La vie n'est pas tendre ces derniers temps pour Daniel. Sa petite amie a mis les voiles, et il vient de perdre son emploi, suite à des gestes d'humeur que sa patronne ne peut plus accepter. En pleine panade, il reçoit cependant une bonne nouvelle complètement inattendue. Une missive en provenance de Stillwater, qui concerne l'héritage d'une arrière arrière grande tante dont il ignorait jusqu'à l'existence. Accompagné de Tony, son meilleur ami, Daniel se met en route, non sans se poser de sérieuses questions. Ce qui est compréhensible : personne n'a jamais entendu parlé de cette bourgade mystérieuse, qui n'apparaît pas sur les cartes routières ni n'est indiquée par la signalétique routière. Même la gérante de la station service où les deux compères font le plein d'essence et de victuailles n'est d'aucune utilité. Pire encore, une fois presque parvenus à destination, ils sont interceptés par le shérif local, qui leur recommande de tenir un profil bas, sur le ton de ce qui ressemble plus encore à une menace. Chip Zdarsky prépare ses effets avec beaucoup de naturel, et les premières pages promettent de belles choses, tout en restant dans une certaine banalité du quotidien, sans forcer. Tout change pour de bon une fois entrés vraiment dans Stillwater. Les habitants sont incapables de fournir les bons renseignements pour se rendre à l'adresse précise indiquée, et un jeune adolescent fait une chute mortelle du haut d'un immeuble, juste devant les visiteurs de passage. Enfin, mortelle, c'est une façon de parler, puisque le gamin, une fois déposé inconscient chez le médecin du coin, se relève et s'enfuie à toutes jambes. Car oui, et ce n'est pas un spoiler puisque c'est même l'argument de vente mis en avant par cet album, à Stillwater plus personne ne peut mourir. La pire des blessures, le plus horrible des accidents, et vous êtes sur pieds quelques heures plus tard. Le problème pour Daniel et Tony, c'est que ça, ils n'auraient jamais du le savoir, le voir. Et personne n'a l'intention de les laisser repartir comme si de rien n'était!
Personne ne meurt plus à Stillwater. Ni les êtres humains, ni même la nature, qui repousse instantanément. Personne ne sait pourquoi, mais tout le monde peut aisément comprendre que le phénomène risque d'intéresser de très près les instances gouvernementales, si l'information finit par fuiter. C'est pourquoi cet album comprend aussi une belle brochette de personnages antipathiques, ou carrément détestables, car ce sont à eux que revient la charge de maintenir la chape de silence sur ce qui se passe là-bas. Chip Zdarsky, scénariste canadien à succès (en ce moment sur Daredevil et Devil's Reign) parvient à mélanger différentes thématiques, différentes approches, dans un seul récit choral, qui aborde alors plusieurs thèmes dans le même temps. Sa narration resserrée ne se perd pas en disgressions inutiles et chaque épisode permet de faire de réels pas en avant dans la construction des enjeux, qui se densifient, se complexifient à merveille. Dès le second épisode on se lance dans la découverte de Stillwater, de ses habitants, des rapports qui les unissent, de la manière employée pour garder cet étrange secret, ou au contraire les méthodes pour s'en affranchir. Zdarsky n'oublie pas de rester crédible et rationnel, même dans un contexte qui ne l'est en rien. Ainsi la réalité juridique, pénale, économique et sociale de Stillwater est disséquée, et permet d'expliquer en quoi il est pratiquement impossible pour ses habitants de fuir. Le sentiment de claustrophobie, d'inquiétude et d'urgence permanente est magnifié par le dessin de Ramon Perez, dont le trait limpide et sans fioriture n'oublie jamais de s'attarder sur les expressions des personnages, leurs réactions qui deviennent alors limpides sur des visages et des corps qui "existent" réellement. On notera l'utilisation récurrente de longues vignettes horizontales qui renforce le côté cinématographique de cet album, qui donne furieusement envie de lire la suite, dès qu'on a tourné la dernière page. Une vraie bonne idée qui devrait séduire un public très large.
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