LA SELECTION COMICS DE 2022 : LE TOP TEN COMICS


 C'est parti pour notre petit classement de fin d'année, à savoir les dix albums que nous recommandons, tous sortis depuis le 1 janvier 2022, en langue française. Pour des raisons d'équité, et pour apporter un équilibre entre toutes ces propositions de lecture, nous avons choisi de nous limiter à deux albums maximum par éditeur. Sont exclues les publications de type "softcover", c'est à dire les versions modernes des comics en kiosque, et les rééditions d'histoires anciennes déjà parues au format librairie en leur temps. Enfin, le classement n'est pas hiérarchisé, il serait assez ridicule de classer du premier au dixième de telles œuvres, aussi nous nous contenterons du terme "sélection". 


La sélection UniversComics

(Quand une critique est disponible sur notre site, il vous suffit de cliquer sur le titre pour y accéder).


* BLOODSTAR de Richard Corben (Chez Delirium)

* LE LABYRINTHE INACHEVE De Jeff Lemire (Chez Futuropolis)

* HOKA HEY ! de Neyef (Chez Rue de Sèvres label 619)

* CROSSOVER Tome 1 de Donny Cates et Geoff Shaw (Urban Comics)

* THE PLOT HOLES de Sean Murphy (chez Urban Comics)

* ED GEIN de Harold Schechter et Eric Powell (Chez Delcourt)

* RECKLESS (Les deux tomes parus cette année) de Ed Brubaker et Sean Phillips (chez Delcourt) 

* NEXUS omnibus tome 1 de Steve Rude (chez Delirium)

* L'ESCADRON SUPREME De Mark Gruenwald, Paul Ryan... (chez Panini Comics)

* THE LAST RONIN De Kevin Eastman, Tom Waltz, Peter Laird... (chez Hi Comics)






LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : L'ARABE DU FUTUR 6 DE RIAD SATTOUF


 Dans le 142e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente le sixième et dernier tome de L'arabe du futur, série que l’on doit à Riad Sattouf, éditée chez Allary. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de Debry, Cyrano et moi, premier tome de la série Les coeurs de ferraille que l'on doit au scénario des Beka, au dessin de José-Luis Munuera et c'est édité chez Dupuis

- La sortie d'Après la pluie, second tome de la série Le printemps suivant que l'on doit à Margaux Motin et aux éditions Casterman

- La sortie de l'album Le labyrinthe inachevé que l'on doit à Jeff Lemire et aux éditions Futuropolis

- La sortie de Not a New York love story que l'on doit au scénario de Julian Voloj, au dessin d'andreas Gefe et c'est édité chez sarbacane

- La sortie de l'album Lucien que l'on doit au scénario conjoint de Guillaume Carayol et Stéphane Sénégas, dont ce dernier signe aussi le dessin, titre qui est édité chez Delcourt dans la collection Mirages

- La réédition de Rimbaud l'indésirable de Xavier Coste, un album édité chez Casterman





TOUTES LES MORTS DE LAILA STARR : LEÇONS DE VIE POUR LA MORT


 Si je vous dis la Mort, vous allez probablement me répondre le personnage iconique de Neil Gaiman dans l'univers du Sandman, ou bien tout simplement celle dont est amoureux Thanos et qui hante parfois les comics Marvel. Ici, il est question de tout autre chose. En fait, l'histoire se déroule en Inde, ce qui est important pour comprendre la philosophie du récit et de son auteur, Ram V. La naissance d'un petit garçon prénommé Darius, qui est censé un jour découvrir l'immortalité, provoque des conséquences inattendues dans l' aréopage des dieux locaux; la Mort, dont nous venons donc de parler, se retrouve licenciée du jour au lendemain et doit quitter le plan d'existence dans lequel elle évolue, pour se retrouver alors dans la peau d'une terrienne tout ce qu'il y a de plus banale. Un bain d'humilité sur Terre qui est aussi un moyen infaillible d'accumuler de l'expérience et différents points de vue sur ce qu'est vraiment l'existence et donc le trépas. C'est dans la peau de Laila Starr, une jeune femme qui vient de chuter (probablement un suicide) du haut d'une fenêtre qu'elle prend conscience de sa nouvelle destinée. Seulement voilà, animée par le désir de se venger et de se débarrasser du petit Darius, la Mort se rend vite compte que les choses ne sont pas si simples. Tout d'abord en raison de sa propre fragilité, ensuite parce que c'est une chose d'accomplir son devoir quand on est l'incarnation même de la fin de la vie, ça en est clairement une autre de prendre la vie de quelqu'un quand on est soi-même "périssable". Bref, Laila Starr est désormais aussi humaine que la mort pouvait être inhumaine, et d'un échec à l'autre, c'est-à-dire d'une mort puis d'une résurrection (grâce à Pranah, le pendant positif qui gère toutes les naissances) à l'autre, la Mort va apprendre beaucoup sur elle-même et sur les autres.



