Lex Luthor a déjà était beaucoup de choses, depuis son apparition en 1940 sur les pages d'Action Comics. Tout à tour présenté comme une intelligence exceptionnelle, un homme d'affaires sans scrupules, le pire ennemi de Superman, ou un vilain au bord de la rédemption, il a même été élu président des Etats-Unis et a gouverné sa propre planète (Lexor, un épisode un peu kitsch qu'il vaut bien taire, en fin de compte). Les comics modernes tendant vers toujours plus de réalisme et une froide crédibilité, Brian Azzarello a proposé, voilà une quinzaine d'année, une mini série en six parties, nous offrant un Lex Luthor plus impénétrable et énigmatique que jamais (même si clairement mauvais dans ses intentions), face à son pire cauchemar, sa pire fascination, à savoir Superman. Lex n'est qu'un homme, aussi brillant et riche soit-il, et face à cet adversaire qui toise le commun des mortels de là-haut, et voit chaque jour Metropolis se déployer sous ses pieds, il ne peut faire le poids. Que devient l'humanité quand elle est en présence d'un sauveur, qui assume les contours d'un mythe, et apparaît comme le messie pour résoudre toutes les grandes crises? Selon Luthor, ce cas de figure a une conséquence néfaste. L'être humain n'exploite plus ses capacités à se dépasser, à viser plus loin, mais il se repose, subjugué, et compte aveuglément sur cette présence fabuleuse pour les tracas et les crises du quotidien. Impensable pour une telle personnalité, qui n'accepte pas la défaite, le renoncement, le concept même de concurrence et de résignation. Lex veut-être celui qui va emmener ses semblables vers quelque chose d'autre, un avenir plus solide, plus grand, et peu importe s'il faut supprimer Superman de l'équation, et se placer en leader calculateur et cynique pour y parvenir. Attention, Azzarello ne se cache pas la face et ne propose pas une version expurgée et naïve du magnat de Metropolis, mais il cherche à élucider ses convictions, plus que ses motivations, tout en soulignant avec pertinence son coté horriblement machiavélique, comme lorsqu'il fait enlever un scientifique russe pour obtenir une création de laboratoire, sa propre "Superwoman" du nom de Hope, qu'il va utiliser comme un simple pion à placer sur l'échiquier, tout en subissant une fascination évidente qui n'est pas sans faire écho au rapport haine/amour qui peut naître face à la toute puissance de Superman. Celle qu'éprouve le commun des mortels, et probablement aussi Luthor, qu'il sublime sous une morgue et un rejet pathologiques.
L'humain contre le surhumain, donc, comme clé de lecture possible. Avec en parallèle une interrogation évidente : certes Luthor est ce qu'il est, c'est à dire un être froid et trompeur qui n'a pas l'empathie pour qualité première, mais après tout, qu'est-ce qui pousse Superman a se faire chantre de vertu et défenseur de la planète, et qu'est-ce qui pourrait l'empêcher un jour d'être fatigué du rôle, et de se retourner contre ses fidèles d'aujourd'hui? Avec Brian Azzarello, les frontières du bien et du mal se brouillent, comme celles de l'aide, et de l'assistanat. Si vous aimez le style photo-réaliste, vous allez aussi être conquis par le splendide travail de Lee Bermejo. Cette fois encore le dessinateur a accompli quelque chose de remarquable, avec des vignettes qui sentent presque le cuir et le latex utilisés pour les costumes de nos héros. Chaque pli, chaque détail des bottes ou des vêtements, rendent inoubliables ces planches magnifiques. Les expressions faciales ont droit à un traitement particulier, et cela explique pourquoi Superman, ici vu à travers le prisme de Luthor, semble si étranger aux mortels, avec ce regard presque toujours perçant et lumineux, comme s'il s'apprêtait à décocher des rayons calorifiques à tout ce qui bouge. Bermejo joue aussi la carte de l'érotisme avec deux figures féminines qui hantent l'album de leur présence. Mona, la secrétaire personnelle de Luthor, qui rivalise de poses et tenues affriolantes mais ne gagne que mépris ou indifférence, et bien sur notre Superwoman artificielle, présentée comme une (presque) femme ingénue et facilement influençable, avide de sensations et de vie, qu'elle espère probablement découvrir avec son créateur. Si nous voulons trouver des défauts à cette oeuvre, c'est peut-être au niveau du rythme, notamment le premier tiers, que nous allons les pointer. Un verbiage très présent, légèrement grandiloquent, qui risque d'ennuyer ou indisposer certains amateurs de comics qui bougent et exultent. Pour le reste il s'agit d'une parution de qualité qui a l'énorme mérite d'inverser les opinions et le regard porté sur un héros trop longtemps considéré comme le gentil boy-scout parfais, mais qui a droit lui aussi à ses zones d'ombres, et serait une menace extraordinaire s'il venait se retourner contre l'humanité. Qui aurait alors besoin d'un héros aussi fort, aussi déterminé. Comme Lex Luthor?
L'humain contre le surhumain, donc, comme clé de lecture possible. Avec en parallèle une interrogation évidente : certes Luthor est ce qu'il est, c'est à dire un être froid et trompeur qui n'a pas l'empathie pour qualité première, mais après tout, qu'est-ce qui pousse Superman a se faire chantre de vertu et défenseur de la planète, et qu'est-ce qui pourrait l'empêcher un jour d'être fatigué du rôle, et de se retourner contre ses fidèles d'aujourd'hui? Avec Brian Azzarello, les frontières du bien et du mal se brouillent, comme celles de l'aide, et de l'assistanat. Si vous aimez le style photo-réaliste, vous allez aussi être conquis par le splendide travail de Lee Bermejo. Cette fois encore le dessinateur a accompli quelque chose de remarquable, avec des vignettes qui sentent presque le cuir et le latex utilisés pour les costumes de nos héros. Chaque pli, chaque détail des bottes ou des vêtements, rendent inoubliables ces planches magnifiques. Les expressions faciales ont droit à un traitement particulier, et cela explique pourquoi Superman, ici vu à travers le prisme de Luthor, semble si étranger aux mortels, avec ce regard presque toujours perçant et lumineux, comme s'il s'apprêtait à décocher des rayons calorifiques à tout ce qui bouge. Bermejo joue aussi la carte de l'érotisme avec deux figures féminines qui hantent l'album de leur présence. Mona, la secrétaire personnelle de Luthor, qui rivalise de poses et tenues affriolantes mais ne gagne que mépris ou indifférence, et bien sur notre Superwoman artificielle, présentée comme une (presque) femme ingénue et facilement influençable, avide de sensations et de vie, qu'elle espère probablement découvrir avec son créateur. Si nous voulons trouver des défauts à cette oeuvre, c'est peut-être au niveau du rythme, notamment le premier tiers, que nous allons les pointer. Un verbiage très présent, légèrement grandiloquent, qui risque d'ennuyer ou indisposer certains amateurs de comics qui bougent et exultent. Pour le reste il s'agit d'une parution de qualité qui a l'énorme mérite d'inverser les opinions et le regard porté sur un héros trop longtemps considéré comme le gentil boy-scout parfais, mais qui a droit lui aussi à ses zones d'ombres, et serait une menace extraordinaire s'il venait se retourner contre l'humanité. Qui aurait alors besoin d'un héros aussi fort, aussi déterminé. Comme Lex Luthor?
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