LA GUERRE DE SINESTRO : LE JAUNE DE LA PEUR EN DC PAPERBACK


Sinestro Corps War appartient à l'ère bénie des comics DC, celle coincée entre Crisis on Infinite Earths et Flashpoint, avant que les New 52 ne viennent tout réinitialiser. C’est à bien des égards une guerre sainte au cœur du cosmos DC, et l’un des sommets du travail de Geoff Johns, artisan patient d’une mythologie spatiale devenue tentaculaire et foisonnante. Tout part, comme souvent, d’un ancien mentor ou héros devenu ennemi. Sinestro, autrefois le plus brillant des Green Lanterns, qui s'est transformé en l'incarnation même du chaos. Avec sa moustache autoritaire et son sens certain de la dictature éclairée (tendance chancelier du Reich), il fonde son propre corps de justiciers jaunes, le Sinestro Corps, nourri non plus par la volonté, mais par la peur. Face à lui, les Lanternes vertes (les gentils shérifs interstellaires dont l’anneau matérialise les pensées) sont submergés par une armée de monstres et de tyrans : le Cyborg Superman Hank Henshaw, Superboy-Prime dans sa version la plus hystérique, l’Anti-Monitor en personne, et toute une légion de brutes cosmiques prêtes à faire plier la galaxie. C’est dire si le vert a du souci à se faire. Place au jaune ! Au premier rang de la mêlée, on retrouve Hal Jordan, revenu d’entre les morts après avoir été Parallax, puis fusionné avec le Spectre. Personnage héroïque mais souvent fade, il est ici bien aidé par la densité du casting : Guy Gardner, John Stewart, Kyle Rayner, tous participent à cette guerre totale où les anneaux virevoltent par milliers, cherchent de nouveaux porteurs au milieu d’un ballet d’explosions et de morts glorieuses. Johns orchestre tout cela avec la rigueur d’un général et la passion d’un lecteur de longue date. Il tisse un récit qui aurait pu servir de trame à un crossover à l’échelle de tout l'univers de DC Comics (l'idéal pour un reboot, même). L’intensité est telle qu’on croirait parfois lire du Jack Kirby sous amphétamines, le lyrisme cosmique en plus.



Le dessin, signé notamment par Ivan Reis, Peter Tommasi et Ethan Van Sciver, contribue largement à cette impression d’ampleur. Chaque planche semble prête à devenir une affiche, chaque bataille une fresque monumentale. L’univers des Lanterns prend enfin toute la mesure de sa folie conceptuelle : les émotions ont des couleurs, les anneaux deviennent des armes de foi, et la peur s’érige en force physique. Ce que Johns a compris mieux que quiconque, c’est que la mythologie Green Lantern n’est pas qu’un gadget lumineux mais une réflexion sur le pouvoir, le contrôle et la responsabilité. Et dans cette guerre, les Gardiens de Oa finissent par franchir la ligne rouge en autorisant le recours à la force létale. Un détail moral d’importance, qui fissure à jamais la façade idéaliste du Corps. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Certaines séquences publiées dans la série Green Lantern Corps sont plus inégales, parfois expédiées, parfois confuses. Mais l’ensemble tient remarquablement debout, d’une cohérence rare pour une histoire éclatée entre plusieurs titres. Même Superman, quand il apparaît dans la bataille finale, se tait : ce n’est pas son histoire. C’est celle d’une confrérie d’hommes et de femmes (ou de créatures vaguement humanoïdes) consumés par la peur, la culpabilité, la volonté. Le sommet tragique, peut-être, d’un âge héroïque où les couleurs ont cessé d’être symboles pour devenir des armes. Les lecteurs français, moins familiers du pan galactique de DC que de celui de Marvel, n'ont pas forcément pris la mesure de cette odyssée. Publiée d’abord dans DC Universe en 2009, puis reprise par Urban Comics, La Guerre de Sinestro demeure pourtant un monument, à la fois spectaculaire et fondateur. C’est ici que s’esquisse le spectre émotionnel complet qui conduira à Blackest Night. Et c’est ici que le vert, couleur de la volonté, apprend (dans la douleur) qu’il n’est pas seul dans la palette de l’univers, et que la lumière la plus pure ne brille jamais sans sa part d’ombre. Un récit à la fois baroque et grandiose, traversé d’éclairs de génie visuel, où chaque page repousse les frontières du cosmos et de l'imaginable. Indispensable album de la collection DC Paperback, on vous aura averti. 



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