Toutes les morts de Laila Starr - titre qui devient éloquent dès la fin du premier chapitre - est un album tente de coincer la Mort dans un corps mortel, de donner des limites physiques à un concept hautement métaphysique (qui cependant nous concerne tous) en la plaçant dans la peau d'une jeune femme qui doit son perpétuel retour, après chaque décès, à Pranah , la Vie, son opposé. L'histoire se déroule sur plusieurs années (il s'écoule du temps entre chaque résurrection, et Darius en profite pour grandir) et dans cinq parties; elle est narrée de temps à autre par une voix différente, un point de vue inédit et osé, qui accompagne la protagoniste et ses lecteurs dans un nouveau chapitre de la "mission". Un corbeau, une cigarette, un temple chinois font alors connaissance avec Laila Starr, leurs esprits se connectent à la Mort est deviennent le liant entre elle et la prochaine étape qui la pousse vers Darius. La mort est-elle vraiment destinée à… mourir ? Et l'éternité, dans tout cela, existe t-elle vraiment, en dehors du concept des dieux? Ram V est décidément un auteur versatile, capable de toucher à tout, aussi bien l'horreur la plus pure (Carnage) que le comic book mainstream (Batman, avec Detective Comics), et ici, à la poésie et la réflexion sur l'existence et ses contradictions, sa complexité. Le scénariste indien utilise sa connaissance des traditions et de la religion pour donner de l'étoffe à sa pensée, et construire un parcours remarquable de cohérence et d'audace. Filipe Andrade, par la grâce de dessins très personnels, est capable de restituer toute la profondeur du texte et des dialogues de Ram V en employant un style particulier et raffiné, qui se caractérise par des figures éthérées, étirées et fascinantes, soulignées par une palette de couleurs douces qui représente le caractère sacré présent dans tous les aspects de le vie quotidienne de Mumbai et de l'Inde en général. Le résultat final est un petit bijou capable de susciter des sentiments profonds. Une œuvre à part qui envoûte au fur et à mesure qu'on la parcourt, et qui figure parmi les plus belles surprises du catalogue d'Urban ces dernières années, hors super-héros. 





BATMAN SPAWN : QUE VAUT LE CROSSOVER PAR MCFARLANE ET CAPULLO ?


 Spawn et Batman, ensemble, si avec ça vous ne vous sentez pas à l'aise dans vos années 1990, c'est à n'y rien comprendre ; d'autant plus que la doublette McFarlane/Capullo contribue grandement à ce sentiment de retour en arrière/madeleine de Proust, version maléfique. Vous le savez, Al Simmons et Bruce Wayne sont tous deux extrêmement différents, mais sous certains aspects aussi semblables. Les deux hommes ont subi une grande tragédie dans leur vie : Simmons a été assassiné par ses anciens employeurs et séparé de sa femme Wanda, tandis que Wayne a perdu ses parents, assassinés sous ses yeux, dans une ruelle sombre de
Crime Alley. Et ces deux tragédies ont fini par façonner leur vie, mais pour des raisons différentes. Simmons a conclu un accord avec le démon Malebogia, devenant ainsi Spawn, tandis que Wayne a endossé le masque et la cape de Batman pour lutter contre le crime à Gotham City, bien aidé par une fortune personnelle colossale. Leurs chemins se croisent lorsque la Cour des Hiboux se met en tête de convaincre Spawn que Batman est le responsable de la mort de sa femme. Désireux de se venger, Spawn traque le chevalier noir. Mais Batman ne tombera pas sans se battre, même s'il va devoir encaisser du lourd, du très lourd. Au fur et à mesure que les coups pleuvent, le malentendu se dissipe, et un plan plus vaste et machiavélique apparaît, avec non seulement l'implication de la Cour des Hiboux, mais aussi celle des Prêtres, que les lecteurs de King Spawn ont appris à redouter. Au passage, le vœu pieu de Batman de ne jamais prendre une vie se heurte aux méthodes extrêmes de Spawn, pour qui le massacre est une option évidente et salutaire. 
Ce n'est pas la première fois que Batman et Spawn se croisent, mais c'est la première fois que McFarlane écrit ce sombre duo, ensemble. Il se concentre sur des points de narration susceptibles de relier les deux univers, ainsi que sur leurs différences respectives. Et il parvient également à tisser des éléments de la mythologie de Spawn dans celle de Batman, d'une manière qui a du sens. Cependant, de multiples références présentes dans ces pages sont clairement inaccessibles, ou énigmatiques, pour ceux qui font l'impasse sur les titres du Spawn Univers étendu, actuellement en cours. Malin, le Todd. Et McFarlane a tendance à être un poil trop verbeux, là où on préférerait qu'il laisse Capullo faire exploser son talent. Car si vous aimez ce bon vieux Greg, vous verrez, ses planches sont à la hauteur de sa réputation, et l'ambiance est glauque à souhait. Ce Batman Spawn est aussi présenté dans toute une série de variant covers qui font que vous devriez forcément trouver votre bonheur. L'événement était très très attendu, et le produit fini est ma foi assez solide, mais pas non plus inoubliable.


Toujours plus?
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HULK TOME 1 : L'ÉCRASONAUTE (DONNY CATES ET RYAN OTTLEY)


 L'échangisme est une pratique qui ne se cache plus dans le milieu des comics. La preuve avec Donny Cates et Al Ewing, qui s'échangent respectivement leurs séries Incredible Hulk et Venom. Enfin, Incredible ou Immortal, vous voyez ce que je veux dire, bien entendu. Vous allez donc pouvoir découvrir en cette fin d'année chez Panini Comics le premier volume de la nouvelle série, qui débarque après le succès retentissant d'une prestation, il faut bien l'avouer, remarquable. Cates a réellement la pression mais il est habitué à séduire les fans avec des concepts osés et parfois assez casse-gueule à première vue. Il persévère dans ce qui est sa marque de fabrique en s'intéressant à ce que peut être Bruce Banner pour Hulk et Hulk pour Banner. Vous pensiez que le géant vert représentait la frustration et la colère du scientifique gringalet? Pourtant, imaginez un peu ce que cela pourrait signifier s'il s'agissait en réalité d'un moyen de nous protéger de la véritable colère de Bruce? Ce dernier a utilisé la technologie de l'A.I.M pour réussir un pari audacieux, à savoir transformer le monstre qu'il est censé abriter, Hulk, en une sorte de vaisseau spatial, de gros robot qu'il peut piloter et dont il peut contrôler la rage, au moyen d'une manette avec neuf stades différents, par ordre croissant, allant de la colère à la destruction incontrôlable et massive. On se croirait dans un bon gros animé japonais avec ce concept assez dingue, alors que les sentiments forts que ressent Hulk sont utilisés pour alimenter le colosse vert. Et comme Hulk est régulièrement l'objet de polémiques en raison du chaos qu'il sème derrière lui (l'exemple récent de El Paso est assez tragique et énigmatique) ses anciens amis et collègues Avengers tentent de trouver une solution, une nouvelle fois, pour le neutraliser (rappelez-vous Planet Hulk, ils ne font pas toujours dans la subtilité). Inutile de trop se creuser la tête car en réalité, Banner a bien l'intention de disparaître de lui-même, en empruntant les chemins tortueux et inconnus des mondes parallèles.



