Le super-héros s'apprête à faire sa demande en mariage à Loïs Lane mais le tête-à-tête romantique est interrompu par l'apparition d'un monstre géant, que tout le monde connaît sous l'appellation de Godzilla. Que fait-il à Métropolis ? Comme je vous l'ai dit, l'ami Toyman a dérobé Pierre des Rêves et toute sa frustration, tout son sentiment de déclassement par rapport à ses illustres collègues vont l'amener à exprimer le souhait de transférer sur notre monde quelques-uns des Titans du multivers, des monstres que la pop culture connaît particulièrement bien, et dont le plus célèbre n'est autre que la créature japonaise que nous venons de mentionner. L'autre grande star, c'est évidemment le gorille que rien n'arrête, King Kong, ainsi que toute son île, le temps qu'on y est (Skull Island, qui abrite d'autres mastodontes redoutables). Bref, l'ensemble va donner lieu à sept épisodes riches en combats légendaires, où il s'agit avant tout de rendre hommage à différents pans de la pop culture mondiale. 

Alors bien entendu, on ne va pas se le cacher : si vous cherchez de la profondeur dans cette histoire, autant passer votre tour, vous diriger vers un autre album. Le principe est simple. Une fois que la situation est clairement exposée, tout le monde tape sur tout le monde, il y a des monstres en liberté un peu partout et les super-héros doivent s'unir pour contrer la menace, quitte à prendre des décisions qui flirtent carrément avec l'absurde, comme ce robot Batman géant bien vite imité par celui des Green Lantern, sans oublier évidemment une construction mécanique monstrueuse en face, confiée à Lex Luthor. Vous l'avez compris, c'est de la décomplexion pure et simple, il n'y a rien à penser dans cet album, uniquement de l'action et encore de l'action, avec un Superman qui passe le plus clair de son temps dans un état catatonique et hors-jeu. En fin d'aventure, notons une perte d'importance chez les héros, qui n'ont pas l'air de s'émouvoir plus que ça… c'est quand même assez étonnant ! Brian Buccellato n'a pas dû se fatiguer beaucoup pour le scénario et ce n'était pas de toute manière ce qu'on lui demandait. Fan service et bourre-pif à gogo, voilà ce qu'il propose à la carte. Pour les dessins, Christian Duce a beaucoup progressé depuis ce que nous avions vu sur les pages de Flash notamment, mais il est également épaulé dans certains épisodes par Tom Derenick; c'est plutôt joli à regarder, ça reste très lisible, malgré les nombreux personnages et les combats sont en effet titanesques. Bref, ça peut le faire, à condition bien entendu que vous sachiez pertinemment ce que vous allez acheter et quels sont les enjeux. Il y a aucun doute sur le fait que Justice League versus Godzilla versus Kong n'a rien à voir avec ces comic books qu'on retrouve régulièrement proposés pour les Eisner Awards, par exemple. Fun time et rien d'autre.



Sortie prévue le 19 août

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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...