RAT CITY TOME 1 : SPAWN EN MODE CYBERPUNK


 Avec Rat City, l’univers tentaculaire de Spawn s’offre une greffe cyberpunk au vingt-deuxième siècle. Ce diable de Todd McFarlane l'a clairement annoncé, son coffre à jouets va se remplir de nouveaux venus. Exit donc les ruelles malfamées et les monologues infernaux d’Al Simmons : place à un futur déglingué où la chair, les câbles et la culpabilité se mêlent en un nouveau monstre. Ce projet, publié chez Delcourt, a aussi la particularité historique d’introduire pour la première fois une autrice dans la galaxie Spawn : Erica Schultz, qui s’empare ici du mythe infernal avec un savant dosage d’efficacité, de clarté et de fièvre technologique. Le héros s’appelle Peter Cairn. Soldat brisé autrefois affecté à des missions peu ragoûtantes, rafistolé par la science militaire et les ambitions troubles d’une société nommée Pharmatech Solutions, il découvre que ses nouveaux membres “améliorés” ont un prix : une damnation en kit, sous forme d’armure vivante infestée de nanites. Comme souvent dans Spawn, la rédemption passe par la souffrance, mais Schultz préfère la discipline au chaos. Là où les scénarios de McFarlane avaient tendance à se complaire dans le brouillard mystique, Rat City choisit la ligne claire : peu de narration, un rythme sec, et des émotions lisibles. D'ailleurs, le héros reste humain, il ne passe pas de vie à trépas, même s'il est ici aussi manipulé sans comprendre les enjeux. Le premier épisode pose les bases avec une sobriété bienvenue : soldats mutilés, technologie invasive, corporation monstrueuse, tout le répertoire du cyberpunk est là, mais sans la complaisance visuelle habituelle. Schultz distille ses informations avec rigueur, ménage ses effets, et parvient à rendre lisible un monde saturé de codes et de gadgets numériques. La montée en tension est maîtrisée, servie par un découpage qui respire. Même si on va devoir attendre au moins une cinquantaine de pages, avant de vraiment se sentir dans une série satellite de l'univers de Spawn.



Au dessin, Zé Carlos insuffle une énergie nerveuse, presque métallique, qui évoque un Spawn sous stéroïdes futuristes. Son trait, épaulé par des couleurs saturées, déploie des jeux d’ombres et de lumières où le rouge du costume devient plus qu’une signature : c'est un danger permanent. La cape vit et agit sans ordre humain, Peter n'a pas le contrôle. Dans le troisième numéro, une séquence particulièrement marquante voit Peter se regarder dans un miroir avant de le fracasser ; les fragments de verre deviennent autant de cases éclatées, reflet de son identité pulvérisée. Ce genre d’idée graphique, à la fois simple et symbolique, est à associer au moment de folie qui l'assaille quand il se retrouve nez à nez avec l'un des scientifiques en chef de Pharmatec : des visions du Violator prennent la place des personnages que nous avons sous les yeux et viennent établir le plus évident des parallèles avec ce bon vieux Spawn que nous connaissons déjà. S’adapter ou mourir, voilà ce que répètent les autres comparses du titre, avec un second ancien soldat, Rhys, et une sorte de jeune geek un peu trop téméraire, Quinlan Wali, dont l'identité sexuelle est brouillée au point de recourir au pronom iel (j'en connais qui vont bondir de leur siège). C’est à la fois la devise des soldats et le credo de la série. Peter Cairn apprend à survivre dans un corps qui le trahit, dans un monde où l’humanité se dissout dans le silicium. Et la série elle-même s’adapte : à un lectorat nouveau, à une mythologie qui tente de se réinventer, à une envie de raconter Spawn autrement. Si le titre Rat City paraît encore un peu froid, presque générique, il dissimule une qualité qu'on ne peut pas lui nier : sous le métal et la rage, le récit est fondamentalement humain. Pour ceux qui veulent absolument recoller les morceaux et donner encore plus de sens à ce qui se produit ici (le black out, pourquoi Peter et ses prothèses deviennent une sorte de Spawn du futur) il est possible de (re)lire les épisodes 300 et 301 de Spawn, qui sont aussi très brièvement abordés dans cet album. Nouveau départ, douze épisodes d'un coup, à vous de donner une chance (ou pas) à Rat City. 


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