Une fois introduit dans une nouvelle dimension, Hulk va faire des découvertes assez surprenantes, notamment se retrouver face à face avec lui-même, c'est-à-dire une incarnation du docteur Bruce Banner qui n'aurait pas subi la transformation en Hulk, mais qui aurait vu sa bombe utilisée à travers le globe en tant qu'arme de destruction massive. On ne va pas vous le cacher plus longtemps, quitter le run de Al Ewing pour se retrouver avec ce type de lecture, certes décomplexée mais par moment un peu déroutante (euphémisme), ce n'est pas vraiment facile. Le public visé ici, c'est celui qui souhaite lire un comic book qui ne se prend pas la tête et se laisser emporter par l'action, encore de l'action. Oui mais voilà, cela fait maintenant quatre ou cinq ans que le titre du Géant Vert est entre les mains d'auteurs qui écrivent pour un public fort différent; du coup la transition n'est pas simple. Reste qu'au moins le choix du dessinateur est parfait puisque Ryan Ottley, lorsqu'il s'agit de dessiner des monstres déchaînés ou des combats titanesques, insuffle une force si évidente à ses planches qu'on a l'impression qu'elle éclate devant vous et qu'elle fait vibrer les vitres de votre appartement ou de votre maison. Oui, à ce niveau-là, c'est très réussi, il n'y a rien à dire. Le problème, c'est qu'au fur et à mesure où on avance dans l'histoire, on se rend compte que certes la résolution de ce qui s'est produit à El Paso va être un bon prétexte pour introduire un véritable antagoniste surpuissant, mais d'un autre côté, on peut aussi vite se lasser de ce concept de Bruce Banner qui pilote un Hulk tel Actarus dans Goldorak, même si c'est ici de façon imagée. L'adjectif décomplexé que j'ai employé un peu plus haut va d'ailleurs prendre toute sa pleine mesure avec le crossover à venir, qui implique aussi Thor, à savoir Banner of War, qui a été traduit en français par un bannière de guerre qui limite malheureusement la possibilité du jeu de mot en langue originale. Vous le verrez, là il n'y a plus du tout à réfléchir, juste à cogner. C'est exactement ce qui résume le relaunch du titre. Des points serrés, des chocs primordiaux, de la violence jouissive, mais il manque probablement un peu de fond pour en faire un incontournable.






TEENAGE MUTANT NINJA TURTLES : THE LAST RONIN CHEZ HI COMICS


 Les meilleures choses ont une fin. Les Tortues Ninja semblaient éternelles, mais la réalité est bien plus cruelle. Faisons un bon en avant dans le futur et retrouvons une ville de New York post apocalyptique, socialement et technologiquement organisée en plusieurs couches, de manière à ce que les plus nantis surplombent le chaos des plus pauvres. Une cité déshumanisée et fascisante où règne sans partage le clan Foot, avec un sa tête le petit-fils de Shredder. Notre histoire commence avec le dernier survivant, le Last Ronin, à savoir Michelangelo, seule de nos quatre tortues à avoir échappé au drame terrible qui a vu l'implosion de l'univers des TMNT. Vous souhaitez des détails sur la manière dont les trois autres sont mortes, sur ce qui a pu se produire pour en arriver là, et bien il vous suffira de lire, car des nombreux flashback viennent expliquer au lecteur tout ce qui a pu se produire et lui permettent de faire la jonction entre ce que nous avons l'habitude de rencontrer, et cette histoire hautement différente, particulièrement amère et poignante, où il est question d'une vengeance, d'une dernière mission qui s'apparente de toute manière à une forme de suicide. Michelangelo y converse continuellement avec les ombres de ses amis défunts. D'entrée de jeu, il se rend à la tour où réside son grand ennemi, dans le but de se débarrasser de l'adversaire, qui cela dit en passant aurait tout de même pu être représenté avec un charisme plus prononcé. Lais l'assaut est un échec patent et non seulement le héros ne parvient pas à trucider celui qu'il était venu châtié, mais en plus, il est victime d'une terrible chute qui en temps normal l'aurait probablement laissé pour mort. Il va être soigné et recueilli dans les tunnels de la ville (là où autrefois se trouvaient les appartements des Tortues Ninja) par April, la journaliste que les fans des Tortues connaissent bien. Elles aussi a vécu des drames, elle a vieilli et a désormais une fille, qui va pouvoir apporter son aide à notre malheureux Ronin. Il y a vraiment un côté poisseux à ce récit, quelque chose de terrible de voir ce que sont devenus ces personnages qui semblent tous s'embarquer pour un ultime round. 


