Car c'est le quotidien du Judge Dredd, les interstices du monde dans lequel il évolue, qui constitue le sel des récits de Williams. Derrière la posture, les gros flingues, la moto rutilante et l'uniforme imposant, c'est le miroir de ce que nous vivons qui s'impose à notre esprit, et le sarcasme fait mouche, à chaque coup. Rob Williams n'oublie pas ceux qui ne sont rien, comme les appelle un célèbre président, avec deux épisodes très malins. Dans le premier, la police de Mega-City One a la bonne idée de réaliser des économies sur le budget du fonctionnement de ses services... en offrant une prime de Noël à tous les citoyens, en échange de l'assurance qu'ils se tiennent à carreau, et ne commettent aucun délit. Dans le second, on assiste au lancement d'une sorte de station flottante au dessus de la ville, club select réservé aux ultra riches, qui vont pouvoir toiser, au sens propre comme au sens figuré, la plèbe resté loin en dessous. Dans les deux cas de figure, la satire au vitriol fonctionne pleinement, car c'est bien écrit, plus subtil qu'on pourrait le penser, avec un final jouissif, quand les projets initiaux se font la malle. On peut aussi rire franchement quand Dredd et son frère Rico sont chargés de sécuriser le tournage d'un film avec une sorte de Godzilla futuriste, en réalité un acteur qui a accepté un invraisemblable transfert de corps pour entamer une carrière artistique. Ce Grudzilla aussi en dit long sur notre époque absurde et ce qui gratte dans nos cerveaux dérangés. Que ce soit tragique, sanguinolent, sombre, ou au contraire désopilant, toutes ces pages bénéficient d'un dessin remarquable, avec un Chris Weston aux manettes. Chaque vignette est fouillée, précise, aussi bien pour ce qui est des personnages mis en scène, que de l'arrière plan. Aucune tentation de bâcler par endroits, c'est du solide, incontestablement, avec un petit quelque chose de l'héritage de Moebius, ou pour faire plus récent, des échos d'un Darrick Robertson ou même d'un Jim Starlin. Weston est un excellent dessinateur de comics, voilà l'évidence! Les épisodes sont mis en couleurs par des artistes différents, ce qui permet aussi de s'adapter au ton des récits, qui sont très variés, comme nous venons de le voir. Il en ressort au final un titre vraiment agréable et bien ficelé, un plaisir de lecture qui s'adresse aussi bien aux aficionados de Judge Dredd, qu'à ceux qui ne savent presque rien du personnage, et pourront aisément apprécier l'ensemble, sans devoir consulter une masse encyclopédique d'informations auparavant. Comme toujours, l'album est proposé dans un écrin à la hauteur chez Delirium, à commencer par une splendide couverture, et la texture des pages, qui permet de profiter au mieux du dessin colorié. Que demander de plus? Sortie imminente, le 4 mars.
JUDGE DREDD CONTRÔLE : L'UNIVERS DE DREDD REVIENT CHEZ DELIRIUM
BATMAN IMPOSTER : DERNIÈRE LECTURE AVANT "THE BATMAN"
RECKLESS L'ENVOYÉ DU DIABLE : LES MAITRES DU PULP FRAPPENT ENCORE
Ethan Reckless est de retour. Agent du FBI infiltré dans le milieu activiste, mis définitivement sur la touche après une explosion, revoici donc l'homme qui aide les autres, une sorte de détective privé officieux, doué d'un sixième sens pour se mettre dans les ennuis jusqu'au cou. Cette fois nous sommes en 1985 et le quotidien d'Ethan est rythmé par une nouvelle enquête lui permettant de mieux digérer la mort de son père, et une rencontre avec une jolie bibliothécaire d'origine vietnamienne. Reckless est en effet chargé de remonter la piste d'un père de famille qui a simulé sa mort dans un accident de yacht, pour pouvoir entamer une nouvelle existence ailleurs, loin des siens. Le seul élément lui permettant de progresser dans cette affaire, c'est un livres emprunté à la bibliothèque des années auparavant et jamais restitué. Linh enregistre elle les prêts et elle s'occupe des clients (y compris ceux qui se montrent trop pressants ou gênants), c'est ainsi qu'elle va tomber petit à petit sous le charme de cet enquêteur mystérieux qui parvient à la séduire sans faire beaucoup d'efforts pour cela. Probablement car elle a aussi ses propres secrets, un drame familial qui jusque-là est resté en arrière-plan et ne serait jamais remonté au grand jour, si par le plus grand des hasards elle ne s'était pas retrouvée un soir avec Ethan dans le cinéma qui lui sert de logis, à regarder un vieux film de série B des années 70. En arrière-plan d'une scène elle croit reconnaître sa jeune sœur disparue depuis 8 ans. Une terrible révélation et une évidence : voici un cas impossible à ne pas accepter pour notre projet chevalier détective, qui est déjà en temps normal un type ne sachant résister à l'appel du danger. Quand il s'agit en plus de satisfaire aux besoins de celle qui lui a enfin apporté une parenthèse de paix, Ethan est le client parfait pour une nouvelle aventure où l'issue est annoncée comme tragique, dès les premiers instants. Aller au bout de cette affaire, quitte à y perdre gros, Ethan Reckless, quoi.
