INCOGNITO : La série de Brubaker / Phillips

Travailler en binome, quelle joie. Pour les lecteurs, certaines associations (Claremont + Byrne ou encore Millar + Mac Niven) sont de suite rassurantes, voire jouissives. Citons également le duo Brubaker / Phillips qui a finalement trouvé sa voie, son alchimie, et qui en général fournit uniquement une matière première de belle facture. Avec INCOGNITO (Non, ce n’est pas l’adaptation bd du récent film avec Dubosc et Bénabar) vous n’allez pas être déçus, forcément. L’ambiance sombre qui a fait le succès de « Criminal » ou de « Captain America », Brubaker oblige, est à nouveau présente, mais la série emprunte un parcours qui porte au genre super héroïque et d’espionnage. Zack Overkill est un ancien super vilain qui n’a plus de pouvoirs, et qui traverse une bien morne phase, qui plus est placé dans un programme de protection policière, et au centre d’une intrigue qui voit s’affronter une agence gouvernementale et un syndicat de criminels post-humains. Zack ne semble pas fait pour cette existence au rabais, et il va provoquer bien imprudemment l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres. Il faut dire qu’il est bien difficile de passer de la possibilité de donner libre cours à des pouvoirs remarquables, d’avoir la faculté de se hisser au dessus du commun des mortels et de goûter à la toute puissance, pour ensuite échouer lamentablement sous le giron de fonctionnaires zélés qui tentent tant bien que mal de vous maintenir en vie. Rien n’a plus de saveur, et cet état dépressif est à rapprocher de celui de l’artiste qui sort de scène et retourne dans l’ombre, ou du drogué qui une fois son trip achevé, amorce la descente et initie une nouvelle période de manque, et d’attente. Brubaker développe toute une série de thématiques dont il est coutumier, et ne révolutionne pas sa marque de fabrique, loin de là. Cette façon de toujours devoir composer avec un passé qui vous tourmente, qui revient en fragments pour guider les choix futurs, c’est aussi ce qu’on retrouve par exemple avec le Winter Soldier, devenu le nouveau Captain America, ou chez le Professeur Xavier, que l’on découvre tout à coup avec une armoire remplie de squelettes qui ne demandent qu’à sortir ! Ou encore cette notion particulière de l’héroïsme qu’il affectionne, ce code d’honneur et déontologique particulier que le protagoniste possède, censé masquer ou faire pardonner d’autres dérives qui font de lui un des « méchants ». Sean Phillips est encore une fois très bon aux dessins, son style est digeste et léger, et associe un trait clair avec un encrage crade et menaçant. Ne croyez pas que l’univers d’ Incognito est sombre comme la nuit, vous trouverez aussi toute une gamme de couleurs pastelles qui se mettent au service du récit et qui rendent l’œuvre plus agréable et humaine. Peut être une voie à suivre, d’ailleurs, pour les prochains titres urbains (Daredevil ?) que Brubaker ne manquera pas de réaliser, qui ont parfois besoin de ce type d’arc en ciel pour éviter la déprime totale. En résumé, encore du bien bel ouvrage ! Achetez la VO sous forme d'un beau Tpb de 176 pages ici.

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