Et là, vous allez me demander : oui, mais moi qui ne suit habituellement pas les Tortues Ninja chez Hi Comics (vous avez tort, au passage, les 18 très bons tomes déjà publiés n'attendent que vous), vais-je y comprendre quelque chose? Ou encore, ces personnages, ce ne serait pas de la bande dessinée pour cours préparatoire première année, gros maximum? Première réponse, oui, même un novice de passage, pour peu qu'il sache qui sont les Turtles grâce (même vaguement) au dessin animé célébrissime, ne perdra rien de l'essentiel de cet ouvrage. Certes, un peu de connaissance renforce le pathos et l'affection, mais ce n'est pas du tout indispensable. Ensuite, pas du tout. C'est d'ailleurs un terrible lieu commun dont souffre ce titre, depuis bien longtemps. Il y a bien plus de profondeur dans l'univers des Tortues que dans nombre de séries mainstream chez Marvel ou DC Comics, et ici il s'agit d'une histoire plus "adulte" et sombre que d'habitude, une sorte de "Dark Turtle returns", qui ne laisse pas indifférent. Tel un drame shakespearien où seule la mort peut couronner une haine atavique, la rivalité entre les clans Hamato et Foot connaît une fin crépusculaire, que vous auriez tort de bouder. Kevin Eastman et Peter Laird, accompagnés de Tom Waltz, sont les scénaristes d'un récit qui unit alors la tradition, les esprits derrière ce monde qui a connu depuis la gloire mondiale, à une forme de continuité à succès, qui fait les beaux jours de HI Comics. Qui nous offre un joli cadeau de fin d'année, avec un contenant qui s'adapte au contenu, et s'avère très réussi, dès la couverture qu'il est agréable de caresser (pas que des yeux), sans oublier des bonus fournis et pertinents. Esau et Issac Escorza soignent le show au dessin, en ne négligeant pas de truffer leurs planches de nombreux détails; ils savent faire exploser l'action, vite et fort au besoin, sur le modèle de ce qu'est la philosophie du maître Splinter, dont on découvre également le tragique destin. Antonio Delgago joue avec expertise des couleurs, modifie les teintes et la lumière en fonction de la chronologie du récit, qui rembobine souvent les enjeux pour clarifier ce que nous sommes en train de lire. Un très bel hommage à la mythologie TMNT que ce Last Ronin, qui n'oublie pas non plus les trois autres ninjas, dont le caractère et la personnalité se reflètent dans ces moments où le seul survivant converse avec lui-même, avec ses amis et frères tombés au champ d'honneur. On hésite entre la tristesse insondable de la solitude, et la poésie de la résilience et du souvenir, malgré tout. Par moments, c'est vraiment, vraiment beau, et il y a fort à parier que vous ne serez point déçus!  




SHE HULK TOME 1 : RETOUR À LA VIE CIVILE


 Miss Hulk est de retour dans une nouvelle série qui tombe à point nommé pour ceux qui ont suivi ses aventures sur Disney Plus. Pour être exact, la publication américaine a précédé l'incarnation sur le petit écran, mais on sent tout de même quelques points communs, notamment dans l'atmosphère générale d'un titre qui met de côté les ambitions méta-narratives de l'époque de John Byrne, ou le super héroïsme classique et un peu bourrin à la Jason Aaron (n'oublions pas ce que vient de vivre le personnage dans son run chez les Avengers). C'est donc le quotidien qui prime, la recherche d'un nouvel emploi en tant qu'avocate, la chance de trouver un nouveau logement, grâce à un appartement prêté par Janet Van Dyne (alias la guêpe), que la géante verte avait déjà occupé par le passé, au point d'y retrouver une pièce pleine de ses anciens costumes. Une petite vie tranquille et en apparence normale, qui redémarre avec de temps en temps un peu de baston, mais sans grande conséquences. Juste pour lâcher un peu de lest et de vapeur, et maintenir la forme avec une ennemie/amie comme Titania, sparring partner idéale pour échanger des coups sans risquer de blesser personne. Tout cela est valable jusqu'au moment où débarque le Valet de cœur. Jack of Hearts est un personnage important car premièrement, il est censé être mort après avoir explosé dans l'espace. Et secondement, il a un passé/passif avec Jennifer Walters; ces deux-là étaient équipiers et amis chez les Avengers, mais involontairement, les pouvoirs de l'un ont eu un effet néfaste sur l'autre. She Hulk a ainsi été transformée en un monstre incontrôlable de rage, dans un arc narratif des Vengeurs, il y a de nombreuses années. Le Valet de cœur lui même a aussi été manipulé par la Sorcière Rouge pour anéantir la plus grande formation de super-héros de la terre. Le type débarque à l'improviste et Jennifer va l'aider à se réinsérer progressivement; une nécessité d'autant plus prégnante qu'il semble avoir de sérieux problèmes avec ses pouvoirs, au point qu'il va devoir redécouvrir petit à petit ce que signifie être "juste humain".


Une autre des pistes narratives de ce premier tome, c'est la liaison qui se profile entre Jennifer et le Valet de cœur. Bon, il ne faut pas être un voyant pour comprendre, à travers les dialogues, les attitudes, le langage corporel, que ces deux-là vont finir par se rapprocher. Le seul petit hic, c'est que normalement il suffirait que le Valet touche la peau de celle qui l'héberge momentanément pour lui drainer ses pouvoirs, mais comme je viens de le signaler plus haut, notre revenant n'est pas au meilleur de sa forme. En temps normal, il n'a même pas besoin de manger, de dormir ou d'aller aux toilettes… seulement voilà, le voici transformé en un simple humain sans pouvoir particulier. L'occasion donc de profiter des petits plaisirs de l'existence, mais aussi de ses petits problèmes. Ma foi, c'est plutôt attachant, même si il faut bien dire qu'il ne se dégage pas grand-chose de ces épisodes écrits par Rainbow Rowell, si ce n'est ces tranches de vie qui permettent de rentrer dans le quotidien de personnages habitués à des scénarios beaucoup plus cataclysmiques et angoissants. Parfois, ça fait du bien. Au dessin, nous trouvons tout d'abord Rogê Antônio et c'est ensuite l'italien Luca Maresca qui prend la relève. Dans les deux cas, c'est très agréable à regarder, très immédiat et concis, dans le sens où les fonds de cases sont loin d'être ultra développés, mais où les attitudes et les sentiments des personnages sont bien mis en valeur et la lisibilité est remarquable, ce qui permet de passer un très bon moment, au fil des pages. Voilà donc un titre qui n'a absolument rien d'indispensable ou d'incontournable, mais qui pour autant donne la banane et fait agréablement sourire. Oui, parfois lire des comics, c'est aussi du divertissement. Un joli comic book bubble gum, au capital sympathie indéniable.