OUROBOROS TOME 1 : L'AMULETTE DE SALADIN
GRENDEL, KENTUCKY : DE L'HORREUR ET DE LA WEED CHEZ DELCOURT
Bienvenue dans l'Amérique rurale et profonde : la petite ville de Grendel dans le Kentucky avait autrefois de nombreuses raisons de se réjouir, à commencer par une activité minière florissante, qui avec le temps à totalement périclité. Aujourd'hui le charbon est une énergie plus ou moins abandonnée et c'est l'ensemble de la communauté qui est frappé de plein fouet par cette évolution somme toute naturelle. Assez curieusement, le nouveau business florissant à Grendel c'est la weed, autrement dit l'herbe qui se fume et permet de passer des moments de détente pas toujours licites. En parallèle, nous rencontrons une autre curiosité locale, un gang de bikers droit sortie de Sons of anarchy, si ce n'est qu'il faudrait rebaptiser la série Daughters of anarchy car ce sont toutes des filles qui le composent. Les Harlots ne plaisantent pas, elles se battent, boivent, jurent comme les motards les plus caricaturaux. Jusque-là rien donc qui aurait de quoi faire bondir le lecteur de sa chaise et l'amener en terrain insolite. C'est vers la fin du premier épisode que le récit se complique et qu'on commence à comprendre qu'il y a beaucoup plus que ce quotidien répétitif et restreint à voir. Il y a même quelque chose d'absolument incroyable, un monstre qui apparemment est tapi dans la mine de charbon et qui de temps en temps sort de sa tanière. Un monstre quasiment sous contrôle, puisque régulièrement il faut lui offrir une offrande, un individu qu'il va dévorer, et qui va permettre ensuite à la petite bourgade se bénéficier d'une culture florissante, hors norme. Une sorte de pacte qui est destiné à être brisé, remis en question. Tout débute vraiment avec le retour de Marnie, venue assister aux obsèques de son père.
Le mélange des genres, ce plaisir de lecture qui n'est pas si courant que cela. Jeff McComsey démarre tranquillement, avec une attention particulière aux atmosphères, ce sentiment d'abandon voire de déréliction qui afflige la ville de Grendel, où à part faire pétarader la moto, boire, ou fumer, il n'y a pas l'air d'avoir grand chose à faire. Mais l'arrivée, ou plutôt le retour de Marnie, permet de soulever un voile sur ce qui s'y passe vraiment, et de la chronique sociale et familiale nous débarquons sur le terrain de l'horreur. La créature cachée dans les mines est effroyable, ses victimes passées et les ossements/restes qui jonchent sa tanière ont de quoi soulever le cœur. Le scénariste n'a pas de temps à perdre (quatre épisodes) et son histoire est linéaire, impitoyable, et ne cherche aucunement à se placer sous le signe de la morale, de l'héroïsme. Il aborde juste des faits, des secrets enfouis, la terrible révélation de la vérité, la nécessité de la transcender pour mettre fin à un "accord" meurtrier, un pacte sanguinaire qui avait uni Grendel jusque là, depuis bien des années. Tommy Lee Edwards est comme un poisson dans l'eau, dans cette ambiance bien lourde. Son trait minutieux, sa manière d'utiliser l'encrage pour remplir les espaces et densifier les vignettes par la pénombre fait des merveilles. Il excelle aussi bien dans la tranquillité, les scènes statiques, que dans l'explosion gore qui éclabousse certains moments forts de cet album. Hommage discret et malin à la légende de Beowulf, Grendel,Kentucky ne se laisse pas définir si facilement. Une feinte à gauche, un crochet, et vous êtes au tapis, c'est à dire conquis, avant d'avoir compris pourquoi. Encore une excellente petite série droit venue du nouvel éditeur AWA Upshot Studios, la première à tomber dans le giron de Delcourt, après les parutions chez Panini. Ne laissez pas filer cette histoire.
FREUD & LES SUPER-HÉROS : QUAND LES HÉROS PASSENT SUR LE DIVAN DU PSY DES COMICS
LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : UN ENNEMI DU PEUPLE
Dans le 121e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Un ennemi du peuple, que l’on doit à Javi Rey à partir d’une pièce de théâtre d’Henrik Ibsen, édité chez Dupuis dans la collection Aire Libre. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
– La sortie de l’album Londonish que l’on doit au scénario de Philippe Charlot, au dessin de Miras et c’est édité chez Grand angle
– La sortie de l’album Ulysse Nobody que l’on doit au scénario de Gérard Mordillat, au dessin de Sébastien Gnaedig et c’est édité chez Futuropolis
– La sortie de l’album Gabriel que l’on doit à Emmanuel Temps et aux éditions Des ronds dans l’O
– La sortie de l’album Monsieur le commandant, adapté du roman de Romain Slocombe, scénario per Xavier Betancourt, mis en dessin par Étienne Oburie et édité chez Philéas
– La sortie du 5e tome de la série Shi intitulé Black Friday, que l’on doit au scénario de Zidrou, au dessin de Josep Homs et c’est édité chez Dargaud
– La réédition en intégrale de la série Juan Solo que l’on doit au scénario d’Alejandro Jodorowsky, au dessin de Georges Bess et c’est édité chez Les humanoïdes associés
PEACEMAKER : LA PAIX À TOUT PRIX chez HBO MAX
PETITES BALLADES CRUELLES : LA MERVEILLEUSE CRUAUTÉ DES CHOSES
STILLWATER TOME 1 : LA VILLE OÙ ON NE MEURT JAMAIS
UNIVERSCOMICS LE MAG' #20 DE FEVRIER 2022



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : BILLY LAVIGNE
Dans le 196e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Billy Lavigne que l’on doit à Anthony Pastor, un ouvrage publié chez Casterma...

-
Comme chaque samedi désormais, nous vous proposons de plonger dans l'univers de la bande dessinée au sens le plus large du terme,...
-
UNIVERSCOMICS LE MAG' 46 Octobre 2024 / 60 pages / gratuit Disponible ici (lecture + téléchargement) : https://madmagz.app/fr/viewer/...
-
UniversComics Le Mag' 42 Mai 2024. 84 pages. Gratuit. Téléchargez votre numéro ici : https://www.zippyshare.day/odVOvosYpgaaGjh/file ht...