A WALK THROUGH HELL - UNE PROMENADE EN ENFER TOME 2 : LA CATHÉDRALE


 Un des pires cauchemars que vous pourriez vivre, c'est d'être la proie d'une situation horrifique, sans absolument rien comprendre à ce qui vous arrive. C'est un peu dans cette situation que se trouvent les personnages de A walk through hell, une promenade en enfer, dont le volume 2 vient de sortir chez Black River. Pour rappel, plusieurs agents du FBI ont disparu mystérieusement alors qu'ils étaient en train d'inspecter un entrepôt. Les agents Shaw et McGregor entre eux aussi dans ces lieux funestes pour essayer d'expliquer ce qui s'est produit et retrouver leurs collègues, mais eux aussi finissent par se perdre dans un dédale aussi absurde que terrifiant. En parallèle, l'histoire nous raconte l'enquête qui les a menés sur la piste de Paul Carnahan, un tueur d'enfant qu'ils ont pourchassé et qui est censé être mort et enterré depuis longtemps. Sauf que dans le labyrinthe invraisemblable que constitue cette entrepôt maudit, ils finissent par retrouver le type, qui entreprend de leur raconter son histoire farcie de détails sordides, comme par exemple l'assassinat de ses propres parents lorsqu'il était encore enfant, quand il s'est jeté sur la jugulaire de son père avec un couteau, pour la trancher. En parallèle à tout cela, Garth Ennis continue de dresser un portrait au vitriol de ce qu'est devenue aujourd'hui l'Amérique, depuis la présidente Trump et la manière dont les esprits sont désormais contaminés par une sorte de folie ambiante, de course à la haine permanente, notamment sur les réseaux sociaux, où il s'agit de lyncher l'adversaire sans même essayer de comprendre sa position. Un discours sociétal qui vient donc parfois empiéter sur l'histoire au risque de créer un peu de confusion et de perdre le lecteur, qui ne sait pas trop ce qu'il est en train de lire. L'exercice est périlleux et c'est peut-être là que réside la faille, ou bien selon les opinions, le génie de cette histoire, qui apparaît vraiment comme hors du commun et qui en tous les cas nécessite une lecture attentive.



Le second volume représente une plongée dans l'horreur et dans l'abject bien plus impressionnante que le premier. Il faut dire qu'ici il est question des recoins les plus sombres de la psyché humaine. Les agents du FBI qui sont entrés dans l'entrepôt ont tous de lourds secrets, des moments où leur existence a basculé, où ils ont connu le pire de l'humanité. Tout cela est mis en lumière par Garth Ennis avec des scènes très choquantes. C'est intéressant d'ailleurs, dans la mesure où nous vivons actuellement une époque où un artiste peut-être condamné pour ce qu'il produit, en tous les cas au moins par l'opinion publique et les réseaux sociaux, comme nous venons de le voir avec Bastien Vivès. Il n'est pas question pour nous de juger car nous n'en avons ni les moyens ni la compétence, mais que dire de certaines scènes totalement glaçantes présentes ici? Devrait-on interdire ce genre de bande dessinée, au prétexte que pour représenter tout cela il faudrait avoir forcément l'esprit mal tourné et être soi-même le prolongement de ce qu'on dessine ou que l'on écrit? Heureusement qu'il existe ce décalage entre l'œuvre de fiction et la réalité, car ici, je vous assure, il y a vraiment des choses très perturbantes. Le dessin de Goran Sudzuka reste lui d'une simplicité apparente remarquable; aussi bien la mise en page que le trait, somme toute classique mais efficace, sont au service de l'histoire. Bref, tout sauf des rodomontades personnelles propres au dessinateur qui aurait décidé d'en faire des caisses, pour attirer tous les regards. Le seul petit moment sur lequel on peut émettre des doutes, au final, c'est lorsque l'histoire bascule dans la métaphysique, l'ésotérique et le côté démoniaque. Tout ceci s'accompagne d'un discours à charge sur la présidence Trump et ce qu'est devenue l'Amérique, qui pourrait bien plaire énormément à pas mal de lecteurs, mais faire fuir radicalement les autres, déroutés devant des opinions politiques et sociétales aussi tranchées et un parti pris aussi net. C'est pourtant là que réside l'intérêt de A walk through hell, à savoir la volonté de contempler ce qui existe de pire en nous (par nous j'entends aujourd'hui la société américaine et occidentale) sans la moindre complaisance, au contraire en appuyant là où ça fait mal, encore et encore. Une de ces lectures qui décidément ont peu de chance de vous laisser de marbre (y compris si vous repérez vite les fautes de syntaxe et d'orthographe, qui sont malheureusement trop nombreuses dans ce second tome, la relecture ayant failli à plusieurs reprises).




LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE 1629… OU L’EFFROYABLE HISTOIRE DES NAUFRAGÉS DU JAKARTA


 Dans le 141e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente la première partie de 1629... ou l'effroyable histoire des naufragés du Jakarta, album que l’on doit au scénario de Xavier Dorison et au dessin de Timothée Montaigne, édité chez Glénat. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de The midnight order, album choral que l'on doit à Mathieu Bablet qui en signe le scénario, les dessins en compagnie de plusieurs autres auteurs et c'est édité chez Rue de Sèvres dans le Label 619

- La sortie de l'album Les fleurs du mal illustré par Bernard Yslaire aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre

- La sortie de l'album L'essentiel que l'on doit à Laurent Bonneau et aux éditions Des ronds dans l'O

- La sortie de La nuit des justes, troisième tome de la série Le château des animaux que l'on doit à Xavier Dorison au scénario, Félix Delep au dessin et c'est édité chez Casterman

- La sortie de l'album Ostende, 1905 que l'on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin d'Olivier Wozniak et c'est édité chez Anspach

- La réédition en intégrale de Prolongations, album que l'on doit à Robin Walter et aux éditions Des ronds dans l'O




DEADPOOL L'INTÉGRALE 1991-1994 : PLACE AU MERCENAIRE BAVARD!


 Deadpool également a droit à sa belle collection "Intégrale". Le personnage a été ces dernières années une locomotive certaine en termes de vente, mais comme d'autres avant (et même après) lui, il a aussi connu une flexion notable en ce sens. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. C'est dans la série X-Force, avec Fabian Nicieza et Rob Liefeld, que Deadpool gagne le cœur des lecteurs, sans y être, les premiers temps, réellement incontournable. Le premier round entre Wade Wilson et les mutants de Cable ne tourne pas à l'avantage du mercenaire, facilement mis hors d'état de nuire par ses opposants, bien aidés, il est vrai, par l'arrivée impromptue de Domino, qui met fin aux débats. Le tout se résume en quelques pages, sans que Deadpool ne soit vraiment caractérisé ou développé d'aucune autre manière, au delà du classique "mercenaire lourdement armé qui flingue, avec des tas de gadgets ultra cool". Rob Liefeld avait fait une sorte de crise de jalousie, à l'époque. Son compère Todd McFarlane avait atteint les sommets du petit monde des comics avec Spider-Man, puis avec son Spider-Man, une série taillée sur mesure pour l'ambitieux canadien. Il suffit de regarder le costume de Wade (notamment les grands yeux) et de supporter ses vannes foireuses au mépris du danger pour comprendre qu'il y a du Spidey chez ce mutant tragique, mais toujours de bonne humeur. Le vrai départ de Deadpool en tant que personnage avec un vrai background, un vrai cast à ses cotés, et de véritables ambitions scénaristiques, sera donné peu de temps après, deux ans plus tard pour être exact, avec une mini série réalisée par Fabian Nicieza et Joe Madureira. Elle fut même publiée alors sur les pages de Strange, la référence Vf de Lug puis Semic, ce qui correspondait un peu à une sorte d'intronisation officielle sur le marché français. Plus de vingt ans ont passé, et les nouvelles générations ont adopté et acclamé Deadpool, avec cependant un risque programmé, celui de voir la poule aux oeufs d'or toussoter et crachoter, malade d'une surexposition risquée, d'une surproduction souvent galvaudée. Parce que finalement, Deadpool est-il vraiment si drôle? Cela dépend des scénaristes, des intentions du moment. En attendant, on hésite encore, dans cette première Intégrale. Un héros? Clairement, un vilain? Un type sur qui on peut compter, malgré les défauts évidents? Ou juste une pourriture, prêt à tromper tout et tout le monde? Ce qu'on devine vite, c'est que la subtilité ne sera pas son super pouvoir favori…


Aux origines donc, pas de série régulière, mais des apparitions de plus en plus constantes et marquées, chez la X-Force de Liefeld, qui a pris la relève des Nouveaux Mutants. Le groupe de jeunes d'autrefois a évolué vers le groupe paramilitaire, et le mentor pacifique que pouvait être Xavier, ou par la suite Magneto, est remplacé par un Cable lourdement armé, qui va devenir par ailleurs l'antagoniste/associé de notre mercenaire. La première mini série en quatre volets (voir plus haut) s'intitule elle The Circle Chase, et elle est illustré par un de ceux à qui on colle l'adjectif "prédestiné" sur le front, dans ces années 1990 : Joe Madureira. Un artiste ultra doué qui fait exploser chacune de ses pages avec un sens inné de l'action et du spectaculaire, et qui en était encore aux prémices d'une carrière, qui de devait malheureusement pas pour nous lecteurs être aussi fournie et régulière qu'espérée. On se replace d'emblée dans la continuité de ce que Liefeld a raconté (avec Fabian Nicieza) avec les Nouveaux Mutants. A savoir que c'est un certain Tolliver qui est à la base du récit. Son décès a entraîné une lutte farouche entre concurrents qui se disputent le privilège de mettre la main sur son testament. Pas de documents chez le notaire ou de fortune cachée, mais plutôt l'arme la plus redoutable du monde, qui sera pour le premier qui parviendra à rassembler les bonnes informations, et s'en emparer. Histoire oblige, c'est du coté de Sarajevo que nous retrouvons Deadpool, au milieu des balles perdues et d'une guerre moribonde qui n'a cesse de laisser derrière elle morts et destruction. Un groupe lourdement armé est chargé de l'éliminer, et pour compliquer les choses, voilà que ce bon vieux Wade Wilson a quelques pépins avec son facteur auto-guérisseur, qui n'est plus aussi efficace et performant qu'autrefois. Dommage, car des poids lourds vont se joindre à la course au testament de Tolliver. Le lecteur va donc croiser, pour des raisons multiples, le chemin de Black Tom Cassidy, du Fléau, de Kane Garrison (l'Arme X). Ne cherchez pas à lire entre les lignes pour aller cueillir un peu de saine philosophie, ou vous gargariser de méta-bande dessinée, ici nous sommes face à quatre épisodes d'action explosive pure et dure, où le but est d'en jeter un maximum aux yeux des fans des années 90. Dire que ça n'a pas très bien vieilli relève de l'évidence, mais ceux qui ont découvert ces pages avec le mensuel Strange gardent toujours de l'affection pour ce type de comics testostéronés. Le Deadpool drôle et qui brise le quatrième mur à longueur d'épisodes, ça viendra par la suite. Du reste, c'est le principe des Intégrales chez Panini, non? Repartir du départ, des premiers pas, pour retracer une carrière éditoriale dans toute sa diversité. Fans de Wade Wilson, pour tout avoir, une année après l'autre, c'est maintenant que ça commence! 





BOTS : LES ROBOTS SI HUMAINS D'AURELIEN DUCOUDRAY


 L'avenir sera artificiel, ou ne sera pas. Et les hommes dans tout cela? Il n'y en a plus. Supplantés par des robots, chacun possédant sa propre fonction définie, organisés en sociétés antagonistes qui se livrent une guerre sans fin, séparés en deux grandes factions divergentes. Au milieu de tout cela, deux robots en particulier deviennent page après page les héros de notre histoire. Le plus petit se nomme (pardon, a pour matricule de série) Rip-R, le plus gros (et pour cause, c'est un Warbot, robot de combat) War-Hol. Si le début du récit de Ducoudray peut dérouter, avec deux créations artificielles qui devisent sur leurs conditions respectives, les choses changent radicalement dès le premier grand coup de théâtre. Après l'attaque de ce qu'on appellera un Scavenger-Bot, une sorte de traqueur au format mastodonte, War-Hol émet soudainement des rafales énergétiques imprévues, et une créature sort de sa carcasse. Il s'agit d'un nouveau né, tout ce qu'il y a de plus humain et fragile, et sa présence déroute les intelligences artificielles, qui ne parviennent pas à l'identifier et donc à comprendre ce qui est en train de se jouer sous leurs yeux. Ce sont des robots, certes, mais ils ne sont pas pour autant à l'abri de ressentir et d'exprimer des émotions, et c'est cela qui va rendre attachante la quête qui débute. Il va falloir comprendre comment un bébé a pu se retrouver dans cette situation, apprendre à le protéger et même pourquoi pas, à l'aimer. Le tout avec beaucoup d'humour, car Aurélien Ducoudray a un talent dingue quand il s'agit de plier le langage, les références culturelles ou techniques, de ce qui constitue le quotidien de nous autres les humains. Des jeux de mots, des glissements sémantiques, qui transforment des expressions idiomatiques ou des appellations courantes, en leurs équivalents "robotiques". On y trouve aussi quelques hommages à nos chers comics de super-héros américains, puisque même si les humains ne sont plus de la partie, l'icone qu'est Captain America, par exemple, est toujours présente dans les circuits imprimés de ces robots qui se réfèrent aux lois du genre, établies par Isaac Asimov, bien que quelque peu perverties depuis.  



Au départ, Bots a été décliné en trois volumes différents, désormais regroupés sous forme d'une intégrale économique et fortement recommandable. Ce qui se dégage de l'ensemble, c'est une cohérence complète et un intérêt qui ne se dément jamais. Au fur et à mesure de l'évolution de l'histoire, les principes posés par Aurélien Ducoudray restent les mêmes, c'est-à-dire une transposition à la sauce robotique de la bêtise, de l'organisation, des incohérences, mais aussi du meilleur de l'humanité. On ne fait pas que rire dans cet ouvrage mais on peut aussi y percevoir toute une série de remarques, de critiques, de sens à peine cachés qui se dégagent au fil des pages. Steve Baker est particulièrement à son aise dans le dessin, parce qu'il n'a pas besoin de mettre sur pieds un univers très réaliste, mais au contraire, il peut donner à chaque instant cette patine caricaturale si agréable, cet aspect faussement enfantin, qui cachent en réalité différents niveaux de lecture. D'un bout à l'autre de la quête de nos deux robots inoffensifs mais ultra motivés, les difficultés ne manquent pas et toujours le dynamisme et les rebondissements illustrés par Baker retiennent l'attention du lecteur. Les auteurs prennent même le temps, par endroits, de revenir sur le passé des personnages principaux, ce qui permet de mieux comprendre en quoi ils étaient destinés à transcender leurs existences artificielles. Pour être honnête, on ne s'était pas autant diverti avec une histoire de robot depuis l'excellent D4ve (toujours chez Ankama) qui on ne le répétera jamais assez, mériterait également d'être redécouvert en quatrième vitesse. Bots, une intégrale disponible chez Ankama, fait donc partie de ces ouvrages que vous pouvez acheter en étant certains qu'il fera plaisir à celui qui le recevra en cadeau, pour peu que vous le destiniez à un amoureux de la bande dessinée, qui souhaite quelque chose qui saura le faire sourire tout en l'amenant à réfléchir. Vous avez ici la garantie de quelque chose de proprement bien amené sous le sapin!

Pour découvrir aussi D4ve chez Ankama 



MOON KNIGHT TOME 2 : DUR À TUER


 Deux raisons à la présence ici de cet album de Moon Knight. La première, c'est tout l'intérêt que nous portons au personnage, un de ces héros sous-cotés de l'univers Marvel, qui mériteraient vraiment d'être mis à l'honneur plus régulièrement. La seconde, c'est le travail formidable d'Alessandro Cappuccio, jeune artiste romain que nous avions repéré sur Timed (publié par Shockdom), avant que Marvel ne mette les mains sur ce prodige pour lui confier les aventures de Marc Spector. Sa version de Moon Knight emprunte à celle de Declan Shalvey, pour ce qui est du look de base, qu'il parvient à densifier avec un jeu d'ombres qui mangent le costume, en révèle la dureté, une espèce d'armure souple plus adaptée à un "chevalier" urbain. La nouvelle série écrite par Jed McKay avance prudemment et sans effets pyrotechniques. On a vu apparaître un double négatif (Hunter's Moon) rapidement devenu un allié, un grand vilain qui trame ses machinations dans les coulisses (Zodiac), un nouveau cast de personnages secondaires pour Spector et sa Mission de minuit, avec notamment le jeune Soldat et une vampire du nom de Reese, sans oublier la réapparition de Tigra, une des rares amies que Moon Knight a conservé, chez les Avengers. Sur ces bases, il faut aussi ajouter le crossover Devil's Reign qui vient se greffer (de façon plutôt artificielle) à l'ensemble. Marc va se retrouver en prison (brièvement) le temps de montrer à tout le monde à quel point il sait se servir de son corps comme d'une arme, pour vite revenir dans les rues de New-York, où l'attend la suite du combat contre Zodiac. Autre évolution notable présente dans ce second tome, Moon Knight va pouvoir bénéficier d'un nouveau quartier général, qu'il va découvrir au terme d'un épisode où il est englouti dans une demeure labyrinthique et ésotérique. Les épisodes peuvent souvent se lire indépendamment les uns des autres, et proposent aussi de belles intuitions, comme celui où on rencontre une certaine Madone Ecarlate, engagée dans une lutte sanglante face à Hunter's Moon. Des pages où c'est la puissance du récit, de l'histoire, qui est au centre du sujet, et finit par incarner ce dernier. N'existe que ce qui se dit, se transmet, se narre. La puissance créatrice se fait volonté divine. Un intervalle bien pensé, tout à fait dans le ton des surprises que nous réserve McKay, l'air de rien... 



Ce Chevalier de la Lune est décidément un cas psychologique très intéressant et ce n'est pas une surprise de constater que la relation qu'il entretient avec sa psychiatre est une des clés de lecture des épisodes de sa nouvelle série. McKay insiste bien sur ce type qui a grandi dans une famille de confession juive, pour finalement renoncer à ses croyances et se mettre au service d'un dieu lunaire égyptien, c'est-à-dire l'incarnation même de ceux qui ont brimé son peuple en des temps antiques. On a déjà connu personne plus déchirée en terme d'identité, mais il faut admettre qu'il s'agit là d'un cas d'école. Ajouter à ceci la fragmentation du "moi" en plusieurs personnalités distinctes, qui cohabitent dans un même corps, et vous obtenez un super-héros qui n'a absolument rien d'un héros et même dont on peut douter fortement du qualificatif de super. Super violent, peut-être, comme le montrent ces épisodes où il tabasse à mort ses ennemis, n'hésite pas à les emprisonner à vie sous une gangue de béton… Ce Moon Knight là est quasiment à rapprocher du Punisher; ce n'est pas quelqu'un qui fait dans la subtilité, les remords n'habitent pas chez lui. Il s'agit là bien entendu d'un comic book très nocturne; la lumière est souvent absente et cette obscurité omniprésente permet à Alessandro Cappuccio de donner le meilleur de lui-même, relayé par Federico Sabbatini. Il est intéressant de voir que même si engagé dans un parcours qui le mène inévitablement à une solitude et au rejet, notre Moon Knight parvient à fédérer autour de lui d'autres paumés qui se reconnaissent en cet individu si particulier et sa manière singulière de vouloir faire le bien. C'est cela qui rend si attachant le personnage, en fin de compte. Le plus drôle dans l'histoire, le plus paradoxal, c'est que nous lisons là une série régulière dont l'ambiance est à rapprocher carrément de ce qui pouvait être autrefois diffusé dans les séries Netflix, avant que la licence Marvel ne passe chez Disney Plus, et que les nouvelles productions virent à la pantalonnade. L'essence du personnage est présente dans ces pages, mais vous l'aurez remarqué ne l'est pas trop sur le petit écran. Il nous reste au moins McKay et Cappuccio pour nous consoler.


Tome 1 : la chronique est à retrouver ici 



UNIVERSCOMICS LE MAG' #30 DE DECEMBRE : LA MORT DE SUPERMAN 30ème ANNIVERSAIRE

 


UNIVERSCOMICS LE MAG' #30
Décembre 2022
84 pages - Gratuit
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#Lire en ligne:
La mort de #Superman 30 ème anniversaire
* Dossier "Death of Superman"
* Lectures "Superman renaît, Superman est de retour"
* Le sublime #Bloodstar et #RichardCorben chez Delirium
* Portrait : Old Man #Hawkeye avec Alexandre Chierchia.
* L'actu VO, ce qui se passe chez #Marvel #DCComics ou encore #dynamitecomics
* Le cahier critique, les sorties du mois chez Panini Comics France Black River Comics Urban Comics Éditions Delcourt Akileos + le black Panther du MCU
* Avec le podcast #LeBulleur, le meilleur de la Bd, dont le superbe Hoka Hey! du Label 619
* Preview : le retour de #ScarletWitch en janvier
* Le portfolio du mois : #EmilioLaiso
* Special Noël : Christmas Superheroes
* La sélection VF du mois de décembre
Cover de #JohnnyMorrow et travail graphique cinq étoiles de #BenjaminCarret
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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...